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H.P. Lovecraft - Cthulhu

Cthulhu lui aussi vit encore, je suppose, dans ce gouffre de pierre qui l'abrite depuis le temps où le soleil était jeune. Sa cité maudite est engloutie, une fois de plus le Vigilant est passé sur les lieux mêmes, après la tempête d'avril. Mais ses ministres sur terre continuent à mugir, à caracoler et à tuer dans les lieux solitaires, autour des monolithes couronnés de son image. Il a dû être piégé par le naufrage alors qu'il se trouvait dans sa noire citadelle, sinon, à l'heure qu'il est, le monde entier hurlerait de terreur. Qui peut prévoir la fin? Ce qui a surgi peut disparaître, et ce qui a sombré peut surgir à nouveau. L'abjection attend son heure en rêvant au fond de la mer, et la mort plane sur les cités chancelantes des hommes. Un jour viendra - mais non, je ne dois ni ne puis y penser! Si je ne survis pas à ce manuscrit, fasse le Ciel que mes exécuteurs testamentaires, préférant la prudence à l'audace, s'assurent qu'il ne tombera pas sous d'autres yeux...

H.P. Lovecraft (20/08/1890-1937) - L'Appel de Cthulhu (dernier §) (éd. Pocket)

s:août 2010 Invitation 1

Jules Laforgue - Jeux

 
(...) Salve Régina des Lis ! reine,
Je te veux percer de mes phalènes !

Je veux baiser ta patène triste,
Plat veuf du chef de Saint Jean Baptiste !

Je veux trouver un lied ! qui te touche
À te faire émigrer vers ma bouche !

— Mais, même plus de rimes à Lune...
Ah ! quelle regrettable lacune !

Jules Laforgue (16/08/1860 - 1887) - L’Imitation de Notre-Dame la Lune (1886)

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s:août 2010 Invitation 2


Guillaume Apollinaire - La Chanson du mal-aimé (strophes finales)

Soirs de Paris ivres du gin
Flambant de l'électricité
Les tramways feux verts sur l'échine
Musiquent au long des portées
De rails leur folie de machines
Les cafés gonflés de fumée
Crient tout l'amour de leurs tziganes
De tous leurs siphons enrhumés
De leurs garçons vêtus d'un pagne
Vers toi toi que j'ai tant aimée
Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes années
Des hymnes d'esclave aux murènes
La romance du mal aimé
Et des chansons pour les sirènes

Guillaume Apollinaire (26/08/1880 - 1918) – Alcools (1913)

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s:août 2010 Invitation 3

Guy de Maupassant - Georges Duroy

Il marchait ainsi qu'au temps où il portait l'uniforme des hussards, la poitrine bombée, les jambes un peu entr'ouvertes comme s'il venait de descendre de cheval ; et il avançait brutalement dans la rue pleine de monde, heurtant les épaules, poussant les gens pour ne point se déranger de sa route. Il inclinait légèrement sur l'oreille son chapeau à haute forme assez défraîchi, et battait le pavé de son talon. Il avait l'air de toujours défier quelqu'un, les passants, les maisons, la ville entière, par chic de beau soldat tombé dans le civil.

Quoique habillé d'un complet de soixante francs, il gardait une certaine élégance tapageuse, un peu commune, réelle cependant. Grand, bien fait, blond, d'un blond châtain vaguement roussi, avec une moustache repoussée, qui semblait mousser sur sa lèvre, des yeux bleus, clairs, troués d'une pupille toute petite, des cheveux frisés naturellement, séparés par une raie au milieu du crâne, il ressemblait bien au mauvais sujet des romans populaires.

Guy de Maupassant (05/08/1850 - 1893) - Bel-Ami (1885)

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s:août 2010 Invitation 4

Albert Samain - Je rêve de vers doux ...

Je rêve de vers doux et d'intimes ramages,
De vers à frôler l'âme ainsi que des plumages,
De vers blonds où le sens fluide se délie
Comme sous l'eau la chevelure d'Ophélie,
De vers silencieux, et sans rythme et sans trame
Où la rime sans bruit glisse comme une rame,
De vers d'une ancienne étoffe, exténuée,
Impalpable comme le son et la nuée,
De vers de soir d'automne ensorcelant les heures
Au rite féminin des syllabes mineures.
De vers de soirs d'amour énervés de verveine,
Où l'âme sente, exquise, une caresse à peine...
Je rêve de vers doux mourant comme des roses.

Albert Samain (1858 - 18/08/1900) - Au jardin de l'infante (1893)

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s:août 2010 Invitation 5

H.P. Lovecraft - Cthulhu

Cthulhu lui aussi vit encore, je suppose, dans ce gouffre de pierre qui l'abrite depuis le temps où le soleil était jeune. Sa cité maudite est engloutie, une fois de plus le Vigilant est passé sur les lieux mêmes, après la tempête d'avril. Mais ses ministres sur terre continuent à mugir, à caracoler et à tuer dans les lieux solitaires, autour des monolithes couronnés de son image. Il a dû être piégé par le naufrage alors qu'il se trouvait dans sa noire citadelle, sinon, à l'heure qu'il est, le monde entier hurlerait de terreur. Qui peut prévoir la fin? Ce qui a surgi peut disparaître, et ce qui a sombré peut surgir à nouveau. L'abjection attend son heure en rêvant au fond de la mer, et la mort plane sur les cités chancelantes des hommes. Un jour viendra - mais non, je ne dois ni ne puis y penser! Si je ne survis pas à ce manuscrit, fasse le Ciel que mes exécuteurs testamentaires, préférant la prudence à l'audace, s'assurent qu'il ne tombera pas sous d'autres yeux...

H.P. Lovecraft (20/08/1890-1937) - L'Appel de Cthulhu (dernier §) (éd. Pocket)