Prélude et fugue en fa dièse majeur (BWV 882)

Le Clavier bien tempéré II-13

Le Clavier bien tempéré II

Prélude et fugue n°13
BWV 882
Le Clavier bien tempéré, livre II (d)
Fa dièse majeur
Fa dièse majeur
Prélude
Métrique /
Fugue
Voix 3
Métrique 2/2
Liens externes
(en) Partitions et informations sur IMSLP
(en) La fugue jouée et animée (bach.nau.edu)

Le prélude et fugue en fa-dièse majeur, BWV 882 est le treizième couple de préludes et fugues du second livre du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach, compilé de 1739 à 1744.

Pour ouvrir la seconde partie du recueil, Bach place un prélude en forme d'ouverture à la française, magnifique et solennelle, comme il l'avait fait à mi-chemin dans les Variations Goldberg. La fugue à trois voix, commence par un trille énergique qui rend unique le curieux sujet. C'est l'une des pages où le compositeur montre sa maîtrise du contrepoint et son aisance singulièrement raffinée.



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Prélude modifier

Le prélude, noté
comporte 75 mesures.

Un peu comme les Variations Goldberg composées quelques années plus tôt, Bach débute la seconde partie du recueil avec une magnifique, solennelle et expressive[1] ouverture à la française à deux voix, qui se termine à quatre pour les accords de la fin. Après une introduction de trois mesures[2], suit un flot de doubles-croches à la main droite. La main gauche, lorsqu'elle ne reprend pas le chant, est particulièrement régulière (croche. double croche). Tout le long les dessins brisés leurrent l'oreille donnant l'illusion d'une polyphonie[3].

Le rythme pointé et ses triples-croches (par exemple à la première mesure), doit être exécuté de la même manière que dans la fugue en majeur du premier livre, c'est-à-dire comme une croche liée à une triple (et non un groupe de triples en triolet comme le font fautivement certaines partitions) ; ce que confirme la disposition des notes du manuscrit de Kirnberger[4],[5]. Ce rythme qui connaît plusieurs éléments de variété est l'un des principaux charmes de cette pièce[6].

L'appoggiature du second temps de la mesure 1 est un ajout plus tardif sur la copie d'Altnikol (1744), probablement par Bach lui-même[2].


 

Fugue modifier

Caractéristiques
3 voix — 2/2, 84 mes.
⋅ fugue en style de danse
⋅ 11 entrées du sujet
réponse réelle
⋅ deux contre-sujet
⋅ 4 divertissements
Procédé
augmentation

La fugue à trois voix, notée 2/2 est longue de 84 mesures. Bien que ne faisant pas partie des plus grandes fugues ou des plus attrayantes, c'est un exemple singulièrement raffiné de l'aisance de Bach et de sa maîtrise du contrepoint[7].

Le sujet est curieux et audacieux : il commence par un trille énergique sur la sensible, chose quasi-unique dans la littérature des fugues des XVIIe et XVIIIe siècles — exception faite de la fughetta du Magnificat sur le cinquième mode (1686) de Kerll[8] — de même que sa modulation à la sous-dominante (seulement rencontrée dans la dernière fugue du premier livre)[9]. Il n'y a guère que Beethoven qui attaquera de cette façon le sujet de la fugue de la Sonate Hammerklavier[3]. Cependant, que l'amorce en trille était courante dans les fantaisies du stile antico[8].

Les contre-sujets — dont on retrouve des éléments au sein même du sujet — ont ici une même importance[6] et forment un contrepoint triple combiné avec le sujet (mesure 64). La tête du sujet génère les trois anacrouses successives. Le premier contre-sujet (fin de la mesure 4, à la basse) est développé de la fin du sujet c et le second développe b[9] (mesure 8, au ténor).


 


Le fugue a un traitement très instrumental[1] d'une gavotte[8]. L'exposition (mesures 1–12) présente le sujet dans l'ordre : alto, soprano et basse, suivi d'une entrée supplémentaire au soprano (mesure 20). Le second groupe d'entrée se fait entendre, basse, alto, soprano (mesure 32) et le troisième à partir de la mesure 64 : basse, alto, soprano.

Au début du premier divertissement, à la mesure 12 et suivantes, on remarque la tête du sujet en augmentation dissimulée au ténor[6],[10],[11]. Cette fugue est remarquable par l'absence de cadence structurale tout au long de ses 84 mesures, ce qui lui donne une grande homogénéité[8].

Mesure 70, Bach taquine l'auditeur en plaçant un trille à la basse, alors que le thème, perdant le sien, est entamé au ténor. La même amorce transformée du sujet se présentait déjà mesure 20. La figure rythmique se retrouve à la basse mesure 73, mais sans son demi-ton et sans être de même nature[8].


 

Relations modifier

La tête du sujet trille comprise, est présente mesure 19 du prélude, au soprano. Le second contre-sujet reproduit le rythme en augmentation du début de la première mesure, à la basse, du prélude[12].

Manuscrits modifier

Parmi les sources[13], les manuscrits considérés comme les plus importants sont de la main de Bach lui-même ou d'Anna Magdalena. Ils sont :

Pour ce prélude et fugue, Bibliothèque d'État de Berlin, manuscrit Am.B 57 copié par Johann Philipp Kirnberger (1721–1783)[5].

Postérité modifier

Théodore Dubois en a réalisé une version pour piano à quatre mains[16], publiée en 1914.

Bibliographie modifier

  • (en) Hugo Riemann (trad. de l'allemand), Analysis of J.S. Bach's Wohltemperirtes clavier [« Katechismus der fugen-komposition »], vol. 2, Londres, Augener & Co., (1re éd. 1891 (de)), 234 p. (lire en ligne)
  • (en) Cecil Gray, Forty-Eight Preludes and Fugues of J.S .Bach, Oxford University Press, , 148 p. (OCLC 603425933, lire en ligne [PDF]), p. 101–103.
  • (de) Johann Nepomuk David, Das wohltemperierte Klavier : der Versuch einer Synopsis, Gœttingue, Vandenhoeck & Ruprecht, , 92 p. (OCLC 263601107), p. 113–114.
  • Hermann Keller, Le clavier bien tempéré de Johann Sebastian Bach : l'œuvre, l'interprétation, Paris, Bordas, coll. « Études », (1re éd. 1965(de)), 233 p. (OCLC 373521522, présentation en ligne, lire en ligne [PDF]), p. 183–186.
  • (en) Yo Tomita, J. S. Bach’s ‘Das Wohltemperierte Clavier II’ : A Study of its Aim, Historical Significance and Compiling Process, Leeds, University of Leeds, (lire en ligne [PDF])
  • (en) Yo Tomita, J. S. Bach’s ‘Das Wohltemperierte Clavier II’ : A Critical Commentary, vol. 2 : All the extant manuscripts, Leeds, Household World Publisher, , 1033 p. (lire en ligne [PDF]), p. 80–83
  • François-René Tranchefort (dir.), Guide de la musique de piano et de clavecin, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 867 p. (ISBN 978-2-213-01639-9, OCLC 17967083, lire en ligne), p. 34.
  • Guy Sacre, La musique pour piano : dictionnaire des compositeurs et des œuvres, vol. I (A-I), Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 2998 p. (ISBN 2-221-05017-7), p. 218.
  • (en) David Ledbetter, Bach’s Well-tempered Clavier : the 48 Preludes and Fugues, New Haven/London, Yale University Press, , 414 p. (ISBN 0-300-09707-7, OCLC 5559558992), p. 290–294.
  • (en) David Schulenberg, The keyboard music of J.S. Bach, New York, Routledge, , viii–535 (ISBN 0-415-97399-6, OCLC 63472907, lire en ligne), p. 199–238.
  • (en) Joseph Kerman, « Fugue and Its Discontents », dans Robert Curry, David Gable et Robert L. Marshall (éds.), Variations on the Canon : Essays on Music from Bach to Boulez in Honor of Charles Rosen on His Eightieth Birthday, University of Rochester Press, coll. « Eastman studies in music » (no 58), , x-375 (ISBN 1-58046-754-7, OCLC 711003832), Johann Sebastian Bach, p. 8–12.
  • Yo Tomita, « préface », dans J.-S. Bach, Clavier bien tempéré, Livre II, Henle, , xvii-163 (ISMN 979-0-2018-0017-2, lire en ligne), p. IX–XIII

Notes et références modifier

  1. a et b Tranchefort 1987, p. 38.
  2. a et b Ledbetter 2002, p. 291.
  3. a et b Sacre 1998, p. 218.
  4. Keller 1973, p. 183.
  5. a et b Manuscrit Am.B 57 sur bach-digital.de
  6. a b et c Gray 1938, p. 113.
  7. Gray 1938, p. 114.
  8. a b c d et e Ledbetter 2002, p. 292.
  9. a et b Keller 1973, p. 184.
  10. David 1962, p. 55.
  11. Keller 1973, p. 185.
  12. David 1962, p. 56.
  13. Sources du BWV 882 sur bach-digital.de.
  14. a et b Tomita 2007, p. X.
  15. « Jean-Sébastien Bach, « Le clavier bien tempéré », vol. II — copie d'Altnikol », sur International Music Score Library Project
  16. [lire en ligne]

Article connexe modifier

Liens externes modifier