Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République

Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) sont, en France, des principes de valeur constitutionnelle dégagés par le Conseil constitutionnel français et par le Conseil d'État.

Cette notion est énoncée sans plus de précisions dans le préambule de la Constitution de 1946. Le préambule de la Constitution de 1958 fait référence à ce préambule de 1946, et le juge constitutionnel, dans sa décision no 71-44 DC du 16 juillet 1971, donne force constitutionnelle à ce préambule. Les PFRLR sont donc des principes inclus dans le « bloc de constitutionnalité ».

Naissance modifier

La notion de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République est apparue dans la loi de finances du (article 91) pour caractériser la liberté d'enseignement. Cette notion fut reprise comme compromis par les députés du Mouvement républicain populaire (MRP) lors de l'élaboration de la Constitution de la Quatrième République, les députés SFIO et PCF[réf. souhaitée] s'étant déclarés hostiles à une constitutionnalisation de cette liberté aux côtés des autres droits consacrés par le Préambule[1].

Quant aux principes rattachés à cette notion, ce fut le juge qui entreprit de les définir. D'abord le Conseil d'État avec l'arrêt CE du 11 juillet 1956 « Amicale des annamites de Paris », consacrant comme PFRLR la liberté d'association, puis à partir de 1971 le Conseil constitutionnel dans sa décision no 71-44 DC sur la liberté d'association.

Aujourd'hui, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République désignent dans l'esprit des contemporains les grandes Lois des première, deuxième et troisième Républiques, notamment la liberté de conscience et la liberté d'association.

Constitutionnalisation des principes modifier

La conception extensive du texte constitutionnel que le Conseil constitutionnel français a développée à partir de 1971 a permis de reconnaître une valeur constitutionnelle à certains principes en leur attribuant la qualité de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR). Ces principes essentiels du droit français, créés par le législateur mais non écrits dans la constitution et érigés en norme constitutionnelle, comme le principe de l'indépendance de la juridiction administrative ou encore celui de la liberté d'association, s'imposent alors au législateur comme à l'administration.

C'est principalement le juge constitutionnel qui définit les PFRLR, même si sa première évocation est du fait du Conseil d'Etat (Annamites de Paris 1956). Les différentes juridictions ne se considèrent pas comme les inventeurs de ces principes mais comme leurs interprètes, recherchant par là à éviter une accusation de "gouvernement des juges"[2]. Les juges "découvrent" ces principes en les extrayant de la tradition républicaine de la France[2].

Conditions de reconnaissance modifier

Le Conseil constitutionnel vérifie l'application de quatre conditions avant de reconnaitre un PFRLR. Ainsi, ce principe doit pouvoir être dégagé :

  • d'un texte législatif, antérieur à 1946[3], date d'entrée en vigueur de la Quatrième République, d'une portée générale énonçant le principe.
  • pris par un régime républicain (ce qui exclut les productions législatives des régimes monarchiques et du régime de Vichy), même si une exception existe concernant le PFRLR dégagé dans la décision du « Conseil de la concurrence », qui s'appuie en partie sur la loi des 16 et adoptée par l'Assemblée nationale constituante et sanctionnée par Louis XVI ;
  • ayant fait l'objet d'une application continue ; aucune exception ne doit être relevée[3].
  • et consacré comme principe juridique général et non contingent. Cette condition explique pourquoi le droit du sol n'a pas été consacré comme PFRLR, étant donné que la loi de 1889 qui lui a donné un caractère absolu (confirmée par une loi de 1927) n'a pas entendu affirmer un principe mais était lié aux circonstances de l'époque, en l'occurrence la mise en place de la conscription (Conseil constitutionnel, , décision n°93-321 DC[4]). De même, les PFRLR ne sont pas assimilables aux traditions, coutumes ou simples habitudes du droit positif[5].
  • Le principe doit présenter une "importance suffisante"[3]. (Voir DC du , Mode d'élection de conseillers régionaux, 9ème considérant : "Considérant que, en tout état de cause, la règle invoquée ne revêt pas une importance telle qu'elle puisse être regardée comme figurant au nombre des "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, par suite, le grief doit être rejeté"[6].).

Depuis 2013, et la décision du Mariage pour tous, trois nouvelles conditions ont été dégagées. À cette occasion le Conseil a été amené à considérer que le caractère hétérosexué du mariage ne constituait pas un PFRLR[7].

Les principes doivent concerner au moins l'un des domaines suivants[3] :

Principes consacrés modifier

Le Conseil constitutionnel a identifié onze principes consacrés comme PFRLR :

  1. la liberté d'association[8] ;
  2. les droits de la défense[9] ;
  3. la liberté individuelle [10] ;
  4. la liberté d'enseignement[11] et notamment la liberté académique[12] ;
  5. la liberté de conscience[13] ;
  6. l'indépendance de la juridiction administrative[14] ;
  7. l'indépendance des professeurs et des maîtres de conférences d'université[15],[16] ;
  8. la compétence exclusive de la juridiction administrative pour l'annulation ou la réformation des décisions prises dans l'exercice des prérogatives de puissance publique[17] ;
  9. l'autorité judiciaire gardienne de la propriété privée immobilière[18] ;
  10. l'existence d'une justice pénale des mineurs[19] ;
  11. l'utilisation de lois locales en Alsace et en Moselle, « tant qu'elles n'ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles »[20],[21].

De plus, le Conseil d'État a érigé en 1996 l'interdiction de l'extradition de caractère politique en principe fondamental reconnu par les lois de la République (CE, Ass., , M. Koné).

Il convient de distinguer les PFRLR des autres principes retenus par le Conseil constitutionnel :

Avis divers modifier

Les PFRLR étant des principes inclus dans le « bloc de constitutionnalité », de larges critiques sont apparues : à l'époque de la Constitution de 1958, le Conseil constitutionnel fut accusé de « gouvernement des juges », prenant ainsi la place du constituant en faisant entrer dans le champ constitutionnel des textes qui auraient volontairement été laissés de côté lors de l'élaboration de la Constitution de la Cinquième République. Les partisans de cette thèse s'appuient sur les explications fournies par Michel Debré, garde des Sceaux de l'époque, au début de l'année 1959[réf. nécessaire].

Chronologie des constitutions françaises modifier

Références modifier

  1. André Roux, Ferdinand Mélin-Soucramanien, Eric Oliva, Laurent Domingo, Patrick Gaïa et Marc Guerrini, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel (20ème édition), Dalloz, p. 491
  2. a et b Gilles Champagne, L'essentiel du droit constitutionnel : 2016-2017, Paris, Gualino, , 192 p. (ISBN 978-2-297-05418-8), p. 180
  3. a b c et d Gilles Champagne, L'essentiel du droit constitutionnel : 2016-2017, Paris, Gualino, , 193 p. (ISBN 978-2-297-05418-8), p. 181
  4. « Décision no 93-321 DC du 20 juillet 1993 », Conseil constitutionnel (consulté le )
  5. Guy Carcassonne et Marc Guillaume, La Constitution introduite et commentée, Paris, éditions du Seuil, coll. « Points / Essais » (no 319), , 12e éd., 480 p. (ISBN 978-2-7578-4600-1), p. 442–443.
  6. Conseil Constitutionnel, « Décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999 Loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des Conseils régionaux. », sur Conseil constitutionnel.fr, JO du 20 janvier 1999
  7. Xavier Dupré de Boulois, Droit des libertés fondamentales, Paris, PUF, , 549 p. (ISBN 978-2-13-063500-0), p. 78
  8. Loi du 1er juillet 1901, Décision no 71-44 DC du 16 juillet 1971, « liberté d'association »
  9. Décision no 76-70 DC du 2 décembre 1976, « prévention des accidents du travail »
  10. Décision no 76-75 DC du 12 janvier 1977, « fouille des véhicules »
  11. Article 91 de la loi de finances du 31 mars 1931, Décision no 77-87 DC du 23 novembre 1977, « liberté d'enseignement et de conscience »
  12. Lois du 12 juillet 1875 et 18 mars 1880, Décision no 99-414 DC du 8 juillet 1999, « loi d'orientation agricole »
  13. Décision no 77-87 DC du 23 novembre 1977, « liberté d'enseignement et de conscience »
  14. Loi du 24 mai 1872, Décision no 80-119 DC du 22 juillet 1980, « validation d'actes administratifs »
  15. Décision no 83-165 DC du 20 janvier 1984, « libertés universitaires »
  16. « Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995 », sur Conseil constitutionnel (consulté le )
  17. Décision no 86-224 DC du 23 janvier 1987, « Conseil de la concurrence »
  18. Décision no 89-256 DC du 25 juillet 1989, « urbanisme et agglomérations nouvelles »
  19. Lois du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs et du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants, Ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante, Décision no 2002-461 DC du 29 août 2002, « loi d'orientation et de programmation de la justice »
  20. « Décision no 2011-157 QPC du 5 août 2011 »
  21. Guide pour l’élaboration des textes législatifs et réglementaires (lire en ligne), Section 3.7.1.

Voir aussi modifier