Le Prix Pinocchio est un prix décerné chaque année de 2008 à 2015, puis à nouveau en 2020, par l'association écologiste Les Amis de la Terre.

Prix Pinocchio
Nom original Prix Pinocchio du développement durable
Pays Drapeau de la France France
Date de création 2008
Site officiel www.prix-pinocchio.org

Cet anti-prix a pour but de dénoncer certaines entreprises françaises communiquant largement sur le concept du développement durable alors qu'elles auraient des activités aux conséquences les plus néfastes sur l'environnement et la société[1].

Présentation modifier

Afin de dénoncer publiquement ce décalage entre les « beaux discours » d'un côté, et la réalité des actes des entreprises de l'autre, les Amis de la Terre décernaient trois prix Pinocchio, en référence à la fameuse marionnette en bois et à sa très personnelle conception de la vérité[2]. Jusqu’en 2015, trois catégories existaient :

  • Prix Pinocchio Une pour tous, tout pour moi ! (droits humains), remis à l'entreprise censée avoir perpétré les violations les plus graves des droits humains (y compris les droits sociaux, salariaux et sociétaux) ;
  • Prix Pinocchio Mains sales, poches pleines (environnement), remis à l'entreprise censée avoir provoqué les impacts environnementaux les plus lourds ;
  • Prix Pinocchio Plus vert que vert (greenwashing), remis à l'entreprise censée avoir mené la campagne de communication la plus abusive et trompeuse au regard de ses activités réelles[3].

En 2020, le prix (catégorie Plus vert) est à nouveau décerné, en partenariat avec la Confédération paysanne. Trois entreprises sont nommées : Yara, Bigard et Lactalis.

Les entreprises sont nommées par Les Amis de la Terre et leurs partenaires (le CRID en 2011[4]). Le prix est attribué par les internautes qui choisissent parmi la liste de nommés. En 2012, 17 000 votes sont enregistrés et en 2013 41 000[3].

Palmarès modifier

Catégorie Une pour tous, tout pour moi ! (droits humains) modifier

Année Société épinglée Explication
2008 Groupe Louis-Dreyfus Pour son implication avec sa filiale brésilienne dans l'exploitation des populations indigènes Guaraní (plus de 13 000 Indiens auraient été employés dans des conditions proches de l'esclavage, avec accidents du travail, salaires impayés, dortoirs insalubres, mauvaise alimentation...) avant d'afficher la volonté d'automatiser la récolte de la canne à sucre et du coup de licencier 10 à 12 000 salariés tout cela pour une production d'agrocarburants controversés.
2009 Groupe Bolloré Pour son implication au Cameroun, avec la Société camerounaise des palmeraies (Socapalm), détenue à près de 40 % par le groupe français Bolloré, gérant plusieurs plantations de palmiers à huile ou des milliers de personnes employées seraient traités avec des conditions déplorables.
2010 SOMDIAA Pour l'acquisition de 22 000 hectares au Cameroun, entraînant l'expulsion de 6 000 personnes avec une indemnité de 5 euros par famille et par an.
2011 Tereos[4] Pour les 100 000 hectares de terres cultivables que Tereos détient au Mozambique, confisquant ainsi des terres agricoles fertiles aux populations locales.
2012 Bolera minera (Bolloré et Eramet)[5] L’entreprise a obtenu en 2010 un permis d’exploration pour la recherche de lithium en Argentine, dans une région où vivent 33 communautés indigènes.
2013 Veolia[3] En Inde, l'entreprise favoriserait les abus et les profits plutôt que le droit à l'eau.

Catégorie Mains sales, poches pleines (environnement) modifier

Année Société épinglée Explication
2008 Areva Pour les fuites survenues en juin et juillet 2008 sur le site nucléaire du Tricastin.
2009 Total Pour l'exploitation controversée par Total et six autres compagnies pétrolières du gisement Kashagan au Kazakhstan menaçant la mer Caspienne.
2010 Eramet Pour un projet d'exploitation minière sur l’île de Halmahera en Indonésie amenant à la destruction de 76 000 hectares de forêt tropicale.
2011 Société générale[4] Pour son rôle de premier ordre dans le financement de la construction du réacteur nucléaire Angra 3 au Brésil, mené par Areva et très éloigné des conditions de sécurité du secteur.
2012 Areva[5] Pour son refus de reconnaître sa responsabilité dans la dégradation des conditions de vie des populations vivant à proximité de ses mines d’uranium en Afrique et pour le décès d’un de ses ex-salariés par cancer du poumon.
2013 Auchan[3] Indemnisation en attente au rayon textile !

Catégorie Plus vert que vert (greenwashing) modifier

Année Société épinglée Explication
2008 Areva Pour le slogan : « Nos énergies ont de l’avenir, un avenir sans CO2 ». Alors que le bilan carbone final d'un kilowattheure d'origine nucléaire peut atteindre le tiers de celui d'un kilowattheure produit dans une centrale au gaz.
2009 EDF Pour le slogan « Changer d'énergie ensemble »,
2010 Crédit agricole Pour le financement de la méga centrale au charbon de Medupi en Afrique du Sud
2011 Vinci[4] Pour le discours de « verdissement » du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Afin de compenser la destruction massive de terres agricoles, Vinci se contente de créer un observatoire agricole, une ferme de démonstration en face des parkings et une AMAP afin d’« encourager l’agriculture durable ».
2012 Lesieur[5] Pour sa campagne publicitaire « Aidons l’Afrique : une bouteille d’huile Lesieur achetée, une bouteille envoyée », menée en parallèle du développement de l'industrie des agrocarburants, qualifiée de « crime contre l'humanité » par Jean Ziegler.
2013 Air France Comment l'entreprise plane avec la compensation carbone.
2014 GDF Suez[6] L'ONG reproche au groupe industriel les grands barrages qui seraient responsables de 4 % des émissions de gaz à effet de serre
2020 Yara L’agriculture « intelligente face au climat » est en fait basée sur l’utilisation intensive d’intrants chimiques, au détriment de la santé, des écosystèmes et du climat[7].

Quelques-unes des nommés modifier

Nommées 2008 modifier

4 193 votes ont été enregistrés en 2008.

Catégorie # Nom de l'entreprise Vote Motif
Une pour tous,
tout pour moi !

Droits humains
1er Groupe Louis-Dreyfus 36 % Esclavage et exploitation autour de la production d'éthanol au Brésil.
2e Suez 32 % Privatisation de la gestion de l'eau : des promesses non tenues en Argentine.
3e Alstom 18 % 50 000 personnes déplacées de force pour le barrage de Merowe (Soudan).
4e Société générale 14 % Un patrimoine historique et 78 000 Kurdes menacés par le barrage d'Ilisu (Turquie).
Mains sales,
poches pleines

Environnement
1er Areva 48 % Tricastin : attention, site à très haut risque !
2e Total 29 % Le torchage du gaz se poursuit au Nigeria, au mépris de l'environnement.
3e BNP Paribas 14 % Financer une centrale nucléaire russe en zone sismique : le cas Beléné (Bulgarie).
4e Crédit agricole 9 % Botnia, une usine de pâte à papier polluante qui cause de graves conflits diplomatiques.
Plus vert que vert
Greenwashing
1er Areva 48 % Campagne « Nos énergies ont de l'avenir. Un avenir sans CO2 ».
2e Total 26 % Campagne « Total contribue à l'essor des énergies nouvelles ».
3e Renault 18 % Spot Renault Koleos « Himalaya »
4e Constructions industrielles de la Méditerranée (CNIM) 9 % Campagne « Pour sauver la mozzarella, soutenons l'incinération ! ».

Nommées 2013 modifier

41 366 votes ont été enregistrés en 2013.

Catégorie # Nom de l'entreprise Vote Motif
Une pour tous,
tout pour moi !

Droits humains
1er Veolia 39 % En Inde, l'entreprise favorise les abus et les profits plutôt que le droit à l'eau.
2e Société générale 32 % Détruire la Grande barrière de corail pour du charbon ?
3e Total 29 % Énergies fossiles à tout prix ? L'entreprise s'attaque aux gaz de schiste en Patagonie...
Mains sales,
poches pleines

Environnement
1er Auchan 50 % Indemnisation en attente au rayon textile !
2e Apple 26 % Le ver est dans la mine.
3e Alstom 24 % Alstom prospère à l'ombre des grands barrages.
Plus vert que vert
Greenwashing
1er Areva 59 % L'entreprise réécrit en vert l'histoire de l'uranium.
2e BNP Paribas 30 % L'entreprise finance la recherche sur le changement climatique... qu'elle provoque elle-même !
3e Air France 11 % Comment l'entreprise plane avec la compensation carbone.

Notes et références modifier

  1. Quelles multinationales ont gagné le prix Pinocchio ?, par Rémi Barroux, sur le site Le Monde (lemonde.fr), 20 novembre 2013.
  2. (en) Valérie Lépine, Pratiques et réflexions autour des dispositifs d'apprentissage et de formation des communicateurs, Presses universitaires de Louvain, , 206 p. (ISBN 9782875583406)
  3. a b c et d Charly Triballeau, « Les 3 entreprises auréolées des "Prix Pinocchio" », Challenges,‎ (lire en ligne)
  4. a b c et d Rémy Maucourt, « Vinci épinglé par le jury des prix Pinocchio », L'Usine Nouvelle,‎ (lire en ligne)
  5. a b et c Catherine Figuière, Bruno Boidin et Arnaud Diemer, « Encadré 5.11 Les lauréats du prix Pinocchio en 2012 », dans Économie politique du développement durable, De Boeck supérieur, , 273 p. (ISBN 9782807313439), p. 168
  6. Ampeau 2018, p. 25.
  7. avec AFP, « Salon de l’agriculture. « Prix Pinocchio » remis à la société Yara pour dénoncer le greenwashing », sur Ouest-France.fr, (consulté le )

Bibliographie modifier

  • Ruth Stégassy, Jean-Christophe Francis et Laurence Jennepin, « Responsabilité sociale et environnementale des entreprises, les Prix Pinocchio », sur RadioFrance (France Culture) (consulté le )
  • Gérard Ampeau, « Prix Pinocchio 2014 », dans La comédie de la notation, Éditions EMS, , 300 p. (ISBN 9782376871668), p. 203-204
  • Andrea Catellani, « Les aventures de Pinocchio au pays du greeenwashing. Analyse des stratégies de contradiction dans le site du Prix Pinocchio », dans Andrea Catellani, Assaël Adary, Jean-Marie Pierlot, Nicole d'Almeida, Thierry Libaert, Jean-Pierre Beaudoin, Valérie Carayol, Jean-Marie Charpentier, Bernard Dagenais, Nicole Denoit, Toni Muzi Falconi, Joel Hasse Ferreira, Axel Gryspeerdt, Christine Hambursin, Karine Johannes, Jean-Claude Jouret, Baudouin Velge, Yves Winkin, Contredire l’entreprise, Presses universitaires de Louvain, , 162 p. (ISBN 9782875581907), p. 59-68

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Lien externe modifier