Réacteur nucléaire G1

ancien réacteur nucléaire militaire français situé à Marcoule

Le réacteur nucléaire G1 était un réacteur nucléaire militaire construit à partir de 1955 par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) à Marcoule. Il est mis à l'arrêt définitif le , et actuellement en niveau 2 AIEA de son démantèlement nucléaire. Il utilisait comme combustible nucléaire de l'uranium naturel (non enrichi) modéré par du graphite, dont il tient son nom G1 (G pour graphite). Il s'agit du premier réacteur électronucléaire français, à l'origine de la filière française des réacteurs à l'uranium naturel graphite gaz.

Réacteur nucléaire G1
Présentation
Type
Mise en service
Mise à l’arrêt définitif
Caractéristiques
Caloporteur
air
Modérateur
graphite
Neutrons
thermiques
Puissance thermique
46 MW
Localisation
Localisation
Coordonnées
Carte

Fonctionnement : 1956-1968

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Le réacteur G1 est construit en 1955 et mis en service en 1956[1]. Sa première divergence a lieu le . Ce jour-là, de nombreux spécialistes nucléaires, physiciens, ingénieurs de sûreté et de protection sont rassemblés dans le hall de G1, avec parmi eux Pierre Guillaumat et Francis Perrin[2]. Refroidi à l’air à la pression atmosphérique, il possède à l'origine une puissance thermique maximale de 30 mégawatts[3], augmentée par la suite jusqu'à 46 mégawatts[1].

Production d'électricité

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Dès , EDF et le CEA passent un accord pour ajouter à ce réacteur une installation de production d'électricité expérimentale devant servir de modèle pour de futur réacteurs électronucléaires[4].

Le , G1 produit de l’électricité d’origine nucléaire, ce qui en fait le premier réacteur électronucléaire d'Europe continentale de l’Ouest[5]. Le refroidissement du réacteur est assuré par 2500 m3 d'air par jour, qui vaporisent de l'eau du Rhône à 200 °C pour actionner une turbine à vapeur entrainant un générateur électrique de 5 mégawatts[3]. Mais G1 rencontre des difficultés à respecter les contraintes thermiques requises pour la production d'électricité[4]. Son faible rendement thermodynamique fait que la puissance électrique produite reste inférieure aux 8 mégawatts consommés par le réacteur[3] pour alimenter les soufflantes assurant la circulation de l'air de refroidissement[6].

Production de plutonium

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À partir de 1958, G1 permit de produire 10 à 15 kg de plutonium par an. Des cartouches d’uranium naturel étaient introduites en grand nombre dans le réacteur G1 et, après y être restés quelques jours, passaient dans l’usine d'extraction du plutonium UP1 de Marcoule par un tunnel construit sous la route. Par le procédé chimique « purex », l’uranium irradié était alors retraité et le plutonium extrait[7].

Jusqu'en 1959, le combustible nucléaire de G1 était fourni exclusivement par l'usine du Bouchet, qui fut progressivement remplacée par l'usine de Malvesi et la SICN. Le cœur était constitué de 100 tonnes d'uranium réparties dans plus de 2000 barres[3].

Le plutonium produit par G1 fut employé lors du premier essai nucléaire français Gerboise bleue dans le désert algérien en 1960.

Incidents et surveillance radiologique

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Pour la surveillance des effluents radioactifs rejetés par la cheminée, le service de radioprotection du CEA construisit trois stations de contrôle de la radioactivité atmosphérique[8] :

  • Codolet, à 3 km de Marcoule sous le vent le plus fréquent (Mistral) ;
  • Villeneuve-lès-Avignon, dans les combles de l’Hôtel de Ville ;
  • Mornas, près d’Orange, sur le toit d’un garage.

Le 26 octobre 1956, alors que G1 atteint pour la première fois une puissance maximale de 40 MW thermique converti en 3 MW électrique, 5 à 7 kg d'uranium s'oxyde et fond dans une cartouche de combustible, probablement en raison d'une réduction accidentelle du débit de gaz de refroidissement. Le canal accidenté et les canaux voisins sont fortement contaminés, mais les conséquences extérieures auraient été rendues négligeables grâce aux filtres[9]. La quantité d’iode libérée à l’extérieur fut estimée de l’ordre de 100 à 200 curies (3,7 à 7,4 TBq de 131I)[10].

Le tube contenant cette cartouche de combustible fondu ne sera pas ouvert pour analyse avant 1961[11] en raison des risques encouru lors de cette opération. Dans un compte rendu du mois de novembre 1956, le Groupe de protection contre les radiation (GPR) de Marcoule estime que « des consignes très strictes ont permis à l’ensemble du  personnel de ne pas dépasser une irradiation de 100 mrem/semaine » (1 mSv/semaine)[10]. Entre 3 et 7 kg d'uranium ont fondu selon l’estimation initiale que beaucoup d’agents du CEA considèrent alors comme surestimée[12]. L’analyse de 1961 confirme cette estimation (entre 5 et 7 kg). Ce premier "incident grave" de l'histoire du nucléaire français[13] est présenté par des experts du CEA lors de la seconde Conférence internationale sur l'utilisation de l'énergie atomique à des fins pacifiques à Genève en 1958[14].

Le réacteur fut définitivement mis à l'arrêt le .

Caractéristiques

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G1 est constitué d'un cylindre horizontal octogonal de 8,80 m de long et de 9,70 m de section contenant le graphite modérateur[15]. Il est refroidi en circuit d'air ouvert, admis par une fente verticale centrale, et rejeté par les extrémités vers une cheminée de 100 m de haut[15]. Il comporte 1337 demi-canaux implantés horizontalement dans le massif de graphite, et contenant chacun une cartouche de combustible[14]. Cette cartouche de 3,7 m de long est composée de 37 cylindres d'uranium de 26 mm de diamètre et 100 mm de long, mis dans un tube à ailettes en magnésium de 67 mm de diamètre hors tout[12].

Démantèlement : depuis 1969

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La première phase de démantèlement a débuté en 1969, elle a consisté à déposer l’ensemble des circuits externes, notamment celui de refroidissement, et à assurer le confinement des blocs réacteurs. Elle s’est achevée dans les années 80[16].

En 1996, le réacteur est démantelé jusqu'au niveau 2 AIEA, c'est-à-dire jusqu'au confinement statique du bâtiment du réacteur nucléaire, et le CEA dit « étudie[r] l'éventualité de démanteler G1 jusqu'au niveau 3 (démantèlement total)[17] ». En 2020, le CEA n'annonce plus de date de fin du démantèlement, ces opérations dépendent de la mise en service de l’installation de stockage des déchets FAVL (faible activité à vie longue)[18]. Le coût total du démantèlement des réacteurs sera de l’ordre de 500 millions d’euros[16].

En , dans les 800 mètres carrés qui accueillaient auparavant le réacteur nucléaire G1, le CEA de Marcoule a inauguré une exposition dénommée InfoDEM afin de présenter la problématique du démantèlement nucléaire à des groupes de collégiens, lycéens, étudiants, enseignants et des entreprises sélectionnées[19].

Références

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  1. a et b Marcoule : les réacteurs plutonigènes G1, G2 et G3 - CEA [PDF].
  2. La divergence de G1 Marcoule, 7 janvier 1956 - Rémy Carle, ancien directeur de la construction des réacteurs au CEA
  3. a b c et d Le centre atomique de Marcoule - vidéo magazine ORTF - 6 octobre 1956.
  4. a et b Histoire de la sureté de l'énergie nucléaire civile en France (1945-2000) - Thèse de FOASSO Cyrille - 2003 - Université Lumière Lyon 2.
  5. 28 septembre 1956 Les kilowatts de Marcoule - David Victoroff, Valeurs actuelles (25 août 2006) sur herodote.net
  6. Marcoule produira 100 kg de plutonium par an - Pierre de Latil - Sciences et Avenir no 109, mars 1956 [PDF].
  7. Désarmement : quand la France démantèle ses usines de matières fissiles, Jean-Dominique Merchet, journaliste à Libération.
  8. Radioprotection de la pile à graphite gaz G1 (1952 - 1956) - Société française de radioprotection.
  9. Liste chronologique des accidents et incidents graves survenus sur des réacteurs nucléaires, Gazette nucléaire .
  10. a et b Michaël Mangeon, Mathias Roger et Laurent Coudouneau, « 26 octobre 1956 : incident de fusion sur le réacteur G1 du CEA Marcoule – Retour sur une date fondatrice », Revue générale nucléaire,‎ (lire en ligne).
  11. Archive du CEA Marcoule, publiée par Michael Mangeon le 22 août 2022.
  12. a et b Henry Joffre, « Des années passionnantes au service de la radioprotection des installations de physique du CEA », Radioprotection, vol. 45,‎ (lire en ligne Accès libre [PDF]).
  13. Cyrille Foasso, Histoire de la sureté de l'énergie nucléaire civile en France (1945-2000) — Technique d'ingénieur, processus d'expertise, question de société (Thèse de doctorat en Histoire), Lyon, (lire en ligne)
  14. a et b De Rouville, Leduc et Segot, « Combustion partielle d'une cartouche de combustible dans le réacteur G 1 », Rapport CEA 999,‎ (lire en ligne Accès libre) [PDF].
  15. a et b P. Schmitt, P. Tanguy, A. Teste du Bailler et C. Zaleski, « Système uranium naturel-graphite », Rapport CEA 968,‎ (lire en ligne, consulté le ) [PDF].
  16. a et b Marcoule : démantèlement des réacteurs G1, G2 et G3 - CEA - Direction des Applications Militaires, 2010 [PDF].
  17. Rapport no 179 - L'évaluation de la recherche sur la gestion des déchets nucléaires à haute activité - Tome II : Les déchets militaires - Rapport parlementaire de l'OPECST, Christian Bataille, 1997/98.
  18. « Les démantèlements d’installations nucléaires en France : installations du CEA à Marcoule », sur www.irsn.fr, (consulté le ).
  19. Thierry Allard, « Marcoule l'Espace InfoDEM, pour tout savoir sur le démantèlement des centrales », sur objectifgard.com, (consulté le ).

Voir aussi

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Articles connexes

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