Choc anaphylactique
Le choc anaphylactique est une réaction allergique exacerbée, entraînant dans la plupart des cas de graves conséquences et pouvant engager le pronostic vital.
Médicament | Adrénaline |
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Spécialité | Médecine d'urgence et immunologie |
CIM-10 | T78.2 |
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CIM-9 | 995.0 |
DiseasesDB | 29153 |
MedlinePlus | 000844 |
eMedicine | 135065 |
MeSH | D000707 |
Il s'agit d'une manifestation d'hypersensibilité immédiate (type I) due à la libération de médiateurs vasoactifs chez un sujet au préalable sensibilisé.
Le choc anaphylactique peut également être non allergique.
Étymologie
modifierLe néologisme « anaphylaxie » créé par Charles Richet en 1902[1],[2] vient du grec ana (ανα) « en sens contraire », et phulaxis (φύλαξις) « protection »[3].
Le choc anaphylactique est la forme la plus grave d'anaphylaxie[4].
Histoire
modifierEn 1901, le prince Albert Ier de Monaco invite le professeur Charles Richet et le zoologiste Paul Portier (assistant du professeur Albert Dastre à la Sorbonne) à une expédition océanographique au Cap-Vert et aux Açores pour étudier la nature du poison contenu dans les physalies, redoutées des pêcheurs. Au cours de campagnes précédentes, le prince avait noté les lésions sur les mains des pêcheurs de plus en plus douloureuses à mesure que se développaient les opérations de tri de pêche dans lesquelles figuraient ces cnidaires. De retour au laboratoire de physiologie de la faculté de médecine de Paris, Richet et Portier établissent en 1902 le phénomène sur le plan expérimental en injectant des doses de toxines de physalie sur des chiens[5],[3],[6]. Charles Richet poursuivit ses travaux sur l'anaphylaxie de 1902 à 1911[2], pour lesquels il reçut le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1913[7].
Signes cliniques
modifierLe choc anaphylactique se signale par les signes suivants (quatre stades de gravité selon la classification de Ring et Messmer de 1977[8]) :
- grade I : troubles cutanéomuqueux plus ou moins généralisés ; érythème, urticaire, urticaire géant avec ou sans œdème angioneurotique, sans autres symptômes ;
- grade II : atteinte modérée d'au moins deux organes avec signes cutanéomuqueux, chute de la pression artérielle, tachycardie inhabituelle, hyperréactivité bronchique (toux, difficulté ventilatoire et à déglutir, en raison d'un œdème de la gorge). Des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées) sont également possibles ;
- grade III : atteinte multiviscérale sévère. Elle menace la vie du patient et impose un traitement immédiat et spécifique. Les signes en sont le collapsus, la tachycardie ou bradycardie, des troubles du rythme cardiaque, le bronchospasme.
Les signes cutanés peuvent être absents ou n’apparaître qu’après la remontée de la tension ; - grade IV : arrêt circulatoire ou respiratoire ; la mort peut survenir par arrêt circulatoire qui désamorce la pompe cardiaque, ou par un spasme majeur au niveau des bronches, entraînant un état d'asphyxie, ou encore par œdème pulmonaire.
Physiopathologie
modifierLors d'un premier contact avec une substance étrangère à l'organisme (appelé allergène), le système immunitaire produit des anticorps IgE dirigés contre l'allergène. Ces anticorps IgE sont sécrétés par des plasmocytes. Libérés dans la circulation sanguine, ils vont se fixer sur les mastocytes ou les polynucléaires basophiles (globules blancs de la catégorie des granulocytes) via des récepteurs qui augmentent la durée de vie des IgE.
Ce premier contact et cette production d'IgE n'entraînent pas à eux seuls de signes cliniques. On parle alors de « sensibilisation ».
Lors d'un deuxième contact avec l'allergène, son contact avec les anticorps IgE fixés sur la membrane des mastocytes et des polynucléaires basophiles va induire la dégranulation de ces derniers, entraînant la libération de médiateurs vasoactifs (tels que l'histamine, la sérotonine, des prostaglandines, des leucotriènes, des bradykinines…). Si un nombre suffisant de médiateurs sont libérés, une réaction allergique a lieu.
Cette deuxième rencontre de l'agent allergène n'entraîne pas nécessairement la réaction anaphylactique. Le choc anaphylactique n'étant que le dernier stade (et le plus grave) de la réaction allergique.
Dans le cas des chocs anaphylactiques, la réintroduction d'un allergène chez un sujet déjà sensibilisé, c'est-à-dire la libération de ces substances vasodilatatrices va induire une chute des résistances vasculaires périphériques (responsable d'une hypovolémie relative), une augmentation de la perméabilité des capillaires (responsable d'une hypovolémie absolue et d'œdèmes). Ces mécanismes pathologiques vont être dans un premier temps compensés par l'augmentation du rythme cardiaque, empêchant dans un premier temps la chute de la pression artérielle. Puis, les pressions de remplissage et le débit cardiaque vont chuter, entraînant le collapsus.
Il existe un deuxième type de choc dit « anaphylactoïde ». Dans ce cas, la libération des substances vasodilatatrices se fait sous l'action directe d'un toxique et non pas après contact allergène-anticorps[9]. C'est une réaction non IgE-dépendantes.
Clinique
modifierLes symptômes les plus fréquemment retrouvés (isolés ou associés) sont :
- des signes cutanés (éruptions cutanées, prurit (démangeaisons) au niveau des lèvres, de la bouche, des yeux, œdème au niveau du visage) ;
- des signes respiratoires (dyspnée, œdème de la glotte, bronchospasme, éternuements, toux) ;
- des signes digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales) ;
- des signes de collapsus cardiovasculaire, une hypotension.
On retrouve aussi des vertiges, palpitations, frissons et une perte de conscience pouvant mener au coma.
Causes
modifierParmi les allergènes les plus fréquents, on peut mentionner :
- les agents anesthésiques et apparentés (24 % des cas[réf. souhaitée]), dans l'ordre décroissant de fréquence : curares (en particulier la succinylcholine), hypnotiques intraveineux, dérivés de la morphine, anesthésiques locaux du groupe ester ;
- les aliments comme les poissons, les fruits de mer, les noix, les œufs, l'arachide (cacahuètes), la viande de mammifère…
- les piqûres d'insectes (17 % des cas[réf. souhaitée]), notamment des hyménoptères ;
- les antalgiques (15 % des cas[réf. souhaitée]) ;
- les dérivés iodés (13 % des cas[réf. souhaitée]) ;
- les antibiotiques (9 % des cas[réf. souhaitée] : notamment les bêta lactamines) ;
Dans 20 à 30 % des cas, le facteur déclenchant n'est pas identifié.
Traitement
modifierLe choc anaphylactique est une urgence vitale.
Le seul traitement du choc anaphylactique reste l'utilisation de l'adrénaline (épinéphrine) par voie intramusculaire, ou intraveineuse (pour les médecins spécialistes uniquement), à petites doses (0,30 à 0,50 mg par voie intramusculaire étant les doses les plus souvent recommandées[10]). L'administration sous-cutanée est proscrite car trop lente. Une injection intraveineuse ne peut être effectuée qu'en présence d'un collapsus cardiovasculaire, de préférence par une équipe spécialisée; la solution d'adrénaline doit d'abord être diluée (1/10 000) et l'injection doit se faire lentement, de préférence sous surveillance cardiaque. Pour les patients ne répondant pas à l'adrénaline ou pour les patients traités par des bêta-bloquant, l'injection de glucagon est possible.
Il existe aussi un auto-injecteur à base d'adrénaline pour administration intramusculaire, ce qui peut être utile par exemple pour les personnes qui savent qu'elles sont allergiques aux piqûres d'abeilles ou de guêpes. Des instructions doivent toutefois leur être données en ce qui concerne la dose à utiliser, la manière de procéder, ainsi que sur les possibilités de désensibilisation.
L'hypovolémie est compensée par un remplissage vasculaire, sont également utilisés des bronchodilatateurs (bêta 2-mimétiques de courte durée d'action en aérosols) pour lutter contre la bronchoconstriction.
En cas de réactions œdémateuses associées, on utilise les corticoïdes.
Plusieurs pays ont publié des recommandations, quant à la prise en charge, dont les États-Unis[11] et la Grande-Bretagne[10].
Prévention
modifierOn retiendra surtout qu'en prévention d'une rechute, mieux vaut éviter tout contact avec l'agent allergène responsable (s'il a pu être identifié).
On peut également utiliser les antihistaminiques ou la désensibilisation.
Le sujet devra toujours porter sur lui une seringue d'adrénaline auto-injectable, dont l'apprentissage d'utilisation peut se faire auprès d'un allergologue ou d'un pharmacien.
Notes et références
modifier- (en) Murray Dworetzky, Sheldon Cohen, Sheldon G. Cohen et Myrna Zelaya-Quesada, « Portier, Richet, and the discovery of anaphylaxis: A centennial », The Journal of Allergy and Clinical Immunology, vol. 110, no 2, , p. 331–336 (ISSN 0091-6749 et 1097-6825, PMID 12170279, DOI 10.1016/S0091-6749(02)70118-8, lire en ligne, consulté le )
- Gabriel Richet, « Charles Richet: l'anaphylaxie », Histoire des sciences médicales, tome XXVII, 1993, n°3, p. 6 (ISSN 0440-8888, lire en ligne)
- Claude Molina, L'allergie à l'aube du troisième millénaire, John Libbey Eurotext, , p. 12
- « Anaphylaxie ⋅ Inserm, La science pour la santé », sur Inserm (consulté le )
- Gabriel Richet, « La découverte de l'anaphylaxie », L'internat de Paris, octobre 1998, n°18 (lire en ligne)
- H. Schadewaldt, « La croisière du Prince Albert 1er de Monaco en 1901 et la découverte de l'anaphylaxie », In: Colloque International sur l'Histoire de la Biologie Marine, Paris: Masson & Cie, 1965, p. 305-313.
- (en-US) « The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1913 », sur NobelPrize.org (consulté le )
- (en) Ring J. et K. Messmer « Incidence and severity of anaphylactoid reactions to colloid volume substitutes » Lancet 1977;1(8009):466-9.
- Dans le cas, par exemple, des produits de contraste iodés
- (en) [PDF] Working Group of the Resuscitation Council (UK), [www.resus.org.uk/pages/reaction.pdf Emergency treatment of anaphylactic reactions, Guidelines for healthcare providers], 2008.
- (en) Lieberman P, Kemp SF, Oppenheimer J et al. (editors). « The diagnosis and management of anaphylaxis: an updated practice parameter » J. Allergy Clin. Immunol. 2005;115:S483–S523.
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Moneret-Vautrin, D. A., Morisset, M., Kanny, G., Beaudouin, E., & Parisot, L. (2002). Premier rapport du réseau français d'allergovigilance concernant l'anaphylaxie alimentaire grave. La Revue de médecine interne, 23, 648s.
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier
- Ressources relatives à la santé :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :