Résident de France à Wallis-et-Futuna

administrateur colonial français pour Wallis-et-Futuna

Le résident de France à Wallis-et-Futuna représente l'administration française sur les îles de Wallis et Futuna, dans l'océan Pacifique, durant le protectorat de Wallis-et-Futuna de 1887 à 1961. La plupart des résidents restent pendant quelques années sur ce territoire où le pouvoir est partagé entre les rois coutumiers, la mission catholique, l'administration française et les commerçants. Les prérogatives et les conditions d'exercice des premiers résidents sont très réduites au début du protectorat, puis se renforcent en 1905 avec l'arrivée du premier médecin-résident. Certains tentent d'étendre leur pouvoir, comme Jean-Joseph David (1933-1938) qui prend la place du roi de Wallis et lance des grands travaux à marche forcée. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'évêque Alexandre Poncet convainc le résident Léon Vrignaud de rester fidèle au régime de Vichy. Arrêté par les forces françaises libres, Vrignaud est remplacé par un résident gaulliste. À partir de 1948, les résidents sont des administrateurs de la France d'outre-mer. Pierre Fauché est le dernier résident du protectorat qui est transformé en territoire d'outre-mer en 1961, à la suite du référendum de 1959 et des mutations socio-économiques que connait l'archipel.

Le résident habite à Wallis et ne visite Futuna que quelques jours par an ; c'est un missionnaire qui est officiellement chargé de le représenter sur cette île. Il est assisté d'un chancelier, qui fait également office d'opérateur radio à partir des années 1930, et d'interprète : les langues locales sont le wallisien et le futunien et les habitants ne parlent pas le français. Jusqu'en 1910, le résident dépend officiellement du gouverneur de Nouvelle-Calédonie. Tout au long du protectorat, les liens administratifs et politiques avec Nouméa sont importants. Le résident de France à Wallis-et-Futuna Il a pour rôle d'assurer l'ordre public, de conseiller les rois et de contrôler le budget. Il valide l'élection des rois coutumiers (qui sont choisis par les familles royales), ce qui occasionne parfois des crises politiques. Les résidents mettent également en place des cultures d'exportation, en premier lieu le coprah, afin de réaliser des rentrées fiscales pour le protectorat.

Historique modifier

Le protectorat de Wallis-et-Futuna est créé en 1887 à Wallis et étendu à Futuna l'année suivante à la demande des rois coutumiers, influencés par les missionnaires maristes inquiets de l'influence protestante et britannique dans cette région du Pacifique.

Débuts du protectorat (1888-1905) modifier

Le premier résident, Antoine-Marius Chauvot, arrive en 1888. Ses conditions de vie sont assez précaires : il n'a pas de logement de fonction et sa maison est inondée à la suite de tempêtes. Pour le géographe Jean-Claude Roux, « il [fait] plus figure d'explorateur que de fonctionnaire »[R 1]. Ses successeurs se plaignent également des mauvaises conditions de vie[R 2]. L'isolement, la difficulté des communications avec la Nouvelle-Calédonie et le manque de moyens fait que l'administration française est très limitée, Roux évoquant un « protectorat non administré »[R 3]. L'administration coloniale française enjoint aux résidents de mettre en place une fiscalité locale pour financer le protectorat, mais cela est difficile à cause des réticences de la chefferie wallisienne. Une taxe sur l'exploitation du coprah est « péniblement obtenue » en 1896[R 4] et le protectorat continue à être financé par le budget de la Nouvelle-Calédonie[R 5]. En 1902, le gouverneur Paul Feillet envisage même de supprimer le poste de résident pour le confier à un missionnaire[R 5]. Pour Jean-Claude Roux, la faiblesse de l'administration à Wallis-et-Futuna montrent le faible intérêt du territoire pour la France et l'absence de projet de colonisation[réf. souhaitée].

Le budget du protectorat s'établit à 12 500 francs en 1908 ; les recettes de la mission catholiques atteignent le double, en raison des amendes payées par la population à l’Église en cas de non respect des règles (absence à la messe...), les dons, quêtes et offrandes, ainsi que l'export du coprah (la mission reçoit les bénéfices de plusieurs propriétés)[R 6]. Les églises construites au XIXe siècle dans l'ensemble de l'île sont construites par la population, les matériaux et la main d’œuvre étant fournis par les villageois au titre des travaux collectifs obligatoires (fatogia)[R 7]. Cette situation privilégiée contraste fortement avec les débuts de la mission dans les années 1840[R 7].

L'affirmation des résidents (1905-1942) modifier

Pierre-Élie Viala arrive en 1905 : c'est le premier médecin-résident. Les enjeux internationaux ne sont plus les mêmes : les Tonga sont passées sous contrôle britannique et es Samoa sous contrôle allemand, la France peut donc se permettre de renforcer son influence sans risquer de froisser les autres puissances européennes[R 8].

Seconde guerre mondiale modifier

La seconde Guerre mondiale marque le renforcement de la résidence. En 1942, une force de police indépendante est créée[A 1].

Fin du protectorat modifier

Le protectorat prend fin le 29 juillet 1961 : Wallis-et-Futuna devient un territoire d'outre-mer, comme l'a approuvé la population lors du référendum de 1959. Pierre Fauché est le dernier résident, il accompagne ces changements institutionnels et part le 9 juillet 1961[1]. Par la suite, l’État est représenté par un administrateur supérieur qui a le rang de préfet.

Fonctions modifier

Caractéristiques modifier

Les résidents restent sur l'île en moyenne quatre ans, contrairement à la mission catholique qui est présente sur le long terme[R 9]. En 1906, un accord signé avec le Lavelua prévoit que le résident soit également un médecin, membre du corps de santé colonial[2].

Résidence modifier

La résidence de France à Wallis au début du XXe siècle (entre 1904 et 1909).

Lors de la signature du protectorat, un terrain est prêté par la reine Amelia Tokagahahau à l'administration française (le droit coutumier wallisien interdit la vente d'un terrain : seul un droit d'usage peut être concédé). Le second résident, De Keroman, se montre très déçu de l'endroit : « à trois kilomètres du village, méchant sentier et à pic. Arrivée à une maison en bois au milieu des brousses sur une montagne où on ne peut rien cultiver et sans eau »[R 2]. Son successeur Valsi critique également la « misérable maison en bois vermoulu avec un toit enfeuillages, trop misérable à côté des beaux presbytères en pierre de la mission »[R 2]. Le manque de rentrées fiscales provoquent le mécontentement du gouverneur de Nouvelle-Calédonie, qui refuse de financer un nouveau bâtiment en 1900[R 5].

En 1904, le capitaine Adigart, de l'aviso Protet, fait faire construire une maison en dur avec l'appui du roi afin de remplacer le bâtiment de bois initial[R 10].

Communications modifier

Le résident est secondé par un chancelier et opérateur radio (la radio arrive en 1930[R 1]), qui assure les communications avec l'extérieur, en particulier la Nouvelle-Calédonie[A 2]. Au début des années 1930, ce poste est occupé par Alexis Bernast[3], qui finit par s'intégrer dans la société wallisienne et à jouer un rôle dans les affaires locales[réf. nécessaire]. Avant l'arrivée de la radio, les communications avec l'extérieur sont plus lentes et sont transmises par bateaux (soit des navires de guerre visitant périodiquement le territoire, soit des navires de commerce)[R 1].

Lien avec Futuna modifier

Le résident habite à Wallis (avec son chancelier) et ne visite Futuna que quelques jours par an : les Futuniens sont donc plus autonomes, mais également plus délaissés par l'administration française en cas de besoin[4]. Pour pallier le manque de moyens humains, le résident confie à un missionnaire le rôle de délégué. Un religieux joue donc le rôle de seul fonctionnaire de l'île[5]. Cette situation se poursuit jusqu'aux années 1960, l'administration ne s'installant à Futuna qu'en 1959[4]. Trois prêtres seulement se succèdent entre 1881 et 1957. Le géographe Jean-Claude Roux qualifie la période 1881-1938 d'« extraordinaire stabilité », avec de bonnes relations entre les résidents et le délégué. Toutefois, la nomination du père Cantala en 1938 introduit un changement : il se montre, d'après Roux, « porteur d'un militantisme religieux exclusif et passéiste comme d'un esprit anti-administration »[R 11].

Liste des délégués du résident à Futuna
Date Nom
1881-1906 Père Queblier
1906-1938 Révérend père Haumonte
1938-1957 Père Cantala

Prérogatives modifier

Le résident de France à Wallis-et-Futuna a pour rôle d'assurer l'ordre public, de conseiller les rois et de contrôler le budget[2]. Toutefois, dans une société de don et contre-don, où les échanges monétaires sont extrêmement faibles, l'affirmation du pouvoir passe par la distribution de biens ostentatoires (nattes, cochons...) lors de grandes cérémonies coutumières. Le résident a donc un pouvoir très limité et se borne alors à conseiller les rois et à gérer la vingtaine d'occidentaux présents sur Wallis - les missionnaires et les marchands[5].

Jusqu'en 1909, le protectorat dépend administrativement et fiscalement de la Nouvelle-Calédonie. Le résident dépend donc du gouverneur de Nouvelle-Calédonie ; il est également tributaire du capitaine du navire de guerre qui rend visite périodiquement à Wallis, « bras d'appui et d'exécution si nécessaire de l'autorité coloniale »[R 12]. Wallis et Futuna représentent des îles lointaines et méconnues du gouvernement français en métropole, « sans grand intérêt »[R 1], ce qui explique qu'elles soient relativement délaissées.

Critiques modifier

Si certains résidents comme Jean-Joseph David mettent en avant leurs réussites, le gouverneur de Nouvelle-Calédonie Georges Parisot se montre en 1947 très critique à l'égard de la présence française : « notre système d'administration de cet archipel est absolument périmé [...] qu'avons-nous fait pour ces indigènes en soixante ans de protectorat ? exactement rien, sinon un hôpital où la pluie passe par le toit [et] très souvent sans médicaments »[3]. Jean-Claude Roux abonde en son sens : « l'administration coloniale n'a longtemps été qu'une pâle figurante, sans moyen, sans doctrine, devant improviser à chaque crise »[3]. Roux estime même que « pendant près de cinquante ans, de 1888 à 1933, les pouvoirs coloniaux de la France à Wallis et Futuna furent impuissants à décider, à agir et à contrôler »[R 12].

Liste des résidents de Wallis-et-Futuna modifier

La liste des résidents de Wallis et Futuna de 1887 à 1942 est donnée par Jean-Claude Roux dans son ouvrage de 1995[R 13]. Les dates données sont celles d'entrée en fonction ; la plupart des résidents sont nommés plusieurs semaines ou mois avant leur prise effective de fonction[C 1].

Date Nom Commentaire
- Antoine Marius Chauvot[R 1] Premier résident du protectorat[R 1].
- Henri Valentin Dodun de Keroman[C 1] Réussit à se faire muter à Nouméa[R 2].
- M. Valsi Résident par intérim.
- Henri Lefebvre de Sainte Marie[C 1] « amer et découragé, [il] demanda un autre poste »[R 10].
- Étienne Joseph Ponge[C 1] Administrateur stagiaire[C 1]. Reste 18 mois[R 10]
- Édouard Chaffaud[C 1]
- Pierre Élie Viala Premier médecin résident[R 5], il marque le début de l'affirmation de l'administration française[R 8]. Un traité en 1909 règle l'organisation financière et administrative de Wallis-et-Futuna : le gouverneur de Nouvelle-Calédonie est dépositaire des pouvoirs de la République française et y est représenté par un résident[C 1].
- Victor Jean Brochard[C 1] Provoque une crise. Obligé de quitter Wallis en 1910 mais y revient en avril 1912[C 1]. Signe un traité en 1910 qui renforce les pouvoirs du résident[C 1]. Tente de faire annexer le territoire, projet finalement refusé en 1924.
- Louis Bougé[C 1] Résident par intérim pendant l'absence de Brochard
- Victor Jean Brochard Revient à Wallis après y avoir été éloigné
- Edouard-Victor Magnien[C 1]
- Georges Mallet[C 1] interprète et chancelier de la résidence. Il est résident par intérim de janvier à mars 1914, avant de prendre la suite de Magnien en 1916[C 1]
- Gaston Marius Bécu[C 1] Résident par intérim, est titularisé le [C 1]
- Georges Charles Paul Barbier[C 1] Médecin-major[C 1].
- M. Marchat Médecin-capitaine[C 1].
- M. Renaud Le chancelier Alexis Bernast est nommé par intérim en
- Jean-Joseph David Médecin-capitaine[C 1]. Surnommé « le roi David », il prend la place du Lavelua dans les affaires coutumières et cherche à moderniser Wallis à marche forcée, imposant des travaux collectifs pour construire les infrastructures de l'île[6].
- M. Lamy Médecin-lieutenant
- Léon Vrignaud[3] Résident durant la Seconde Guerre mondiale, il refuse de se rallier à la France libre. Il est arrêté lorsque les FFL prennent possession de Wallis le 27 mai 1942 et est remplacé par le médecin capitaine Jean-Baptiste Mattei[3].
- Jean-Baptiste Mattei[3] Médecin-capitaine. Résident durant la présence de l'armée américaine à Wallis[3].
- [7] Robert Maxime Charbonnier[C 1] Médecin[C 1]. Doit réorganiser la société wallisienne après le départ des Américains.
- M. Fargis[C 1] Médecin de marine, résident par intérim[C 1].
- Marcel Alexandre Chomet[C 1] Médecin-commandant[C 1].
- Michel Cresson[C 1] Administrateur de la France d'outre-mer[C 1]
- Jean Folie Desjardins[1] Administrateur de la France d'outre-mer[C 1]. En , une crise éclate aussi à Alo. Le roi est destitué. Deux prétendants s'opposent cependant pour la couronne. Le résident Desjardins se rendit sur l'île par bateau accompagné d’une dizaine de militaires pour calmer les tentions[8].
- ? M. Charles André[1]
?- Trucy Médecin commandant, il est résident par intérim[9].
- Pierre Fauché[1] Dernier résident avant le passage au statut de territoire d'outre-mer[1].

Dans la littérature modifier

L'histoire du résident Léon Vrignaud à Wallis durant la Seconde Guerre mondiale est racontée de façon romancée dans le livre de François Robin, Le résident d'Uvéa (roman), Paris, L'Harmattan, coll. « Lettres du Pacifique », , 202 p. (ISBN 978-2-296-99627-4, présentation en ligne).

Références modifier

Références principales modifier

  • Jean-Claude Roux, Wallis et Futuna : Espaces et temps recomposés. Chroniques d'une micro-insularité, Presses universitaires de Bordeaux, , 404 p. (ISBN 2-905081-29-5, lire en ligne)
  1. a b c d e et f Roux 1995, p. 28
  2. a b c et d Roux 1995, p. 29
  3. Roux 1995, p. 31
  4. Roux 1995, p. 33
  5. a b c et d Roux 1995, p. 34
  6. Roux 1995, p. 59
  7. a et b Roux 1995, p. 60
  8. a et b Roux 1995, p. 85.
  9. Roux 1995, p. 281
  10. a b et c Roux 1995, p. 30
  11. Roux 1995, p. 206
  12. a et b Roux 1995, p. 27
  13. Roux 1995, p. 280
  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab et ac Commission française du Guide des Sources de l'Histoire des Nations, Archives, Walter de Gruyter, (ISBN 978-3-11-097038-8, lire en ligne), p. 564
  • Frédéric Angleviel, « Wallis-et-Futuna (1942-1961) ou comment le fait migratoire transforma le protectorat en TOM », Journal de la Société des Océanistes, nos 122-123,‎ , p. 61–76 (ISSN 0300-953x, DOI 10.4000/jso.541, lire en ligne, consulté le )

Autres références modifier

  1. a b c d et e Raymond Mayer, « Le classement des archives administratives de Wallis-et-Futuna (1951-2000) de Gildas Pressensé », Journal de la Société des Océanistes, no 129,‎ , p. 305–322 (ISSN 0300-953x, lire en ligne, consulté le )
  2. a et b André Borgomano, « Le roi David », Bulletin de l'ASNOM (Association Santé Navale et d'Outre-Mer), no 127,‎ (lire en ligne)
  3. a b c d e f et g Jean-Marc Regnault, « La France Libre, Vichy et les Américains : Des relations difficiles dans le Pacifique en guerre. L'exemple des îles Wallis et Futuna (1940-1942) », Outre-Mers. Revue d'histoire, vol. 91, no 344,‎ , p. 181–200 (DOI 10.3406/outre.2004.4118, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b Marc Soulé, « Les bouleversements de la société coutumière lors de la présence américaine à Wallis (1942 - 1946) », dans Sylvette Boubin-Boyer (dir.), Révoltes, conflits et Guerres mondiales en Nouvelle-Calédonie et dans sa région, L'Harmattan, (ISBN 9782296051225)
  5. a et b Frédéric Angleviel, « Wallis-et-Futuna : l’alliance de la grande chefferie et de la croix dans la République », dans Jean-Yves Faberon, Florence Faberon, Religion et société en Nouvelle-Calédonie et en Océanie, Centre Michel de l'Hospital (P.U. Clermont), , 140-151 p. (ISBN 978-2-912589-38-5, lire en ligne)
  6. Claire Fredj, « Guillaume Lachenal, Le médecin qui voulut être roi. Sur les traces d’une utopie coloniale, Paris, Seuil, 2017, 353 p., (ISBN 978-2-02-114256-3) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 64-4, no 4,‎ , p. 229 (ISSN 0048-8003 et 1776-3045, DOI 10.3917/rhmc.644.0229, lire en ligne, consulté le )
  7. Académie des sciences d'outre-mer, Mondes et cultures: comptes rendus trimestriels des séances de l'Académie des sciences d'outre-mer, L'Académie, (lire en ligne), p. 50
  8. Raymond Mayer, « Le classement des archives administratives de Wallis-et-Futuna (1951-2000) de Gildas Pressensé », Journal de la Société des Océanistes, no 129,‎ , p. 305–322 (ISSN 0300-953x, lire en ligne, consulté le ).
  9. Allison Lotti, Le statut de 1961 à Wallis et Futuna: genèse de trois monarchies républicaines (1961-1991), Editions L'Harmattan, (ISBN 978-2-296-60364-6, lire en ligne)