Rapport des Barrowman

James S. Barrowman et Judith A. Barrowman publièrent leur rapport[1] en 1966 à l’occasion du rassemblement de fuséistes amateurs NARAM-8 (en). Ce rapport permet la détermination par le calcul de la position du centre de pression aérodynamique d’une fusée durant son vol aérien (à basse altitude en subsonique) et permet en conséquence de s'assurer de sa stabilité aérodynamique.

Histoire modifier

Goddard et sa première fusée, baptisée Nell, en 1926.

La publication par James et Judith Barrowman de cette méthode de calcul a marqué l'entrée dans l'ère scientifique de la fuséologie amateur. Auparavant, même les grands fuséistes non amateurs (Goddard, Winkler) avaient réalisé des fusées « à traction avant » (la tuyère qui créait la propulsion étant située au haut de la fusée et ses réservoirs sous cette tuyère, comme ci-contre) en pensant qu'ainsi la fusée serait stable, les réservoirs ne pouvant que suivre la tuyère comme la charrue suit le bœuf.

Il n'en était rien (confusion de la fusée pendulaire). L'un des premiers, Goddard a compris que cette conception (sur le modèle du bœuf tirant la charrue) était erronée (on peut à ce sujet penser à la stabilité de route délicate des voitures dont le moteur est placé à l'arrière) et que c'était l'action de l'air sur l'ogive (principalement) qui faisait tournoyer la fusée (comme tournoie un ballon de baudruche gonflé et libéré). Cependant, les moyens de déterminer simplement les critères de stabilité aérodynamique des fusées n'existaient pas encore. Ce furent James et Judith Barrowman qui apportèrent ces moyens.

En mai 1989, un rapport de l’U.S. ARMY Missile Command, Redstone, Alabama reprenant dans son titre le nom même des Barrowman[2] écrit ainsi : "The Barrowman Method is an accurate, low-cost algorithm for the calculation of aerodynamic parameters of rockets." Ce même rapport de 1989 propose d'ailleurs, en vue d'une application aux missiles, une amélioration de la Méthode exposée par James Barrowman dans sa thèse de maîtrise[3].

Le texte Le vol de la fusée[4], de Planète Sciences, seule association autorisée en France (sous l'égide du CNES) à lancer des fusées, est basé, dans sa partie Stabilité statique, sur les travaux des Barrowman et leur fameux rapport[1].

Hypothèses présidant aux calculs des Barrowman modifier

La détermination du centre de pression aérodynamique de la fusée est basée sur les hypothèses suivantes :

  • Fusée non guidée
  • Vitesse subsonique (flux incompressible)
  • Angles atteints par la fusée (dans ses embardées angulaires) faibles (inférieurs à 10°)
  • Fusée rigide
  • Angle des jupes et rétreints de 12° maximum
  • Ailerons plans à bords d’attaque et de fuite profilés

Sources des formules des Barrowman modifier

Les Barrowman ont utilisé les apports de Michael Max Munk[5] pour la portance du corps de la fusée et ceux de Diederich[6] pour la portance des ailerons de toutes les formes simples.

Fusée lors d'une embardée angulaire

En tenant compte de l’influence du fuselage sur la portance des ailerons (à l’aide d’une formule assez simple), ils ont pu déterminer la taille nécessaire de ces ailerons pour que la fusée soit stable durant son vol.

La détermination de cette stabilité fait appel à la notion de Marge Statique : il faut que cette marge soit « suffisamment » positive, c'est-à-dire que le Centre des Masses (ou Barycentre des Masses, ou Centre de Gravité, noté CdM ci-contre) de la fusée soit « suffisamment » en avant de (ou plus haut que) son Centre de Pression Aérodynamique (noté CPA ci-contre), à savoir le point sur lequel s’applique la résultante des forces aérodynamiques que cette fusée subit. La Marge Statique d'une fusée est donc la distance séparant le Centre des Masses de la fusée de son Centre de Pression Aérodynamique.

La notion de Marge statique est également utilisée en aéronautique. Le non-respect du centrage (la position du CdM) et donc de la Marge statique, rend les aéronefs très dangereux.

Utilisation des formules des Barrowman modifier

On peut considérer que dans des conditions normales de vol, la Marge Statique doit être de plus de 1 diamètre d'ogive de la fusée pour que celle-ci se montre suffisamment stable, même si la sécurité du public peut amener les autorités à augmenter cette marge statique (jusqu'à 6 dans certains cas).

Dans le cas des fusées d’amateurs (et d’autres fusées professionnelles ou étatiques simples) c’est à l’empennage (ensemble des ailerons situés au bas -ou à l'arrière- de la fusée) que revient le rôle de reculer suffisamment le Centre de Pression aérodynamique, comme dans le cas antique de la flèche d’arc.

Le gradient de Portance des ailerons (c'est-à-dire le Coefficient adimensionnel de Portance atteint, par exemple, pour un radian d’incidence) est calculé par la formule de Diederich, cette formule étant réputée donner de bons résultats pour les ailerons de faibles allongement utilisés sur les fusées (sauf peut-être pour les ailerons delta[7]).

La Théorie des corps élancés de Max M. Munk[5] (l’Élancement d'un corps étant défini comme son rapport Longueur/Diamètre), conçue initialement pour les dirigeables, a permis à James et Judith Barrowman de déterminer le gradient de Portance de l’ogive d’une fusée, ainsi que celui de ses évasements (jupes) ou rétreints, s’il en est.

Dans la pratique, les ogives de fusées peuvent être de formes conique, gothique, parabolique ou elliptique. Pour chacune de ces formes le gradient de Portance est connu de par la Théorie des Corps Élancés (voir Le Vol de la Fusée[4]). Les ogives sphériques sont souvent calculées comme des ogives elliptiques, alors qu’elles ne peuvent être considérées comme des Corps Élancés et que leur Centre de Pression est connu par d’autres travaux ; cependant cette erreur va dans le sens de la sécurité.

Le corps d’une fusée, quant à lui, est souvent un simple tube cylindrique plus ou moins élancé. La Théorie des corps élancés de Max M. Munk indique que ce tube cylindrique ne crée aucune Portance (lorsqu'une perturbation met la fusée en incidence), ce qui est une approximation d’autant plus acceptable que cette partie cylindrique s’étend de part et d’autre du Centre des Masses de la fusée (l'erreur commise ainsi sur la partie avant du tube étant compensée par l'erreur commise sur la partie arrière). Toutes ces notions sont abordées très pédagogiquement dans Le vol de la Fusée[4].

Notes et références modifier

  1. a et b (en) James S. BARROWMAN and Judith A. BARROWMAN, THE THEORITICAL PREDICTION OF THE CENTER OF PRESSURE, (lire en ligne)
  2. (en) Charles E. HALL, Jr., TECHNICAL REPORT RD-RE-88-7 de l'U.S. ARMY MISSIL COMMAND, Redstone, Alabama, U. S. Army Missile Command, (lire en ligne [PDF])
  3. (en) James S. BARROWMAN, The Practical Calculation of the Aerodynamic Characteristics of Slender Finned Vehicles, (lire en ligne [PDF])
  4. a b et c Planète Sciences, LE VOL DE LA FUSÉE, Stabilité et Trajectographie, Version 2.0, Planète-Sciences, CNES, CNES, (lire en ligne)
  5. a et b (en) Max M. MUNK, THE AERODYNAMIC FORCES ON AIRSHIP HULLS, NACA REPORT No. 184, NACA, (lire en ligne)
  6. (en) Franklin W. DIEDERICH, A PLAN-FORM PARAMETER FOR CORRELATING CERTAIN AERODYNAMIC CHARACTERISTICS OF SWEPT WINGS, NACA TECHNICAL NOTE 2335, NACA, (lire en ligne)
  7. A. BONNET et J. LUNEAU, AÉRODYNAMIQUE, THÉORIES DE LA DYNAMIQUE DES FLUIDES, CÉPADUÈS-éditions

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier