Robert Griesinger

Officier SS

Robert Griesinger est un SS-Obersturmführer allemand (équivalent de lieutenant), né en 1906 et mort en 1945.

Robert Griesinger
Robert Griesinger vers 1939.
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Robert Arnold GriesingerVoir et modifier les données sur Wikidata
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Grade militaire

Biographie

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Il est le fils d'Adolf Griesinger (né en 1871 à La Nouvelle-Orléans, militaire royaliste[1]) et de Wally Passmann (née en 1884 à Duisbourg[2] et morte en 1976[3]). Sa grand-mère paternelle Lina Johns (née en 1848 à La Nouvelle-Orléans) est la fille du compositeur Paul Emile Johns[4]. Son grand-père paternel Robert quitte Stuttgart[5], monte à bord du China au départ de Liverpool et débarque à La Nouvelle-Orléans en 1867[note 1],[6]. Il devient agent de la firme de coton Clason & Co[note 2],[7]. On ignore si ses grands-parents paternels étaient influencés par les idéologies suprémacistes américaines : toutefois, Paul Emile Johns avait désigné August Reichard comme tuteur de sa fille Lina en cas de décès, celui-ci possédait cinq esclaves[6], et Johns lui-même possédait un esclave[8]. Les grands-parents maternels de Lina, Nicolas et Manuela Favre d'Aunoy, ont activement participé au commerce d'esclaves. D'ailleurs, toute la branche orléanaise de la famille Griesinger était esclavagiste. Jean-Baptiste d'Estrehan Honoré de Beaupré compte parmi ses ancêtres[9].

Griesinger est de religion protestante[10]. En 1931, il obtient son doctorat de droit puis réussit la seconde phase des examens d'entrée dans la fonction publique en 1933[11]. Les archives locales permettent de comprendre que sa formation en droit est son plus grand atout : elle lui a permis d'atteindre des cercles sociaux qui sinon lui auraient été inaccessibles[12]. Il s'engage le dans la SS sous le numéro 161 860[13]. C'est un SS-Obersturmführer (grade équivalent à celui de lieutenant)[14] qui fait également partie du SD[note 3],[15]. Il est aussi membre du parti nazi[12]. Ni son frère, ni ses parents n'ont été intéressés par le nazisme[16] : en effet, les archives montrent qu'après la guerre Albert et Adolf n'ont pas été soupçonnés d'être nazi[1]. Ses parents entretenaient une amitié avec les parents de Claus von Stauffenberg, instigateur de l'attentat contre Hitler[17].

À Stuttgart (Auf dem Haigst 22), il habite une maison de trois étages, dans laquelle son neveu Jochen loge à présent[18].

À la Gestapo de Stuttgart, il travaille au premier étage de l'hôtel Silber (de)[19] avec Rudolf Bilfinger (de)[4], Walter Stahlecker, Wilhelm Harster et Kurt Diebitsch[note 4],[20]. Ils forment un groupe de cinq juristes en poste à la section IIIc de la police du Wurtemberg[19]. À la suite de la remilitarisation de la Rhénanie le , en tant qu'hommes de loi, ils doivent réfléchir à d'éventuelles représailles juridiques contre l’État allemand et aux conséquences sur les relations diplomatiques[21].

Photo de son passeport délivré en 1944

Au début du mois de , Griesinger quitte Stuttgart et arrive à Prague. Chaque nouvel arrivant devant remplir un formulaire auprès des autorités locales[10], il s'inscrit comme résident le auprès de la police de Prague[note 5],[15].

À l'été 1944, quelques semaines après le débarquement de Normandie, Griesinger part en vacances durant trois semaines au Liechtenstein. En effet, malgré la situation, les hauts fonctionnaires nazis continuent de pouvoir prendre des congés[22].

Après la guerre, sa mère Wally Griesinger paye Madame Helmichova[23], une voisine Tchèque, pour qu'elle aille à Prague se renseigner sur le destin de Griesinger[24]. Helmichova revient à Stuttgart en 1946[23] avec un certificat de décès indiquant qu'il est mort d'une « maladie infectieuse » mais la famille rejette cette version officielle. Helmichova leur affirme donc avoir découvert ce qui était réellement arrivé grâce à des personnes rencontrées à Prague[3] : des soldats Tchèques ou Russes l'ont tué dans un hôpital puis jeté dans une fosse commune[23]. En avril 1946, sa mère est accusée d'avoir été nazie en raison de son engagement dans la NS-Frauenschaft[note 6],[12], cependant elle n'était pas membre du parti nazi[1].

Après la guerre, les familles allemandes eurent des stratégies afin de panser les blessures affectives de l'époque nazie. Parmi ces stratégies, il n'était pas rare de pointer l'individu de la famille qui aurait été le « vrai nazi »[note 7] : cela semble être une des stratégies à l’œuvre dans la famille de Griesinger[25].

Vie privée

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Il se marie en [20] avec Gisela Nottebohm (née en 1912 à Hambourg)[4]. Afin d'être autorisé à se marier, Gisela et Robert ont été obligés de produire des arbres généalogiques pour montrer leur ascendance aryenne[2]. En raison des origines américaines de son père, Griesinger a eu le plus grand mal à compléter son arbre généalogique et à fournir les documents demandés : il ne pouvait ni fournir le certificat de naissance de son père, ni le certificat de mariage de ses grands-parents. Cela montre que le processus de sélection SS n'est pas forcément aussi strict que la recherche le dit parfois[note 8],[26].

Il a deux filles : Jutta Mangold, née en janvier 1937, et Barbara Schlegel, née en décembre 1939[24]. Par ailleurs, son épouse a un fils du nom de Joachim Grosser issu de son premier mariage[4]. Il aurait eu un enfant hors mariage et sa famille aurait payé la jeune femme[27].

Son frère Albert se marie avec Gertraut en 1938[28].

Un de ses lointains cousins, Marshall Honoré Jr, descendant de Catalina[29], a combattu pour les États-Unis contre l'Allemagne nazie en 1943, il traverse le Rhin au printemps 1945[30].

Archives

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Les informations sur Griesinger sont limitées dans les archives en partie à cause de la destruction volontaire ou accidentelle de celles-ci à la fin de la guerre[31]. Toutefois, en 2011, Daniel Lee est contacté par une famille d'origine Tchèque[32] habitant Amsterdam[33] car ils ont retrouvé des papiers cachés dans leur fauteuil[note 9],[34] sans doute en mai 1945 durant la libération de Prague[35]. Ben Frommer (en)[36] indique que son nom n'apparaît dans aucune liste des procès d'après-guerre[37]. Il ne subsiste qu'un tiers des dossiers SS dont celui de Griesinger[note 10], ils sont conservés à la Bundesarchiv[13], les deux tiers restants ont été détruits par les bombardements alliés[38]. On ne trouve aucune trace de lui dans les dossiers de la dénazification, conservés aux Staatsarchiv Ludwigsburg (de)[12]. D'après Roland Müller (de), conservateur aux Stadtarchiv Stuttgart (de)[15], les archives SS de Stuttgart ont été détruites en sur ordre des dirigeants SS régionaux, comme cela fut le cas dans l'ensemble de l'Allemagne et des territoires occupés[39].

Bibliographie

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Notes et références

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  1. Plus d'un million et demi d'Allemands arrivent aux États-Unis entre les années 1830 et 1860. En 1860, La Nouvelle-Orléans compte 12% d'Allemands (19 752 Germano-Américains). Entre 1866 et 1867, ce sont 2 594 Allemands qui s'installent dans la ville.
  2. Williams Research Center (musée The Historic New Orleans Collection (en)) : 1868 City Directory (reel 2)
  3. Archiv bezpečnostních složek (Archives des Services de sécurité, Prague), Institut d’étude du ministère de l’Intérieur (Ministerstvo Vnitra), 107-8-30, Répertoire des fonctionnaires allemands à Prague
  4. L'hôtel Silber emploie environ 200 fonctionnaires selon Sigrid Brüggemann et Roland Maier. En effet, les destructions de documents en fin de guerre ne permettent pas d'avoir accès à un relevé des employés. De plus, ce chiffre est cohérent avec ceux de d'autres villes de même taille : par exemple, à Düsseldorf, la police politique emploie 291 personnes.
  5. Národní archiv v Praze (Archives nationales, Prague), PR II-EO 1420/5
  6. Staatsarchiv Ludwigsburg (Archives d’État, Louisbourg, Bade-Wurtemberg), EL 902/20 Bü 91743. Archives de la dénazification. Dossier de Wally Griesinger.
  7. Comme cela est le cas de l'oncle Franz-Carl dans le récit autobiographique de Nora Krug publié en 2018 : Heimat : loin de mon pays.
  8. Bundesarchiv, Demandes d’autorisation de mariage au Bureau pour la race et le peuplement, R 9361 III/58950, Arbre généalogique rempli par Griesinger (non daté, probablement automne 1935)
  9. Ce fauteuil, acheté en 1968 chez un antiquaire de Prague et ayant appartenu à l'officier nazi, est probablement une imitation du fauteuil néo-rococo du designer juif Emil Gerstel. Les imitations de ce fauteuil inondaient le marché pragois de l'époque d'après Eva Škvárová.
  10. Bundesarchiv, Berlin-Lichterfelde (Archives fédérales allemandes), VBS 286, Dossiers du personnel SS (SSO / SS-Führerpersonalakten) 031A, Dossier de Robert Griesinger

Références

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  1. a b et c Lee 2020, p. 50.
  2. a et b Lee 2020, p. 39.
  3. a et b Lee 2020, p. 49.
  4. a b c et d Lee 2020, p. 7.
  5. Lee 2020, p. 60.
  6. a et b Lee 2020, p. 360.
  7. Lee 2020, p. 61.
  8. Lee 2020, p. 63.
  9. Lee 2020, p. 64.
  10. a et b Lee 2020, p. 34.
  11. Lee 2020, p. 24.
  12. a b c et d Lee 2020, p. 43.
  13. a et b Lee 2020, p. 38.
  14. Lee 2020, p. 36.
  15. a b et c Lee 2020, p. 359.
  16. Lee 2020, p. 50. Témoignage de Jochen et Irmela Griesinger
  17. Lee 2020, p. 50-51.
  18. Lee 2020, p. 45.
  19. a et b Lee 2020, p. 11.
  20. a et b Lee 2020, p. 12.
  21. Lee 2020, p. 11-12.
  22. Lee 2020, p. 24-25.
  23. a b et c Lee 2020, p. 48.
  24. a et b Lee 2020, p. 8.
  25. Lee 2020, p. 55.
  26. Lee 2020, p. 40.
  27. Lee 2020, p. 54.
  28. Lee 2020, p. 51.
  29. Lee 2020, p. 65.
  30. Lee 2020, p. 66.
  31. Lee 2020, p. 16.
  32. Lee 2020, p. 19.
  33. Lee 2020, p. 17.
  34. Lee 2020, p. 18.
  35. Lee 2020, p. 25.
  36. Lee 2020, p. 357.
  37. Lee 2020, p. 26.
  38. Lee 2020, p. 37-38.
  39. Lee 2020, p. 44.

Liens externes

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