Scherrer (facteurs d’orgues)
La famille suisse Scherrer, originaire de Stein dans le canton de Saint-Gall, a connu plusieurs facteurs d’orgue de grande renommée aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui ont travaillé en Suisse, Allemagne, France et Espagne.
Grégoire Scherrer
modifierOn sait peu de choses de lui, sinon qu’il était de famille protestante, facteur d’orgue et qu’il initia son fils Samson au métier.
Samson Scherrer ( - )
modifierNé le , il commence à travailler avec son père. En , le Conseil des Deux-Cents de Berne autorise le retour des orgues dans les temples protestants, d’où la Réforme du XVIe siècle les avait bannies. C’est un marché important qui s’ouvre alors : Samson Scherrer s’installe à Berne, de à . Il s’associe à Emanuel Bossart pour la construction d’un orgue de 33 jeux et 3 claviers, qu’ils destinent au nouveau temple du Saint-Esprit. Il est terminé en , mais les autorités refusent de l’acheter, n’ayant passé aucune commande. Les associés se séparent et Scherrer doit s’endetter pour rembourser sa quote-part à Bossart.
En ou , Samson Scherrer épouse Verena Anna Edelmann, née vers 1708 à Wildhaus, canton de Soleure. Ils ont six enfants connus : Anna Catherina (baptisée en ) ; Georg Ludwig, dit Louis, Ludwig ou Luis, baptisé en , facteur d’orgue ; Jacob, dit Jean-Jacques, né et baptisé à Lausanne en , facteur d’orgues et organiste ; Samuel Samson, né et baptisé à Genève en ; Suzanne Pernette, née et baptisée à Genève en ; Bernard Nicolas, dit Nicolas, né vers , probablement à Grenoble, facteur d’orgue, organiste, claveciniste et compositeur.
En , Samson Scherrer s’installe à Lausanne avec sa femme et ses enfants. Il obtient l’autorisation de remonter son orgue à la cathédrale de Lausanne, mais il ne sera payé que trente ans plus tard, en . Il s’installe ensuite à Genève, où l’usage de l’orgue est toujours interdit dans les temples protestants. Il va donc chercher du travail en France, et notamment dans le Dauphiné. Il travaille à l'église Saint-Grégoire de Tallard (), aux églises Saint-Louis (-) et Saint-André () de Grenoble, agrandit et modifie l'orgue de l’abbaye de Saint-Antoine (), celui de la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Arnoux de Gap (-), reconstruit le grand orgue et construit le petit orgue de la cathédrale Notre-Dame d'Embrun (-); sa seule construction totalement neuve est celle de son plus grand instrument en France, à la cathédrale Saint-Apollinaire de Valence. Aucun de ces orgues n’est parvenu intact jusqu’à notre époque: Montre à Tallard, quelques jeux à Saint-Antoine, le double buffet de Valence; le mieux conservé est le grand orgue d'Embrun avec le buffet, trois sommiers et plusieurs jeux qui ont permis une restauration très fidèle de l'état Scherrer par Pascal Quoirin en .
En , Samson Scherrer revient à Genève, où l’orgue est dorénavant admis. Il propose aux autorités d’acheter son orgue de Lausanne, et c’est finalement la commande d’un instrument neuf qu’il obtient pour le temple Saint-Pierre. L’orgue est terminé en , il y ajoute 4 jeux en . Cet orgue est détruit en . En et il construit un instrument neuf pour le temple de la Fusterie ou temple Neuf dont son fils Nicolas sera titulaire (détruit en ). Il aurait également reconstruit celui de l'Auditoire en . Les chantiers étant rares à Genève, Samson construit également dans le canton de Berne : Berthoud , Ursenbach , Nidau , Hindelbank , Kirchberg , Kirchenthurnen (de ces deux derniers les buffets subsistent, plus ou moins modifiés, alors que tous les autres ont disparu), Schlosswil et Langenthal ; et dans le canton de Vaud (tous les buffets étant conservés, plus ou moins modifiés): Avenches , Vevey, St Martin (buffet agrandi), Lausanne, St François (buffet et Montre), Morges , Vevey, Ste Claire , Nyon [1].
Samson Scherrer meurt à Genève le , alors qu’il travaille encore à l’orgue de Nyon terminé par ses fils Jean-Jacques et Nicolas et son compagnon Pierre Burkhard[Note 1].
Louis Scherrer ( - )
modifierIl commence à travailler avec son père Samson et probablement son jeune frère Jacob, dit Jean-Jacques, comme il a été déduit du contrat pour l’orgue d’Embrun (). Cette même année c’est lui qui signe le contrat pour l’orgue de la cathédrale de Valence, dont la fabrication lui est souvent attribuée, bien qu’il y ait probablement travaillé avec son père. Plus tard, Louis travaille seul, fixé à Lyon. Il opère en à Notre-Dame de Bourg-en-Bresse (Ain), en à Orgelet (Jura)[Note 2], en à l’abbaye de Saint-Sulpice de Thésilleux dans le Bugey.
On le retrouve plus tard en Espagne, en Catalogne et aux îles Baléares, sous son nom de Ludwig Scherrer et parfois de Luis Scherrer. Il réalise un grand nombre d’instruments, presque tous disparus aujourd’hui : à Gérone (), Vic (-), Valls (), Alcover (), Porrea (), Lérida (), El Vendrell (-), Ibiza (), Sóller (), Palma de Majorque (). La plupart des orgues anciens de Catalogne eurent à souffrir de la Guerre civile. Seul celui de Sant Salvador d’El Vendrell, patrie de Pablo Casals, unanimement respecté, fut préservé.
Jean-Jacques Scherrer ( - )
modifierJacob, dit Jean-Jacques, travaille avec son père et son frère comme facteur d’orgue, mais il est aussi organiste. En , il est nommé titulaire de l’orgue que son père vient de terminer à Saint-Pierre de Genève. En , il s’associe à un fabricant de timbres de pendules, Gaspard Deonna. Pendant la Révolution, les gages de l’organiste de Saint-Pierre, devenu Temple des Lois, sont supprimés. Jean-Jacques quitte alors Genève, et c’est son frère Nicolas qui lui succède à Saint-Pierre. Lorsque la Révolution s’achève, le poste d’organiste de Saint-Pierre, avec son traitement, sont rétablis, mais Nicolas refuse alors de céder sa place. Jean-Jacques Scherrer meurt le .
Nicolas Scherrer (vers - 1)
modifierDécédé à Genève le à l'âge de 74 ans, ce qui place sa naissance vers , probablement à Grenoble, où son père travaillait aux orgues de Saint André et de Saint Louis, Bernard Nicolas fut facteur d'orgue, organiste, claveciniste et compositeur.
Il fut titulaire de l'orgue du temple de la Fusterie à Genève de à , date à laquelle il succéda à son frère Jean-Jacques à la console de la cathédrale Saint Pierre; il entretint ces deux instruments jusqu'à sa mort. Il fut également organiste de l'Auditoire de à .
De à il enseigne la musique au futur duc de Mecklembourg-Schwerin, dédicataire de ses Six symphonies pour orchestre. Il écrivit aussi de la musique de chambre et des «Cantiques sacrés».
Lui et son frère Jean-Jacques, outre leur participation à l'atelier paternel, construisent, en propre, l'orgue du château de Dardagny en et (seul son buffet subsiste), et celui de l'église Sainte Croix à Carouge en (disparu).
Instruments notables
modifier- Orgue de la cathédrale de Lausanne : Samson Scherrer installe un orgue dans la Cathédrale en . C'est l'un des premiers orgues réintroduits dans les lieux de culte réformés du territoire bernois après les 2 siècles d'interdiction. L'orgue est d'abord prêté et le facteur saint-gallois attendra près de 30 ans pour toucher l'argent de la vente. L'instrument est retiré de l'édifice en puis démantelé[2].
- Grand orgue de l'église Saint-François à Lausanne : Samson Scherrer réalise le premier instrument de l'église en . L'orgue est pourvu de 22 jeux sur 2 claviers et un pédalier. L'instrument actuel comporte de nombreuses pièces de l'orgue originel[3].
- Orgue de l'église Sainte-Claire à Vevey : Samson Scherrer conçoit et installe l'instrument en . L'instrument actuel comporte de nombreuses pièces de l'orgue originel[4],[5].
Notes et références
modifierNotes
modifier- en cours de restauration-réhabilitation par Pascal Quoirin en
- une deuxième intervention de sur cet orgue, signée Scherrer, ne peut lui être attribuée, étant à cette date déjà en Catalogne
Références
modifier- Christophe Boillat, « L'orgue de Sainte-Claire de Vevey fait peau neuve », 24 heures, (lire en ligne )
- Cathédrale de Lausanne ; État de Vaud ; Les Grandes orgues - Cathédrale de Lausanne, « Les Grandes orgues de la Cathédrale de Lausanne », Dépliant d'information sur les Grandes orgues de la Cathédrale de Lausanne [PDF], sur http://www.grandesorgues.ch/instrument-enbref.htm,
- (de) Didier Coenca, « Les Grandes Orgues » , sur Site de l'église réformée Saint-François,
- Christophe Boillat, « L'orgue de Sainte-Claire de Vevey fait peau neuve », 24 heures, (lire en ligne )
- Claude Beda, « L’orgue de Sainte-Claire brille dans le monde entier », 24 heures, (lire en ligne )