Siège d'Arles (1251)
Ce siège fut entrepris au printemps 1251 par les princes capétiens, Charles d'Anjou comte de Provence et son frère Alphonse de Poitiers, lors d'une campagne de reprise en mains de la Provence dont plusieurs villes Marseille, Avignon et Arles avaient formé une coalition anti-comtale.
Cette opération militaire entraîna une rapide soumission de la cité arlésienne qui perdit à cette occasion son autonomie communale et la plupart de ses droits. Au niveau régional, la défaite de la coalition qui suivit assit définitivement l'autorité sur la Provence de la première maison d'Anjou dont les ambitions se portèrent alors vers l'Italie.
Contexte
modifierAprès la mort en 1245 du comte de Provence, Raymond Beranger, et surtout la carence ou la discrétion du nouveau pouvoir comtal à la suite de la croisade de 1248, Arles et son oligarchie se révoltent nouveau contre l'autorité comtale, désormais représentée par Charles d’Anjou, et l’archevêque. Le vieux prélat Jean Baussan est chassé une nouvelle fois, les propriétés ecclésiastiques ravagées et quelques chevaliers Hospitaliers tués. La Confrérie reprend le pouvoir et appelle comme podestat le chef du parti hostile à l’Église, Barral des Baux, déjà podestat d’Avignon qui prend la tête d'une coalition formée par les villes d'Arles, d'Avignon et de Marseille.
La croisade se prolongeant, Charles d'Anjou ne revient en Provence qu’en octobre 1250 où il ne fait que passer[1] pour obéir ainsi que son frère Alphonse aux ordres de leur frère aîné, le roi Louis IX[2]. Toutefois d'après l'historien Léon-Honoré Labande, il aurait, dès son passage, organisé les préparatifs d'une lutte contre Arles[3].
Ce retour, conjugué aux morts des principaux soutiens de l’opposition au comte de Provence, le comte de Toulouse Raymond VII décédé en septembre 1249 et l’empereur germanique Frédéric II en décembre 1250, confirment la décision de Barral des Baux de négocier secrètement avec la maison royale de France[4], dont la régente Blanche de Castille est la propre mère de Charles Ier. Contre le pardon de sa trahison, il promet d’amener les villes d’Avignon et d’Arles à se soumettre aux princes capétiens.
Événements
modifierMais les Arlésiens ignorent ces transactions secrètes. Toutefois eux aussi se sentent abandonnés et isolés après la disparition de l’empereur et du comte de Toulouse. Leur détermination ne peut se prolonger longtemps, surtout lorsque Charles d’Anjou avec son frère Alphonse de Poitiers à la tête de troupes importantes et décidés à récupérer leurs possessions[5], viennent mettre le siège devant la cité au printemps 1251. Charles-Roux, dans son ouvrage Arles, apporte quelques précisions sur la reddition de la ville. Il semble que les Arlésiens profitent d’une médiation offerte par le pape Innocent IV pour faire leur soumission au comte et à l’archevêque le 30 (ou le 29) avril 1251[6] au château de Tarascon. Un dominicain, le moine Étienne, aurait été particulièrement actif dans cette opération[7]. Finalement, les troupes capétiennes investissent la ville le [8].
Le prétexte de cette capitulation est la trahison de Barral des Baux qui a abandonné la ville. Toutefois les causes de ce renoncement aux libertés communales sont plus profondes et traduisent des rapports de forces trop inégaux. Les Angevins disposent en effet de beaucoup d'atouts : le soutien, y compris militaire, du roi de France, l'appui de l'Église et une province déjà centralisée par le dernier comte catalan[8].
Conséquences
modifierArles vaincue, Avignon tombe rapidement et fait allégeance en mai 1251[9]. Marseille résiste plus longtemps et n'abdique définitivement devant Charles qu'en 1263 avec l'exécution des derniers rebelles[10]. Après ces redditions, les suzerains du pays, les empereurs germaniques, abandonnent leurs visées sur la Provence et n’interviennent plus dans les conflits de cette province[11]. La Provence passe alors sous l'autorité de la première maison d'Anjou.
Pour Arles, la capitulation de 1251 représente une rupture politique. La convention passée entre le comte et la ville le marque la disparition pour toujours de l'autonomie communale apparue au siècle précédent. Arles perd ses consuls remplacés par un viguier et des fonctionnaires comtaux. Le nouveau comte met également rapidement en place une administration tatillonne et fait procéder à l'examen des droits de propriété des grandes familles et des communautés.
Ainsi après cette reprise en mains achevée dès le milieu des années 1260, la noblesse arlésienne et provençale autrefois fière et jalouse de ses prérogatives, se « fonctionnarise » et va désormais rechercher les honneurs, rentes et carrières auprès du comte. La Provence va alors perdre progressivement le rôle central qu'elle avait jusqu'alors dans les affaires comtales désormais accaparées par l'Italie, nouveau centre du pouvoir de Charles d'Anjou.
Notes et références
modifier- Martin Aurell, Jean-Paul Boyer, Noël Coulet - La Provence au Moyen Âge - page 169
- Il est dit que les deux frères capétiens débarquent à Aigues-Mortes en octobre 1250 et qu'ils ne s'arrêtent guère, diverses missions confiées par Louis IX les appelant vers le Nord.
- Edgard Boutaric - Saint Louis et Alfonse de Poitiers : étude sur la réunion des provinces du Midi & le l'ouest à la couronne et sur les origines de la centralisation administrative, d'après des documents inédits – 1873 - page 79 ici :
- juin 1250. Après une longue traversée il (Alphonse de Poitiers) débarqua à Aigues-Mortes, à la fin de septembre. Il ne visita pas ses nouveaux États. Le but de son voyage étant de procurer du secours aux croisés, il se borna à recevoir à Beaucaire l'hommage personnel du comte de Comminges et de quelques autres seigneurs. Il se joignit à Charles d'Anjou et se rendit à Lyon auprès du pape Innocent IV pour l'inviter à cesser ses querelles avec l'empereur Frédéric II et à ne pas abandonner la Terre sainte. Les deux frères, d'après l'ordre exprès de saint Louis, se rendirent ensuite auprès du roi d'Angleterre pour le déterminer à remplir la promesse qu'il avait faite de passer sans délai en Orient.
- Léon-Honoré Labande – Avignon au XIIIe siècle - Laffitte reprints, Marseille, 1975 (réimpression édition de Paris de 1908) – p. 144 :
- Il est probable qu’avant de se remettre en route vers le centre ou le nord de la France, il donna à ses représentants en Provence l’ordre de commencer les hostilités contre Arles. Pour les faciliter, il se fit livrer par sa belle-mère Béatrix de Savoie, les châteaux d’Albaron et de Notre-Dame de la mer, ainsi que la terre de Camargue, pour toute la durée de la guerre (13 novembre 1250).
- Jean-Maurice Rouquette - ARLES, histoire, territoires et cultures, page 338.
- Le 1er mai 1249, Barral écrit secrètement à la reine Blanche de Castille, régente du royaume de France, pour lui offrir ses services. Il se fait fort de ramener les communes d'Arles et d'Avignon dans la soumission aux princes français.
- Edgard Boutaric - Saint Louis et Alfonse de Poitiers : étude sur la réunion des provinces du Midi & le l'ouest à la couronne et sur les origines de la centralisation administrative, d'après des documents inédits – 1873 - page 79 ici :
- Après avoir veillé aux affaires de saint Louis, Alfonse songea aux siennes et voulut prendre possession de ses États de Languedoc. Ce fut au printemps de l'année 1251 qu'il partit avec la comtesse Jeanne. Il se rendit d'abord dans le comfat Venaissin et y reçut les hommages des seigneurs du pays ; la ville d'Avignon n'ayant pas consenti à reconnaître son autorité ni celle de son frère le comte de Provence, il résolut, de concert avec Charles d'Anjou, de l'y contraindre par la force.
- Jules Charles-Roux – Arles – page 75.
- Georges Philippon – La Provence sous Charles Ier – Revue de Marseille et de Provence , 1887.
- Louis Stouff – Arles au Moyen Âge – La Thune, Marseille – 2000 – page 80
- Augustin Fabre - Histoire de Marseille - vol.1, page 376
ici
- Ces princes unirent leurs forces contre les villes d'Arles et d'Avignon ; ils furent secondés par l'Archevêque, réfugié à Nîmes, lequel employa toutes les ressources de l'intrigue pour réussir. Les deux républiques ne pouvant s'appuyer ni sur le successeur de Frédéric n, le jeune empereur Conrad, mal affermi sur son trône, ni sur Marseille, qui avait à pourvoir a sa propre défense et ne fournissait que quelques faibles secours, résolurent de se soumettre. Arles capitula le 29 avril 1251, et Avignon le 7 mai suivant. La première passa sous la seule autorité de Charles ; la seconde fut possédée par indivis par les deux comtes. Ces villes perdirent leur organisation politique, mais quelques privilèges municipaux leur furent laissés.
- Edouard Baratier (sous la direction de) - Histoire de la Provence - page 171
- Un siècle plus tard, en 1365, toutefois, un empereur se fait couronner Roi d’Arles, mais cet évènement n’a pas de suite.
Sources et bibliographie
modifier- Augustin Fabre - Histoire de Marseille - 1829
- Edgard Boutaric - Saint Louis et Alfonse de Poitiers : étude sur la réunion des provinces du Midi & le l'ouest à la couronne et sur les origines de la centralisation administrative, d'après des documents inédits – 1873
- Léon-Honoré Labande – Avignon au XIIIe siècle - Laffitte reprints, Marseille, 1975 (réimpression édition de Paris de 1908)
- Jules Charles-Roux – Arles – 1914 (réédition de 1984) – (ISBN 2866730313)
- Louis Stouff – Arles au Moyen Âge – La Thune, Marseille – 2000 – (ISBN 291384703X)
- Martin Aurell, Jean-Paul Boyer, Noël Coulet - La Provence au Moyen Âge - Publications de l'Université de Provence - 2005 - (ISBN 9782853996174)
- Jean-Maurice Rouquette - ARLES, histoire, territoires et cultures - Editions Imprimerie Nationale - 2008 - (ISBN 9782742751761)