« Université Al Quaraouiyine » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Al Mu'arrikh (discuter | contributions)
Fondation de la mosquée par le fils d'Idriss II, attestée par une inscription authentifiée
Kartell (discuter | contributions)
Réflexions sur la fondation de la Quaraouiyine : -Très long passage douteux sur "Chafik T. Benchekroun"
Balise : potentielle contribution rémunérée
Ligne 55 :
 
== Réflexions sur la fondation de la Quaraouiyine ==
{{à vérifier}}
En raison du manque de sources, le contexte historique de la fondation de la Qarawiyyĭn ne pourrait être présenté qu’en quelques lignes. Henri Pérès dit « Il n’est pas douteux pourtant que [[Fès]], à partir du {{s|IX|e}}, ait été, grâce à sa mosquée université d’al-Karawiyyin, « la demeure de la science et de la sagesse », comme l’avait prédit son fondateur. Alfred Bel tient à peu près le même discours <ref>Al-Jaznaï, Zahrat al-Âs, trad. Alfred Bel, Publications de la faculté des lettres d’Alger, fascicule 59, 1923, p.85, note 1.</ref>. Mais en plus de l’inexistence de sources parlant de la Qarawiyyĭn avant [[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] (début VIIIè H./XIVè siècles), la malchance a voulu que les archives des awqāf (conservés à la Qarawiyyĭn) brûlent en 723H./1323… au moment précis où l’histoire des premiers [[Idrissides]], des fondations de [[Fès]] et de la Qarawiyyĭn est en train d’être fixée par les [[Mérinides]]… ?! La majorité des historiens contemporains attribue la fondation de la Qarawiyyĭn à [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]]<ref>Parmi les historiens contemporains qui ont attribué la fondation de la Qarawiyyin à Fāṭima al-Fihriya : Edmond Pauty, Le plan de l’Université Qarawiyin à Fès, Hespéris, IV, 1923, {{p.}}539. L’article concernant l’histoire de la Qarawiyyĭn sur le site www.qantara-med.org (consulté le 21/11/09) reprend mot pour mot le récit d'Ibn Abī Zarʻ. Du côté des historiens marocains, Fāṭima al-Fihriya est considérée comme un symbole exceptionnel de l’ouverture d’esprit de l’islam, femme pionnière dans l’histoire de l’humanité. Parmi ces derniers, il est possible de citer Muḥammad al-Muntaṣir Bi-Allāh al-Kattānī, Aḥmad a-Risūnī… ‘Abd al-Hādī a-Tāzī essaie de marier les deux versions de Fāṭima et de Dawwūd. Il faut aussi noter qu'Ibn Ḫaldūn parle brièvement de la fondation de la Qarawiyyĭn, en citant Ibn Abī Zarʻ et en confondant les informations présentées par ce dernier (par exemple lorsqu'il dit que Fāṭima faisait partie de la tribu des Huūra, alors qu'Ibn Abī Zarʻ dit que c'est le propriétaire de la terre de la future mosquée qui l'était…). Voir : Ibn Ḫaldūn, Kitāb al-'ibar wa dīwān al-mubtada' wa al-ḫabar fī ayyām al-ʻarab wa al-ʻajam wa al-barbar wa man ʻāṣarahum min dawī a-sultān al-akbar, Dār al-kutub al-ʻilmiya, Beyrouth, sans date, tome IV, {{p.}}18. </ref>, comme l’affirme sereinement l’auteur d’Al-Anīs al-muṭrib.
 
Cependant, Chafik T. Benchekroun, un jeune historien marocain, dans un article sur les [[Idrissides]] publié dans la revue anglaise ''al-Masaq (Publication of The Society of The Medieval Mediterranean),'' a apporté un éclairage tout à fait nouveau sur l'histoire de la fondation de la Qarawiyyîn.
À vrai dire, déjà avant M. Benchekroun, la découverte du panneau en bois portant l’inscription de la fondation de la Qarawiyyĭn en 263H./877 par Dawwūd Ibn Idrīs portait un coup dur au mythe zarien (d’[[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]]) voulant que la Qarawiyyĭn ait été fondée en 245H./859 par une femme portant le nom de [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]]<. Sans oublier que le même auteur prétend que l’autre grande mosquée de la ville, dans l’autre rive, Masğid al-Andalus, aurait été fondée par la sœur de cette même fondatrice de la Qarawiyyĭn. Jusqu’à présent, les historiens ne savaient à qui donner raison, à [[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]], ou à l’inscription retrouvée, certains osant des théories harmonisant les données d'[[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]]) et de l’inscription<ref>‘Abd al-Hādī a-Tāzī soutient la théorie voulant que la date donnée par Ibn Abī Zarʻ comme celle de l’édification de la Qarawiyyĭn (245H./859) ne soit que celle du début de la construction, et que la date donnée par l’inscription de fondation soit celle de la fin de la construction et donc de la fondation (263H./877), l’exceptionnelle longueur de la durée des travaux (18 ans) serait imputable à la sécheresse qui sévissait à l’époque, aux importants problèmes économiques que connaissait Fès, ainsi qu’aux luttes intestines que se livrait la classe politique de l’époque. De plus, pour expliquer l’absence du nom de Fāṭima al-Fihriya de l’inscription de fondation, et la présence de celui de Dawwūd Ibn Idrīs, a-Tāzī recourt au fait que Fāṭima soit une femme, et que la fondation de mosquées était souvent mise au nom des souverains. Voir l’article sur la Qarawiyyĭn publié sur Internet : www.islamonline.net/</ref>
 
Tout d’abord, fait remarquer Chafik Benchekroun<ref name="Benchekroun" />, [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]], qui est censée avoir émigré de Qayrawān ([[Kairouan]]) vers [[Fès]] avec sa famille, porte le nom et du fondateur de la ville et du plus grand conquérant du [[Maghreb]] : [[Oqba Ibn Nafi Al Fihri|‘Uqba Ibn Nāfiʻ al-Fihrī]]. Ne pas omettre non plus que son prénom est celui de la plus célèbre fille du [[Mahomet|Prophète]] : [[Fatima Zahra|Fāṭima]], et que son père s'appelait Muḥammad Ibn ʻAbd-Allāh<ref>Un auteur très tardif comme Ibn al-Qāḍī (né à Fès en 960H./1562 et décédé en 1025H./1616) prétend en effet que son père s'appelait Muḥammad IbnʻAbd-Allāh al-Fihrī. Voir : Évariste Lévi-Provençal, Extraits des historiens arabes du Maroc, Emile Larose, Paris, 1923, {{p.}}22.</ref> (nom complet du [[Mahomet|Prophète]])… qu’elle a comme surnom Umm al-Qāsim<ref>Ibn Abi Zar’, Rawd al-Qirtas, traducido y anotado por Ambrosio Huici Miranda, J. Nacher, Valencia, 1964, {{p.}}106.</ref> (le [[Mahomet|Prophète]] se nommait Abū al-Qāsim), que la première lettre de son prénom et de son nom est la même que la première lettre de [[Fès]], un fāe…
 
Tous ces détails semblent tirés par les cheveux, mais le suivant que présente M. Benchekroun est beaucoup plus probant. Ce détail est de taille. [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]] est présentée comme une « femme isolée » (son père est mort ainsi que son mari) qui a hérité toute sa fortune de ces derniers. Or, à l'époque du [[Mahomet|Prophète]], une ''muhāğira'' (qui a émigré avec les premiers musulmans persécutés à [[Médine]]) nommée également [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]]<ref>Plus précisément Fāṭima bint Qays al-Fihriya.</ref>, figure féminine proche du [[Mahomet|Prophète]] (il la conseillera notamment dans son mariage), sera celle qui rapportera les plus importants hadīṯs sur la situation financière de la femme isolée en [[islam]]...et plus particulièrement de la femme divorcée<ref>Šams a-dīn a-ḏahabī, Tahḏīb siyar aʻlām a-nubalāe, Muassasat a-risāla, 1992, tome I, {{p.}}165.</ref>. Il va sans dire que ce parallèle entre le personnage historique de la [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]] contemporaine du [[Mahomet|Prophète]] et le personnage légendaire de la Fāṭima al-Fihriya dont [[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] est le premier à parler (environ 500 ans après son existence prétendue) est troublant.
Lorsqu’[[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] raconte la fondation de la Qarawiyyĭn, remarque ensuite Chafik Benchekroun<ref name="Benchekroun" />, il insiste beaucoup sur le souci extrême qu’aurait eu ce personnage de [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]] à construire la mosquée de la façon la plus réglementaire, juste, et honnête possible. Un désir qui n'est pas nouveau et qu'il est possible de faire remonter jusqu'à l'époque antéislamique où le grand-père du [[Mahomet|Prophète]], ʻAbd al-Muṭṭalib, avait, déjà, voulu que l'argent nécessaire à la reconstruction de la [[Kaaba|Kaʻba]] soit « pur » et légitimement acquis<ref>Al-Yaʻqūbī, Tārīḫ al-Yaʻqūbī, Dār Ṣādir, Beyrouth, sans date, Tome II, {{p.}}19.</ref>. Cependant, l'insistance méticuleuse d'Ibn Abī Zarʻ sur les détails minutieux de la construction est tellement longue qu’elle en devient bizarre et par conséquent suspecte.
Car, dans la quantité de détails pointilleux qu’il cite pour démontrer que la construction de la mosquée se déroula en parfaite conformité avec toutes les règles de l’[[islam]], il y’ en a un, selon M. Benchekroun, qui fait péricliter la masse fumeuse de tous les autres et met à nouveau à nu la subjectivité spécieuse d’[[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]]. Ce dernier prétend en effet que l’eau qu’utilisèrent les « maçons » pour construire la Qarawiyyĭn fut tirée du propre sol de la mosquée (pour démontrer que les matériaux de construction ne vinrent d’aucune autre terre dont la propriété des ressources serait sujette à polémique), plus précisément du puits qu’aurait fait creuser Fāṭima au milieu de la cour. Ce puits, ajoute [[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]], serait celui qui existe toujours au milieu de la cour à son époque (VIIIè H./XIVè) et donc jusqu’à aujourd’hui…<ref> Ibn Abi Zar’, idem, {{p.}}107.</ref> Ce détail prouve donc la fausseté de toutes les dernières informations corollaires qu’il rapporte, vu que M. Benchekroun allègue que la cour de l’époque d'[[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] a été rajouté par le Zénète Abū al-‘Abbās Aḥmad Ibn Abī Bakr aux alentours de 345H./956<ref> Ibn Abi Zar’, idem, {{p.}}110.</ref>, c'est-à-dire bien après la fondation de la Qarawiyyĭn…la cour de la Qarawiyyĭn primitive ayant été remplacée en travées par ce même gouverneur zénète… Le puits ne peut donc se trouver ni dans la cour dont parle [[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] (vu qu’elle a été construite bien après la fondation de la mosquée), ni dans l’ancienne cour (vu qu’elle n’existe plus, transformée qu’elle a été en travées ordinaires pour la prière).
 
Non satisfait de toutes ces découvertes, M. Benchekroun continue sa démarche critique en disant qu'[[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] parle du règne d’Idrīs I, puis de celui d’[[Idriss II|Idrīs II]], puis de celui de Muḥammad Ibn Idrīs II, puis de celui de ‘Alī Ibn Muḥammad Ibn Idrīs, puis de celui de Yaḥyā Ibn [[Idriss II|Idrīs II]]…et s’arrête brusquement pour immédiatement narrer la fabuleuse histoire de [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]]…<ref>Ibn Abi Zar’, idem, {{p.}}105-6. Ibn Abī Zarʻ prétend que c’est sous le règne de Yaḥyā Ibn Muḥammad Ibn Idrīs que la Qarawiyyĭn fut fondée, donc, en 244H./858 ou, l’année où ce dernier mourut, en 245H./859. Voir pages 105 et 149.</ref>Pourquoi ? Il faut dire qu’à la mort de Yaḥyā Ibn Idrīs II, son fils Yaḥyā Ibn Yaḥyā va lui succéder en 245H./859 (l’année précise de la fondation de la Qarawiyyĭn par [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]] selon [[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] )… En cette même année, son règne ne durera que quelques mois (ou semaines ou jours ?), Yaḥyā Ibn Yaḥyā (qui aurait passé son court règne dans la luxure et le stupre) abusera d’une Juive nommée Hanna dans un hammām, ce qui lui vaudra la colère de la population qui le poussera à fuir vers la rive des Andalous où il serait mort la nuit même de la honte dont il se serait couvert... Sa femme, ‘Ātiqa, aurait eu le courage de rester dans la rive des Kairouanais d’où elle aurait rapidement « orchestré » la prise de la ville par sa famille (en écrivant à son père ‘Alī Ibn ‘Umar Ibn Idrīs)<ref> Ibn Abi Zar’, idem, {{p.}}151-152.</ref>. Cette année 245H./859 fut donc celle où une femme (Hanna) fut la principale actrice d’un épisode humiliant de l’histoire des Idrissides, et où une autre femme (‘Ātiqa<ref>Noter au passage que ce serait le prénom de la mère d’Idrīs Ibn ‘Abd-Allāh. Voir : Zaġlūl 'Abd al-Ḥamīd, Tārīḫ al-Maġrib al-ʻarabī, Munšaat al-maʻārif, Alexandrie, 2003 (1{{re}} édition : 1964), tome II, {{p.}}423.</ref>) fut la principale actrice d’un épisode glorieux de cette même histoire. Cette même année où [[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] arrête son récit de l’histoire idrisside pour y placer précisément une histoire merveilleuse dont l’actrice principale est une femme, [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]]… Alors que pour tout le reste de l’histoire idrisside il n’y a pratiquement aucune figure féminine notable, pendant une seule et unique année trois femmes brillent d’une présence affichée. Il faut dire que les auteurs arabes mentionnent souvent des figures féminines au milieu des moments délicats de leurs récits. Il suffit de se rappeler l’histoire de la fille du célèbre al-Muqawqis, gouverneur de l'Égypte lors de la conquête arabe. Ou encore l’histoire de la fille du gouverneur byzantin de l’Ifrīqiyya, Ğurğīr, lors de cette même conquête. Sans oublier la fille du non moins célèbre comte Julien… Mais, il faut avouer que [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]] tient un rôle relativement différent de toutes ses illustres sœurs de l’historiographie arabe. Car, ces dernières tiennent toutes des rôles passifs (elles sont soit violées, offertes en récompenses ou en train de jouer des rôles tout à fait classiques), alors que [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]] joue un rôle très actif, traditionnellement viril, vu qu’elle construit un monument religieux appelé à devenir célèbre dans l’histoire.
 
[[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] raconte que la Qarawiyyĭn a été fondée par une femme pieuse nommée [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]]<ref> Histoire des souverains du Maghreb, trad. Beaumier, Paris, 1860, {{p.}}67.</ref>, et que le Masğid al-Andalus a été fondée par sa sœur Maryam al-Fihriya grâce à l’héritage qu’elles reçurent. Alors que de tels monuments fondés par des femmes sont extrêmement rares dont l’histoire de l’[[islam]], [[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] prétend que les deux plus prestigieux monuments de Fès ont été fondés par deux femmes, de plus deux sœurs. C’est une belle histoire. Mais cette belle histoire a été éventrée il y a de cela quelques décennies par la découverte, lors d’une restauration de la Qarawiyyĭn, d’un chevron en bois couvert de gypse au-dessus du mihrâb primitif et portant l’inscription de la fondation de la Qarawiyyĭn<ref>Pour un rapport détaillé sur cette découverte voir, notamment : Mélanges d’histoire et d’archéologie de l’Occident musulman, II, Gouvernement général de l’Algérie, Alger, 1957. Pour l’article (Une nouvelle inscription idrisside, G. Deverdun, {{p.}}67-73), ainsi que : ‘Abd al-Hādī a-Tāzī, Ğāmiʻ al-Qarawiyyīn al-masğid wa al-ğāmiʻa bi-madīnat Fās, Dār al-kitāb a-lubnānī, 1972, tome I, {{p.}}200-201.</ref>. Dans un ancien coufique (le même à s’y méprendre que celui employé dans l’inscription, datée de 821, du ribāṭ de Sousse, et que celui des alphabets de Kairouan parmi lesquels le relief apparaitrait en 862<ref>Mélanges d’histoire et d’archéologie de l’Occident musulman, {{p.}}69. Cependant, il faut reconnaître que, comme le fait d’ailleurs Gaston Deverdun : « Dawûd sur l’unique monnaie (datant de 222H) connue à son nom, porte la kunya d’al-Muntaçir billah qui n’est pas utilisée ici. » ({{p.}}69). Le titre d’imam peut aussi surprendre ({{p.}}72).</ref>), l’inscription proclame que la Qarawiyyĭn a été fondée en 263H./877 par Dawwūd Ibn Idrīs, dont un contemporain comme al-Yaʻqūbī affirme qu’il a effectivement « régné » à environ cette époque à Fès<ref>Al-Ya’kubi, Les pays, trad. Gaston Wiet, Institut français d’archéologie orientale, Le Caire, 1937, {{p.}}223-224.</ref>. Ce même Dawwūd Ibn Idrīs qui devait être un des enfants les plus célèbres d'Idrīs II, vu que ce dernier était surnommé Abū Dawwūd (le père de Dawwūd)<ref> Ibn al-Abbār, Al-ḥulla a-sayrāe, texte révisé par Ḥusayn Muenis, Dār al-Ma'ārif, Le Caire, 1985, tome I, {{p.}}131.</ref>. Ceci alors qu’[[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] avait érigé comme vérité absolue que la Qarawiyyĭn avait été fondée par l’illustre inconnue [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]] en 245H./859 (cette date qui se situe comme par hasard 100 ans exactement avant la fondation du minaret de la Qarawiyyĭn, qui subsiste jusqu’à aujourd’hui, en 345H<ref>Ibn Ḫaldūn, Kitāb al-'ibar wa dīwān al-mubtada' wa al-ḫabar fī ayyām al-ʻarab wa al-ʻajam wa al-barbar wa man ʻāṣarahum min dawī a-sultān al-akbar, Dār al-kutub al-ʻilmiya, Beyrouth, sans date, tome IV, {{p.}}18. </ref>.
 
Comme le souligne judicieusement Chafik Benchekroun<ref name="Benchekroun" />, l'inscription de fondation de la Qarawiyyîn a été découverte au-dessus de l’arcade qui devait surplomber le miḥrāb primitif de la toute première mosquée. Il était recouvert de gypse, ce qui achève de lui octroyer son sceau mérité d'authenticité car les Almoravides s'étaient empressés de recouvrir de gypse toutes les belles arabesques et inscriptions dont ils craignaient que l'esthétique déplaise aux rigoristes Almohades, qui arrivaient alors à Fès et qui allaient directement prier dans la Qarawiyyĭn<ref>Ibn Abi Zar’, idem, {{p.}}121. Ceci se serait passé précisément lors de la nuit du 14 au 15 rabīʻ a-tānī 540H./4 au 5 septembre 1145 (ou bien la nuit du 11 au 12, ou encore celle du 13 au 14)</ref>. De surcroît, la mosquée a-Zaytūna à Tunis, dont la fondation est contemporaine à celle de la Qarawiyyĭn, 241-249 H. / 856-864 J.C., conserve une inscription de fondation de style coufique, similaire à celui figurant sur l’inscription de fondation de la Qarawiyyĭn, sur la coupole précédant le miḥrāb, c'est-à-dire pratiquement le même endroit où a été trouvé celle de la Qarawiyyĭn<ref>Zaġlūl 'Abd al-Ḥamīd, Tārīḫ al-Maġrib al-ʻarabī, Munšaat al-maʻārif, Alexandrie, 2003 (1{{re}} édition : 1964), tome II, {{p.}}102.</ref>
 
La question devient donc d’une évidence à faire brouiller les sens. Ibn Abī Zarʻ a menti sur l’histoire de la fondation de la Qarawiyyĭn. Car il ne faut pas oublier, comme le fait observer M. Benchekroun<ref name="Benchekroun" />, qu’aucun auteur avant [[Ibn Abi Zar|Ibn Abī Zarʻ]] ne parle de cette formidable histoire de [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]], ni Ibn ʻIḏārī ni al-‘Uḏrī, et encore moins al-Bakrī qui se plait à donner autant de détails sur Fès (d’ailleurs, il ne parle que de la mosquée de la rive des Andalous, et ne souffle pas un traître mot sur la Qarawiyyĭn). Ibn ‘Abd al-Wāḥid al-Murrākušī, qui écrirait aux environs de 621H./1223 (donc juste avant l’arrivée des Mérinides au pouvoir), parle longuement de Fès et de son éclat intellectuel, en s’enorgueillissant d’y avoir poursuivi toutes ses études dès l’âge de neuf ans, mais il ne fait à aucun moment la moindre allusion ni aux Idrissides ni à la Qarawiyyĭn<ref>Ibn ‘Abd al-Wāḥid al-Murrākušī, al-Muʻğib fī talḫīs aḫbār al-Maġrib, Dār al-kutub al-ʻilmiya, Beyrouth, 2005, {{p.}}257 </ref>, ceci alors que lorsqu’il parle de l’Ifrīqiyya ou de Qayrawān il n’oublie pas de mentionner les Aghlabides<ref> Ibn ‘Abd al-Wāḥid al-Murrākušī, idem, {{p.}}255. </ref>. Un auteur du VIè H./{{s|XII|e}}, comme l'anonyme du Kitāb al-Istibṣār, parle longuement de Fès et s'attarde durant plusieurs lignes sur ce qu'il appelle (جامع عدوة القرويين) la mosquée de la rive des Kairouanais. Il parle alors des ajouts almohades à la mosquée (deux fontaines et une porte), mais ne remonte aucunement plus loin, et ne la lie aucunement aux Idrissides. Il parle tout aussi indifféremment de la mosquée de la rive des Andalous<ref>Kitāb al-Istibṣār fī ʻağāib al-amṣār, Texte commenté et annoté par Saʻd Zaġlūl 'Abd al-Ḥamīd, dār a-šuūn a-ṯaqāfiya al-ʻāmma, Baghdad, 1986, {{p.}}180-181.</ref>
 
C’est pourquoi, après la présentation de tous ces arguments, M. Benchekroun pense qu'il devient alors tout-à-fait légitime de douter de l’existence de ce personnage légendaire et sûrement totalement fictif qu’est [[Fatima el Fihriya|Fāṭima al-Fihriya]]<ref>Le caractère légendaire de ce personnage se révèle d’autant plus vrai qu’avec le temps, les générations attribueront de plus en plus de traits sacrés à Fāṭima al-Fihriya comme celui d’avoir affecté la ḥuṭba à la Qarawiyyĭn rien que par sa seule autorité (alors que la ḥuṭba n’y sera transférée que quelques décennies après la fondation de la mosquée sous les Zénètes). En tous cas, c’est ce qu’affirme sérieusement a-Tanasī au IXè H./{{s|XV|e}}. Ce même a-Tanasī qui affirme que la Qarawiyyĭn fut fondée par une femme qarawiyya (campagnarde)… Qarawiyyĭn étant le pluriel de qarawī (campagnard), cela pourrait autrement expliquer l’étymologie de la mosquée, voire de la rive droite de Fès en entier, mais il faut aussi faire remarquer que qarawī peut également être synonyme de qayrawānī, c'est-à-dire habitant de Qayrawān (un anonyme du VIIIè H./{{s|XIV|e}} dit aussi Fāṭima al-Qarawiyya). Voir : Le fragment parlant d’histoire idrisside tiré du livre d’a-Tanasī intitulé Naẓm a-ḏurr wa al-ʻiqyān fī bayān šaraf banī zayyān publié par Ismāʻīl al-‘Arabī en annexe de son ouvrage : Ismāʻīl al-ʻArabī, Dawlat al-adārisa mulūk Tilimsān wa Fās wa Qurtuba, Dār al-Ġarb al-islāmī, Beyrouth, 1983, {{p.}}285.</ref>
 
== Du lieu de culte au lieu d'enseignement ==