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{{article principal|Heidegger et les Présocratiques}}
{{article connexe|Alètheia|Phusis}}
Le mot '''Logos''' dérive du [[grec ancien|grec]] {{grec ancien|[[wikt:λόγος|λόγος]]}}, il désigne en première approximation, depuis [[Platon]] et [[Aristote]], la « parole », le « discours écrit [[Françoise Dastur]] <ref>{{harvsp|Dastur|2007|p=76}}</ref> » (textuel ou parlé) et par extension, la « rationalité » (l’[[intelligence]]) puis, la [[Logique]]. S'agissant de la [[Logique]], conçue comme discipline de la pensée, certains attribuent sa première occurrence à [[Xénocrate]]. Ce mot apparaît aussi dans les fragments d’un vieux penseur présocratique, Héraclite d'Éphèse<ref>{{harvsp|Heidegger|1993|p=40|texteid=''Essais et Conférences''|id=Essais et Conférences}} </ref>. Plus tard ce mot a eu une éclatante carrière philosophique, et aussi théologique et linguistique, comme logique, ratio, verbum, loi du monde, et enfin comme nécessité de pensée, sens et rationalité<ref>{{harvsp|texte=''Essais et Conférences''|id=''Essais et Conférences''|passage=Logos}}</ref>. La transposition de ce terme grec en latin de ''ratio'' a nous dit Guillaume Badoual<ref name="Dictionnairep781">{{harvsp|texte=article Logos ''Le Dictionnaire Martin Heidegger''|2013|p=781|id=Dictionnaire}}</ref>. {{Citation|façonné le destin de l'occident à la mesure que s'étend l'appel tous azimuts à la rationalité technique et économique}}
 
Le terme de « Logos » est traduit traditionnellement par le concept de « [[Logique]] », qui a le sens de {{Citation|méthode visant à s'assurer d'une pensée juste}}<ref>{{harvsp|Zarader|1990|p=154}} </ref>, attribut que [[Martin Heidegger|Heidegger]] tente de justifier en en interrogeant l'origine. Or la « Logique », l'ancienne ''épistémé logiké'', ''{{lang|grc|ἐπιστήμη λογική }}'', a un sens tout différent du nôtre dans la pensée des anciens grecs.
 
[[Martin Heidegger|Heidegger]], qui est celui des philosophes contemporains qui s'est le plus intéressé à ce vieux concept, rassemble d'emblée pour les mettre en relation, les trois notions qui dominent, dans les anciens textes, la pensée de ces vieux penseurs à savoir: le Logos, {{grec ancien|[[wikt:λόγος|λόγος]]}}, la Phusis, {{grec ancien|[[wikt:λόγος|φύσις]]}} et la Vérité, {{grec ancien|[[wikt:λόγος|ἀλήθεια]]}}<ref group="N">Heidegger consacre une conférence au ''Logos'' reprise dans l'ouvrage "Essaisessais et Conférencesconférences" , préface Jean Beaufret et parue sous le titre allemand ''{{lang|de|Vorträge und aufsätze"}}'' en 1954, traduite par André Préau, à noter une autre traduction de [[Jacques Lacan]] parue dans la revue ''La psychanalyse'' 1/1956-{{harvsp|Lacan|1956|p=|id=Lacan}}lire en ligne</ref>. La thématique du Logos est présente dés le paragraphe (§7) d'''[[Être et Temps]]'', où elle apparaît, à l'occasion d'un définition de la [[Phénoménologie (philosophie)|phénoménologie]], par le biais d'une interrogation sur la signification du suffixe « logie ». Guillaume Badoual<ref name="Dictionnairep781"/>, note incidemment que dans toutes les discipline faisant appel à ce même suffixe {{Citation|il semble que toute connaissance apparaisse comme une logique}}.
 
Comme le note [[Éliane Escoubas]]<ref name="Escoubasp160">{{harvsp|Escoubas|2007|p=160 }} </ref> : {{citation|tous ces thèmes primordiaux ( relevés par Heidegger) sans absolument se confondre, s’ouvrent les uns sur les autres et en arrivent presque à s’identifier entre eux}}. Ces trois notions<ref group="N">Ces trois notions font l’objet de trois articles séparés, ''[[Phusis]]'', ''Logos'', ''[[Alètheia]]''.</ref>, dont il s’agirait de reconquérir un sens originaire perdu, appartiennent au groupe dit des « paroles fondamentales » également distinguées par [[Marlène Zarader]], spécialiste du philosophe dans son livre : ''Heidegger et les paroles de l'origine''<ref>{{harvsp|Zarader|1990|p=19}} </ref>{{,}}<ref group="N">Ces paroles fondamentales n'appartiennent pas seulement à ceux qui les prononcèrent. En tant que paroles du commencement, elles ouvrent tous les domaines du questionnement que la philosophie reconnaîtra comme siens : elles disent l’être, la vérité, le destin, le temps-{{harvsp|Zarader|1990|p=19}}</ref>, préfacé par [[Emmanuel Levinas]].
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« Faire voir », la chose même est depuis [[Aristote]] l'objet du discours ''apophantique'', mais parce qu'il s'agit d'un faire voir, le ''Logos'' en ce sens limité peut être vrai ou faux, (découvrant ou occultant)<ref group="N">Il s'ensuit que si le Logos, et donc le jugement fait voir il n'est en aucune manière source de vérité et que donc la Vérité ou [[Alètheia]] n’a pas son lieu propre, dans le ''Logos'' mais dans une autre dimension où se déploie les conditions de sa possibilité, c'est-à-dire dans l' [[Dasein#L'Être-au-monde|être-au-monde]] du ''{{lang|de|[[Dasein]]}}''-{{harvsp|Dastur|2007|p=77}}</ref>. Comme le l'écrit Françoise Dastur<ref>{{harvsp|Dastur|2007|p=77}}</ref> {{Citation|il s'agit de comprendre (la vérité) comme l'acte de soustraire à son occultation l'étant dont il est discouru pour le faire voir comme sorti de l'occultation (''{{lang|de|Unverborgenes}}''), comme « dé-couvert », alors que l'être-faux signifie l'inverse le fait de tromper au sens de « re-couvrir »}}.
=== L'énigme du Logos ===
Il y a pourtant une énigme du ''Logos'', car si la signification usuelle précoce a bien été le « dire » et le « discours », expose [[Martin Heidegger|Heidegger]]<ref>{{harvsp|Heidegger|texte=Logos dans ''Essaisessais et Conférences''conférences|1993|id=Essaisessais et Conférencesconférences|p=251}}</ref>, sa signification originelle profonde serait autre, cette autre signification s'est estompée et le dire ou le discours n'en seraient qu'une signification dérivée<ref>{{harvsp|Zarader|1990|p=162}}</ref>. Le penseur insiste sur ce caractère énigmatique, qu'aurait ressenti les anciens grecs et qui serait ni de notre fait, ni du fait d'Héraclite mais qu'il appartient à la {{Citation|chose pensée elle-même}}<ref>{{harvsp|Lacan|1956|id=Lacan|p=1}} lire en ligne</ref>.
 
C'est à partir de l'étymologie du terme ''λόγος'' et particulièrement de sa forme verbale ''{{lang|grc|λέγειν }}'', que Heidegger va chercher dans la langue de l'époque, ce sens originaire, qui lui apparaîtra comme un « cueillir », un « récolter », un « mettre à l'abri »<ref>{{harvsp|texte=Martin Heidegger Aristote Métaphysique Θ 1-3|1991|p=15|id=Aristote Métaphysique}}</ref>. Au terme d'une longue méditation, le mot de ''{{lang|grc|λόγος }}'', substantif du verbe ''λέγειν'' n'aurait pas pour signification première {{Citation|ce qui est de l'ordre de la parole mais, ce qui recueille le présent, le laisse étendu-ensemble devant et ainsi, le préserve en l'abritant dans la présence}} <ref>{{harvsp|Heidegger|1993|id=Essaisessais et Conférencesconférences|p=250-255}}</ref>. Le penseur s'efforce ensuite de montrer par quel chemin le sens propre du verbe ''{{lang|grc|λέγειν }}'' qui signifie « étendre » en est venu à signifier {{Citation|dire et parler}}<ref>{{harvsp|Heidegger|1993|id=Essaisessais et Conférencesconférences|p=252}}</ref>.
 
Cependant [[Martin Heidegger|Heidegger]] ne va pas s'attarder sur le sens traditionnel attribué au terme ''Logos'', depuis Aristote, comme simple « Dire » ou « Discours » qui pour lui présente le défaut de signifier, dans sa dernière mutation, après la raison et la rationalité, la ''Logique'' qui ira jusqu'à prétendre se réserver la détermination du juste. Dans les années 1930, après le Tournant, Heidegger puise dans son origine présocratique pour dépasser ce sens habituel de Logos compris comme « Discours » ou « Logique »<ref>{{harvsp|Dastur|2007|p=157}}</ref>. Quant à la Logique, il remarque qu'elle est l'héritière de l' ''épistémé logiké'', ''{{lang|grc|ἐπιστήμη λογική }}'' [[aristotélisme|aristotélicienne]] qui est elle-même d'essence technique (technè, ''{{lang|grc|τέχνη }}'') et donc déjà une perspective particulière sur le ''Logos'', une perspective métaphysique, et non le ''Logos'' lui-même dans son sens archaïque et plénier ; de droit, elle n'en est donc qu'une approche possible<ref group="N">[[Marlène Zarader]] souligne qu'il ne s'agit pas pour Heidegger de critiquer la Logique lorsqu'elle interprète le ''Logos'' comme raison, comme s'il s'agissait de lui en substituer une autre, en lui révélant d'où elle parle dans son propre mode de représentation, c'est-à-dire comme énoncé, raison ou fondement on voit qu'elle se moule dans les catégories métaphysiques-{{harvsp|Zarader|1990|p=160}}</ref>.
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=== L'un-Tout ===
On doit à Héraclite la formule où le « ''Logos'' » est dit de façon lapidaire (dans le fragment 50) : « hèn panta » ou « Un-Tout » ou encore « l'Un unissant Tout »<ref group="N">Le fragment 50 est considéré comme le fragment clef pour la suite de la compréhension du ''λόγος'' héraclitéen, il expose : {{citation|Si ce n'est pas moi mais le ''{{lang|grc|λόγος }}'' que vous avez entendu, il est sage de dire, en conformité avec lui: Un est Tout}}. Cette sentence ouvre la voie à une double interprétation, deux modalités d'audition, soit l'entente des simples paroles humaines d'[[Héraclite]], soit l'écoute du ''{{lang|grc|λόγος }}'' dans les paroles d'Héraclite, à travers les paroles de Héraclite, ce qui traduit, selon Heidegger, une autre espèce d'écoute et d'entente. [[Marlène Zarader]] note que dans la forme de la sentence ( ce n'est pas moi), le simple locuteur, le discours, est d'emblée écarté au profit du ''{{lang|grc|λόγος }}'' auprès duquel Héraclite invite ses élèves à « être à l'écoute ». Ce qui est en jeu ici c'est la condition du savoir authentique qui consiste à ce que l'écoute s'ordonne au ''{{lang|grc|λόγος }}'' et se soumette à lui {{Citation|Le ''Logos'' amène ce qui apparaît, ce qui se produit et s'étend devant nous, à se montrer de lui-même, à se faire voir en lumière}}-{{harvsp|Heidegger|texte=Logos dans Essaisessais et Conférencesconférences|1993|p=257|id=Essaisessais et Conférencesconférences}}</ref>.
 
Cet « Un-Tout » n'est pas à concevoir comme la résultante d'une unité par agrégation du multiple, par rattachement ou accouplement mais, selon l'expression de Guillaume Badoual<ref name="Dictionnairep782">{{harvsp|texte=article Logos ''Le Dictionnaire Martin Heidegger''|2013|p=782|id=Dictionnaire}}</ref> comme une{{Citation| unité concertante}} qui va constituer la « Dimension » dans laquelle toutes choses « avec leur adverse » vont pouvoir apparaître dans leur lumière propre<ref name="Dictionnairep782"/>. Le propre du Logos est aussi en tant que « Un-Tout » de dire l'appartenance mutuelle de l'être et de l'homme<ref>{{harvsp|texte=article Logos ''Le Dictionnaire Martin Heidegger''|2013|p=783|id=Dictionnaire}}</ref><ref group="N">Quant à la Logique elle est l'héritière de l' ''épistémé logiké'', ''{{lang|grc|ἐπιστήμη λογική }}'' [[aristotélisme|aristotélicienne]] qui est elle-même l'essence technique (technè, ''{{lang|grc|τέχνη }}'') et donc déjà une perspective particulière sur le « ''Logos'' », une perspective métaphysique, et non le ''Logos'' lui-même dans son sens archaïque et plénier ; de droit, elle n'en est donc qu'une approche possible. [[Marlène Zarader]] souligne qu'il ne s'agit pas pour Heidegger de critiquer la Logique lorsqu'elle interprète le ''Logos'' comme raison, comme s'il s'agissait de lui en substituer une autre, en lui révélant d'où elle parle dans son propre mode de représentation, c'est-à-dire comme énoncé, raison ou fondement on voit qu'elle se moule dans les catégories métaphysiques-{{harvsp|Zarader|1990|p=160}}</ref>. Entre les adverses (que sont la nuit et le jour, la guerre et le paix, la famine et l'abondance), s'il y a combat, ''Polémos'', il n'y a pas rupture mais « co-appartenance », comme il n'y a pas dans la conception d'Héraclite succession, les adverses sont toujours ensemble et ne font qu'un (la nuit a besoin du jour pour être ce qu'elle est).
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== Bibliographie ==
* {{ouvrage|prénom=Martin |nom=Heidegger |lien auteur=Martin Heidegger |traducteur=Gilbert Kahn |titre=Introduction à la métaphysique |collection=Tel |numéro dans collection=49 |éditeur=Gallimard |année=1987 |pages=226 |isbn=2-07-020419-7}}.
*{{ouvrage|titre=''Essais et Conférences''|prénom1=Martin|nom1=Heidegger|préface=[[Jean Beaufret]]|lieu=Paris|collection=Tel|numéro dans collection=52|éditeur=Gallimard|année=1993|isbn=2-07-022220-9|id=Essaisessais et Conférencesconférences}}.
*{{ouvrage|prénom=Martin |nom=Heidegger |lien auteur=Martin Heidegger |traducteur=Bernard Stevens et Pol Vandervelde|titre=Aristote Métaphysique Θ 1-3|sous-titre= De l'essence de la réalité et de la force|éditeur=Gallimard |lien éditeur=Éditions Gallimard |lieu=Paris |année=1991|pages=225|id=Aristote Métaphysique|isbn=2-07-072289-9}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Marlène Zarader]]|titre=Heidegger et les paroles de l'origine|collection=Bibliothèque de la philosophie|éditeur=J. Vrin |lien éditeur=Librairie philosophique J. Vrin |année=1990|isbn=978-2-7116-0899-7}}.
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