« Mehmed II » : différence entre les versions

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Ajout du film sorti en 2012 nommé Constantinople
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== Biographie ==
=== Premier règne ===
Fils cadet de Mourad, Mehmed eut une enfance et une instruction difficiles<ref>{{Harvsp|Vatin|1989|page= 81.}}</ref>. Il devint l'héritier du trône à la mort de son frère aîné AlaeddinAlâeddin en 1444. Pour des raisons mal connues, {{nobr|Mourad {{II}}}} abdiqua en sa faveur en juillet ou août de la même année<ref name="V76">{{Harvsp|Vatin|1989|page= 76.}}</ref> et se retira à Manisa.
 
Le court règne de Mehmed fut agité, sur les plans intérieur et extérieur. Le gouvernement était partagé entre la faction du [[grand vizir]] [[Çandarlı Halil Hayreddin Pacha|Çandarlı Halil]], homme de confiance de Mourad mais qui entretenait de mauvaises relations avec Mehmed, et d'autre part les autres vizirs plus proches du jeune sultan<ref name="V76"/>. Des mouvements populaires provoquant un incendie à Edirne suivirent la prédication d'un derviche [[Hurufisme|hurufi]], protégé par Mehmed contre le [[grand mufti]] et Halil<ref>{{Harvsp|Vatin|1989|page= 77.}}</ref>.
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En avril 1453, Mehmed assiégea la ville, détruisant tout aux environs et enfermant la population dans ses murs.
 
Le 19 avril, deux tours sur roues furent construites pour pouvoir franchir les murailles légendaires de la ville. La bataille devint sanglante et Mehmed se rendit compte que tant que sa marine n'entrait pas en jeu, la ville pourrait continuer à être soutenue par les navires vénitiens et génois. Il fallait trouver un moyen de pénétrer dans la [[Corne d'Or]], mais celle-ci était bien défendue à son entrée par un système de chaînes. Mehmed imaginafit alors de tirerpasser les bateaux àpar terrela voie terrestre en une seule nuit. Se trouvant ainsi sur la rive européenne et de les faire entrerentra par l'extrémité de la Corne d'Or ({{date|22|avril|1453}}). La marine ottomane se trouva ainsi au milieu de la ville et elle put bombarder ses murs depuis l'intérieur. Les boulets de 600 kilos tirés par le canon géant d'Orban firent de terribles ravages. Entre le 23 et le 25 mai, [[Constantin XI Paléologue|{{nobr|Constantin {{XI}}}}]], voyant que la défense ne tiendrait plus longtemps, accepta, sur la proposition d'un envoyé de Mehmed (nommé Ismaël, et fils du renégat grec Alexandre/Skender, prince vassal de Sinope), d'entrer dans des pourparlers de paix avec le sultan. Celui-ci exigea alors le payement annuel d'un tribut de 100.000 besants d'or (somme bien au-desus des moyens de l'Empire grec), faute de quoi les Byzantins n'auraient plus qu'à quitter la ville en emportant leurs biens, ou à subir l'assaut de l'armée turque. Constantin ne pouvait que refuser de telles conditions, ce qu'il fit après avoir consulté son entourage<ref>Voir : Doukas, {{XVIII}} (1088) ; Laonicos Chalcocondyle, ''De rebus Turcicis'', {{VIII}}, 207 (''PG'' 159, {{col.|385}} D). Voir Gustave Schlumberger, ''1453 : le siège, la prise et le sac de Constantinople par les Turcs''. Paris, Plon, 1935, {{p.|164-166}} ; L. Bréhier, ''Vie et mort de Byzance'' (1992), {{p.|424-425}} et {{n.|3445}} ; S. Runciman, ''La chute de Constantinople'' (2007), {{p.|186-187}}.</ref>.
 
[[Fichier:Zonaro GatesofConst.jpg|thumb|left|Entrée de {{nobr|Memed {{II}}}} dans Constantinople. Peinture de [[Fausto Zonaro]] (1854-1929)]]
Dans la nuit du [[28 mai|28]] au {{date|29|mai|1453}}, vers une heure et demie du matin, l'attaque finale fut lancée (cf. [[Chute de Constantinople|la chute de Constantinople]]). Plusieurs vagues successives furent repoussées mais les régiments turcs parvinrent au bout de quelques heures à pénétrer dans la ville et [[Constantin XI Paléologue|{{nobr|Constantin {{XI}}}}]] périt dans la bataille. À midi, au terme d'une lutte héroïque de part et d'autre, la capitale était prise. L'Empire romain d'Orient, vieux de 1125 ans, s'était écroulé après 54 jours de siège. Les conquérants se livrèrent au pillage, au viol et à toutes sortes de profanations,la etville ilsdurant massacrèrent,3 sansjours distinctioncar de sexe ni dl'âge,ennemi lesavait habitants qu'ils rencontraient, en attendantrefusé de réduire en esclavage les éventuelsse rescapésrendre.
 
{{nobr|Mehmed {{II}}}} entra dans Constantinople dans l'après-midi du {{date|29|mai|1453}}. Escorté de vizirs, de pachas, d'[[ouléma]]s et de [[janissaire]]s, il gagna la [[Sainte-Sophie (Constantinople)|basilique Sainte-Sophie]]. Là, montant à l'ambon en compagnie d'un imam, il récita la prière musulmane, puis, pénétrant dans le sanctuaire, monta sur l'autel et le foula aux pieds, dans une attitude de profanation à la longue histoire<ref>L. Bréhier, ''Vie et mort de Byzance'' (1992), {{p.|428}}. On pense au vieux geste rituel, à la fois romain et byzantin, de la ''calcatio (hostis)'', mais le geste est détourné par Mehmed dans un sens religieux : au lieu de fouler aux pieds le chef ennemi (rappelons que le corps de l'empereur Constantin, tué dans la bataille, n'avait pas — ou pas encore — été retrouvé), {{nobr|Mehmed {{II}}}} piétine et humilie, d'une manière à la fois souveraine et symbolique, la table sainte où l'officiant chrétien procède au sacrifice du « corps du Christ ».</ref>, puis s'agenouilla pour y faire la prière musulmane du midi : la basilique chrétienne, de ce fait, fut transformée en mosquée<ref>L. Bréhier, ''Vie et mort'' (1992), {{p.|428}} et {{n.|3478}} ({{p.|550}}, avec référence précise aux sources) ; F. Babinger, ''Mehmed the conqueror'' (1992), {{p.|95}}.</ref>.
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Selon certains historiens modernes<ref>Dont [[Steven Runciman|S. Runciman]], ''The Fall of Constantinople 1453'', {{p.|148}} ; [[Halil İnalcık|H. İnalcık]], ''The Policy of {{nobr|Mehmed {{II}}}} Toward the Greek Population of Istanbul and the Byzantine Buildings of the City'', in ''Dumbarton Oaks Papers'', 23/24 (1969/1970), {{p.|233}} ; {{Harvsp|Vatin|1989|page= 88.}}</ref>, le sultan aurait mis un terme au pillage de la cité avant la fin des trois jours habituellement accordés aux soldats ; cette affirmation, contredite par la plupart des autres historiens pour qui la mise à sac ne s'acheva que le 31 mai<ref>A. Pertusi, ''La caduta'', {{I}} (1976), {{p.|{{LXXXVII}}}} (« 31 maggio. Mehmed con un ordine pone termine al saccheggio ... ») ; S. Faroqhi, ''Subjects of the Sultan. Culture and daily life in the Ottoman Empire''. London & New York, I.B. Tauris, 1995, {{p.|33}} ; É. Patlagean, A. Ducellier, C. Asdracha & R. Mantran, ''Historia de Bizancio''. Barcelona, Crítica, 2001, {{p.|279}}.</ref>, est non seulement dépourvue de références à des sources contemporaines des faits, mais encore démentie par les récits de témoins oculaires<ref>{{Harvsp|Philippides|2011|page= 93.}}</ref> parlant expressément de trois jours de pillage<ref>Ainsi : Angelo Giovanni Lomellino, Lettre de Péra du 23 juin 1453, dans A. Pertusi, ''La caduta'', {{I}} (1976), {{p.|42}}, 16-17 (''Posuerunt dictum locum ad saccum per tres dies'') ; [[Léonard de Chio]], Lettre du 16 août 1453, § 46, dans A. Pertusi, ''La caduta'', {{I}} (1976), {{p.|164}}, 467-469 (''Triduo igitur in praedam decursam civitatem depopulatamque regis Teucrorum ditioni dicati admodum relinquunt'').</ref>, ainsi que par les rapports des historiographes ottomans eux-mêmes <ref>Voir par exemple : Oruç Beg, ''Tarih'', éd. Nihal Atsiz, Istanbul, 1972, {{p.|109}} (« Ils ont pillé pendant trois jours. Après le troisième jour, ils ont interdit le pillage ») ; Hoca Sa'düddin, 1979, {{p.|284}} (« Le troisième jour, les huissiers de la Porte arrêtèrent, conformément à l'ordre du souverain, les combattants qui passaient leur temps à piller et à faire du butin, et ils freinèrent leur action, quitte à employer la force »). Voir Stéphane Yerasimos, « Les Grecs d'Istanbul après la conquête ottomane. Le repeuplement de la ville et de ses environs (1453-1550) », dans ''Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée'', 107-110 (septembre 2005), {{p.|375-399}}, spéc. {{p.|375}}.</ref>. Il est donc plus exact de dire que le pillage et la destruction « se poursuivirent pendant trois jours, mais sans l'intensité des douze premières heures »<ref>Donald M. Nicol, ''Les derniers siècles de Byzance. 1261-1453''. Paris, Tallandier, « Texto », 2008 (seconde éd. anglaise Cambridge University Press, 1993), {{p.|412}}. Voir aussi S. Runciman, ''La chute de Constantinople'' (2007), {{p.|220}}. Pour n'évoquer qu'un point, qui touche particulièrement les humanistes, la destruction massive de manuscrits grecs — attestée entre autres par Doukas, 42, 1, et Critoboulos, I, 62, 3 ; voir par ex. S. Runciman, ''La chute de Constantinople'' (2007), {{p.|216-217}}) —, a dû prendre du temps. Le jurisconsulte, philosophe et hébraïsant Lauro Quirini, dans une lettre adressée au pape [[Nicolas V|{{nobr|Nicolas {{V}}}}]] et datée de Candie, {{date|15|juillet|1453}}, évalue à plus de {{formatnum:120000}} le nombre de livres grecs détruits par les Ottomans depuis la prise de la Ville : A. Pertusi, ''Testi inediti'' (1983), {{p.|74}}, {{l.|89-90}}.</ref>.
 
Finalement, Constantinople devint capitale de l'[[Empire ottoman]]. Le premier décret du sultan après la prise de la « Nouvelle Rome » fut de repeupler la ville morte. Il autorisa donc l'installation de civils, y compris chrétiens, dans la ville, à qui il laissa (mais sous un contrôle très étroit) une certaine liberté de culte, marquée par l'intronisation à la tête de l'Église grecque orthodoxe d'un nouveau patriarche, [[Gennade II Scholarios|Gennadios]], connu pour ses positions [[Concile de Bâle-Ferrare-Florence-Rome#L.27Union des .C3.89glises|anti-unionistes]] ; il instaura aussi un [[Patriarcat arménien de Constantinople|patriarcat arménien apostolique]] en 1461. Il se fit appeler ''Kayser-i Rum'': l'empereur romain.
Après la prise de Constantinople, {{nobr|Mehmed {{II}}}}, sultan [[Bisexualité|bisexuel]], décida d'enlever les plus beaux jeunes hommes de la noblesse byzantine pour qu'ils fassent partie de son [[harem]]<ref>{{en}} James Smalls, ''Homosexuality in Art'', Parkstone International, (2012), 277{{nb p.}}, {{p.|134}}, ISBN 978-1-7804-2952-6</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Philippides|2011|page= 256.}}</ref>{{,}}<ref>{{en}} George Haggerty, Bonnie Zimmerman, ''Encyclopedia of Lesbian and Gay Histories and Cultures'', Garland Science, 2003, {{p.|1385}} : « When {{nobr|Mehmed {{II}}}} captured the city in 1453, his troops were dispatched immediately to capture the most beautiful boys of the Christian aristocracy for him. »</ref>. Décrit comme notoirement pédéraste<ref>[[Philip Mansel]], ''Constantinople'', Hachette, 2011 (544{{nb p.}}), {{p.|47}} : « Like the city itself, he [{{nobr|Mehmed {{II}}}}] was a collection of contrasts: cruel and gentle, ruthless and tolerant, pious and pederast. »</ref>, il motiva ses troupes avant l'assaut en leur faisant miroiter la beauté des jeunes hommes et enfants de Constantinople ; après la chute de la ville, les soldats se livrèrent à de nombreux viols sur des jeunes garçons<ref name="asianhomosexualities">{{en}} Wayne R. Dynes, Stephen Donaldson, ''Asian Homosexualities'', Taylor & Francis (1992), 368{{nb p.}}, {{p.|28}}</ref>. Le ''Megadux'' [[Lucas Notaras]], décapité sur l'ordre de {{nobr|Mehmed {{II}}}} avec une partie de sa famille, aurait subi ce sort parce qu'il refusait de livrer son fils de {{unité|14|ans}} à la lubricité du sultan<ref name="asianhomosexualities"/>{{,}}<ref>Steven Runciman, ''La chute de Constantinople. 1453''. Paris, Tallandier, « Texto », 2007 (édition originale anglaise : Cambridge University Press, 1965), {{p.|220-221}}. La décapitation était, chez Mehmed, une option punitive fréquente, même avec les enfants (voir plus loin, {{nobr|note 23}}, le sort infligé aux sept fils de {{nobr|David {{II}}}} de Trébizonde), mais n'excluait aucunement le recours à divers sévices longs et raffinés. Son supplice préféré était toutefois celui du pal, comme le note, vers l'an 1475, le Génois Iacopo de Promontorio de Campis, qui séjourna longuement à la cour du sultan : F. Babinger, « Die Aufzeichnungen des Genuesen Iacopo Promontorio de Campis über den Osmanenstaat um 1475 », in ''Sitzungsberichte der bayerischen Akademie der Wissenschaften, philosophisch-historische Klasse'', Jahrgang 1957, Heft 8, {{p.|89-92}}.</ref> ; selon le [[byzantiniste]] Thierry Ganchou, cette motivation essentiellement sexuelle pour la remise en otage du fils Notaras (attestée par ailleurs) n'aurait été avancée et répandue par les chroniqueurs chrétiens que par médisance<ref>{{Chapitre|titre chapitre= Le rachat des Notaras après la chute de Constantinople ou les relations « étrangères » de l'élite byzantine au {{s-|XV|e}}|titre ouvrage= Migrations et diasporas méditerranéennes ({{s-|X|e}}-{{s-|XVI|e}}s)|auteurs ouvrage=[[Michel Balard]] et Alain Ducelier|prénom1= Thierry|nom1=Ganchou|lieu=Paris|éditeur= Publications de la Sorbonne|année=2002|passage=}} {{n.|27}} {{p.|155}} ([http://books.google.fr/books?id=mcJ3NIi65pMC&pg=PA155#v=onepage&q&f=false lire en ligne]) ; ''Le prôtogéros de Constantinople Laskaris Kanabès (1454). À propos d'une institution ottomane méconnue'' in ''Revue des Études Byzantines'', 71, 2013, pp. 233-236 ([https://www.academia.edu/9442119/Le_pr%C3%B4tog%C3%A9ros_de_Constantinople_Laskaris_Kanab%C3%A8s_1454_._%C3%80_propos_dune_institution_ottomane_m%C3%A9connue en ligne])</ref>.
 
Finalement, Constantinople devint capitale de l'[[Empire ottoman]]. Le premier décret du sultan après la prise de la « Nouvelle Rome » fut de repeupler la ville morte. Il autorisa donc l'installation de civils, y compris chrétiens, dans la ville, à qui il laissa (mais sous un contrôle très étroit) une certaine liberté de culte, marquée par l'intronisation à la tête de l'Église grecque orthodoxe d'un nouveau patriarche, [[Gennade II Scholarios|Gennadios]], connu pour ses positions [[Concile de Bâle-Ferrare-Florence-Rome#L.27Union des .C3.89glises|anti-unionistes]] ; il instaura aussi un [[Patriarcat arménien de Constantinople|patriarcat arménien apostolique]] en 1461. Il se fit appeler ''Kayser-i Rum'': l'empereur romain.
 
En [[1462]], il lança la construction du [[palais de Topkapı]].
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=== Conquête des vestiges de l'Empire byzantin ===
De 1459 à l'automne 1460, {{nobr|Mehmed {{II}}}} fit la conquête définitive du [[despotat de Morée]], où régnaient les deux frères de {{nobr|Constantin {{XI}}}}, [[Démétrios Paléologue (fils de Manuel II)|Démétrios]] et [[Thomas Paléologue|Thomas]]. Démétrios se soumit rapidement au sultan, qui lui donna une somme importante et quelques îles de la mer [[Égée]] en apanage, tandis que Thomas s'enfuit avec ses enfants d'abord à [[Corfou]], puis à Rome, où il mourut en 1465<ref>S. Runciman, ''La chute de Constantinople'' (2007), {{p.|257-259}}.</ref>. Dans sa progression pour la conquête du [[Péloponnèse]], l'armée de Mehmed réduisit une à une les cités grecques, massacrant parfois les hommes qui avaient osé résister, comme à Kastritsa, voire toute la population civile de Leondari, sans distinction de sexe ou d'âge<ref>Setton, 1978, {{p.|225-226}} ; Laonicos Chalcocondyle, ''De rebus Turcicis'', {{IX}} (''PG'' 159, {{col.|465}} C — 468 C).</ref>, afin de faire des exemples et amener ainsi, par la terreur, les autres places-fortes à se rendre sans combattre ; les habitants de certaines villes furent réduits en servitude ou déportés à Constantinople « pour repeupler les faubourgs »<ref>Laonicos Chalcocondyle, ''De rebus Turcicis'', IX (''PG'' 159, 468 C).</ref> ; des commandants de forteresses ayant opposé de la résistance furent sciés en deux<ref>Voir Laonicos Chacocondyle, ''De rebus Turcicis'', IX (''PG'' 159, {{col.|468}} A) : ... καὶ τὸν ἄρχοντα αὐτῶν τῇ ὑστεραίᾳ χωρὶς ἔτεμε τὸ σῶμα ποιησόμενον (à propos du défenseur de Kastritsa). {{nobr|Mehmed {{II}}}} fit également scier en deux, parmi d'autres : Paolo Erizzo, le gouverneur de [[Eubée|Nègrepont]], le {{date|12|juillet|1470}} — voir K.M. Setton (1978), {{p.|302}}, et ''infra'', {{n.|29}} — ; le patricien vénitien Geronimo Longo, mêmes lieu et moment : Domenico Malipiero, ''Annali veneti dall'anno 1457 al 1500'', in ''Archivio storico Italiano'', {{VII}}/1 (Firenze, 1843), {{p.|64}} (« ...è stà messo tra do tavole e segado per mezzo...») ; le gouverneur et l'archevêque d'Otrante le {{date|11|août|1480}} (voir ''infra'', « Dernières conquêtes ») ; etc.</ref>. La seule cité qui ne succomba pas au déferlement de l'armée ottomane fut [[Monemvasia]]/Malvoisie, qui, grâce à la puissance de ses murailles et de sa flotte, mais aussi grâce à la fermeté de son gouverneur, Nicolas Paléologue<ref>L. Bréhier, ''Vie et mort de Byzance'' (1992), {{p.|429-430}} (qui l'appelle par erreur Manuel) ; Haris A. Kalligas, ''Monemvasia. A Byzantine city state''. London & New York, 2010, {{p.|51-52}}.</ref>, sut résister, mais au prix d'un accord qui la fit passer sous le protectorat de Venise et retarda ainsi jusqu'en 1540 sa prise par les Turcs.
 
=== Guerre en Anatolie ===
En [[1461]], {{nobr|Mehmed {{II}}}} se tourna vers l'[[Anatolie]]. Il conquit la [[Isfendiyarides|principauté djandaride]] et l'[[Empire de Trébizonde]] en août [[1461]]. L'héritier du trône, [[David II de Trébizonde|{{nobr|David {{II}}}}]], fils de [[Jean IV de Trébizonde|{{nobr|Jean {{IV}}}}]] dit Kaloyannis, lui remit, le 15 de ce mois, les clefs de la cité et se laissa embarquer avec sa famille pour Constantinople. Le sultan dépouilla de leurs biens les familles de notables avant de les installer à Constantinople, et réduisit en esclavage le reste de la population<ref>S. Runciman, ''La chute de Constantinople'' (2007), {{p.|250}}.</ref>. Deux ans plus tard, craignant que [[David II de Trébizonde|David]] ne vînt à conspirer contre lui, {{nobr|Mehmed {{II}}}} lui donna, ainsi qu'à ses fils, le choix entre la conversion à l'islam et la mort immédiate : comme tous refusaient de renier leur foi, le sultan leur fit trancher la tête l'un après l'autre (1<sup>er</sup> novembre 1463)<ref>L. Bréhier, ''Vie et mort de Byzance'' (1992), {{p.|431-432}} et {{n.|3500}} (avec sources).</ref>.
 
En [[1464]], quand Ibrahim, bey de [[Karamanides|Karaman]], mourut, sa succession fut disputée. Deux frères s'opposaient. L'un, Ishak, obtint l'appui du Turcoman [[Uzun Hasan]], sultan des [[Aq Qoyunlu|Akkoyunlu]] (clan des « Moutons Blancs ») ; l'autre, Pir Ahmed, reçut le soutien de Mehmed. Pir Ahmed commit l'erreur de chercher un arrangement avec les Vénitiens : Mehmed considéra que c'était une trahison, partit en campagne et conquit [[Konya]] et Karaman. Pir Ahmed se réfugia chez les Akkoyunlu. L'armée ottomane et l'armée des Akkoyunlu s'affrontèrent près de [[Bataille d'Otlukbeli|Otlukbeli]] le {{date|11|août|1473}} : l'armée ottomane, la mieux équipée de l'époque, écrasa ses adversaires.
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=== Prise de Nègrepont ===
Dans la guerre sans merci que {{nobr|Mehmed {{II}}}} livra aux Vénitiens pour les chasser de leurs possessions dans la Méditerranée orientale, la prise de la colonie de [[Chalcis|Nègrepont]] (l'antique Chalcis d'[[Eubée]]), en 1470, fut sans doute l'événement le plus marquant<ref>Bon aperçu des faits, avec contextualisation, chez K.M. Setton, « {{nobr|Paul {{II}}}}, Venice, and the fall of Negroponte » (1978), en particulier {{p.|301-303}}.</ref>. L'expédition fut longuement mûrie par le sultan et préparée à partir de l'hiver 1469-1470. {{nobr|Mehmed {{II}}}} mit à sa tête son ex-grand vizir, [[Mahmud Pacha Angelović]], renégat chrétien d'origine serbe, qui commandait alors la flotte ottomane. Partie de
[[Gelibolu|Gallipoli]], la flotte de Mahmud Pacha arriva devant la cité le 15 juin : le blocus commença. Malgré une défense désespérée, Nègrepont, dont les murs renfermaient alors une population de 4.000 âmes environ<ref>Détails et sources chez K.M. Setton (1978), {{p.|302}}.</ref>, tomba aux mains des Ottomans le {{date|12|juillet|1470}}. La plupart des habitants, nourrissons et vieillards compris, furent systématiquement massacrés (12-13 juillet), et le maigre reste, constitué surtout de jeunes filles de moins de quinze ans, fut réduit en esclavage<ref>Voir notamment : F. Babinger, ''Mehmed the Conqueror'' (1978), {{p.|280-284}} ; Antonio Coccia, « Bessarione e i discorsi ai principi », in ''Bessarione'', Quaderno {{n°|7}}, Roma, Herder, 1989, {{p.|213-239}}, spéc. {{p.|218-223}}</ref>. Amplement diffusée par une presse alors toute récente, l'annonce d'un tel carnage horrifia l'Europe<ref>Margaret Meserve, « News from Negroponte : politics, popular opinion, and information exchange in the first decades of the Italian press », in ''Renaissance Quarterly'', 59/2 (2006), {{p.|440-480}}.</ref>. Cette perte fut peut-être, pour Venise, la plus cruelle de celles qu'elle eut à subir au {{s-|XV|e|}}<ref>K.M. Setton (1978), {{p.|303}}.</ref>.
 
=== Conquête de la Crimée ===
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=== Dernières conquêtes ===
En [[1477]], il se dirigea sur la côte Est de l'[[Mer Adriatique|Adriatique]] pour y prendre quelques îles aux [[République de Venise|Vénitiens]] et obtenir un traité de paix avec Venise en janvier [[1479]]. Un de ses [[vizir]]s, [[Gedik Ahmed Pacha]], prit pied en [[Italie]] et conquit [[Otrante]], dont la prise ({{date|12|août|1480}}) et le massacre qui l'accompagna (12000 victimes) provoquèrentprovoqua un nouveau choc dans l'opinion européenne.
{{Article détaillé|Bataille d'Otrante}}
 
=== Mort ===
Alors qu'il se rendait vers l'Orient pour une nouvelle campagne militaire, Mehmed mourut sur la route le {{date|4|mai|1481}}, peut-être empoisonné à l'instigation de l'ordre des derviches [[Khalwatiyya|Halvetî]] et de son fils [[Bayezid II|Bayezıd]]<ref>N. Vatin, ''L'ascension des Ottomans'', in ''Histoire de l'Empire ottoman'' (1989), {{p.|103}} et 105.</ref>.
 
Après sa mort, ses deux fils, [[Bayezid II|Bayezıd]] (appelé ''Bajazet'' par les Européens), l'aîné, et [[Zizim|Djem]] (appelé ''Zizim'') se disputèrent le pouvoir. Défait à deux reprises, Djem se réfugia en Occident, où il mourut en [[1495]] dans des conditions jamais élucidées.
 
== Bilan du règne ==
Mehmed fut principalement un homme de guerre qui augmenta à la fois sa flotte et son armée, dont il fit l'une des plus redoutables d'Europe. Avec lui, l'impérialisme ottoman commence une expansion européenne qui bouleversera l'Occident pendant plus de trois siècles, et la Grèce entre dans une très longue période d'asservissement qui durera jusqu'aux traités d'[[Traité d'Andrinople (1829)|Andrinople]] (1829) et de [[Traité de Constantinople (1832)|Constantinople]] (1832). Le fils de Mourad apparaît essentiellement, devant la postérité, comme le responsable de l'anéantissement brutal de la puissance et de la civilisation byzantines. Du point de vue de la politique intérieure ottomane, il renforça le pouvoir personnel du sultan en écartant la famille Çandarlı et en nommant ses esclaves au poste de [[grand vizir]], en mettant au pas les familles de beys des frontières, et en supprimant ses rivaux ainsi que leurs héritiers. Il tenta de réorganiser l'empire, imposa aux non-musulmans une hiérarchie centralisée, fit d'[[Istamboul|Istanbul]] une capitale puissante, édicta un recueil de lois (''kânûnnâme'')<ref>N. Vatin, ''L'ascension des Ottomans'', in ''Histoire de l'Empire ottoman'' (1989), {{p.|103-104}}.</ref>.
 
Pour financer ses nombreuses campagnes militaires, il pratiqua une politique de dévaluation de la monnaie ainsi qu'une réforme de la propriété qui lui attirèrent l'hostilité des ordres religieux ainsi qu'une certaine impopularité<ref>N. Vatin, ''L'ascension des Ottomans'', in ''Histoire de l'Empire ottoman'' (1989), {{p.|104-105}}.</ref>.
 
Il laissa ainsi à sa mort un empire plus vaste et plus puissant, mais une armée fatiguée, une situation économique précaire, un peuple mécontent et une élite irritée et divisée ; cette situation fut l'une des causes de la guerre civile qui s'ensuivit<ref>{{Harvsp|Vatin|1989|page= 105}}</ref>.
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{{nobr|Mehmed {{II}}}} est un des dirigeants de l'[[Empire ottoman]] dans le jeu vidéo [[Civilization IV|{{nobr|Civilization {{IV}}}}]].
 
Le film "Fetih 1453" (en français "Constantinople") sorti en 2012, retrace la chute de Constantinople en 1453, assiégée par Mehmed II. C'est déjà le film de tous les records: un budget de 17 millions de $, le plus gros jamais utilisé pour un film turc, trois ans de tournage et 15.000 figurants.
 
=== Notes ===
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