« L'Assiette au beurre » : différence entre les versions

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Ce projet se traduit par une maquette qui distingue la revue des autres feuilles humoristiques françaises, telles ''[[Le Rire]]'', ''[[Le Sourire (magazine)|Le Sourire]]'', ou, dans un registre proche, ''[[Le Cri de Paris]]'' : chaque numéro est édité en format album et comprend majoritairement {{incise|voire parfois exclusivement}} des [[dessin]]s et [[caricature]]s en [[bichromie|bi-]] ou [[trichromie]] et en pleine (ou double) page (au lieu de quarts de page habituels), avec un minimum de 16 pages illustrées<ref name="Bouchard"/>. Régulièrement, la réalisation d'un numéro sur un thème précis est confiée à un seul artiste, ce qui fait de cette livraison un véritable album. Des numéros spéciaux peuvent contenir jusqu'à 48 pages. Les images sont obtenues à partir de dessins originaux qui sont ensuite gravés suivant le procédé de la [[zincographie]]<ref name="Appelbaum_vii"/>.
 
''L'Assiette au beurre'' se caractérise ainsi par la {{citation|recherche d’une certaine qualité visuelle mettant en valeur un contenu essentiellement politique<ref name="Bouchard"/>}}, grâce au recours aux {{citation|meilleurs dessinateurs de la Belle Époque<ref>{{article|titre=Dossier: Les "bagnes d'enfants" en question|périodique=Revue d'histoire de l'enfance « irrégulière »|prénom1=Jean-Jacques|nom1=Yvorel|numéro=13|année=2011|url texte=https://rhei.revues.org/3228}}.</ref>}}. En témoignent le slogan de la revue, {{citation|la plus artistique des revues politiques}} ou cette publicité insérée dans un numéro de 1904 : {{citation|Pourquoi L’Assiette au beurre passe pour être le premier satirique du monde. Parce que L’Assiette au beurre a compris qu’on pouvait fort bien allier l’ART avec la SATIRE, sans faire avaler au public les images épinalesques ou les caricatures informes des journaux à gros tirage<ref name="Bouchard"/>}}. Anne-Marie Bouchard souligne à cet égard la capacité de la revue à rémunérer les dessinateurs{{note|Certains des artistes collaborant à ''L'Assiette au beurre'' trouvent cependant leur rémunération insuffisante. Stanley Appelbaum rapporte le propos suivant de [[Théophile Alexandre Steinlen|Steinlen]] en 1903 : {{citation|Si ''L'Assiette au beurre'' n'était pas le seul périodique dans lequel on puisse exprimer certaines choses librement, nous l'aurions tous quitté. En restant, nous faisons un sacrifice à l'Art et à l'Idée anarchiste<ref name="Appelbaum_VI"/>.}} Ralph Shikes évoque également le mécontentement pécuniaire de [[Jules Grandjouan|Grandjouan]]<ref>{{chapitre|langue=en|titre chapitre=Five Artists in the Service of Politics in the Pages of L'Assiette au Beurre|prénom1=Ralph|nom1=Shikes|titre ouvrage=Art and Architecture in the Service of Politics|auteurs ouvrage= Henry A. Millon et Linda Nochlin|éditeur=MIT Press|passage=163|année=1978}}.</ref>.|group=alphaN.}}{{,}}{{note|La rémunération des contributions suit un barème complexe, qui tient compte aussi bien de la notoriété de l'artiste que de la nature de la contribution, selon la taille de l'illustration et l'existence de prestations annexes, telle la composition typographique ou les légendes, et variant ainsi de 200 à {{unité|2000|francs}}<ref name="Appelbaum_vii"/>.|group=alphaN.}}, une pratique alors rare, qui permet à l'éditeur de {{citation|fédérer un ensemble d’individus, et ce en dépit de l’absence d’orientation éditoriale expressément affichée au-delà d’une volonté de « défense sociale »<ref name="Bouchard"/>}}. Elle note également que cette nouveauté éditoriale est contemporaine d'une amélioration des techniques de reproduction que certains théoriciens anarchistes de l'époque, tel [[Bernard Lazare]], considèrent comme {{citation|garante de l’utilité morale de l’œuvre d’art}}, par opposition à {{citation|l’aura de l’œuvre d’art originale et, par extension, celle de la propriété intellectuelle}}<ref name="Bouchard"/>{{,}}
{{note|[[Kees van Dongen|Van Dongen]], un anarchiste convaincu, qui participe à ''L'Assiette au beurre'' dès 1901, ne peint pratiquement pas entre 1896 et 1903, préférant à la peinture {{citation|l'art démocratique de l'imprimé<ref name="Leighten"/>}}, qu'il s'agisse de ''L'Assiette'' ou d'autres publications auxquelles il donne des contributions plus édulcorées, comme ''Frou-Frou'', Le ''Rab'lais'', Le ''Rire'' ou ''L'Indiscret''.
Il écrit à un ami en 1901 : {{citation|À quoi cela sert-il de produire des tableaux qui ne servent qu'au luxe, quand nous sommes entourés partout de pauvreté ? Je préfère travailler autant que possible pour le bien commun, plutôt que pour quelques fripons délibérés ou involontaires. C'est pourquoi je dessine pour des magazines et j'ai abandonné la peinture ; je n'en fais qu'un peu, de temps en temps, et pour moi-même<ref group=alpha"N">Cité par {{ouvrage|titre=Van Dongen|prénom1= Jean-Michel|nom1=Bouhours |prénom2=Nathalie|nom2=Bondil|prénom3= Martine|nom3=d'Astier|prénom4=Anita|nom4=Hopmans |éditeur=Hazan|année=2008|passage=112}}.</ref>.}} De même, [[František Kupka]] juge la publication dans des périodiques {{citation|plus démocratique}} que la peinture<ref name="Hage">{{chapitre|langue=en|titre chapitre=A democratic medium: František Kupka's Call for Social Change in the ''Money'' issue of ''L'Assiette au beurre''|prénom1=Emily|nom1=Hage|titre ouvrage=Art and Social Change|auteurs ouvrage=Susan Dixon et Klare Scarborough|éditeur=La Salle University Museum|année=2015|passage=93-95|url=https://books.google.fr/books?id=a820CwAAQBAJ&pg=PA103}}.</ref> et expliquera en 1905 avoir cessé de contribuer à ''L'Assiette au beurre'' {{citation|parce que le nouveau propriétaire [Joncières] veut seulement des illustrations qui ne troublent pas la digestion du lecteur<ref>{{ouvrage|langue=en|titre=The Liberation of Painting: Modernism and Anarchism in Avant-Guerre Paris|prénom1=Patricia|nom1=Leighten|éditeur=University of Chicago Press|année=2013|passage=201|url=https://books.google.fr/books?id=wUMJAgAAQBAJ&pg=PA201}}.</ref>.}}|group=alpha"N"}}.
 
Patricia Leighten note que ''L'Assiette au beurre'' est également un périodique {{citation|ouvertement propagandiste}}, s'adressant à la classe ouvrière et exprimant une sensibilité anarchiste dans le traitement des événements, à travers des thèmes principaux qui sont l'opposition au gouvernement, l'[[anticléricalisme]], l'[[antimilitarisme]], l'[[anticolonialisme]] et la critique de la police et des tribunaux<ref name="Leighten"/>. Toutefois, si Schwarz et plus tard Joncières ont de nombreux amis dans les cercles anarchistes et si leurs positions politiques personnelles ne font aucun doute, ''L'Assiette'' n'est pas une revue {{citation|militante}} et le point de vue exprimé par les artistes n'est ni toujours le même, ni dirigé, les éditeurs considérant leur publication plus comme une entreprise que comme un véhicule de propagande<ref name="Leighten"/>. En résumé, estime Anne-Marie Bouchard, {{citation|''L'Assiette au beurre'' est libertaire dans les cadres financiers et politiques qu'implique la constitution d'une entreprise capitaliste viable}}. Elle souligne à cet égard que [[Jossot]] est congédié en 1904 après que plusieurs numéros qu'il avait conçus aient été particulièrement mal reçus et juge que {{citation|l'image dans ''L'Assiette au beurre'' est au centre d'une transformation du monde des médias par le biais de laquelle les structures d'édition capitaliste assurent le développement d'un fétichisme de l'image reproduite dans la revue devenue objet de collection}}<ref>{{ouvrage|prénom1=Anne-Marie|nom1=Bouchard|titre=Figurer la société mourante : Culture esthétique et idéologique dans la presse anarchiste illustrée en France 1880-1914|éditeur=Université de Montréal|année=2009|passage=349|url=https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/4155/Bouchard_Anne-Marie_2009_these.pdf|nature ouvrage=Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales
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==== Le titre ====
[[File:Le Quadrille naturaliste.jpg|thumb|right|upright=0.8|alt=Deux danseuses dans une assiette.|''Le Quadrille naturaliste'', dessin d'[[Adolphe Willette]], 1885.]]
L'expression d'« assiette au beurre », peu usitée au {{s-|XXI}}, est en revanche très en vogue à la fin du {{s-|XIX}}, pour désigner une {{citation|place lucrative}}, un {{citation|ensemble de privilèges des personnes au pouvoir}} ou encore une {{citation|source de profit plus ou moins licite}}<ref>{{article|titre=Métamorphose de l'Angleterre dans L'Assiette au beurre|prénom1=Reto|nom1=Monico|périodique=Carnets|numéro=5|moi=mai|année=2013|url texte=http://revistas.ua.pt/index.php/Carnets/article/view/2260/2122}}.</ref>, dans un contexte où les métaphores culinaires appliquées à la politique sont courantes<ref>{{article|titre=Métaphores autour de l’''assiette au beurre''|prénom1=Maurice|nom1=Tournier|périodique=Mots|jour=19|mois=juin|année=1989|url texte=http://books.openedition.org/enseditions/1704}}.</ref>{{,}}{{note|Dans une note de son édition des mémoires de Mathilde Mauté de de Fleurville, qui fut l'épouse de [[Paul Verlaine]], Michaël Pakenham rappelle que {{citation|déjà en en 1831 une lithographie de [[Nicolas-Toussaint Charlet|Charlet]] a pour légende : {{citation|C'est toujours les mêmes qui tiennent l'assiette au beurre}}<ref>{{ouvrage|titre=Mémoires de ma vie|nom1=Ex-Madame Paul Verlaine|éditeur=Champvallon|année=1992|passage=271|url=https://books.google.fr/books?id=MvbS9Q6eSKMC&pg=PA271}}.</ref>}}. En 1871, Jules Perrin chante aux Ambassadeurs une chanson de [[Paul Burani]] sur une musique de Charles Pourny, dont le refrain est : {{citation|C'est pas toujours les mêmes / Qu'auront l'assiette au beurr'/Et allons y tout d'même/Au p'tit bonheur.<ref>{{ouvrage|titre=Les Refrains modernes : chansonnier nouveau, contenant les meilleures romances, chansonnettes, chansons comiques et actualités de plus célèbres auteurs du jour|éditeur=Le Baily|année=1875 (?)|passage=139|url=https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=osu.32435002669612;view=1up;seq=149}}.</ref>}}.|group=alpha"N"}}. Selon certaines sources, elle remonterait au Moyen Âge : ajouter du beurre aux aliments servis dans l'assiette, c'est signifier par là qu'on en a les moyens, par opposition au « bouillon gras du pauvre », contenant ce que les [[Hygiénisme|hygiénistes]] appellent en cette [[Fin de siècle|fin-de-siècle]], la « mauvaise graisse ». Par extension, dire que quelqu'un ou qu'un groupe de personnes « possède l'assiette au beurre », c'est suggérer qu'il a l'aisance, le [[nouveau riche|privilège soudain]], l'assurance d'un confort regardé ici comme abusif voire superflu et surtout vulgaire<ref>[http://www.expressio.fr/expressions/mettre-du-beurre-dans-les-epinards.php Définition et origines de l'expression] sur ''Expressio.fr'', en ligne.</ref>{{,}}{{Note|Dans un essai illustré édité chez Perrin en 1890, [[John Grand-Carteret]] évoque le travail de l'éditeur Felix Bagel, originaire de [[Düsseldorf]], qui n'hésite pas à publier des caricatures dénonçant la vulgarité de certains militaires prussiens et de toute cette bourgeoisie de la nouvelle Allemagne conquérante et industrielle : sur les origines probables de ''L'Assiette au beurre'' dans ce qui constitue l'esprit satirique allemand d'avant 1900 — sans compter l'impact probable sur Schwarz de ''[[Simplicissimus (revue)|Simplicissimus]]''<ref>Lire [https://archive.org/stream/bismarckencaric00grangoog#page/n11/mode/2up ''Bismarck en caricatures''], {{pages|110-112}}, ainsi que l'introduction.</ref>.|group=alpha"N"}}. La [[métaphore]] se retrouve également dans l'expression « promettre l'assiette au beurre pour tous », qui désigne les promesses [[démagogie|démagogiques]] de certains candidats{{note|[[Alphonse Allais]] prête ainsi au [[s:Le Captain Cap/I/Un mot sur le Captain Cap|Captain Cap]] la revendication suivante : {{citation|Loin d’être l’apanage de certains, l’assiette au beurre doit devenir le domaine de tous}}.|group=alpha"N"}}. Cet aspect est par exemple décliné dans la revue-spectacle ''L'Assiette au beurre'', un « quadrille naturaliste » lié aux [[Arts Incohérents]] et présenté en décembre 1885 sur la scène du [[théâtre Beaumarchais]]. Son programme a d'ailleurs été illustré, dans un esprit typiquement carnavalesque [[Montmartre|montmartrois]], par [[Adolphe Léon Willette|Adolphe Willette]], l'un des premiers contributeurs à la revue de Schwarz, ainsi que par [[Alfred Choubrac|Choubrac]]<ref>''L' Assiette au beurre : revue en huit tableaux'' de Bertol-Graivil et [[Henry Buguet]] ([http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8436639p voir en ligne] sur [[Gallica]].</ref>{{,}}<ref>''Direction Bargel. Théâtre Beaumarchais. 1885. L'assiette au beurre. Revue'', estampe d'[[Alfred Choubrac]] ([http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8436640b voir en ligne] sur [[Gallica]]).</ref>. L'expression a souvent une connotation [[Antiparlementarisme|antiparlementaire]]<ref>{{article|titre=« Regardez-les donc sauter, c’est nos députés ! » : L’antiparlementarisme en chansons, 1880-1934|prénom1=Jean-François « Maxou »|nom1=Heintzen|périodique=Siècles|numéro=32|année=2010|url texte=https://siecles.revues.org/917}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|titre=L’antiparlementarisme, une culture politique partagée ?|prénom1=Jean-Claude|nom1=Caron|périodique=Siècles|numéro=32|année=2010|lire en ligne=https://siecles.revues.org/916?lang=fr}}.</ref>. Elle est encore employée dans un sens proche par le ''Journal d’Annonay'', en 1924, pour rappeler à ses lecteurs que {{citation|radical […] vient de radis : rouge en dehors, blanc en dedans, et toujours près de l’assiette au beurre<ref>Cité par {{article|titre=De l’anticartellisme à l’antiparlementarisme dans la France des années vingt|périodique=Siècles|prénom1=Jean-Étienne|nom1=Dubois|numéro=32|année=2010|url texte=https://siecles.revues.org/987}}.</ref>.}}
 
==== Samuel-Sigismond Schwarz ====
[[File:Samuel Schwarz par Grun 1903.png|thumb|left|upright=0.8|alt=Caricature|[[Samuel-Sigismond Schwarz]] par [[Jules Grün]] dans le {{Numéro|104}} du 28 mars 1903<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k10477567|t={{Numéro avec majuscule|104}}}}.</ref>.]]
[[Samuel-Sigismond Schwarz]], directeur et fondateur de la revue, est un immigré [[Hongrie|hongrois]] naturalisé français. Il arrive à Paris en [[1878]] et devient courtier en librairie. Il est, dès [[1895]], installé au 9 [[rue Sainte-Anne (Paris)|rue Sainte-Anne]] à Paris en tant qu'éditeur de romans paraissant en feuilletons<ref name="Dixmier_27">{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=27}}.</ref>. Il se spécialise dans la vente par abonnement des œuvres de [[Victor Hugo]], pour laquelle il jouit d'un quasi-monopole, ainsi que dans la vente par livraison de romans populaires, toutes activités qui lui procurent de confortables revenus<ref name="Dixmier_20">{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=20}}.</ref>. L'engouement pour ce genre d'ouvrages déclinant, il s'oriente vers l'édition de journaux hebdomadaires illustrés et lance, avec des succès divers, sept à huit titres, dont les titres reflètent l'attente supposée du lectorat, parmi lesquels ''[[Le Frou-frou]]'' (où [[Pablo Picasso|Picasso]] livre des croquis), ''Le Tutu''<ref group=alpha"N">Vendu 10 centimes, ''Le Tutu'' est un « humoristique hebdomadaire illustré » proposant plus de quarante dessins par numéro, dans un format moins luxueux et plus populaire que ''Le Frou-frou''.</ref>, ''Le Pompon''{{note|Vendu 10 centimes, ''Le Pompon'' est un « hebdomadaire illustré militaire » contenant des dessins humoristiques exploitant l'humour de caserne et qui « peut être lu par tous »<ref>Annonce publicitaire dans le hors-texte de ''L'Assiette au beurre'' {{n°|4}}).</ref>|group=alpha"N"}}, des magazines assez légers, voire grivois et parfois [[Affaire Dreyfus|antidreyfusards]]<ref>Michèle Fontana, ''Léon Bloy. Journalisme et subversion 1874-1917'', Paris, Honoré Champion Éditeur, 1998, {{p|85}}.</ref>, ainsi que ''L'Art décoratif''<ref name="Dixmier_20"/>. À l'époque du lancement de ''L'Assiette au beurre'', Schwarz est donc un éditeur spécialisé dans des périodiques illustrés légers ou utilitaires, manifestant peu d'ambition intellectuelle<ref>{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=20-21}}.</ref>. En lançant {{citation|un journal hebdomadaire satirique illustré en couleur qui parlera sous une forme très mordante, très cinglante, des problèmes de la vie sociale actuelle<ref>Selon les termes d'une lettre de décembre 1900 adressée par Schwartz à [[Anatole France]] dont il sollicite la collaboration pour ce projet, citée par {{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=21}}.</ref>,}} il cherche avant tout à compléter son portefeuille de périodiques<ref>{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=22}}.</ref>.
 
==== Le premier numéro ====
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[[Fichier:Lettre Willette Assiette au beurre.png|vignette|upright=0.8|left|alt=Vignettes, dont au centre une motte de beurre, illustrant un texte manuscrit.|La fin de la {{citation|lettre au Directeur}} de [[Adolphe Léon Willette|Willette]] dans le premier numéro de ''L'Assiette au beurre''<ref name="A1" group="A"/>.]]
Un dessin de [[Jean Veber]] occupe ensuite une double page, suivie par des créations de [[Charles Léandre]], [[Henri Gustave Jossot|Jossot]], Steinlein, [[Jacques Villon]], [[Charles Huard]], [[Hermann Vogel|Vogel]], [[Pierre Georges Jeanniot|Jeanniot]], [[Henri-Gabriel Ibels|Ibels]], [[František Kupka|Kupka]], [[Auguste Roubille|Roubille]], et [[Hermann-Paul]] en {{4e}} de couverture. Le nom d'un lithographe, Mislos Krieger, est parfois signalé en bas des compositions{{note|groupe=alpha"N"|Depuis l'invention de la lithographie, les éditeurs achètent souvent dessins ou peintures à des artistes réputés, qu'un spécialiste recopie au crayon gras sur la pierre lithographique, en miroir droite-gauche. Quelques artistes seulement préservent la vigueur de leur trait en dessinant eux-mêmes sur la pierre grenée ou non. Dans le troisième tiers du {{s-|XIX}}, la [[Photolithographie (imprimerie)|photolithographie]] permet la reproduction des demi-teintes, mais une [[tramage (imprimerie)|trame régulière]] remplace le trait de crayon sur le grain irrégulier de la pierre.}}. L'achevé d'imprimé mentionne, outre le nom de Schwarz comme directeur de publication, l'imprimerie Charaire (Sceaux)<ref group=alpha"N">Quelques numéros plus tard, ce n'est plus Charaire mais l'« Imprimerie spéciale de l'Assiette au beurre » qui est mentionnée dans l'achevé au bas de la dernière page.</ref>. Peu de textes donc, et aucun programme anarchiste franchement avoué. En revanche, le ton est férocement satirique et irrespectueux des institutions et des nantis ; cette tendance ira croissante.
 
Il est à noter qu'à ses débuts, ''L'Assiette au beurre'' ne contient aucun encart publicitaire mais seulement un tiré à part de 4 pages inséré dans l'album<ref name="Appelbaum_vii"/>, mettant en valeur les productions périodiques et « littéraires » de Schwarz, notamment celles de ''La Bibliothèque générale'' qui lui appartenait également<ref group=alpha"N">La maison d'édition ''La Bibliothèque générale'' vendait, uniquement par abonnement, des livres reliés d'auteurs classiques en promettant quantités de cadeaux en prime.</ref>. Ici, avec ses quatre périodiques, Schwarz revendique « le plus gros tirage de la presse satirique et humoristique ».
 
=== Développements ===
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|image3=L'Assiette au beurre n°8 cropped cover.jpg|alt3=Composition typographique.|caption3 ={{Numéro avec majuscule|8}} (23 mai 1901)<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k10478147|t={{Numéro avec majuscule|8}}}}.</ref>.}}
[[File:L'Assiette au beurre pub édition populaire.jpg|thumb|upright=0.8|Publicité en mai 1901 dans ''[[L'Écho de Paris]]'' pour une expérience sans lendemain d'édition à plus bas prix, avec la seule couverture en couleur.]]
Dès ses premiers numéros, ''L'Assiette au beurre'' se caractérise par {{citation|une présentation très novatrice, au format {{dunité|25|32|cm}}, sur seize pages en général, avec des dessins majoritairement en pleine page et, pour environ la moitié d'entre eux, imprimés en couleurs<ref>{{article|prénom1=J. P.|nom1=Doche|titre=Le premier numéro de ''L'Assiette au beurre|périodique=Bulletin de la société archéologique, historique et artistique le Vieux Papier|année=2001|volume=36|passage=143}}.</ref>}}{{,}}{{note|Ce caractère innovant fait dire à Paul Hogarth que ''L'Assiette au beurre'' est {{citation|l'aventure la plus inhabituelle de toute l'histoire du journalisme}}<ref>{{ouvrage|langue=en|titre=The Artist as Reporter|prénom1=Paul|nom1=Hogarth|éditeur=Studio Vista|année=1967}}.</ref>.|group=alpha"N"}}, la plupart des autres publications se contentant de mélanger vignettes, demi-pages et peu de pleines pages. Durant les deux premières années de parution, la pagination fluctue autour d'une moyenne de 16 pages et le prix augmente de 25 à {{unité|40|centimes}}<ref name="Appelbaum_vii">{{harvsp|Appelbaum|1978|p=VII}}.</ref>. Chaque numéro est ainsi composé d'environ 16 dessins, généralement à pleine page, et pour une bonne moitié en couleurs, le plus souvent accompagnés d'un texte bref<ref>{{lien web|titre=Lot 655|site=Vente publique Alain Ferraton|url=http://www.ferraton.be/fr/archive/view/2488/page/15/58/}}.</ref>. Le type et la couleur du papier sont également fluctuants et différentes solutions sont expérimentées<ref name="Appelbaum_vii"/>.
 
À partir du {{Numéro|4}}, la composition du titre sur la couverture évolue en fonction de l'actualité. Ces variations typographiques sont assez inhabituelles dans l'univers de la presse de cette époque, bien que précédemment, ''[[Cocorico (magazine)|Cocorico]]'' ait ouvert la voie, un dessinateur s'y voyant confier la possibilité de détourner la [[charte graphique]].
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En octobre 1903, les affaires de Schwarz semblent à nouveau aller mal et ses créanciers forment une société, ''Les Journaux illustrés réunis'', qui regroupe toutes ses publications. Le [[Tribunal de commerce (France)|tribunal du commerce]] le contraint à en confier la gérance à un certain De Boulay, mais il conserve la direction éditoriale<ref name="Dixmier_27"/>. La qualité du journal et les ventes ne baissent pas. En août 1904, Charles Bracquart, puis E. Victor reprennent la gérance. Le magazine est imprimé aux ''Publications modernes'' situées 62 [[rue de Provence (Paris)|rue de Provence]], où sont situés les bureaux de la revue d'art ''L’Épreuve'', administrée depuis, au moins, 1903 par [[André de Joncières]], héritier d'une importante fortune grâce à son mariage avec la fille d'un des principaux actionnaires de la [[Compagnie des compteurs|Compagnie des compteurs à gaz]].
 
En janvier 1905, Joncières reprend définitivement l'hebdomadaire et le conserve jusqu'en octobre 1912<ref name="Dixmier_3234">{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=32-34}}.</ref>. Nonobstant, selon sa fille, {{citation|un certain idéal de fraternité humaine, de justice humaine}}, Joncières est, tout comme Schwarz, un entrepreneur de presse et éditeur de romans populaires, et non un militant<ref name="Dixmier_30">{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=30}}.</ref>{{,}}{{note|Lorsque Joncières reprend ''L'Assiette au beurre'' et ''Frou-Frou'', le groupe de presse qu'il dirige {{incise|Les Publications modernes}} est déjà propriétaire d'au moins trois titres, ''La Gaudriole'', ''Le Jean-Qui-Rit'' et ''L'Amour''<ref name="Dixmier_30"/>.|group=alpha"N"}}.
 
[[File:L'Assiette au beurre avis 1904.jpg|thumb|upright=0.8|alt=Notice justifiant l'augmentation de prix par une amélioration.|Avis aux lecteurs, 31 décembre 1904<ref name="HS_1904" group="A">{{Gallica |id=bpt6k1048104r|t={{Numéro avec majuscule|hors série (1904)}}}}.</ref>.]]
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== Contributeurs du journal ==
[[File:L'Assiette au beurre n°339.jpg|thumb|upright=0.8|alt=Composition de style Art Nouveau|Couverture illustrée par [[Raphael Kirchner]] d'un numéro spécial de 1907 consacré à des artistes allemands<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1048442g|t={{Numéro avec majuscule|339}}}}.</ref>.]]
''L'Assiette au beurre'' est essentiellement un périodique d'illustrateurs<ref group=alpha"N">La liste qui suit provient d'un récolement entre la revue numérisée sur Gallica et les index présents dans les études des Dixmier (1974), d'Appelbaum (1978) et le dictionnaire Solo (2004).</ref> : plus de {{formatnum:9600}} dessins ont été répertoriés<ref name="Dixmier & Dixmier">{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974}}.</ref> exécutés par 216 artistes<ref name="DixmierIV">Un chiffre largement inférieur aux 600 et quelques artistes qui contribuèrent au journal ''[[Le Rire]]''. Le chiffre est « sans doute inférieur à 210, car certains dessinateurs ayant usé de pseudonymes », in {{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=273-277}}.</ref>. [[Camara (dessinateur)|Camara]], [[Aristide Delannoy|Delannoy]], [[Ricardo Florès]], [[Démétrios Galanis|Galanis]], [[Jules Grandjouan|Grandjouan]], [[Hermann-Paul]], [[Henri Gustave Jossot|Jossot]], [[Georges d'Ostoya]], [[Maurice Radiguet]] sont les plus prolixes<ref name="DixmierIV"/>.
 
Selon Michel et Élisabeth Dixmier, s'il existe une nette différence entre les dessins de presse des [[années 1900]] et ceux de la période 1870-1880, due notamment à l'influence du {{citation|trait japonais}} et à l'évolution des techniques de reproduction, le style des illustrations de ''L'Assiette au beurre'' ne se distingue pas notablement de celles d'autres publications comparables, telles ''Le Rire'' ou ''Le Sourire'', les auteurs y étant souvent les mêmes. C'est une revue d'art social et non d'art moderne<ref>{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=170-172}}.</ref>, avec pour conséquence que les œuvres produites, investies d'une portée sociale, suivent des codes esthétiques correspondant à leur fonction et restent lisibles, compréhensibles et efficaces<ref>{{chapitre|nom1=Tillier|prénom1= Bertrand|titre chapitre=La mobilisation sociale des artistes (1880-1914)|titre ouvrage=Histoire des mouvements sociaux en France|éditeur=La Découverte|année=2014|url=http://www.cairn.info/histoire-des-mouvements-sociaux-en-france--9782707169853-page-207.htm|passage=207}}.</ref>. Michel et Élisabeth Dixmier estiment qu'au total, le style des dessins reste à l'écart des mouvements picturaux novateurs, même si certains y ont contribué. [[Jacques Villon]] estime toutefois que {{citation|dans cette période, l'influence des journaux sur les arts fut considérable. Grâce à eux, la peinture se libéra plus rapidement de l'académisme<ref>{{ouvrage|prénom1=Dora|nom1=Vallier|titre=Jacques Villon. Œuvres de 1897 à 1956|éditeur=Cahiers des arts|année=1957|passage=37}}.</ref>; et Patricia Leighten, s'appuyant notamment sur ce propos, écrit que ''L'Assiette au beurre'' a été un lieu d'expérimentation visuelle influant en retour sur le travail pictural des peintres engagés socialement qui y ont participé<ref name="Leighten"/>.}}
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{{Colonnes|nombre=4|1=
*[[Jack Abeillé]]
* [[Jean Georges Pierre Achard|Achard]]<ref group=alpha"N">Jean Georges Pierre Achard (1871-1934), sculpteur français, à qui Schwarz demanda d’exécuter l'estampage de « La Ménade de foire », un dessin de [[Charles Léandre]], dans une composition de [[Vojtěch Preissig]] destinée à la reliure de la collection des {{numéros|53}} à 104, vendu par le biais d'une carte-postale promotionnelle insérée dans les livraisons de ''L'Assiette au beurre'' de juin 1903 - cf. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1047778t Carte-postale promotionnelle], en ligne sur Gallica.</ref>
*{{lien|lang=es|fr=Feliu Elias|texte=Apa}}
* [[Umberto Brunelleschi|Aroun al Rachid]]<ref group=alpha"N">Identifié à Umberto Brunelleschi par Guillaume Garnier dans ''Encyclopædia Universalis'', édition 2010.</ref>
*[[Gil Baer]]
*[[Paul Balluriau]]
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*[[Fernand-Louis Gottlob]]
*[[Henri Goussé]]
*[[Jules Grandjouan]]{{note|Grandjouan a également contribué sous divers pseudonymes : Crésus, Frisco Othman, Otto Bleistift, To Day.|group=alpha"N"}}
*[[Juan Gris]]
*[[Jules Grün]]
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== Thèmes ==
[[File:L'Assiette au beurre n°474.jpg|thumb|upright=0.8|alt=|Couverture de [[Juan Gris]] pour le {{numéro|474}} d'avril 1910 évoquant les Q. M., c'est-à-dire l'augmentation de {{formatnum:9000}} à {{unité|15000|francs}} des indemnités parlementaires, votée en 1906<ref>{{article|titre= Vivre de la politique. Les «quinze mille», le mandat et le métier|prénom1=Alain|nom1=Garrigou|périodique=Politix|année=1992|volume=5|numéro=20|url texte=http://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_1992_num_5_20_1546}}.</ref>{{,}}<ref name="A474" group="A">{{Gallica |id=bpt6k10501427|t={{Numéro avec majuscule|474}}}}.</ref>.]]
''L'Assiette au beurre'' s'interdit de ne pas rire de tout. L'hebdomadaire satirique, à tendance anarchiste et résolument [[transgression|transgressif]], se moque de toutes les formes d'autorités sans jamais s'acharner sur une personnalité (un numéro fut d’ailleurs coordonné par [[Octave Mirbeau]] autour des « têtes de turc »). Chacun en prend pour son compte à travers des figures convenues, obéissant aux codes de la caricature fin-de-siècle : autocrates, riches, militaires, policiers, artistes et écrivains, scientifiques, académiciens, politiciens, prêtres et croyants, à travers des caricatures souvent féroces. Les questions politiques, à travers des dessins, parfois antisémites{{note|Michel Dreyfus note que, dès 1902, bien que publiée par un éditeur juif, ''L'Assiette au beurre'' n'en publie pas moins des caricatures antisémites et {{citation|accueille d'ailleurs des caricaturistes antisémites connus comme [[Jean-Louis Forain|Forain]] ou [[Caran d'Ache]] [...] Toutefois ces manifestations sont assez rares avant que les choses ne changent à partir de 1910-1911 où le Juif sera présenté comme un agent de l'Allemagne<ref>{{ouvrage|titre=L'antisémitisme à gauche: Histoire d'un paradoxe de 1830 à nos jours|prénom1=Michel|nom1=Dreyfus|éditeur=La Découverte|année=2010|passage=161|url=https://books.google.fr/books?id=0FK5uSOz29QC&pg=PT161}}.</ref>.}} Le 29 décembre 1906, avec « Ecce homo », numéro qualifié d'« anti-chrétien », le journal montre sur 12 pages signées [[Jules Grandjouan]], le « Christ judaïsé » et donc bien entendu non conforme aux canons esthétiques de la chrétienté moderne, le tout accompagné de légendes nettement antisémites : cette livraison valut sans doute au dessinateur une condamnation puisque c'est à cette époque qu'il fait de la prison.|group=alpha"N"}} et souvent [[Antimaçonnisme|antimaçonniques]]<ref>« L'assiette au beurre : Les francs-maçons » sur ''[http://www.assietteaubeurre.org/edelav/edelav_f1.htm assietteaubeurre.org]'', en ligne.</ref> et anti-[[colonialisme|impérialistes]]{{note|« L'Algérie aux Algériens » titre le numéro du 9 mai 1903<ref name="A108" group="A"/>.|group=alpha}"N"}, sont également traitées. La [[ploutocratie]] est systématiquement attaquée. ''L'Assiette au beurre'', qui a employé plus de deux cents artistes, se caractérise par son ouverture internationale (cf. le {{Numéro|26}}). Des sujets de société, souvent tabous, figurent également dans ''L'Assiette au beurre'' : la [[peine de mort]], la traite des enfants, la sexualité. Plusieurs numéros traitent du rôle des femmes dans la société, en particulier du [[féminisme]] et de la revendication du droit de vote pour les femmes, globalement considéré comme un mouvement de bourgeoises<ref>{{article|langue=en|titre=Anti-feminist Caricature in France: Politics, Satire and Public Opinion, 1890–1914|prénom1=Hélène|nom1=Chenut|périodique=Modern & Contemporary France|mois=novembre|année=2012|volume=20|numéro=4}}.</ref>. Trois numéros y sont consacrés : {{citation|Quand les femmes voteront}}, en 1908, illustré par [[Jules Grandjouan|Grandjouan]]<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1050046j|t={{Numéro avec majuscule|375}}}}.</ref> ; {{citation|Féminisme et féministes}} en 1909, illustré par Bing<ref group=alpha"N">Mystérieux dessinateur, Henry Bing (Paris, 23 août 1888 - 3 juin 1965), s'il s'agit bien de lui, aurait commencé à publier ses premiers dessins à ''L'Assiette au beurre'' ({{numéros|413}} et 442, 1909), avant de travailler à Berlin et Munich (''[[Simplicissimus (revue)|Simplicissimus]]'', ''[[Jugend]]'') puis aux États-Unis, et enfin serait revenu à Paris comme marchand d'art. Il fut, selon [[André Bay (écrivain)|André Bay]] (1984), un temps proche de [[Jules Pascin]] et l'aurait même hébergé dans son atelier situé [[rue Lauriston]].</ref> et [[Robert Sigl|Sigl]]<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1049854c|t={{Numéro avec majuscule|442}}}}.</ref> ; {{citation|Les Q. M. féminins}} en 1910, illustré par [[Démétrios Galanis|Galanis]] et [[Juan Gris|Gris]]<ref name="A474" group="A"/>. ''L'Assiette'' aborde aussi ceux de la vie quotidienne comme « L'argent », « Le gaz », « La police [et ses excès] », « L'alcool » ou « Paris la nuit », sans verser dans le [[misérabilisme]] (dont elle se moque d'ailleurs), tout en s'affirmant, parfois, pro-ouvriériste (voire [[populisme (politique)|populiste]]).
 
Au total, les thèmes abordés, variables, peuvent être analysées selon un découpage en trois périodes :
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*{{n°|108}} : « Esthètes », par [[Paul Iribe]], 25 avril 1903<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1047764s|t={{Numéro avec majuscule|108}}}}.</ref>.
* {{n°|110}} : « Colonisons ! L'Algérie aux Algériens », par [[Jules Grandjouan]], 9 mai 1903<ref name="A108" group="A">{{Gallica |id=bpt6k1047768f|t={{Numéro avec majuscule|110}}}}.</ref>.
*{{Numéro|112}} : « La police », par Camara, Jules Grandjouan, [[Georges d'Ostoya]], Léon Fourment<ref group=alpha"N">Léon Fourment est actif comme dessinateur entre 1903 et 1906, notamment sur un dossier signé [[Charles Malato]] ; outre ses quelques collaborations à ''L'Assiette au beurre'', il illustre des œuvres de [[Louis-Henri Boussenard|Louis Boussenard]] édité par Victor (Paris).</ref>, [[Francisco Sancha Lengo|Lengo]], 23 mai 1903<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1047772b|t={{Numéro avec majuscule|112}}}}.</ref>.
*{{Numéro|156}} : « Les refroidis », par [[Henri Gustave Jossot|Jossot]], 26 mars 1904<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k10480245|t={{Numéro avec majuscule|156}}}}.</ref>.
*{{Numéro|173}} : « Asiles et fous », par [[Aristide Delannoy]], 23 juillet 1904<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1048058z|t={{Numéro avec majuscule|173}}}}.</ref>.
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*{{Numéro|389}} : « L'enfance coupable », par Bernard Naudin, 12 septembre 1908<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1050074v|t={{Numéro avec majuscule|389}}}}.</ref>.
*{{Numéro|435}} : « Le grand soir », texte d'[[Émile Pataud]], illustrations d'[[André Hellé]], 7 mai 1910<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k10501442|t={{Numéro avec majuscule|435}}}}.</ref>.
*{{Numéro|510}} : « Promenade dans Paris, le [[Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre|Sacré-Cœur]] », 7 janvier 1911, composition non-signée{{note|Seule livraison sans signature, elle comprend 16 pages réalisées par un même artiste non identifié (le nom d'[[Hermann-Paul]] a été suggéré par Dixmier et S. Appelbaum.|group=alpha"N"}}{{,}}<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k10498885|t={{Numéro avec majuscule|510}}}}.</ref>.
*{{Numéro|582}} : « Les Compensations », par [[Henry Valensi]], 4 novembre 1911<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1049972n|t={{Numéro avec majuscule|582}}}}.</ref>.
 
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* « Les Empoisonneurs patentés - Les falsificateurs de lait », 48 pages, 1901<ref name="HS_1901" group="A">{{Gallica |id=bpt6k10478807|t={{Numéro avec majuscule| hors série (1901)}}}}.</ref>.
* « Le cas de M. Monis », {{n°|7}} ''bis'', 8 pages, 21 mai 1901 par [[Adolphe Léon Willette|Willette]]<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k1047818w|t={{Numéro avec majuscule|7 bis}}}}.</ref>.
* « Supplément littéraire [la guerre] »<ref group=alpha"N">Ce supplément ne contient aucune illustration mais un florilège de textes.</ref>, {{n°|14}} [bis], 8 pages, 4 juillet 1901<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k10478822|t={{Numéro avec majuscule|14 bis}}}}.</ref>.
* « Tartines{{Note|Une « tartine » n'est pas seulement la tranche de pain que l'on couvre de beurre et de confiture, c'est aussi à cette époque un lieu qui ouvre tard et où l'on sert des en-cas à manger sur le pouce. On en trouve boulevard Saint-Michel dès la fin du {{s|XIX}} : lieu populaire, destiné aux travailleurs de la nuit, la « tartine » est l'ancêtre du ''{{Lang|en|fast-food}}''<ref>Paul Guérin, ''Dictionnaire des dictionnaires'', 1895 ([http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k201375w définition en ligne]).</ref>.|group=alpha"N"}} de l'Assiette au beurre », 6 livraisons du 15 août au 19 septembre 1901, dirigées par [[Camille de Sainte-Croix]] et illustrées par [[Maurice Feuillet]]<ref group=alpha"N">Comprenant au départ 8, puis 16 pages de textes et d'illustrations humoristiques (la une a été conçue par [[Henri Gustave Jossot|Jossot]]). La dernière page des « Tartines » comprend de fausses publicités sur des « inventions non-brevetées » signées [[Jehan Testevuide]].</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k1047884w|t=Tartine du 15 août 1901}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k1047886q|t=Tartine du 22 août 1901}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k1047888j|t=Tartine du 29 août 1901}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k1047890m|t=Tartine du 5 septembre 1901}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k1047892f|t=Tartine du 12 septembre 1901}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k10478948|t=Tartine du 19 septembre 1901}}.</ref>.
* « La Foire aux croûtes » par [[Paul Iribe]] et [[Ernest La Jeunesse]], 32 pages, juin 1902 (entre les {{numéros|62}} et 63)<ref name="HS_1902" group="A"/>.
* « Les Masques »<ref group=alpha"N">Vendu 10 centimes, le supplément « Les Masques » proposait en couverture un portrait charge modelé exécuté par les sculpteurs Nogec ou Maurice Gottlob (1885-1970), œuvre dont le moulage en série était proposé aux lecteurs.</ref>, 8 numéros, du 17 février au 7 avril 1906<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k10482666/f14|t=Masques du 17 février 1906}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k10482681/f16|t=Masques du 24 février 1906}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k10482703/f17|t=Masques du 3 mars 1906}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k1048272x/f16|t=Masques du 10 mars 1906}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k1048274r/f17|t=Masques du 17 mars 1906}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k1048278d|t=Masques du 24 mars 1906}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k10482829|t=Masques du 31 mars 1906}}.</ref>{{,}}<ref group ="A">{{Gallica |id=bpt6k1048286z|t=Masques du 7 avril 1906}}.</ref>.
* « L'Almanach de l'Assiette au beurre », {{1er}} décembre 1906, puis 1907, 1908.
* « Madame la Baronne et sa famille, l'arbre généalogique » par [[Maurice Radiguet]], 1909<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1049870g|t={{Numéro avec majuscule|hors série (1909)}}}}.</ref>.
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== La censure ==
{{multiple image | align = right | direction = vertical | footer = La Caricature d'[[Édouard VII]] par [[Jean Veber]] et ses réimpressions{{note|La culotte à pois jugée par la censure encore trop transparente, est remplacée ultérieurement par une autre, plus opaque<ref name="JG">{{ouvrage|langue=en|titre=Censorship of Political Caricature in Nineteenth-century France|prénom1=Robert Justin|nom1=Goldstein|éditeur=Kent State University Press|année=1989|passage=251|url=https://books.google.fr/books?id=vIA1F2Qm0WgC&pg=PA251}}.</ref>.|group=alpha"N"}}{{,}}<ref>{{article|prénom1=Raymond|nom1=Bachollet|titre=Satire, censure et propagande, ou le destin de l'Impudique Albion|périodique=Le Collectionneur français|numéro=155|année=1979}}.</ref>{{,}}<ref name="A26" group="A"/>| width=180| image1 =L'Impudique Albion notice.jpg | alt1 = Notice aux libraires| caption1 = Le {{Numéro|26}} n'est pas censuré, ''stricto sensu'', liberté de la presse oblige, mais retiré de la vue des passants<ref>{{ouvrage|langue=en|prénom1=Francis|nom1=Serodes|titre=Historical use of a caricature : The destiny of the perfidious Albion|année=2009|url=http://www.vub.ac.be/C-HIM/attachments/papers/Serodes%20images.pdf|éditeur=Vrije Universiteit Brussel}}.</ref>.| image2 =L'Impudique Albion.jpg | alt2 = caricature d'Edouard VII en fesses| caption2 = Original (28 septembre 1901)| image3 = L'Impudique Albion réimpression.jpg | alt3 = La même, fesses couvertes | caption3 = Réimpression (1901)| image4 = L'impudique Albion reprint.jpg | alt4 = La même, fesses encore plus couvertes | caption4 = Réimpression ultérieure (1901)}}
[[File:L'Assiette au beurre n°160.jpg|thumb|upright=0.8|left|Couverture muette et caricature de Loubet en chasseur alpin|« Fausse » et « vraie » couverture, illustrée par [[Camara (dessinateur)|Camara]], du {{Numéro|160}} du 23 avril 1904<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1048032q|t={{Numéro avec majuscule|160}}}}.</ref>.]]
[[File:L'Assiette au beurre n°243.jpg|thumb|upright=0.8|left|alt=Carlos bouffi|Couverture du {{Numéro|243}} du 25 novembre 1905 illustrée par [[Camara (dessinateur)|Camara]]<ref name="A243" group="A">{{Gallica |id=bpt6k10482347|t={{Numéro avec majuscule|243}}}}.</ref>.]]
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Les relations de ''L'Assiette au beurre'' et du pouvoir s'inscrivent dans le contexte des lois sur la presse existant à la [[Belle Époque]]. Si la [[loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse]] définit un cadre libéral, ce dernier donne à craindre un {{citation|déferlement d'images obscènes}}<ref name="LB">{{chapitre|titre chapitre=Les données législatives et les politiques de coercition de l’image entre 1881 et 1914|prénom1=Laurent|nom1=Bihl|titre ouvrage=Das 19. Jahrhundert als Mediengesellschaft|auteurs ouvrage=Jörg Requate|éditeur=Walter de Gruyter|année=2009|url=http://www.degruyter.com/dg/viewbooktoc.chapterlist.resultlinks.fullcontentlink:pdfeventlink/$002fbooks$002f9783486989298$002f9783486989298.132$002f9783486989298.132.pdf?t:ac=product/224699}}.</ref>, qui est notamment limité par la {{citation|[[Lois scélérates|loi scélérate]]}} du 16 mars 1893, rendant le tribunal correctionnel compétent en matière d'offense ou de {{citation|provocation}} envers les chefs d'état étrangers<ref name="LB"/>, puis par la loi du 16 mars 1898 contre la {{citation|licence des rues}}, passée à l'initiative du sénateur [[René Bérenger]], en vertu de laquelle {{citation|Les journaux satiriques sont visés à double titre : d’abord parce que les bandeaux d’abonnement ne couvrent pas l’ensemble des couvertures, et ensuite parce qu’ils accueillent une publicité abondante pour [d]es produits illicites}}<ref name="LB"/>.
 
Dans ce contexte, aucun numéro de ''L'Assiette au beurre'' n'a été interdit de publication, ni dû subir de procès pour raisons de politique intérieure<ref name="D223">{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=223}}.</ref>{{,}}{{note|Bien que Michel et Élisabeth Dixmier affirment que {{citation|''L'Assiette au beurre'' ne s'est jamais plainte d'interdictions officielles, de saisies portant sur des numéros de politique intérieure}}<ref name="D223"/>, c'est bien le terme de {{citation|saisie}} qu'emploient les quotidiens, le 29 septembre 1901, au lendemain de la publication de {{citation|L'impudique Albion}}<ref>''La Croix'' du 29 septembre 1901 sur [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k219523g/f1.item.r=saisie%20impudique%20albion Gallica].</ref>{{,}}<ref>''La Presse'' et ''La Justice'' du 29 septembre 1901 sur [http://www.retronews.fr/search#allTerms=saisie%2520impudique%2520albion&sort=score&publishedStart=1901-09-01&publishedEnd=1901-09-30&documentType=page&page=1 Retronews].</ref>|group=alpha"N"}}. En revanche, certains numéros sont interdits de vente dans la rue<ref name="JG"/>, leurs dessins ayant mis le gouvernement français en émoi sur le plan diplomatique, lorsqu'ils visent la personnalité des souverains britannique, russe, portugais ou espagnol, quatre alliés de la France. En particulier, le numéro du 28 septembre 1901 sur les « camps de reconcentration du Transvaal » qui vise explicitement l'attitude de l'armée britannique à l'égard des populations [[boers]]. Dans ce numéro au très grand succès et plusieurs fois réimprimé, on trouve, en dernière page, un dessin intitulé « L'impudique Albion », montrant « Britannia » jupes relevées, le visage du roi [[Édouard VII]] à la place des fesses. L'affaire traîna jusqu'en 1904, et Schwarz fut obligé de le réimprimer en mettant à couvert lesdites fesses<ref>{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=220-221}}.</ref>. Les numéros 65<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k10477122|t={{Numéro avec majuscule|65}}}}.</ref> et 92<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1047732t|t={{Numéro avec majuscule|92}}}}.</ref>, qui visent également les Anglais, font aussi l'objet d'une interdiction de vente dans la rue<ref>{{article|langue=en|titre=Political Caricature and International Complications in Nineteenth-Century Europe|prénom1=Robert Justin|nom1=Goldstein|périodique=Michigan Academician|volume=30|mois=mars|année=1998|url texte=http://www.caricaturesetcaricature.com/article-10259459.html}}.</ref>.
 
Le tsar [[Nicolas II]] est systématiquement caricaturé, parfois dans des postures d'une violence assumée, sans doute proportionnelle aux événements sociopolitiques qui se déroulent en Russie, comme par exemple dans « Le Tzar Rouge » (édition du 4 février 1905)<ref name="A201" group="A"/>. Par ordre du préfet de police, [[Louis Lépine]], ce numéro est interdit d'exposition au public. Dans un article anonyme intitulé {{citation|La liberté de la presse}}, publié le 11 mars 1905, ''L'Assiette au beurre'' ironise sur l'hypocrisie consistant à en autoriser la vente mais à en interdire l'affichage {{citation|aux tenancières des kiosques}}, feint de s'étonner que cela puisse être jugé subversif de représenter Nicolas II {{citation|avec une légère éclaboussure de sang, alors qu'il eût été parfaitement légitime de le faire patauger dans une mare rouge}} et assure le lecteur que {{citation|l'étouffement n'a pas réussi. Le numéro de ''L'Assiette au beurre'' s'est vendu et se vend toujours, car nos machines n'ont pas cessé de le tirer depuis quinze jours, et elles le tirent encore}}<ref>{{article|titre=La liberté de la presse|périodique=L'Assiette au beurre|jour=11|mois=mars|année=1905|url texte=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1048172k/f3}}.</ref>.
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[[Charles Ier (roi de Portugal)|Charles {{1er}}]], roi du Portugal, en visite à Paris fin novembre 1905, fait également l'objet d'un portrait-charge de [[Camara (dessinateur)|Camara]] sur la couverture de l'édition du 25 novembre 1905, dont la violence suscite l'émotion du gouvernement. Le préfet Louis Lépine en fait également interdire l'affichage. {{citation|Sous quel prétexte ?}}, feint de s'étonner ''L'Assiette'' dans son supplément : {{citation|Les marchandes que nous avons interrogées supposent {{incise|car on ne s'est pas donné la peine de leur fournir des explications}} que M. Lépine n'a pas trouvé assez {{citation|joli}} ni assez flatteur pour notre hôte le portrait-charge qui figurait sur la première page de ''L'Assiette au beurre''}}<ref>{{article|titre=Police républicaine|périodique=L'Assiette au beurre|jour=9|mois=décembre|année=1905|url texte=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10482525/f1}}.</ref>.
 
Nonobstant ces incidents diplomatiques, Michel et Élisabeth Dixmier estiment que le pouvoir fait preuve à l'égard de ''L'Assiette au beurre'' d'une relative indifférence entre 1901 et 1906. Les raisons en sont, selon eux de deux ordres. D'une part, le magazine ne défend aucun parti et ne parle pour aucun candidat et, d'autre part, il s'adresse à des lecteurs bourgeois cultivés : une élite d'environ {{nombre|50000}} personnes, ce qui n'en fait pas un média de masse à potentiel subversif<ref>{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=224}}.</ref>{{,}}{{note|Michel Pigenet et Jean-Louis Robert notent à cet égard que {{citation|les autorités épargnent les caricatures virulentes de ''L'Assiette au beurre'', alors qu'elles ne montrent aucune indulgence}} envers celles de ''La Voix du Peuple'', l'hebdomadaire de la [[Confédération générale du travail|CGT]], auquel collaborent souvent les mêmes artistes<ref>{{article|nom1=Pigenet|prénom1=Michel|nom2=Robert|prénom2=Jean-Louis|titre=Travailleurs, syndiqués et syndicats dans les dessins de La Voix du Peuple (1900-1914)|périodique=Sociétés & Représentations|mois=février|année=2000|numéro=10|doi=10.3917/sr.010.0309}}.</ref>.|group=alpha"N"}}.
 
En février 1906, le sénateur [[René Bérenger]], surnommé « Père la Pudeur », rédige une proposition de loi, visant la prostitution des mineurs, qui cache en réalité une mise en application du principe de « l'atteinte aux [[bonnes mœurs]] » sans que celles-ci ne puissent être définies autrement que par des mots comme [[pornographie]], [[obscénité]], etc. Ce flou juridique permet, jusqu’à son adoption avec modifications par la Chambre des députés en avril 1908, de mettre ''L'Assiette au beurre'' sous la menace de sanctions policières. Dès lors le magazine se retrouve frappé d'interdiction de publicité dans les gares, mais souvent du seul fait des kiosquiers eux-mêmes, qui, par excès de zèle, espèrent ainsi « protéger les yeux chastes de certains publics »<ref>Annie Stora-Lamarre (dir), ''La cité charnelle du Droit'', Besançon, Presses universitaires franc-comtoises, 2002, {{p|111-112}}.</ref>{{,}}{{note|[[René Bérenger]] fait l'objet d'un numéro dédié de ''L'Assiette au beurre'', dont toutes les caricatures sont signées par [[Maurice Radiguet]]<ref group="A">{{Gallica |id=bpt6k1050118k|t={{Numéro avec majuscule|463}}}}.</ref>.|group=alpha"N"}}. Par ailleurs, [[Georges Clemenceau|Clemenceau]], alors ministre de l'Intérieur, poursuit, pour délits de presse, quelques collaborateurs de ''L'Assiette au beurre'' mais jamais directement le magazine<ref>{{ouvrage|titre=Images et politique en France au {{s|XX|e}}|prénom1=Christian|nom1=Delporte|éditeur=Nouveau Monde|année=2006|passage=98|url=https://books.google.fr/books?id=oSroq8vhrEMC&pg=PT98}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|titre=La censure en France à l'ère démocratique (1848- )|prénom1=Pascal|nom1=Ory|éditeur=Editions Complexe|année=1997|passage=94|url=https://books.google.fr/books?id=7KDk6aiWxNAC&pg=PA94}}.</ref>. Tel est notamment le cas d'[[Aristide Delannoy]]{{note|[[Aristide Delannoy]] est condamné en 1909 à un an de prison et {{unité|3000|francs}} d'amende pour délit d'opinion et incarcéré à la prison de la Santé. En soutien, ''L'Assiette au beurre'' publie, le 8 mai 1909, un numéro dont tous les dessins sont offerts par leurs auteurs et les originaux, mis en vente au profit de leur confrère<ref>{{lien web|titre=En 1909 déjà : Je suis Delannoy|prénom1=Alain|nom1=Korkos|jour=21|mois=janvier|année=2015|site=Arrêt sur image|url=http://www.arretsurimages.net/breves/2015-01-21/En-1909-deja-Je-suis-Delannoy-id18466}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|titre=Les truculentes caricatures d’Aristide Delannoy|site=Les Archives du Pas-de-Calais|url=http://www.archivespasdecalais.fr/Activites-culturelles/Un-document-a-l-honneur/Les-truculentes-caricatures-d-Aristide-Delannoy}}.</ref>{{,}}<ref>{{chapitre|prénom1=Henry|nom1=Poulaille|lien auteur1=Henry Poulaille|titre chapitre=Introduction|titre ouvrage=Un Crayon de combat|auteurs ouvrage=[[Aristide Delannoy]]|éditeur=Le Vent du Ch'min|année=1982|lire en ligne=http://labouchedefer.free.fr/spip.php?article1}}.</ref>{{,}}<ref name="A423" group="A"/>.|group=alpha"N"}} et de [[Jules Grandjouan]]{{note|[[Jules Grandjouan]], fait l'objet de six poursuites entre 1907 et 1911<ref>{{article|langue=en|titre= Re-thinking antimilitarism: France 1898-1914|prénom1=Elizabeth|nom1=Propes|périodique=Historical Reflections|volume=37|numéro=1|année=2011}}.</ref> ; condamné à dix huit mois de prison en 1911, il est contraint de s'exiler<ref>{{ouvrage|titre=Jules Grandjouan: créateur de l'affiche politique illustrée en France|prénom1=Fabienne|nom1=Dumont|prénom2=Joël|nom2=Moris|prénom3=Marie-Hélène|nom3=Jouzeau|éditeur=Somogy|année=2001|passage=119}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|titre=Vie politique française au {{s|XX|e}}|prénom1=Jean-François|nom1=Sirinelli|éditeur=Presses Universitaires de France|année=1995|passage=285}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|titre=La guerre sociale: un journal "contre" : la période héroïque, 1906-1911|prénom1=Gustave|nom1=Hervé|éditeur=Les Nuits rouges|année=1999|passage=106}}.</ref>.|group=alpha"N"}}, deux dessinateurs habituels de ''L'Assiette au beurre'', condamnés pour des dessins qu'ils avaient au demeurant publiés dans d'autres périodiques.
 
Après juin 1907, il apparaît que le magazine cesse toute forme de promotion d'une « plus grande liberté de la presse ».
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Durant les années Schwarz (avril 1901 - août 1903), les produits vantés sont liés aux productions du groupe de presse (autres publications périodiques, livres reliés) assorties de promesses de cadeaux parfois invraisemblables (maison à la campagne, etc.), puis pour des produits dérivés (cartes postales, almanachs, calendriers). On trouve des réclames pour des produits pharmaceutiques, des boissons alcoolisées. La période Joncières comporte beaucoup moins de publicité, sauf pour les 35 derniers numéros, deux à trois pages et demie d'annonces étant directement brochées au cahier — au lieu d'un encart jeté. Les échanges publicitaires proprement dits sont rares : on note que le magazine allemand ''[[Jugend]]'' et ''[[La Petite République]]'' y ont recours mais à titre exceptionnel<ref>{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=259-262}}.</ref>.
 
Le dépouillement des publicités, qui concernent principalement des produits de luxe ou de semi-luxe, des objets de loisir et des services financiers et immobiliers, indique, en toute cohérence avec le prix élevé du numéro, que ''L'Assiette'' vise plutôt une clientèle aisée<ref>{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=261-262, 338}}.</ref>{{,}}{{note|Les publicités ne témoignent ni de choix intellectuels audacieux, ni d'une grande liberté de mœurs, à en juger d'après le type de livres ou de médicaments faisant l'objet d'annonces ou ne le faisant pas : Dixmier et Dixmier notent à cet égard ce qu'ils estiment être un puritanisme paradoxal dans la quasi absence d'annonces pour des livres {{citation|curieux}} ou de photos {{citation|parisiennes}}, témoignant, selon eux, de la part des éditeurs de ''Frou-Frou'', de ''La Gaîté gauloise'' et de ''La Gaudriole'' d'une {{citation|séparation des genres certainement voulue}}<ref name="Dixmier_262">{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=262}}.</ref>.|group=alpha"N"}}.
 
=== Héritage ===
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À compter de mai 1968, d'anciens dessins signés principalement par Jossot, Poulbot, Delannoy, Grandjouan, sont repris par des journaux comme ''[[L'Enragé]]'' (1968)<ref>{{ouvrage|titre=Images et sons de Mai 68|prénom1=Christian|nom1=Delporte|prénom2=Denis|nom2=Maréchal|prénom3=Caroline|nom3=Moine|éditeur=Nouveau Monde Éditions|année=2008|passage=123|url=https://books.google.fr/books?id=4ZyMAgAAQBAJ&pg=PT123}}.</ref>, ''[[L'Idiot international]]'' (1970), ''[[Libération (journal)|Libération]]'' (1973-1974)<ref>{{harvsp|Dixmier|Dixmier|1974|p=268-270}}.</ref>.
 
Par ailleurs, plusieurs auteurs, y compris [[Georges Wolinski]] et [[Cabu]]{{note|En revanche [[François Cavanna]] rejette cette allégation de filiation, considérant ''L'Assiette au beurre'' comme un « magazine de la fin de l’autre siècle » dont « le graphisme prestigieux illustrait des idées d’une platitude de discours électoral »<ref>{{lien web|titre=Cavanna raconte Cavanna (et surtout Hara-Kiri et Charlie-Hebdo)|date=7 décembre 2012|site=Caricatures et caricature|url=http://www.caricaturesetcaricature.com/article-cavanna-raconte-cavanna-113234567.html}}.</ref>.|group=alpha}"N"}, soulignent le rapport de filiation entre ''L'Assiette au beurre'' et ''[[Hara Kiri]]'' (1960) puis ''[[Charlie Hebdo]]'' (1970)<ref>{{article|langue=en|titre=Bête et méchant: Politics, Editorial Cartoons and Bande dessinée in the French Satirical Newspaper Charlie hebdo|nom1=Weston|prénom1=Jane|périodique=European Comic Art|année=2009|volume=2|numéro=1}}.</ref>{{,}}<ref>[http://blogs.mediapart.fr/edition/bookclub/article/140115/d-ou-viens-tu-charlie « D'où viens-tu Charlie ? »], In: ''Mediapart'', 14 janvier 2015.</ref>{{,}}<ref>{{article|titre=Wolinski: « Le désir, c’est encore mieux que le plaisir ! » |prénom1=Marion|nom1=D'Allard|périodique=L'Humanité|jour=28|mois=janvier|année=2011|url texte=http://www.humanite.fr/wolinski-le-desir-cest-encore-mieux-que-le-plaisir}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=en|titre=Cabu Reporter|nom1=Tanitoc|périodique=European Comic Art|mois=juin|année=2009}}.</ref>, eu égard à ce que Michel Dixmier appelle la {{citation|symbiose entre violence du message et violence graphique}}<ref>Cité par Laurent Bihl, « [http://www.dionyversite.org/Docus/Dio-4p_Assiette.pdf L’Assiette au beurre, les images de la révolte] », ''Dyoniversité'', Musée d'art et d'histoire, 3 Octobre 2010.</ref>. Comme le souligne [[Michel Ragon]], {{citation|de ''L'Assiette au beurre'' à ''Hara-Kiri'' et à ''Charlie hebdo'', l'esprit est le même, superbement retrouvé après un entracte plutôt fade d'une cinquantaine d'années<ref>{{chapitre|titre chapitre=Antimilitarisme et caricature|prénom1=Michel|nom1=Ragon|lien auteur1=Michel Ragon|titre ouvrage=Où vas-tu petit soldat? À l'abattoir!|éditeur=Éditions du Monde Libertaire|année=1989}}.</ref>}}.
 
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|group=alpha"N"|taille=30}}
 
=== Références ===