« Mais où sont passés les Indo-Européens ? » : différence entre les versions

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L'ouvrage a été généralement bien accueilli dans le milieu universitaire et par la presse grand public, mais a fait l'objet de vives critiques dans des périodiques proches de la [[Nouvelle Droite]].
 
== Publications antérieures sur le sujet et débats ==
Jean-Paul Demoule a écrit différents articles sur l'hypothèse de l'existence des [[Indo-Européens]]<ref name="Larané">{{article|périodique=Hérodote.net|prénom1=André|nom1=Larané|titre=Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d'origine de l'Occident|mois=septembre|année=2014|url texte=http://www.herodote.net/Mais_ou_sont_passes_les_Indo_Europeens_-bibliographie-554.php}}</ref>{{,}}<ref name="Fussman">{{article|langue=en|titre=Mais où sont passés les Indo-Européens? Le mythe d’origine de l’Occident|prénom1=Gérard|nom1=Fussman|lien auteur1=Gérard Fussman|périodique=Journal of Indo European Studies|volume=43|numéro=3-4|année=2016}}</ref>, à partir de 1980.
 
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Tout en louant les travaux de [[Émile Benveniste|Benveniste]] et [[Georges Dumézil|Dumézil]], il estime que ceux-ci n'affirment et n'étayent rien sur le lieu et le moment d'un {{citation|big bang}} indo-européen. Jean-Paul Demoule rappelle que les archéologues recherchent un tel événement vers le {{IVe}} millénaire et que {{citation|trois zones de déflagration ont été proposées : le Nord, le Milieu et l'Est}} :
* concernant le Nord, il estime cette hypothèse comme rejetée, {{citation|l'archéologie [ayant] définitivement établi que les premiers peuplements sédentaires de l'Europe du Nord sont venus d'abord du Sud (la {{citation|[[Culture rubanée|Céramique linéaire]]}} centre-européenne), puis de l'Est (la {{citation|[[Culture des vases à entonnoir|culture des gobelets en entonnoir]]}}), vers le début du {{IVe}} millénaire}} ;
* concernant la thèse de l'origine au Centre, identifiant les Indo-Européens avec la culture à {{citation|Céramique linéaire}}, une civilisation agricole centre-européeeneeuropéenne apparue au {{Ve}} millénaire et s'étant étendue en un millénaire à toute l'Europe tempérée, il fait valoir qu'elle {{citation|disparaît progressivement vers la fin du {{IVe}} millénaire en étant partout recouverte par des cultures venues de l'Est ou du Sud — tout le contraire d'un phénomène d'éclatement}} ;
* quant à l'hypothèse dite {{citation|steppique}}, tout en convenant de la {{citation|mise en évidence, tout au long du {{IIIe}} millénaire, de mouvements de population vers l'Ouest à partir des steppes ukrainiennes}}, Jean-Paul Demoule soulève deux questions : {{citation|Toutes les transformations du {{IIIe}} millénaire sont-elles à mettre au compte des invasions steppiques ? Ces envahisseurs sont-ils les Indo-Européens ?}} ; il y répond en estimant que {{citation|l'évolution interne du Néolithique européen [...] ne nécessite pas l'hypothèse de l'invasion généralisée}} et que, si ces envahisseurs {{citation|peuvent être indo-européens, rien ne prouve qu'ils le soient}}, ajoutant que {{citation|l'hypothèse de l'indo-européanité centrifuge n'est ni nécessaire, ni suffisante pour épuiser les mouvements historiques très complexes qui remodèlent l'Europe du {{IIIe}} millénaire}}.
 
Il développe par la suite ses analyses sur le sujet dans différents articles publiés entre 1991 et 1999<ref name="Demoule_1991">{{article|titre=Réalité des Indo-Européens : les diverses apories du modèle arborescent|prénom1=Jean-Paul|nom1=Demoule|périodique= Revue de l'histoire des religions|année=1991|volume=208|numéro=2|url texte=http://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1991_num_208_2_1680}}</ref>{{,}}<ref name="Demoule1991b">{{article|titre= Mythes et réalité des Indo-Européens|prénom1=Jean-Paul|nom1=Demoule|périodique=Sciences Humaines|mois=août|année=1991}}</ref>{{,}}<ref>{{article|titre= Les Indo-Européens, l'archéologie et le modèle arborescent-centrifuge|prénom1=Jean-Paul|nom1=Demoule|périodique=Topoi|année=1992|volume=2|numéro=1|url texte=http://www.persee.fr/doc/topoi_1161-9473_1992_num_2_1_1338}}</ref>{{,}}<ref>{{article|titre=Les Indo-Européens, un mythe sur mesure|prénom1=Jean-Paul|nom1=Demoule|périodique=La Recherche|numéro=308|mois=avril|année=1998|url texte=http://www.larecherche.fr/savoirs/autre/indo-europeens-mythe-mesure-01-04-1998-88041}}</ref>{{,}}<ref name="Demoule1999">{{article|titre=Destin et usages des Indo-Européens|prénom1=Jean-Paul|nom1=Demoule|périodique=Mauvais temps|numéro=5|mois=juillet|année=1999|url texte=http://www.anti-rev.org/textes/Demoule99a/}}</ref>.
 
LDe ces travaux anciens de Jean-Paul Demoule sur les Indo-Européens, il faut mentionner le débat mené avec l'archéologue anglais [[Colin Renfrew]] qui estime en 1987 que {{citation|la position de l'archéologue français Jean Paul Demoule semble inacceptable à la communauté scientifique lorsqu'il affirme que le groupe linguistique indo-européen n'a pas d'existence réelle et que les similarités observées sont dérisoires, insignifiantes et fortuites}}<ref>{{ouvrage|langue=en|prénom1=Colin|nom1=Renfrew|lien auteur1=Colin Renfrew|titre=Archeology and Language: The Puzzle of Indo-Europeans Origins|éditeur=Jonathan Cape|année=1987|passage=42}}</ref>. Revenant en 2008 sur son appréciation de la position exprimée par Jean-Paul Demoule sur les Indo-Européens entre 1980 et 1999, il estime que ce dernier {{citation|a clairement perçu que l’ensemble des opinions qui prévalaient dans les années 1960 et 1970, à l’instar de la plupart des précédentes, étaient sujettes à controverse car elles se fondaient sur des généralisations et des hypothèses sur les migrations qui n’étaient plus appuyées par les preuves archéologiques}}<ref name="Renfrew2008"/>. Il ajoute avoir des {{citation|préoccupations similaires}}<ref name="Renfrew2008"/> à celles de Jean-Paul Demoule sur la validité de l'hypothèse indo-européenne, qui l'ont {{citation|encouragé à réexaminer le concept indo-européen dans son ensemble, bien qu’avec une attitude moins radicale}}<ref name="Renfrew2008"/> que celle de son confrère français. Il précise avoir, dans l'ouvrage même où il critiquait Jean-Paul Demoule en 1987, souligné que le modèle arborescent proposé initialement par [[August Schleicher|Schleicher]] n'était pas le seul possible, ajoutant que, depuis, {{citation|on prend de plus en plus conscience des limites de ce modèle “arborescent”, par trop simpliste [...] Une approche en “réseau” semble de mieux en mieux admise}}<ref name="Renfrew2008">{{chapitre|prénom1=Colin|nom1=Renfrew|lien auteur1=Colin Renfrew|titre chapitre=Archéologie et langage : éloge du scepticisme|titre ouvrage=Constructions de l'archéologie|éditeur=Inrap|année=2008|passage=94-95}}</ref>. Au total, Colin Renfrew estime {{citation|admirable}}<ref name="Renfrew2008"/> le propos suivant de Jean-Paul Demoule : {{citation bloc|Il faut donc imaginer que les contacts prolongés, pendant des millénaires, de centaines de groupes humains successifs dans l’espace eurasiatique ont évidemment créé, par rencontres, osmoses, emprunts, et parfois aussi conquêtes, les nombreux points de convergence constatés. Il faut donc abandonner ce modèle arborescent, si pauvre et si funeste, pour des hypothèses historiques infiniment plus riches et plus complexes<ref name="Demoule1999"/>.}}Le sociologue [[Didier Eribon]], dans un livre de 1992 consacré à [[Georges Dumézil]], critique la présentation par Jean-Paul Demoule des travaux de ce dernier dans un article de 1991<ref name="Demoule1991b"/>. Il reproche à Jean-Paul Demoule d'utiliser {{citation|comme des [[épouvantail (rhétorique)|épouvantails]] [ces] allusions fort elliptiques}}{{note|[[Didier Eribon]] relève une référence non explicitée au {{citation|paragraphe souvent commenté}} qui forme la conclusion de ''Mythes et Dieux des Germains''<ref>{{article|prénom1=Carlo|nom1=Ginzburg|lien auteur1=Carlo Ginzburg|titre=Mythologie germanique et nazisme. Sur un livre ancien de Georges Dumézil|périodique=Annales|année=1985|doi=10.3406/ahess.1985.283199}}</ref> et l'affirmation que {{citation|la redécouverte d'un article oublié [de Dumézil], qu'il publia [...] peu de temps après le génocide arménien, et consacré aux “faux massacres”, est venu ajouter au malaise}}<ref>{{article|langue=it|prénom1=Bruno|nom1=Lincoln|titre=Mito e storia nello studio del mito: un testo oscuro di Georges Dumézil|périodique=Quaderni di storia|année=1990|volume=16|numéro=32}}</ref>.|group="N"}} et de {{citation|faire jouer le soupçon politique pour renforcer ses arguments scientifiques}} contre l'hypothèse indo-européenne, alors que {{citation|les vues de Dumézil sur le fait qu'il a existé une civilisation et une langue indo-européennes sont très largement partagées par la communauté scientifique}}<ref name="Eribon">{{ouvrage|prénom1=Didier|nom1=Eribon|lien auteur1=Didier Eribon|titre=Faut-il brûler Dumézil|éditeur=Flammarion|année=1992|passage=51, 109}}</ref>.
=== Critique de Colin Renfrew ===
L'archéologue anglais [[Colin Renfrew]] estime en 1987 que {{citation|la position de l'archéologue français Jean Paul Demoule semble inacceptable à la communauté scientifique lorsqu'il affirme que le groupe linguistique indo-européen n'a pas d'existence réelle et que les similarités observées sont dérisoires, insignifiantes et fortuites}}<ref>{{ouvrage|langue=en|prénom1=Colin|nom1=Renfrew|lien auteur1=Colin Renfrew|titre=Archeology and Language: The Puzzle of Indo-Europeans Origins|éditeur=Jonathan Cape|année=1987|passage=42}}</ref>. Revenant en 2008 sur son appréciation de la position exprimée par Jean-Paul Demoule sur les Indo-Européens entre 1980 et 1999, il estime que ce dernier {{citation|a clairement perçu que l’ensemble des opinions qui prévalaient dans les années 1960 et 1970, à l’instar de la plupart des précédentes, étaient sujettes à controverse car elles se fondaient sur des généralisations et des hypothèses sur les migrations qui n’étaient plus appuyées par les preuves archéologiques}}<ref name="Renfrew2008"/>. Il ajoute avoir des {{citation|préoccupations similaires}}<ref name="Renfrew2008"/> à celles de Jean-Paul Demoule sur la validité de l'hypothèse indo-européenne, qui l'ont {{citation|encouragé à réexaminer le concept indo-européen dans son ensemble, bien qu’avec une attitude moins radicale}}<ref name="Renfrew2008"/> que celle de son confrère français. Il précise avoir, dans l'ouvrage même où il critiquait Jean-Paul Demoule en 1987, souligné que le modèle arborescent proposé initialement par [[August Schleicher|Schleicher]] n'était pas le seul possible, ajoutant que, depuis, {{citation|on prend de plus en plus conscience des limites de ce modèle “arborescent”, par trop simpliste [...] Une approche en “réseau” semble de mieux en mieux admise}}<ref name="Renfrew2008">{{chapitre|prénom1=Colin|nom1=Renfrew|lien auteur1=Colin Renfrew|titre chapitre=Archéologie et langage : éloge du scepticisme|titre ouvrage=Constructions de l'archéologie|éditeur=Inrap|année=2008|passage=94-95}}</ref>. Au total, Colin Renfrew estime {{citation|admirable}}<ref name="Renfrew2008"/> le propos suivant de Jean-Paul Demoule : {{citation bloc|Il faut donc imaginer que les contacts prolongés, pendant des millénaires, de centaines de groupes humains successifs dans l’espace eurasiatique ont évidemment créé, par rencontres, osmoses, emprunts, et parfois aussi conquêtes, les nombreux points de convergence constatés. Il faut donc abandonner ce modèle arborescent, si pauvre et si funeste, pour des hypothèses historiques infiniment plus riches et plus complexes<ref name="Demoule1999"/>.}}
 
=== Critique de Didier Eribon ===
Le sociologue [[Didier Eribon]], dans un livre de 1992 consacré à [[Georges Dumézil]], critique la présentation par Jean-Paul Demoule des travaux de ce dernier dans un article de 1991<ref name="Demoule1991b"/>. Il reproche à Jean-Paul Demoule d'utiliser {{citation|comme des [[épouvantail (rhétorique)|épouvantails]] [ces] allusions fort elliptiques}}{{note|[[Didier Eribon]] relève une référence non explicitée au {{citation|paragraphe souvent commenté}} qui forme la conclusion de ''Mythes et Dieux des Germains''<ref>{{article|prénom1=Carlo|nom1=Ginzburg|lien auteur1=Carlo Ginzburg|titre=Mythologie germanique et nazisme. Sur un livre ancien de Georges Dumézil|périodique=Annales|année=1985|doi=10.3406/ahess.1985.283199}}</ref> et l'affirmation que {{citation|la redécouverte d'un article oublié [de Dumézil], qu'il publia [...] peu de temps après le génocide arménien, et consacré aux “faux massacres”, est venu ajouter au malaise}}<ref>{{article|langue=it|prénom1=Bruno|nom1=Lincoln|titre=Mito e storia nello studio del mito: un testo oscuro di Georges Dumézil|périodique=Quaderni di storia|année=1990|volume=16|numéro=32}}</ref>.|group="N"}} et de {{citation|faire jouer le soupçon politique pour renforcer ses arguments scientifiques}} contre l'hypothèse indo-européenne, alors que {{citation|les vues de Dumézil sur le fait qu'il a existé une civilisation et une langue indo-européennes sont très largement partagées par la communauté scientifique}}<ref name="Eribon">{{ouvrage|prénom1=Didier|nom1=Eribon|lien auteur1=Didier Eribon|titre=Faut-il brûler Dumézil|éditeur=Flammarion|année=1992|passage=51, 109}}</ref>.
 
Didier Eribon concède toutefois que Jean-Paul Demoule fait état d'{{citation|arguments scientifiques}}<ref name="Eribon"/> lorsqu'il fait remarquer, tout en jugeant l’œuvre de Dumézil {{citation|considérable}}<ref name="Demoule_1991"/>, que {{citation|la structure trifonctionnelle se retrouve dans plusieurs mythologies “non indo-européennes”}}, que {{citation|certaines religions “indo-européennes” sont pour l'essentiel hors normes}}, que {{citation|d'autres comportent de larges aspects non “indo-européens”}}, qu'il existe {{citation|des langues indo-européennes dont les locuteurs avaient une mythologie originelle qui pour l'essentiel nous est inconnue}}, et donc que {{citation|finalement toutes les combinaisons sont attestées, si bien qu'on ne sait plus très bien quelle est la spécificité “indo-européenne” des homologies duméziliennes}}<ref name="Demoule_1991"/>.
 
== Publication et réception ==
== Présentation ==
Jean-Paul Demoule revient en 2014 sur la question des Indo-Européens dans un livre de 752 pages publié au [[Éditions du Seuil|Seuil]], intitulé ''Mais où sont passés les Indo-Européens ?'' et sous-titré {{citation|Le mythe d'origine de l'Occident}}. Le titre du livre est, selon [[Gérard Fussman]], un jeu de mots sur le fait qu'on ne sait ni quelles routes ont prises les Indo-Européens, ni ce qu'ils sont devenus, ni pourquoi la question ne suscite plus d'intérêt<ref name="Fussman"/>.
 
=== Structure de l'ouvrage ===
Dans une première partie, Jean-Paul Demoule traite du problème indo-européen jusqu'en 1945 en linguistique, en archéologie, en [[anthropologie physique]] et en politique<ref name="Fussman"/>. Il présente le développement aux {{s2|XVIII|e|XIX|e}} de la théorie de l'origine unique des langues indo-européennes, non, dit-il, pour {{citation|jeter l’opprobre sur ces deux siècles de savants comparatistes en tentant de les disqualifier au nom du {{citation|racisme scientifique}} qui s'en est souvent réclamé}}, mais pour {{citation|interroger ce qui, au-delà des faits, relève de modèles interprétatifs que ces faits n'exigeaient pas nécessairement, ou pas exclusivement}}<ref>{{harvsp|Demoule|2014|p=42}}</ref>. Il souligne ce qu'il appelle un {{citation|double langage}}, le fait que, tout en affirmant ne s'attacher qu'à décrire des liens entre les langues indo-européennes, les linguistes ont, durant cette période, tenu pour acquis {{citation|le paradigme de la langue mère et celui de la langue comme être biologique}}<ref>{{harvsp|Demoule|2014|p=44}}</ref>. Dès avant les premiers rapprochements entre le [[sanscrit]] et les langues européennes à la fin du {{s|XVIII|e}}, Jean-Paul Demoule note que [[Gottfried Wilhelm Leibniz|Leibniz]] {{citation|tient deux faits pour acquis : toutes les langues humaines dérivent d’une langue primitive, dont celles qui deviendront « indo-européennes » forment un rameau particulier ; le foyer d’origine de ces dernières se situe sur les bords de la mer Noire}}<ref name="Demoule_28">{{harvsp|Demoule|2014|p=28}}</ref>, ces certitudes procédant, selon Jean-Paul Demoule, du désir de substituer au modèle biblique un autre mythe fondateur, où {{citation|la langue germanique [...] a autant et plus de marques de quelque chose de primitif que l’hébraïque même}}<ref>[[Gottfried Wilhelm Leibniz|Leibniz]], ''Nouveaux Essais sur l'entendement humain'', Livre III</ref>.
 
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La seconde partie de l'ouvrage est consacrée aux développements contemporains, depuis 1945. Il évoque la résurgence de l'hypothèse baltique, promue par la Nouvelle Droite, mais écartée par la majorité de la communauté scientifique, au profit de deux hypothèses principales, l'[[hypothèse anatolienne]], notamment défendue par [[Colin Renfrew]], qui associe la diffusion de la langue à celle de l'agriculture, et l'[[hypothèse kourgane]], notamment défendue par [[Marija Gimbutas]] et [[James Patrick Mallory]], privilégiant la diffusion plus tardive d'un idiome parlé par des guerriers conquérants d'Ukraine.
 
=== Positions et thèses défendues ===
Jean-Paul Demoule souligne que l'hypothèse anatolienne, si elle a le mérite de retenir {{citation|le seul mouvement migratoire d'ampleur qui fasse la quasi-unanimité des préhistoriens européens}} pèche en ce que<ref>{{harvsp|Demoule|2014|p=359}}</ref> :
* les langues indo-européennes sont peu présentes dans le foyer originel supposé ;
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* {{citation|Qu’enfin les langues sont également des entités biologiques homogènes, autonomes et bien délimitées, qui se reproduisent également par parthénogenèse ou scissiparité}}<ref name="Demoule_554"/>, alors qu'elles sont au contraire {{citation|des objets matériels et sociaux, créés par un groupe humain à des fins de communication, soumis à une grande variabilité interne et en constante évolution}}<ref>{{harvsp|Demoule|2014|p=591}}</ref>.
 
=== Reception de l'ouvrage ===
== Accueil ==
 
Dans une recension de l'ouvrage, l'historien [[Gérard Fussman]] note tout d'abord que l'auteur a {{citation|manifestement cherché et réussi à écrire un livre destiné à une audience bien plus large que celles de ses collègues de la profession, un livre agréable à lire pour une personne cultivée, ce but correspondant parfaitement à sa thèse selon laquelle l'intérêt pour les Indo-Européens était et reste motivé principalement par des raisons politiques et conserve encore aujourd'hui des implications politiques manifestes}}<ref name="Fussman"/>. Globalement, Gérard Fussman se dit {{citation|d'accord avec la plupart du traitement par Jean-Paul Demoule des preuves indo-européennes, y compris ses inférences politiques}}<ref name="Fussman"/>, ainsi que sur la plupart de ses conclusions : qu'il n'y a pas de consensus sur la reconstruction de la langue originelle (''Ursprache'') et de l'arbre des langues indo-européennes (''Stammbaum''), que l'idée d'un foyer unique (''Urheimat'') n'est qu'une hypothèse parmi d'autres, que la paléontologie linguistique conduit à des apories ou à des raisonnements circulaires, qu'une culture archéologique ne doit pas nécessairement être assignée à un seul peuple. Il rejoint Demoule sur l'idée que {{citation|les perspectives prometteuses de la chimie osseuse et des analyses d'ADN restent encore embryonnaires pour retracer les migrations préhistoriques}}<ref>{{harvsp|Demoule|2014|p=597}}</ref>, se disant même {{citation|sceptique}} sur les perspectives de succès d'une telle démarche. En revanche, quand Jean-Paul Demoule critique la représentation des relations entre langues indo-européennes à partir d'un modèle arborescent, Gérard Fussman lui répond que le proto-indo-européen est une construction anhistorique, {{citation|une abstraction, pas un langage}}, mais une abstraction nécessaire à la représentation des liens entre langues indo-européennes, un [[arbre de Porphyre]], un modèle graphique qui {{citation|ressemble à un arbre généalogique mais n'en est pas un}}<ref name="Fussman"/>.
==== Succès d'édition et réception positive ====
L'ouvrage reçoit un accueil globalement positif. Dans une recension de l'ouvrage, l'historien [[Gérard Fussman]] note tout d'abord que l'auteur a {{citation|manifestement cherché et réussi à écrire un livre destiné à une audience bien plus large que celles de ses collègues de la profession, un livre agréable à lire pour une personne cultivée, ce but correspondant parfaitement à sa thèse selon laquelle l'intérêt pour les Indo-Européens était et reste motivé principalement par des raisons politiques et conserve encore aujourd'hui des implications politiques manifestes}}<ref name="Fussman" />. Globalement, Gérard Fussman se dit {{citation|d'accord avec la plupart du traitement par Jean-Paul Demoule des preuves indo-européennes, y compris ses inférences politiques}}<ref name="Fussman" />, ainsi que sur la plupart de ses conclusions : qu'il n'y a pas de consensus sur la reconstruction de la langue originelle (''Ursprache'') et de l'arbre des langues indo-européennes (''Stammbaum''), que l'idée d'un foyer unique (''Urheimat'') n'est qu'une hypothèse parmi d'autres, que la paléontologie linguistique conduit à des apories ou à des raisonnements circulaires, qu'une culture archéologique ne doit pas nécessairement être assignée à un seul peuple. Il rejoint Demoule sur l'idée que {{citation|les perspectives prometteuses de la chimie osseuse et des analyses d'ADN restent encore embryonnaires pour retracer les migrations préhistoriques}}<ref>{{harvsp|Demoule|2014|p=597}}</ref>, se disant même {{citation|sceptique}} sur les perspectives de succès d'une telle démarche. En revanche, quand Jean-Paul Demoule critique la représentation des relations entre langues indo-européennes à partir d'un modèle arborescent, Gérard Fussman lui répond que le proto-indo-européen est une construction anhistorique, {{citation|une abstraction, pas un langage}}, mais une abstraction nécessaire à la représentation des liens entre langues indo-européennes, un [[arbre de Porphyre]], un modèle graphique qui {{citation|ressemble à un arbre généalogique mais n'en est pas un}}<ref name="Fussman" />.
 
Pour le philosophe [[Roger-Pol Droit]], dans un article du ''[[Le Monde|Monde]]'', le livre de Jean-Paul Demoule est un {{citation|grand livre}}, {{citation|d'une érudition époustouflante}}, qui donne à méditer {{citation|deux grandes leçons}} : la première est qu'{{citation|au cœur des travaux les plus savants, en linguistique comme en archéologie ou en histoire, deux siècles durant, s’est développée et perfectionnée une pure et simple légende}} ; la seconde, que ce mythe a eu pour sens et pour fonction de {{citation|construire une origine de substitution, remplacer la réalité historique de l’héritage juif du christianisme et de l’Europe par la fiction d’un peuple « aryen » originaire, porteur d’une autre religion, d’une autre langue, d’autres valeurs}}<ref>{{article|périodique=Le Monde|prénom1=Roger-Pol|nom1=Droit|lien auteur1=Roger-Pol Droit|titre=Indo-Européens : par ici la sortie !|jour=3|mois=décembre|année=2014|url texte=https://www.lemonde.fr/livres/article/2014/12/03/indo-europeens-par-ici-la-sortie_4533694_3260.html}}</ref>. D'autres sources de presse mettent également l'accent, dans les mêmes termes élogieux, sur la déconstruction d'un mythe, sans exprimer de réserves sur l'analyse<ref>{{article|périodique=Le Monde diplomatique|prénom1=Émile|nom1=Gayoso|titre=Mais où sont passés les Indo-européens ? Le mythe d’origine de l’Occident|mois=juillet|année=2015|url texte=http://www.monde-diplomatique.fr/2015/07/GAYOSO/53247}}</ref>{{,}}<ref>{{article|périodique=Sciences humaines|prénom1=Thierry|nom1=Jobard|titre=Mais où sont passés les Indo-Européens ?|jour=4|mois=février|année=2015|url texte=http://www.scienceshumaines.com/mais-ou-sont-passes-les-indo-europeens_fr_34015.html}}</ref>{{,}}<ref>{{article|périodique=L'Histoire|prénom1=Maurice|nom1=Sartre|lien auteur1=Maurice Sartre|titre=A la recherche des Indo-Européens|mois=février|année=2015|url texte=http://www.histoire.presse.fr/livres/a-recherche-indo-europeens-01-02-2015-129046}}</ref>{{,}}<ref>{{article|périodique=Libération|prénom1=Marc|nom1=Semo|titre= Une histoire un peu cavalière|jour=5|mois=novembre|année=2014|url texte=http://next.liberation.fr/livres/2014/11/05/une-histoire-un-peu-cavaliere_1136951}}</ref>{{,}}<ref>{{article|périodique=L'Humanité|prénom1=Boris|nom1=Valentin|titre=Les Indo-Européens, un peuple zombie|jour=27|mois=février|année=2015|url texte=https://www.humanite.fr/les-indo-europeens-un-peuple-zombie-566852}}</ref>.
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Des critiques concernant le volet linguistique de l'ouvrage ont été exprimées par le linguiste Romain Garnier<ref>{{Article|langue=|auteur1=Romain Garnier|titre=Compte-rendu de Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés les Indo-Européens?|périodique=Wékwos|volume=2|date=2015|issn=|lire en ligne=https://www.academia.edu/36198316/Review_of_J.P._Demoule_Mais_o%C3%B9_sont_pass%C3%A9s_les_Indo-Europ%C3%A9ens_Paris_Seuil_2014_|pages=279-283}}</ref>, qui dénonce une {{citation|polémique purement franco-française [...] associant les études indo-européennes à l'extrême-droite}}<ref>{{article|titre=L'Indo-européen a-t-il existé ?|auteur=Marina Julienne|périodique=La Recherche|mois=mars|année=2015}}</ref>.
 
En 2018, la [[Société de Linguistique de Paris]] a publié, dans sa [[Bulletin de la Société de linguistique de Paris|revue annuelle]], un article de trois experts en [[linguistique historique]] (Pellard, [[Laurent Sagart|Sagart]] et [[Guillaume Jacques|Jacques]]) du laboratoire [[CRLAO]]–[[CNRS]].<ref>Thomas Pellard, Laurent Sagart et Guillaume Jacques (2018). L'indo-européen n'est pas un mythe. ''[[Bulletin de la Société de linguistique de Paris]]'', tome 113, fasc. 1 (2018), pp.79-102. [[https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01871582/ lire en ligne]].</ref> Cet article, intitulé "L'indo-européen n'est pas un mythe", présente des arguments linguistiques en réponse à ce qu'ils considèrent comme des erreurs et approximations de Jean-Paul Demoule dans son ouvrage, dans le domaine de la linguistique, de l'histoire et de l'archéologie{{Référence nécessaire|date=23 mars 2019}}.
 
==== Critiques et polémiques dans la presse de droite ====
Enfin, de vives critiques sont publiées par des revues proches de la [[Nouvelle Droite]].
* ''[[La Nouvelle Revue d'histoire]]'' publie quatre articles consacrés à l'ouvrage et un droit de réponse de Jean-Paul Demoule.
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== Bibliographie ==
* {{ouvrage|prénom1=Jean-Paul|nom1=Demoule|lien auteur1=Jean-Paul Demoule|titre=Mais où sont passés les Indo-Européens ?|sous-titre= Le mythe d'origine de l'Occident|éditeur=Éditions du Seuil|lien éditeur=Éditions du Seuil|lieu=Paris|année=2014|pages totales=741|collection=La librairie du {{s-|XXI}}|isbn=978-2-02-029691-5|commentaire=Réédition revue et augmentée : {{ouvrage|prénom1=Jean-Paul|nom1=Demoule|lien auteur1=Jean-Paul Demoule|titre=Mais où sont passés les Indo-Européens ?|sous-titre= Le mythe d'origine de l'Occident|éditeur=Éditions Points|lieu=Paris|année=2017|pages totales=826|collection=Points. Histoire|numéro dans collection=525|isbn=978-2-7578-6591-0}}.}}
 
== Notes et références ==
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* [[Jean-Paul Demoule]]
 
{{Portail|sociologie|Archéologie|Linguistique}}
 
[[Catégorie:Peuple indo-européen]]