« Martin Heidegger et le nazisme » : différence entre les versions
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== Les faits ==
Heidegger a recommandé assez tôt Mein Kampf à son frère, et proposait des remarques antisémites à sa femme dés les années vingt. Le nazisme est central pour sa pensée.
Adhérent du parti nazi ([[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]]) de 1933 à 1945, il écrit, en 1933, une profession de foi envers Hitler et l'État national-socialiste<ref>{{Lien brisé|url=https://www.academia.edu/6286391/La_profession_de_foi_de_Heidegger_en_faveur_dAdolf_Hitler_et_de_lEtat_national-socialiste}}</ref>. Il écrit à son frère qu'il a adhéré au parti nazi « non seulement en raison d’une conviction intérieure, mais aussi conscient que c’est la seule voie pour rendre possible une purification et un éclaircissement du mouvement [nazi]<ref name="a">{{Lien web|langue=fr|titre=Heidegger en grand frère nazi|url=https://www.lemonde.fr/culture/article/2016/10/13/heidegger-en-grand-frere-nazi_5013302_3246.html|site=Le Monde.fr|date=13.10.2016|consulté le=2018-03-10}}</ref>. » Il le trouvait en effet porté aux demi-mesures, à être insufisamment barbare, et souhaitait le radicaliser. Il lui est donc arrivé souvent de le critiquer pour son manque de vigueur pendant les années trente.
Le parti nazi ne considérait de toute façon pas Heidegger comme un militant fiable, il suspectait son œuvre et ses cours qu’il ne comprenait pas, jusqu'à l'empêcher d'enseigner en 1944. Les Français en 1945 ne feront que reconduire cette mesure en lui interdisant d'enseigner jusqu'en 1951. Il est classé en 1949 comme {{Lien|fr=Mitläufer|lang=en|trad=Mitläufer|texte=Mitläufer}} (« suiveur » ou compagnon de route) par la Commission de [[dénazification]]. [[Hannah Arendt]], philosophe d’origine juive, avec laquelle il a eu une liaison alors qu’elle était son étudiante, a toujours témoigné son admiration et son affection pour lui<ref>Cf. notamment « Heidegger a 80 ans », in Hannah Arendt, ''Vies poliitques'', Tel Gallimard, pp. 306-320.</ref>.
Heidegger a affirmé que le nazisme était « un principe barbare », ce qui « constitue son essence et sa possible grandeur
Il est élu recteur de l’université de Fribourg-en-Brisgau par ses collègues en 1933, Heidegger a démissionné de son poste en avril 1934, tout en restant membre de l'université, du point de vue administratif, jusqu'à la fin de la guerre<ref>{{Article|langue=fr-FR|prénom1=Joseph|nom1=Jurt|titre=L'itinéraire de Heidegger|périodique=Actes de la recherche en sciences sociales|volume=80|numéro=1|date=1989|doi=10.3406/arss.1989.2918|lire en ligne=http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_80_1_2918|consulté le=2018-03-10|pages=76–80}}</ref>.
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L'implication de Heidegger sous le troisième Reich et l'influence des théories nazies sur sa pensée font l'objet d'interrogations et de débats nombreux et polémiques, particulièrement en France. D'un côté il y aurait
* les apologistes : [[Hannah Arendt]], [[Walter Biemel]], [[Otto Pöggeler]], [[Jan Patočka]], [[Jacques Derrida]], [[Jean Beaufret]], [[Jean-Michel Palmier]], [[Marcel Conche]], [[Jean-Luc Nancy]], [[Julian Young]], [[Silvio Vietta]], [[François Fédier]], [[Pascal David]]
* de l'autre ses détracteurs : [[Jürgen Habermas]], [[Theodor W. Adorno|Theodor Adorno]], [[Hans Jonas]], [[Günther Anders]], [[Karl Löwith]], [[Víctor Farías]], [[Pierre Bourdieu]],
et au centre, l'histoire sous l'Allemagne nazie - dont l'étude serait absolument nécessaire pour lire de manière éclairée l’œuvre du philosophe. La controverse fut notamment lancée par [[Karl Löwith]] en 1946, dans la revue ''les [[Les Temps modernes (revue)|Temps modernes]]'', mais surtout en 1987 en France par [[Víctor Farías|Victor Farias]] avec le livre ''Heidegger et le nazisme''<ref>{{Ouvrage|langue=fr|titre=Heidegger et le nazisme|prénom1=Víctor|nom1=Farías|traducteur=Myriam Benawoch et Jean-Baptiste Grasset|préface=Christian Jambet|lieu=Paris|éditeur=Librairie générale française|collection=Livre de poche.|série=Biblio essais|numéro dans collection=4099|année=1989|pages totales=381|isbn=978-2-253-04883-1}}.</ref>, auquel
En 1945, Heidegger proposa une explication de son attitude :
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En 1946, Jaspers reprend ses thèses sur la réforme de l'Université pour remédier au mal précédemment diagnostiqué : le morcellement en disciplines spécialisées, l'enseignement scolaire et l'impératif de professionnalisme, le développement de la bureaucratie administrative et la baisse du niveau des enseignements, ce sur quoi il s'accorde avec Heidegger. Jaspers ce faisant, veut défendre l'aristocratie de l'esprit, tandis que Heidegger voudrait l'éliminer, car, sur une position révolutionnaire, ce dernier combat l'[[Idéalisme (philosophie)|idéalisme]] [[Bourgeoisie|bourgeois]] et le [[positivisme]] [[scientisme|scientiste]]. Jaspers veut également préserver la philosophie des intrusions de la [[politique]] qui lui portent atteinte et ainsi il se trouve en désaccord complet avec Heidegger sur ce point de l'engagement — dans le mouvement nazi.
R. Safranski compare ce combat révolutionnaire via l'Université au mouvement étudiant de 1967-68. Une sorte de « révolution culturelle » en somme. Pour Heidegger, l'Université doit donner la ligne directrice de cette renaissance spirituelle. Et l'idéal révolutionnaire est le dépassement de la division entre le travail manuel et le travail intellectuel (objectif révolutionnaire qui n'est pas exactement celui de la supposée [[Révolution (politique et sociale)|révolution]] national-socialiste, comme on sait). '''Heidegger ne quitte jamais le plan philosophique, quel que soit son engagement et quelles que soient ses illusions. Il veut faire advenir une révolution qui soit le fait de l'esprit''', contre les [[idéologie]]s [[politique]]s actuelles, établies sous l'effet de l'emprise mondiale de la logique [[technique]], qu'il attribue à l'astuce juive. Une révolution qui soit celle de la science, au sens d'un rapport authentique à la connaissance et à la vérité [[Alètheia|aletheia]] : dévoilement] laissant ouvert le champ des possibles inscrits dans l'être, et s'opposant à la domination d'une conception positiviste de la science, accompagnée de l'arraisonnement par la [[technique]]. Heidegger voit avec le national-socialisme, au commencement, l'occasion d'échapper à une logique historiale : celle du [[nihilisme]] porté par la technique planétaire, effet de la [[métaphysique]]. [C'est en ce sens qu'il faut comprendre sa critique de la métaphysique]. Il sera très vite déçu dans son attente et sa tentative d'être actif en politique.
Il partage ainsi certains aspects de l'idéologie nazie, mais pas l'antisémitisme, ni l'aspect racial, ni son biologisme<ref>« Le corporel [Leiblichkeit] doit être transposé dans l’existence de l’homme.[…] la race et la lignée aussi sont à comprendre ainsi et non pas à décrire à partir d’une biologie libérale vieillie. » (GA tome 36-37 [1933-1934], ''Vom Wesen der Wahrheit'', {{p.|178}})</ref>, ni sa mystique scientiste, ni son idéologie simpliste et techniciste, qu'il juge grossière, et qu'il imagine précisément pour cela, pouvoir transformer philosophiquement, ni son bellicisme conquérant qu'il ne voit pas, alors que tout le monde est au courant. Il regarde ailleurs, vers la [[Grèce]] ancienne, pour faire renaître une autre idée de la science et de la vérité. Selon le philosophe [[Jacques Taminiaux]], tout en étant « le symptôme le plus évident » de sa compromission avec le nazisme, {{Citation|on doit admettre que le discours du Rectorat ne correspond guère à l’idéologie nazie. En effet même s’il célèbre le ''Führerprinzip'', comporte une allusion au slogan ''Blut und Boden'', et ne cache pas les espoirs qu’il met dans la « révolution » en cours, ce discours s’avère être un remake circonstanciel du premier texte capital de la tradition de la pensée politique dont l’idéologie nazie, dans son principe même, entendait se débarrasser une fois pour toutes, à savoir la République de Platon. Pour l’essentiel ce discours intitulé "L’auto-affirmation de l’université allemande" est une célébration de la position normative de ce que Platon appelait theôria.}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jacques|nom1=Taminiaux|titre=Art et événement : spéculation et jugement des Grecs à Heidegger|passage=9 sqq.|lieu=Paris|éditeur=Belin|collection=Extrême contemporain|année=2005|pages totales=250|isbn=978-2-701-14194-7|oclc=936772444}}</ref> Surtout, Heidegger souligne :
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== Quels sont les enjeux politiques de sa philosophie ? ==
Le style souvent obscur ou peut-être allusif de ses cours durant la période nazie tient, en partie, à ce que ceux-ci étaient surveillés
Le style difficile que revêtent ses cours à cette époque conviendrait au caractère clandestin de la critique du nazisme qu'il entreprend. Il poursuivra cependant, cultivant son style obscur et indéchiffrable par les non-initiés, après la guerre, en « fin renard » (le terme de « renard » est de H. Arendt), sachant dissimuler ses options politiques derrière ses incursions savantes dans l'histoire de la métaphysique. Car, après sa démission du rectorat, Heidegger se lance aussitôt dans ses séminaires sur [[Friedrich Nietzsche|Nietzsche]] et sur [[Friedrich Hölderlin|Hölderlin]], dans une étude critique de l'époque qui a produit le [[nazisme]] à travers l'étude du nihilisme qu'il élabore. Ce qu'il appela ensuite son « explication avec le nazisme », pour autant que celui-ci possède sa « vérité interne », comme il l'écrit dans son cours du semestre d'été 1935, à savoir le dévoilement de l'essence des Temps modernes comme le nihilisme à son comble de la technique planétaire<ref>« Ce qui aujourd’hui [en 1935] est colporté sous le nom de philosophie du national-socialisme, mais n’a pas le moindre rapport avec la vérité et la grandeur de ce mouvement [Bewegung] (c'est-à-dire avec la rencontre de la technique, dans sa dimension planétaire, et de l’homme des temps modernes), a choisi ces eaux troubles appelées ‘‘valeurs’’ et ‘‘totalités’’ pour y jeter ses filets ». ''Introduction à la métaphysique''</ref>. Ce sont là les séminaires qui apportent les analyses et notions susceptibles d'avancer dans la compréhension du nazisme. Ce que confirme, parmi de nombreux autres lecteurs de Heidegger, le philosophe matérialiste et spécialiste d'[[Épicure]], Marcel Conche.Contemporain du nazisme et tout aussi clairement anti-nazi à l'époque qu'il est aujourd'hui, connu pour être un lecteur reconnaissant à Heidegger pour son apport, Conche reconnaît sa dette à l'égard de Heidegger, sans rien ignorer, ni de l'année de rectorat, ni de la critique du nihilisme contemporain qui s'adresse au nazisme.
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Durant ces cours, Heidegger rassemble de nombreux étudiants qui en témoigneront ensuite.
=== Témoignages apologétiques d'étudiants cooptés ===
Parmi ces témoignages nous avons celui de Walter Biemel, élève de Heidegger de 1942 à 1944, et
{{Citation bloc|Pour la première fois, il me fut donné d’entendre de la bouche d’un professeur d’université, une violente critique contre le régime qu’il qualifiait de criminel<ref>Walter Biemel, ''Cahier de l’Herne Martin Heidegger'', 1983.</ref>.}}De fait, Il était difficile pour un auditeur de cette époque de saisir que les critiques du biologisme proposée par Heidegger visait, comme nous le savons désormais, les Juifs et non pas les nazis. {{Citation bloc|Il n’y a pas un cours, un séminaire où j’ai entendu une critique aussi claire du nazisme qu’auprès de Heidegger. Il était d’ailleurs le seul professeur qui ne commençât pas son cours par le "Heil Hitler!" réglementaire. À plus forte raison, dans les conversations privées, il faisait une si dure critique des nazis que je me rendais compte à quel point il était lucide sur son erreur de 1933<ref>Walter Biemel, cité par Jean-Michel Palmier, ''Les écrits politiques de Martin Heidegger'', Paris, éditions de l’Herne, 1968.</ref>.}}
Témoignage de Siegfried Bröse, fonctionnaire social-démocrate destitué par les nazis et devenu assistant de Heidegger dans les années trente :
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=== D'après Bourdieu ===
En quoi l'[[ontologie (philosophie)|ontologie]] de Heidegger pouvait-elle convenir avec l'événement et la nature du nazisme ? [[Pierre Bourdieu|Bourdieu]]
=== D'après Lévinas ===
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=== D'après Lacoue-Labarthe ===
[[Philippe Lacoue-Labarthe]], dans ''La fiction de politique'' (Christian
Certains voient dans ses propos les traces d'un nationalisme (incontestable) mettant par conséquent en cause, philosophiquement, l'universalisme. Rien cependant dans l'analytique du Dasein de ''Être et Temps'' n'existe, qui permettrait de dire que ces existentiaux dégagés par Heidegger ne sont pas universels. Mais si la question se pose à partir du moment de l'engagement en faveur du nazisme et tout ce qui va être formulé sur le « destin historial du peuple », et le « Dasein d'un peuple », là, les discours politiques que Heidegger prononce s'écrivent dans la langue de sa philosophie. Et là est le plus grand reproche qui peut lui être fait : avoir mis sa philosophie, sa pensée, son vocabulaire, au service de ce mouvement sur la voie de la destruction barbare. Il a compromis sa philosophie, avant de se reprendre et se réfugier dans le silence (dont il a fait la théorie). Il a, ce faisant, compromis la philosophie en l'engageant du mauvais côté de l'histoire, incontestablement.
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[[Emmanuel Levinas|Lévinas]] considèrera que l'ontologie heideggerienne se construit sur le refoulement de l'universalisme légué par le judaïsme : la pensée de l'être, soit l'héritage grec à retrouver, pour effacer l'héritage judaïque.
En revanche [[Marlène Zarader]] établit de manière tout à fait inverse, l'existence d'une filiation souterraine, non reconnue, d'une dette à l'égard du judaïsme in ''La dette impensée, Heidegger et l’héritage hébraïque'', ce qui s'est avéré attesté par la publication des Cahiers noirs, où il est donné de voir Heidegger aux prises avec une souveraineté innommée et un ennemi abrité, qui ne peut être que celui judaïsuqe. Comme [[Jacques Derrida|Derrida]] l'avait fait avant elle, et s'en inspirant, Zarader
=== D'après Payen ===
Dans l'introduction de sa biographie historique, l'historien [[Guillaume Payen]] pose que « l'enjeu historiographique majeur ne [lui] paraît pas tant de savoir si Heidegger fut nazi mais plutôt ce que ce nazisme de philosophe permet de comprendre sur le nazisme en général. Heidegger est intéressant en particulier pour étudier la force d'adhésion du NSDAP et ses ressorts, à partir d'un apparent paradoxe : pourquoi un philosophe si subtil et exigeant fut-il subjugué par un mouvement populiste et anti-intellectualiste qui ne s'adressait pas à ses semblables mais à la plèbe intellectuelle<ref>{{Ouvrage|langue=français|auteur1=Guillaume Payen|titre=Martin Heidegger. Catholicisme, révolution, nazisme|passage=18-19|lieu=|éditeur=Perrin|date=2016|pages totales=679|isbn=978-2262036553|lire en ligne=}}</ref>? » Toutefois, le biographe défraye la chronique en proposant des interprétations apologétiques, par exemple en estimant que lorsque Heidegger parle d'anéantissement dans ses Cahiers noirs, cela n'aurait rien à voir avec la solution finale. Ses travaux valent surtout pour ses apports d'historiens, mais s'aventurent dangereusement du côté de l'explicitation des concepts, ce qui n'est pas dans ses comptétences.
=== Publication des ''Carnets noirs'' ===
En 2014 est prévu le début de la publication des ''[[Cahiers noirs]]'', dont des passages jugés antisémites ont déjà été diffusés<ref name="laphilosophie.blog.lemonde.fr"/>{{,}}<ref name="laregledujeu.org"/>{{,}}<ref>Emmanuel Alloa, [https://www.academia.edu/11822992/Affaire_Heidegger._Nouveau_scandale_en_vue_Le_Monde_3.3.2015_/ Affaire Heidegger, nouveau scandale en vue](Le Monde 3 mars 2015)</ref>
Les travaux du chercheur, depuis 2005, révolutionnent l'abord de cet auteur, en proposant des approches critiques intransigeantes par le biais d'analyses philologiques et historiques cessant de délier la pensée de cet auteur de ses engagements nazis, de fait indissociables. Une véritable «métapolitique de l'extermination» se donnant à lire dans les Cahiers noirs et même les traités impubliés, Emmanuel Faye a traduit et interprété des textes inédits permettant d'acter la tentative d'introduire le nazisme dans la philosophie; celle-ci fut une réussite incontestable, tant des relais, en particulier en France, ont pu favoriser le blanchissement de cette pensée depuis 1945. Une relecture de Martin Heidegger implique dés lors une prise de distance par rapport à toutes les interprétations qui se sont basées sur un corpus incomplet, des connivences et des tendances apologétiques.
▲=== Position de J. Habermas ===
== Notes ==
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