« Martin Heidegger et le nazisme » : différence entre les versions

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L''''adhésion au [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|Parti nazi]] de [[Martin Heidegger]]''', [[philosophe]] [[Allemagne|allemand]], en [[1933]], est l'objet de débats passionnés,. quiCet searticle traduisentpropose surun cetteexposé page-même,des faits et des interprétations obsolètessur maisces "sourcées" servent de bonne excuse pour manipuler les lecteurs de Wikipédiaquestions.
 
== Les faits ==
Heidegger est considéré comme ayant appartenu à la mouvance de la « [[révolution conservatrice (Weimar)|révolution conservatrice]] » anti-libérale proche du nazisme.
Heidegger a recommandé assez tôt Mein Kampf à son frère, et proposait des remarques antisémites à sa femme dés les années vingt. {{passage inédit|Le nazisme est central pour sa pensée, y diffusant loin ses effets}}.
 
Adhérent du parti nazi ([[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]]) de 1933 à 1945, il écrit, en 1933, une profession de foi envers Hitler et l'État national-socialiste<ref>{{Lien brisé|url=https://www.academia.edu/6286391/La_profession_de_foi_de_Heidegger_en_faveur_dAdolf_Hitler_et_de_lEtat_national-socialiste}}</ref>. Il écrit à son frère qu'il a adhéré au parti nazi « non seulement en raison d’une conviction intérieure, mais aussi conscient que c’est la seule voie pour rendre possible une purification et un éclaircissement du mouvement [nazi]<ref name="a">{{Lien web|langue=fr|titre=Heidegger en grand frère nazi|url=https://www.lemonde.fr/culture/article/2016/10/13/heidegger-en-grand-frere-nazi_5013302_3246.html|site=Le Monde.fr|date=13.10.2016|consulté le=2018-03-10}}</ref>. »{{passage inédit|Ceci, de façon à le rendre radical, alors que, dans les années trente, il n'avait pas encore donné la plein mesure de sa violence. Il le trouvait en effet alors porté aux demi-mesures, à être insuffisamment barbare, et souhaitait le radicaliser. Il lui est donc arrivé souvent de le critiquer pour son manque de vigueur et ses compromissions, que ce soit avec le christianisme ou le libéralisme, ce qui est corroboré par de nombreux textes.}}.
 
Le parti nazi ne considérait de toute façon pas Heidegger comme un militant fiable, il suspectait son œuvre et ses cours qu’il ne comprenait pas, jusqu'à l'empêcher d'enseigner en 1944. Les Français en 1945 ne feront que reconduire cette mesure en lui interdisant d'enseigner jusqu'en 1951. Il est classé en 1949 comme {{Lien|fr=Mitläufer|lang=en|trad=Mitläufer|texte=Mitläufer}} (« suiveur » ou compagnon de route) par la Commission de [[dénazification]]. [[Hannah Arendt]], philosophe d’origine juive, avec laquelle il a eu une liaison alors qu’elle était son étudiante, a toujours témoigné son admiration et son affection pour lui<ref>Cf. notamment «  Heidegger a 80 ans  », in Hannah Arendt, ''Vies poliitques'', Tel Gallimard, pp. 306-320.</ref>.
 
Heidegger a affirmé que le nazisme était « un principe barbare », ce qui « constitue son essence et sa possible grandeur », qu'il avait commis {{Citation|la plus grande idiotie de sa vie}} (''die größte Dummheit seines Lebens'')<ref>Propos rapportés par Heinrich Wiegand Petzet, ''Auf einen Stern zugehen. Begegnungen und Gespräche mit Martin Heidegger 1929-1976'', 1983 {{p.|43}}, et par {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Frédéric de Towarnicki|titre=A la rencontre de Heidegger : souvenirs d'un messager de la Forêt-Noire|passage=125|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|collection=Arcades|année=1993|date=|pages totales=323|isbn=978-2-070-73562-4|oclc=912479790|lire en ligne=}}.</ref> en s'inscrivant au parti nazi. D'un autre côté, il remet en question l'idée que la démocratie serait « le meilleur système politique ». Les premiers volumes des carnets privés de Heidegger, publiés en 2014 sous le titre ''[[Cahiers noirs]]'', contiennent des passages antisémites, diffusés dès la fin 2013<ref name="laphilosophie.blog.lemonde.fr">{{Article|langue=fr-FR|auteur1=|titre=L’affaire Heidegger (suite), vue d’Allemagne|périodique=Désordres philosophiques|date=20 décembre 2013|issn=|lire en ligne=http://laphilosophie.blog.lemonde.fr/2013/12/20/laffaire-heidegger-suite-vue-dallemagne/|consulté le=2018-03-10|pages=}}</ref>{{,}}<ref name="laregledujeu.org">{{Article|langue=fr-FR|auteur1=|titre=Martin Heidegger, titan et maître toujours inquiétant|périodique=La Règle du Jeu|date=2013-12-16|issn=|lire en ligne=https://laregledujeu.org/2013/12/16/15098/martin-heidegger-titan-et-maitre-toujours-inquietant/|consulté le=2018-03-10|pages=}}</ref>{{,}}<ref>François Doyon, « Quatre fragments antisémites des "Cahiers noirs " de Heidegger » [traduits en français], {{Lien brisé|url=https://www.academia.edu/6361774/Quatre_fragments_antisemites_des_Carnets_noirs_de_Heidegger}}</ref>.
Il est élu recteur de l’université de Fribourg-en-Brisgau par ses collègues en 1933, Heidegger a démissionné de son poste en avril 1934, tout en restant membre de l'université, du point de vue administratif, jusqu'à la fin de la guerre<ref>{{Article|langue=fr-FR|prénom1=Joseph|nom1=Jurt|titre=L'itinéraire de Heidegger|périodique=Actes de la recherche en sciences sociales|volume=80|numéro=1|date=1989|doi=10.3406/arss.1989.2918|lire en ligne=http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_80_1_2918|consulté le=2018-03-10|pages=76–80}}</ref>.
 
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{{citation bloc|J’aimerais beaucoup que tu te confrontes au livre d’Hitler, aussi faibles soient les chapitres autobiographiques du début. Que cet homme soit doté, et l’ait été si tôt, d’un instinct politique inouï et sûr, quand nous étions tous dans le brouillard, personne de sensé ne saurait le contester<ref name="a" />.}}
 
=== Position et engagement jamais démenti envers le national-socialismesocialiste ===
[[Martin Heidegger|Heidegger]] rallie le Parti national-socialiste des travailleurs allemands ([[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]]), pour lequel il vote dès [[1932]], symboliquement le {{date|1 mai 1933}}, jour de la fête du travail (il dira après la guerre s'être engagé avant tout pour le social<ref>Spiegel-Interview in ''Reden und andere Zeugnisse'' GA 16 {{p.|655}}</ref>). Il sera jugé en 1949 comme ''Mitläufer'' ou « suiveur » du nazisme, après plusieurs années d'instruction de son dossier. La catégorie ambiguë des ''{{lang|de|Mitläufer}}'' (« suiveurs »), située entre celle des "peu incriminés" et celle des « exonérés » qui ont pratiqué des actes de résistance ou ont été persécutés, équivalait en pratique à une relaxe<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Marie-Bénédicte Vincent|titre=Marie-Bénédicte Vincent présente La dénazification|passage=25|lieu=Paris|éditeur=Perrin|collection=Tempus|année=2008|date=|pages totales=368|isbn=978-2-262-02809-1|oclc=214304347|lire en ligne=|titre chapitre=Punir et rééduquer : le processus de dénazification (1945-1949)}}.</ref>, sans pour autant être une déculpabilisation. Le terme désigne en allemand une personne qui subit la pression d'un groupe sans participer à ses activités mais sans résister non plus, par faiblesse de caractère ou opportunisme (le terme ''Mitläufer'' en allemand peut servir à désigner un adolescent qui fume pour faire comme ses amis), et surtout sans conviction idéologique à la différence d'un sympathisant ou d'un compagnon de route du communisme par exemple<ref>C'est pourquoi le chancelier [[Helmut Schmidt]] déclara un jour à propos de la carte d'adhérent au NSDAP du chef d'orchestre [[Herbert von Karajan]] : {{Citation|Karajan n'était évidemment pas nazi. C'était un ''Mitläufer''}}. Source : [https://www.welt.de/vermischtes/article1595506/Der-Mann-der-zweimal-in-die-NSDAP-eintrat.html ''Die Welt'' 26 janvier 2008]</ref>. Cette catégorie controversée a souvent été dénoncée, à tort ou à raison, comme un moyen de dédouaner de nombreux Allemands de leur collaboration avec le nazisme<ref>Cf. Marie-Bénédicte Vincent ''La dénazification'', {{p.|25}} et 31.</ref> (la cinéaste de Hitler [[Leni Riefenstahl]] sera relaxée comme « suiveuse »), ou au contraire comme un moyen d'entretenir une certaine culpabilité allemande.
 
L'implication de Heidegger sous le troisième Reich et l'influence des théories nazies sur sa pensée font l'objet d'interrogations et de débats nombreux et polémiques, particulièrement en France. D'un côté il y aurait
* les apologistes : [[Hannah Arendt]], [[Walter Biemel]], [[Otto Pöggeler]], [[Jan Patočka]], [[Jacques Derrida]], [[Jean Beaufret]], [[Jean-Michel Palmier]], [[Marcel Conche]], [[Jean-Luc Nancy]], [[Julian Young]], [[Silvio Vietta]], [[François Fédier]], [[Pascal David]]
* de l'autre ses détracteurs : [[Jürgen Habermas]], [[Theodor W. Adorno|Theodor Adorno]], [[Hans Jonas]], [[Günther Anders]], [[Karl Löwith]], [[Víctor Farías]], [[Pierre Bourdieu]], Karl[[Maurice KrausBlanchot]], Walter Benjamin, [[Emmanuel Levinas]], [[Richard Rorty]], [[Luc Ferry]], [[Alain Renaut]], [[Emmanuel Faye]], Sidonie Kellerer, François Rastier, Gaëtan Pégny,
et au centre, l'histoire sous l'Allemagne nazie - dont l'étude serait absolument nécessaire pour lire de manière éclairée l’œuvre du philosophe. La controverse fut notamment lancée par [[Karl Löwith]] en 1946, dans la revue ''les [[Les Temps modernes (revue)|Temps modernes]]'', mais surtout en 1987 en France par [[Víctor Farías|Victor Farias]] avec le livre ''Heidegger et le nazisme''<ref>{{Ouvrage|langue=fr|titre=Heidegger et le nazisme|prénom1=Víctor|nom1=Farías|traducteur=Myriam Benawoch et Jean-Baptiste Grasset|préface=Christian Jambet|lieu=Paris|éditeur=Librairie générale française|collection=Livre de poche.|série=Biblio essais|numéro dans collection=4099|année=1989|pages totales=381|isbn=978-2-253-04883-1}}.</ref>, auquel tâchaitrépondit depoint répondrepar autant que possiblepoint le livre de [[François Fédier]] ''Heidegger - Anatomie d'un scandale''<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=François|nom1=Fédier|titre=Heidegger : anatomie d'un scandale|lieu=Paris|éditeur=R. Laffont|collection=Essais|année=1988|pages totales=240|isbn=978-2-221-05658-5|oclc=416919850}}</ref>, et se poursuit encore aujourd'hui.
 
En 1945, Heidegger proposa une réécriture révisionnisteexplication de son attitude :
 
:« Je croyais que Hitler, après avoir pris en 1933 la responsabilité de l’ensemble du peuple, oserait se dégager du Parti et de sa doctrine, et que le tout se rencontrerait sur le terrain d’une rénovation et d’un rassemblement en vue d’une responsabilité de l’Occident. Cette conviction fut une erreur que je reconnus à partir des événements du 30 juin 1934. J’étais bien intervenu en 1933 pour dire oui au national et au social (et non pas au nationalisme) et non aux fondements intellectuels et métaphysiques sur lesquels reposait le biologisme de la doctrine du Parti, parce que le social et le national, tels que je les voyais, n’étaient pas essentiellement liés à une idéologie biologiste et raciste. »<ref>1945: lettre adressée en novembre 1945 au rectorat académique de l’université Albert-Ludwig; citée par [[Jacques Derrida]] dans "La Main de Heidegger" ([http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/la_main_de_heidegger.htm en ligne]), conférence prononcée en mars 1985 à Chicago (Université de Loyola); actes dans "Deconstruction and Philosophy", The University of Chicago Press, 1987.</ref>
 
Paru en avril 2005, l'essai d'[[Emmanuel Faye]] intitulé ''[[Heidegger, l'introduction du nazisme dans la philosophie]]'', (biblio essais, 2005) arriveprétend ànéanmoins ouvrir de nouvelles perspectives de recherche permettant de mettre en doute les explications fournies par Heidegger concernant son implication politique. Selon E. Faye montre, Heidegger que aaurait menti sur sa réelle adhésion à l'idéologie du parti nazi, pour des raisons évidentes de protection de sa personne, en véritéjugée dissimulatrice<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=|prénom1=Emmanuel|nom1=Faye|titre=Heidegger, l'introduction du nazisme dans la philosophie : autour des séminaires inédits de 1933-1935|lien titre=Heidegger, l'introduction du nazisme dans la philosophie|passage=57|lieu=Paris|éditeur=Librairie générale française|collection=Livre de poche|série=essais|numéro dans collection=4402|année=2007|date=|pages totales=767|isbn=978-2-253-08382-5|oclc=84152171|lire en ligne=}}</ref> et falsificatrice<ref>{{Harvsp|Emmanuel Faye|2007|texte=|p=686|loc=|id=Emmanuel_Faye2007}}</ref>. De nombreux extraits de séminaires de Hedeigger inédits, de 1933 à 1935, cités et commentés par E. Faye tout au long de son essai, démontrenttendraient à démontrer l'hitlérisme de Heidegger. Cet essai a fait l'objet d'une violente polémique et de nombreux articles en France et à l'étranger de mars 2005 à septembre 2006, année de sa seconde édition, articles tous référencés dans cette dernière. Un débat avec François Fédier fut organisé à la télévision sur la chaîne Public Sénat<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=HEIDEGGER 1/4 - vidéo Dailymotion|url=https://www.dailymotion.com/video/x1asyb_heidegger-1-4_news|site=Dailymotion|date=2007-02-25|consulté le=2018-03-10}}</ref>. E. Faye montrepense que le regard existentialiste humaniste sur Heidegger aurait contribué à masquer l'idéologie politique (national socialiste) de Heidegger, qui de manière cryptée imprègnerait toute sa philosophie<ref name="Faye12">{{Harvsp|Emmanuel Faye|2007|texte=|p=12-13|loc=|id=Emmanuel_Faye2007}}</ref>. Pour leur part, les défenseurs de Heidegger, dans l'ouvrage collectif ''Heidegger, à plus forte raison''<ref>François Fédier (ed.), ''Heidegger, à plus forte raison'', Paris : Fayard, 2007 (Philippe Arjakovsky, Henri Crétella, Pascal David, François Fédier, [[Hadrien France-Lanord]], Matthieu Gallou, Gérard Guest, Jean-Pierre Labrousse, François Meyronnis, Jean-Luc Nancy, François Nebout, Étienne Pinat, Nicolas Plagne, Alexandre Schild, Bernard Sichère, Éric Solot, Pierre Teitgen, Stéphane Zagdanski)</ref>, dénoncèrent ces analyses comme des contresens sur sa philosophie (laquelle serait sans rapport avec quelque idéologie que ce soit), allant même jusqu'à accorder à Heidegger une forme de "résistance spirituelle" au nazisme. Les journaux intimes de Heidegger, publiés en 2014 sous le titre ''Cahiers noirs'', contiennentsemblent contenir des passages antisémites qui ont filtré dès la fin 2013, ce qui a provoqué une nouvelle querelle par médias interposés<ref name="laphilosophie.blog.lemonde.fr"/>{{,}}<ref name="laregledujeu.org"/>.
 
Pour ne pas perdre de vue le climat de cette période du début des années 1930 en Allemagne, qui vit les nazis portés au pouvoir, et s'instruire de l'itinéraire philosophique et politique de Heidegger dans cette période trouble des commencements, suivie de la catastrophe, inimaginable et non anticipable en 1933, on se reportera ici principalement à la biographie intellectuelle du philosophe par [[Rüdiger Safranski]]. Ce dernier s'appuie sur les travaux d'investigation accomplis pour écrire la biographie de Heidegger, comprenant notamment son rapport au nazisme, et qui précèdent son propre travail. Il s'agit principalement des publications de Guido Schneeberger en 1962, de Max Müller en 1988, de Hugo Ott, en 1988 et 1998, de Victor Farias en 1987, d' Elisabeth Ettinger qui a écrit l'histoire croisée de Hannah Arendt et Martin Heidegger en 1994, ainsi que l'autobiographie de Karl Jaspers, sans oublier d'autres travaux encore tels que ''Heidegger und das Dritte Reich'' par B. Martin en 1989, etc. Ce qui indique que le travail d'investigation est, en Allemagne, largement avancé et remonte à un certain temps, la biographie de Schneeberger, par exemple, étant reconnue comme tout à fait éclairante. Tout cela fit dire à [[Peter Sloterdijk]] dans le colloque international sur Heidegger à Strasbourg (décembre 2004) que quels que soient les nouveaux documents qui puissent être exhumés concernant le rapport de Heidegger au nazisme « Les historiens en ont aujourd'hui terminé avec le cas Heidegger » au sens où {{Citation|aujourd’hui 70 ans après les faits on ne peut plus s’attendre à voir surgir des témoins inconnus qui suggèreraient des réinterprétations quant à l’implication de Heidegger dans le national-socialisme avec le rectorat, aussi bien pour les accusateurs que les défenseurs}}. Et, quoi qu'il en soit, « les archives ne révéleront pas l’interprétation à donner de cet engagement ».
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En 1946, Jaspers reprend ses thèses sur la réforme de l'Université pour remédier au mal précédemment diagnostiqué : le morcellement en disciplines spécialisées, l'enseignement scolaire et l'impératif de professionnalisme, le développement de la bureaucratie administrative et la baisse du niveau des enseignements, ce sur quoi il s'accorde avec Heidegger. Jaspers ce faisant, veut défendre l'aristocratie de l'esprit, tandis que Heidegger voudrait l'éliminer, car, sur une position révolutionnaire, ce dernier combat l'[[Idéalisme (philosophie)|idéalisme]] [[Bourgeoisie|bourgeois]] et le [[positivisme]] [[scientisme|scientiste]]. Jaspers veut également préserver la philosophie des intrusions de la [[politique]] qui lui portent atteinte et ainsi il se trouve en désaccord complet avec Heidegger sur ce point de l'engagement — dans le mouvement nazi.
 
R. Safranski compare ce combat révolutionnaire via l'Université au mouvement étudiant de 1967-68. Une sorte de « révolution culturelle » en somme. Pour Heidegger, l'Université doit donner la ligne directrice de cette renaissance spirituelle. Et l'idéal révolutionnaire est le dépassement de la division entre le travail manuel et le travail intellectuel (objectif révolutionnaire qui n'est pas exactement celui de la supposée [[Révolution (politique et sociale)|révolution]] national-socialiste, comme on sait). '''Heidegger ne quitte jamais le plan philosophique, enquel vertuque desoit son engagement et dequelles que soient ses illusions. Il veut faire advenir une révolution qui soit le fait de l'esprit contre l'esprit'', contre les [[idéologie]]s [[politique]]s actuelles, établies sous l'effet de l'emprise mondiale de la logique [[technique]], qu'il attribue à l'astuce juive. Une révolution qui soit celle de la science, au sens d'un rapport authentique à la connaissance et à la vérité [[Alètheia|aletheia]] : dévoilement] laissant ouvert le champ des possibles inscrits dans l'être, et s'opposant à la domination d'une conception positiviste de la science, accompagnée de l'arraisonnement par la [[technique]]. Heidegger voit avec le national-socialisme, au commencement, l'occasion d'échapper à une logique historiale : celle du [[nihilisme]] porté par la technique planétaire, effet de la [[métaphysique]]. [C'est en ce sens qu'il faut comprendre sa critique de la métaphysique]. Il sera très vite déçu dans son attente et sa tentative d'être actif en politique.
 
Il partage ainsi certains aspects de l'idéologie nazie, dontmais pas l'antisémitisme, ni l'aspect racial, et le biologisme, qu'il réintègre discrètement dansni son oeuvrebiologisme<ref>« Le corporel [Leiblichkeit] doit être transposé dans l’existence de l’homme.[…] la race et la lignée aussi sont à comprendre ainsi et non pas à décrire à partir d’une biologie libérale vieillie. » (GA tome 36-37 [1933-1934], ''Vom Wesen der Wahrheit'', {{p.|178}})</ref>, il récuse par contreni sa mystique scientiste, ni son idéologie simpliste et techniciste, qu'il juge grossière, et qu'il imagine précisément pour cela, pouvoir transformer philosophiquement, ni son bellicisme conquérant qu'il ne voit pas, alors que tout le monde est au courant. Il regarde ailleurs, vers la [[Grèce]] ancienne, pour faire renaître une autre idée de la science et de la vérité. Selon le philosophe [[Jacques Taminiaux]], tout en étant « le symptôme le plus évident » de sa compromission avec le nazisme, {{Citation|on doit admettre que le discours du Rectorat ne correspond guère à l’idéologie nazie. En effet même s’il célèbre le ''Führerprinzip'', comporte une allusion au slogan ''Blut und Boden'', et ne cache pas les espoirs qu’il met dans la « révolution » en cours, ce discours s’avère être un remake circonstanciel du premier texte capital de la tradition de la pensée politique dont l’idéologie nazie, dans son principe même, entendait se débarrasser une fois pour toutes, à savoir la République de Platon. Pour l’essentiel ce discours intitulé "L’auto-affirmation de l’université allemande" est une célébration de la position normative de ce que Platon appelait theôria.}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jacques|nom1=Taminiaux|titre=Art et événement : spéculation et jugement des Grecs à Heidegger|passage=9 sqq.|lieu=Paris|éditeur=Belin|collection=Extrême contemporain|année=2005|pages totales=250|isbn=978-2-701-14194-7|oclc=936772444}}</ref> Surtout, Heidegger souligne :
 
{{Citation bloc|Diriger implique en tout état de cause que ne soit jamais refusé à ceux qui suivent le libre usage de leur force. Or suivre comporte en soi la résistance. Cet antagonisme essentiel entre diriger et suivre, il n'est permis ni de l'atténuer ni surtout de l'éteindre<ref>''Écrits politiques'', Gallimard {{p.|109}}.</ref>.}}
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Quant à la démission du poste de recteur, elle s'explique d'abord par le peu d'écho rencontré chez les professeurs par son idée de révolution spirituelle. Heidegger démissionna du fait du conservatisme du corps professoral, qui ne voulait pas le suivre dans la révolution du travail et de la formation de la pensée, qu'il voulait organiser, et également, du fait du désaveu du ministère, qui n'entendait pas accomplir une révolution ayant pour avant-garde l'Université. Il dira au ''Spiegel'' avoir démissionné après la [[Nuit des Longs Couteaux|Nuit des longs couteaux]] qui vit l'extermination de SA. Ce qu'il pense du nazisme dès 1934, se trouve sous sa plume : « Le national-socialisme est un principe barbare. C’est ce qui constitue son essence et sa possible grandeur. »<ref>in ''Schwarze Hefte'', 1934.</ref>.
 
En [[1944]], le docteur [[Eugen Fischer]], promoteur de l'hygiène raciale, écrit à propos de Heidegger au [[gauleiter]] de [[Salzbourg]] que c'est un «penseur exceptionnel et irremplaçable pour […] le parti […] », ajoutant : « Nous n'avons pas tellement de grands philosophes […] nationaux-socialistes. »<ref>Télégramme de Fischer demandant que Heidegger soit libéré du [[Volkssturm]], cité par Hugo Ott, ''Martin Heidegger: éléments pour une biographie'', Payot, 1990, 420 p. {{ISBN|9782228882880}} {{p.|166-167}}.</ref> Ils restèrent amis après-guerre et s'échangèrent des lettres.
 
== Quels sont les enjeux politiques de sa philosophie ? ==
 
Le style souvent obscur ou peut-être allusif de ses cours durant la période nazie tient, en partie, à ce que ceux-ci étaient surveillés. :Il or,se Heideggersituait entendaitdans critiquerles lehauteurs régimede pourla sonpensée enjuivementdont àil sonne corpsdescendit défendant.jamais — ce qui lui fut précisément reproché. Heidegger employa toujours des moyens indirects pour œuvrer à une analyse du nazisme. Il ne produisit nullement une analyse politique, mais pensait en philosophe, à travers l'étude d'autres textes philosophiques, [[Friedrich Nietzsche|Nietzsche]] en particulier, sans désigner jamais un parti, ni une situation politiques. Sa méthode consiste à aller chercher dans l'histoire de la métaphysique occidentale, ce qui a fait s'emballer la raison portant en elle une volonté de puissance aveugle, pour en arriver à ce présent. En quelque sorte, en quoi consiste la déviation et l'accélération du mouvement par rapport au commencement grec. Son étude est celle de l'histoire d'une période des [[Époque moderne|Temps Modernes]], comme le fit [[Friedrich Nietzsche|Nietzsche]] avant lui. Il n'est pas question d'appel à la désobéissance à un pouvoir. Heidegger commence, à peine après l'échec du rectorat, la méditation de cet échec, en diagnostiquant les traits d'un mouvement historial, le nihilisme, à partir du tournant pris par la science dans sa volonté d'emprise sur la nature. Étude qui débouchera sur les textes ultérieurs concernant la technique<ref>voir par exemple in ''Essais et Conférences'', l'essai sur la technique.</ref>.
 
Le style difficile que revêtent ses cours à cette époque conviendrait au caractère clandestin de la critique du nazisme qu'il entreprend. Il poursuivra cependant, cultivant son style obscur et indéchiffrable par les non-initiés, après la guerre, en « fin renard » (le terme de « renard » est de H. Arendt), sachant dissimuler ses options politiques derrière ses incursions savantes dans l'histoire de la métaphysique. Car, après sa démission du rectorat, Heidegger se lance aussitôt dans ses séminaires sur [[Friedrich Nietzsche|Nietzsche]] et sur [[Friedrich Hölderlin|Hölderlin]], dans une étude critique de l'époque qui a produit le [[nazisme]] à travers l'étude du nihilisme qu'il élabore. Ce qu'il appela ensuite son « explication avec le nazisme », pour autant que celui-ci possède sa « vérité interne », comme il l'écrit dans son cours du semestre d'été 1935, à savoir le dévoilement de l'essence des Temps modernes comme le nihilisme à son comble de la technique planétaire<ref>« Ce qui aujourd’hui [en 1935] est colporté sous le nom de philosophie du national-socialisme, mais n’a pas le moindre rapport avec la vérité et la grandeur de ce mouvement [Bewegung] (c'est-à-dire avec la rencontre de la technique, dans sa dimension planétaire, et de l’homme des temps modernes), a choisi ces eaux troubles appelées ‘‘valeurs’’ et ‘‘totalités’’ pour y jeter ses filets ». ''Introduction à la métaphysique''</ref>. Ce sont là les séminaires qui apportent les analyses et notions susceptibles d'avancer dans la compréhension du nazisme. Ce que confirme, parmi de nombreux autres lecteurs de Heidegger, le philosophe matérialiste et spécialiste d'[[Épicure]], Marcel Conche.Contemporain du nazisme et tout aussi clairement anti-nazi à l'époque qu'il est aujourd'hui, connu pour être un lecteur reconnaissant à Heidegger pour son apport, Conche reconnaît sa dette à l'égard de Heidegger, sans rien ignorer, ni de l'année de rectorat, ni de la critique du nihilisme contemporain qui s'adresse au nazisme.
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L'engagement de 1933 reste peut-être une {{passage non neutre|tache compromettante}} dans la vie de ce penseur. Cependant son travail, après la démission du poste de recteur, consiste d'abord à tenter d'élucider le phénomène historial qui a apporté le nazisme, lui-même degré supplémentaire du nihilisme. Heidegger tente, après l'échec du rectorat, de méditer l'essence du nihilisme européen, tout d'abord dans ses cours, à partir d'une interprétation de Nietzsche (le « désert croît ») et de Hölderlin (le « temps de détresse »), qu'il arrache à leur appropriation par les nazis, et ensuite dans ses traités non-publiés dont fait partie ''Die Geschichte des Seins'' (écrit pendant la période 1938-1940) (''Ga'' 69).
 
Voir précisément le paragraphe 61 ({{p.|77-78}}), intitulé « ''Macht und Verbrechen'' » (Puissance et crime), qui dénonce ouvertement les ''planetarischen Hauptverbrecher'' : « Les criminels en chef planétaires, pour ce qui en est l'être (''Wesen''), suite à l'inconditionnel asservissement qui est le leur à l'égard de l'effort fait pour s'emparer inconditionnellement de la puissance, sont tous à égalité entre eux. Les différences historiquement conditionnées qui se donnent quelque importance lorsqu'on les fait passer au premier plan, ne servent jamais qu'à en travestir la criminalité sous l'aspect de l'inoffensif, tout en en présentant l'accomplissement comme « moralement » nécessaire dans l'« intérêt » même de l'humanité. / Les criminels planétaires de la toute dernière modernité dans laquelle seulement ils deviennent possibles, puis nécessaires, peuvent être comptés sur les doigts d'une seule main ». « Aussi n'y a-t-il pas de châtiment qui puisse être assez grand pour dompter de tels criminels […]. L'Enfer lui-même est trop petit […] auprès de ce que ces criminels que rien ne retient portent ainsi à la ruine ». (trad. G. Guest) Ce passage n'est compréhensible qu'à l'aune d'un extrait censuré par l'éditeur lui-même, Peter Trawny, où Heidegger s'interroge quant à ce qui fonde "la prédestination de la communauté juive à la criminalité planétaire". Il est aussi à relier aux Cahiers noirs, où il est écrit par exemple : « La juiverie mondiale, incitée en cela par les émigrés autorisés à quitter l’Allemagne, est omniprésente et impalpable, et même si sa puissance est largement répandue, elle n’a pas besoin de participer à des actions militaires, alors que tout ce qui nous reste est de sacrifier le meilleur sang de notre propre peuple ». (GA96, p. 262).
 
Durant ces cours, Heidegger rassemble de nombreux étudiants qui en témoigneront ensuite.
<br />
 
=== Témoignages apologétiques d'étudiants cooptés ===
 
Parmi ces témoignages nous avons celui de Walter Biemel, élève de Heidegger de 1942 à 1944, et paraphraseur supposéspécialiste de son œuvre, et qui a écrit notamment ''Le concept de monde chez Heidegger'' (Vrin, Paris, 1950) qui fait toujours autorité. Voici le témoignage de l’auditeur que fut Biemel des cours tenus au cœur de la période nazie :
 
{{Citation bloc|Pour la première fois, il me fut donné d’entendre de la bouche d’un professeur d’université, une violente critique contre le régime qu’il qualifiait de criminel<ref>Walter Biemel, ''Cahier de l’Herne Martin Heidegger'', 1983.</ref>.}}De fait, Il était difficile pour un auditeur de cette époque de saisir que les critiques du biologisme proposée par Heidegger visait, comme nous le savons désormais, les Juifs et non pas les nazis.

{{Citation bloc|Il n’y a pas un cours, un séminaire où j’ai entendu une critique aussi claire du nazisme qu’auprès de Heidegger. Il était d’ailleurs le seul professeur qui ne commençât pas son cours par le "Heil Hitler!" réglementaire. À plus forte raison, dans les conversations privées, il faisait une si dure critique des nazis que je me rendais compte à quel point il était lucide sur son erreur de 1933<ref>Walter Biemel, cité par Jean-Michel Palmier, ''Les écrits politiques de Martin Heidegger'', Paris, éditions de l’Herne, 1968.</ref>.}}
 
Témoignage de Siegfried Bröse, fonctionnaire social-démocrate destitué par les nazis et devenu assistant de Heidegger dans les années trente :
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=== D'après Bourdieu ===
 
En quoi l'[[ontologie (philosophie)|ontologie]] de Heidegger pouvait-elle convenir avec l'événement et la nature du nazisme ? [[Pierre Bourdieu|Bourdieu]] réussittenta une explication sociologique (élitisme, mépris du monde citadin et de la vie qui y correspond) qui repose sur l'évidencela conviction que toute philosophie estpeut se liéeréduire à ses déterminations sociologiques, même si Bourdieu a vu que Heidegger réduit l'aliénation à l'aliénation ontologique, éclipsant de ce fait toute forme d'aliénation économique, politique etc. {{citation|Il est certain qu'il était nazi, mais ce qui est intéressant, c'est de voir comment il a dit des choses nazies dans un langage ontologique}} avançait Bourdieu au cours d'un entretien avec [[Roger Chartier]] en 1988<ref>[[Pierre Bourdieu]] et [[Roger Chartier]], ''Le sociologue et l'historien'', Agone & Raisons d'agir, 2010, {{p.|96}}.</ref>. Cette lucidité est pour le moins significative.
 
=== D'après Lévinas ===
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=== D'après Lacoue-Labarthe ===
 
[[Philippe Lacoue-Labarthe]], dans ''La fiction de politique'' (Christian BourgeoisBourgois, 1987), analyse la philosophie de Heidegger comme un « archi-fascisme ». Heidegger se serait impliqué en politique pour des raisons différentes que les dirigeants nazis. Son engagement, bien que temporaire, serait à la fois étranger à l'idéologie nazie commune, dont il a dénoncé la médiocrité et la barbarie, mais serait en fait mieux fondé que tout autre, parce qu'il aurait présenté dans sa pensée le fondement ultime du nazisme, son "archéologie". Cette analyse radicale soulève des questions. Jusqu'à quel point peut-on dissocier la forme concrète prise par une révolution, de ce qui est supposé être son élan premier, son esprit ? En d'autres termes, comment Heidegger imagine-t-il une révolution, haute et noble celle-ci, qui partirait du même élan que le nazisme ? Mais peut-on simplement réduire toute l'œuvre de Heidegger à une seule affirmation majeure pensée sous diverses formes ?
 
Certains voient dans ses propos les traces d'un nationalisme (incontestable) mettant par conséquent en cause, philosophiquement, l'universalisme. Rien cependant dans l'analytique du Dasein de ''Être et Temps'' n'existe, qui permettrait de dire que ces existentiaux dégagés par Heidegger ne sont pas universels. Mais si la question se pose à partir du moment de l'engagement en faveur du nazisme et tout ce qui va être formulé sur le « destin historial du peuple », et le « Dasein d'un peuple », là, les discours politiques que Heidegger prononce s'écrivent dans la langue de sa philosophie. Et là est le plus grand reproche qui peut lui être fait : avoir mis sa philosophie, sa pensée, son vocabulaire, au service de ce mouvement sur la voie de la destruction barbare. Il a compromis sa philosophie, avant de se reprendre et se réfugier dans le silence (dont il a fait la théorie). Il a, ce faisant, compromis la philosophie en l'engageant du mauvais côté de l'histoire, incontestablement.
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[[Emmanuel Levinas|Lévinas]] considèrera que l'ontologie heideggerienne se construit sur le refoulement de l'universalisme légué par le judaïsme : la pensée de l'être, soit l'héritage grec à retrouver, pour effacer l'héritage judaïque.
 
En revanche [[Marlène Zarader]] établit de manière tout à fait inverse, l'existence d'une filiation souterraine, non reconnue, d'une dette à l'égard du judaïsme in ''La dette impensée, Heidegger et l’héritage hébraïque'', ce qui s'est avéré attesté par la publication des Cahiers noirs, où il est donné de voir Heidegger aux prises avec une souveraineté innommée et un ennemi abrité, qui ne peut être que celui judaïsuqe. Comme [[Jacques Derrida|Derrida]] l'avait fait avant elle, et s'en inspirant, Zarader croyait bonpermet d'affirmer qu'il est plus intéressant de travailler à débusquer l'impensé de Heidegger, ses lacunes, ses oublis, ce qu'il n'a pas aperçu, et donc, son appartenance à une des traditions, et ce malgré lui et malgré ce qu'il croit avoir récusé, (la métaphysique), que de condamner ses textesl'homme pour un engagement à l'évidence condamnable sans discussion et ainsi croire pouvoir se débarrasser de sa philosophie et de ses questions. Mais{{Passage évasif|Bref, il c'est précisémentplus àutile uneet discussionnécessaire de seslire textesHeidegger, queen s'engagentphilosophe, lespour chercheursdéjouer groupésses autourpièges, d'Emmanuelou Fayese etjouer Françoisde Rastierses masques, ceet ne pas se laisser égarer dans ses chemins de traverses qui permetne unemènent remisenulle part, en causeretournant majeurecontre ses textes son projet de tousdestruction les schémasde herméneutiquesla désormaismétaphysique obsolètes, mêmequi s'ilsdevient peuventavec parDerrida, endroitdéconstruction, sepour montrer encorequ'on suggestifsn'en sort pas, commede cecette qutradition, non plus que de cette métaphysique que Heidegger prétend dépasser [Derrida] et d'ontautres putraditions écrireencore plus ignorées et jamais même évoquées [Zarader]. ouVoilà Derridaqui surest laplus detteintéressant, impenséeet ouplus utile surtout, que de réduire Heidegger à sa seule biographie où l'esprithomme ne fut pas à la hauteur de sa pensée. Ce qui est le cas, bien souvent car seulement humain, trop humain.}}
 
=== D'après Payen ===
Dans l'introduction de sa biographie historique, l'historien [[Guillaume Payen]] pose que « l'enjeu historiographique majeur ne [lui] paraît pas tant de savoir si Heidegger fut nazi mais plutôt ce que ce nazisme de philosophe permet de comprendre sur le nazisme en général. Heidegger est intéressant en particulier pour étudier la force d'adhésion du NSDAP et ses ressorts, à partir d'un apparent paradoxe : pourquoi un philosophe si subtil et exigeant fut-il subjugué par un mouvement populiste et anti-intellectualiste qui ne s'adressait pas à ses semblables mais à la plèbe intellectuelle<ref>{{Ouvrage|langue=français|auteur1=Guillaume Payen|titre=Martin Heidegger. Catholicisme, révolution, nazisme|passage=18-19|lieu=|éditeur=Perrin|date=2016|pages totales=679|isbn=978-2262036553|lire en ligne=}}</ref>? » Toutefois, le biographe défraye la chronique en proposant des interprétations apologétiques, par exemple en estimant que lorsque Heidegger parle d'anéantissement dans ses Cahiers noirs, cela n'aurait rien à voir avec la solution finale. Ses travaux valent surtout pour ses apports d'historiens, mais s'aventurent dangereusement du côté de l'explicitation des concepts, ce qui n'est pas dans ses comptétences.
 
=== Publication des ''Carnets noirs'' ===
 
En 2014 est prévu le début de la publication des ''[[Cahiers noirs]]'', dont des passages jugés antisémites ont déjà été diffusés<ref name="laphilosophie.blog.lemonde.fr"/>{{,}}<ref name="laregledujeu.org"/>{{,}}<ref>Emmanuel Alloa, [https://www.academia.edu/11822992/Affaire_Heidegger._Nouveau_scandale_en_vue_Le_Monde_3.3.2015_/ Affaire Heidegger, nouveau scandale en vue](Le Monde 3 mars 2015)</ref>. ParEn exempledécembre 2013, [[Hadrien France-Lanord]] et [[Stéphane Zagdanski]] analysent ces publications<ref>[http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4702262 Les[[Hadrien JuifsFrance-Lanord]]], avecFrance Culture</ref>{{,}}<ref>[http://parolesdesjours.free.fr/heideggerpenseejuive.htm Stéphane Zagdanski], Paroles des jours</ref>. Dans une trente-troisième séance du 18 janvier 2014 du séminaire consacré à la pensée de Martin Heidegger, Gérard Guest donne une conférence intitulée {{Citation|Faire face à l'ouverture des ''Carnets noirs'' de Heidegger}}<ref>{{article|url=http://parolesdesjours.free.fr/seminaire.htm|auteur=Gérard Guest|périodique=Paroles des Jours|titre=Faire face à l'ouverture des ''Carnets leurnoirs'' talentde marquéHeidegger|date=18 pourjanvier le2014}} calculséminaire, «33 viventséances.</ref>.
 
» plus que quiconque de par le principe de la race, ce qui explique pourquoi ils résistent à sa pleine application
 
avec la plus grande violence. L’institution de l’élevage raciale ne découle pas de la « vie » elle-même, mais du dépassement de cette vie à travers la manipulation. Ce qu’elle précipite avec un tel plan est la déracialisation complète de tous les peuples en les enserrant dans un établissement construit de manière uniforme et adaptée de tous les êtres. Avec la racialisation s’institue l’auto-aliénation de ces peuples – la perte de l’histoire – à savoir, des districts de décision de l’être » (GA96, p.56)
 
=== Position d'Emmanuel Faye ===
Les travaux du chercheur, depuis 2005, révolutionnent l'abord de cet auteur, en proposant des approches critiques intransigeantes par le biais d'analyses philologiques et historiques cessant de délier la pensée de cet auteur de ses engagements nazis, de fait indissociables. Une véritable «métapolitique de l'extermination» se donnant à lire dans les Cahiers noirs et même les traités impubliés, Emmanuel Faye a traduit et interprété des textes inédits permettant d'acter la tentative d'introduire le nazisme dans la philosophie; celle-ci fut une réussite incontestable, tant des relais, en particulier en France, ont pu favoriser le blanchissement de cette pensée depuis 1945. Une relecture de Martin Heidegger implique dés lors une prise de distance par rapport à toutes les interprétations qui se sont basées sur un corpus incomplet, des connivences et des tendances apologétiques.
 
=== Position de StéphaneJ. DomerackiHabermas ===
Dans un entretien au journal Le Monde, [[Jürgen Habermas]] déclare : « Ce que j'ai lu sur les ''Cahiers noirs'' dans les recensions est à soi seul accablant ; mais il n'y a pas vraiment de surprise. La réception de Heidegger en France après 1945 a été dès le début, dès la traduction par [[Jean Beaufret]] de la ''Lettre sur l'humanisme'' (Aubier, 1957), déplorablement biaisée — bien jouée du côté de Heidegger, naïve du côté des lecteurs français ! [...]. Depuis 1953 au plus tard, c'est-à-dire depuis la publication des conférences de Heidegger datant de 1935, ''L'Introduction à la métaphysique'' (Gallimard, 1967), nul lecteur germanophone ne pouvait plus se méprendre sur l'imprégnation fascistoïde du jargon heideggerien. Il a bien été un nazi. Mais le plus terrible pour nous, les étudiants qui tous étions jadis exposés à son influence, fut le fait que Heidegger n'a jamais publiquement pris ses distances avec son passé nazi — même pas quand son ancien élève Herbert Marcuse l'a incité à le faire, quelques années après la guerre. »<ref>Propos recueillis par Nicolas Weill, Le Monde, 8 novembre 2014</ref>.
Dans son ''Heidegger et sa solution finale, essai sur la violence de "la""pensée"''<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=Stéphane Domeracki|titre=Heidegger et sa solution finale. Essai sur la violence de "la""pensée"|passage=|lieu=Paris|éditeur=Connaissances & savoirs|date=2016|pages totales=778|isbn=2753903115|lire en ligne=}}</ref>, Stéphane Domeracki propose une interprétation qui, à la suite de celle d'Emmanuel Faye, multiplie les efforts philologiques à même de montrer que le nazisme de Martin Heidegger est central de son œuvre, qui n'a dés lors plus beaucoup à voir avec de la philosophie malgré son recours massif aux concepts et à la spéculation. Il montre que les passages ouvertement antisémites ne sont compréhensibles qu'en tant qu'ils s'inscrivent au cœur de son projet de pensée, consistant à critiquer violemment tout en l'estimant nécessaire une certaine propension prométhéenne de la subjectivité humaine, qu'il nomme "insurrection" et qui trouve sa source dans des manigances judaïques lors du premier commencement grec. Rejoignant ainsi la critique nietzschéenne des castes sacerdotales judéo-chrétiennes et de leur volonté de puissance, il fait alors découler toutes les catastrophes et aliénations des temps modernes et contemporains de cet endurcissement dans l'insurrection, ce qui le mène à un manichéisme antisémite, ainsi qu'à une justification de la solution finale sous la forme d'un auto-anéantissement de la communauté juive. Celle-ci étant accusée de diffuser criminellement l'insurrection du sujet afin de promouvoir la machination de l'étant, le rôle du nazisme aurait de mener cette diffusion à son point de rupture, afin de pouvoir se dégager du premier commencement et de permettre la "transition" vers le nouveau. Ce nouveau paradigme herméneutique proposé par Domeracki permet de trouver une nouvelle cohérence aux très nombreuses pages des Cahiers noirs et Traités impubliés dont l'intelligibilité est réduite, si l'on n'a pas de clé permettant de comprendre pourquoi Heidegger critique tout autant le nazisme, l'américanisme, le communisme, le christianisme : ils sont aux yeux de Heidegger tous peu ou prou des marionnettes d'une volonté de puissance jugée ancienne et manipulatrice. La critique virulente que propose Domeracki ne repose donc pas sur la vie, la biographie de ce penseur, mais vise à expliciter le sens croisé de toutes ses oeuvres dans la Gesamtaugabe, en se servant aussi de lettres inédites, comme celles à Kurt Bauch, où Heidegger admet avoir écrit "à mots couverts".
 
== Notes ==