« Gilles de Rais » : différence entre les versions

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Au terme d'un processus de [[Mythe|mythification]] attesté par des [[Tradition orale|traditions orales]] transcrites originellement dans des relations de voyage remontant au {{s-|XIX}}, la figure historique du seigneur de [[Château de Tiffauges|Tiffauges]] se confond avec le monstrueux protagoniste de ''[[La Barbe bleue]]'' dans des récits folkloriques locaux, [[ballade]]s, [[complainte]]s et [[conte]]s parfois associés à la mémoire de certaines ruines castrales. La littérature, le théâtre, la bande dessinée et l’''[[anime]]'' s'emparent à leur tour du personnage du baron de Rais pour en décliner [[Représentations de Gilles de Rais dans l'art et la culture|plusieurs facettes sanguinaires]] tandis que le cinéma tend à le représenter essentiellement comme un inquiétant compagnon d'armes de Jeanne d'Arc.
 
Depuis la perception renouvelée du phénomène des crimes sexuels en série vers la fin du {{s-|XIX}}, le cas du maréchal de Rais est parfois rapproché de la catégorie criminelle des [[tueur en série|tueurs en série]], voire perçu comme l'[[Archétype (philosophie)|archétype]] du {{citation|[[Pédophilie|pédophile]] confondu avec l'assassin violeur}}. Le baron meurtrier devient ainsi {{citation|l'incarnation d'une [[Perversion|structure perverse]] intemporelle n'ayant plus qu'un lointain rapport avec la triple accusation médiévale de rébellion, de [[pacte avec le diable]] et de rapports contre-nature}}, selon le médiéviste [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]].
 
À compter notamment du début du {{s-|XX}}, quelques particuliers désireux d'innocenter Gilles de Rais publient des essais, voire entreprennent des démarches de réhabilitation en arguant qu'un complot judiciaire a été ourdi à son encontre pour s'emparer de ses biens. Réfutant cette thèse, certains historiens [[médiéviste]]s tendent toutefois à ne plus établir une vérité judiciaire absolue à partir des actes des procès. Sans intention de disculper le baron, ces [[chercheur]]s étudient la procédure inquisitoriale employée, en questionnant les témoignages à l'aune des [[Schème (philosophie)|schèmes]] interprétatifs des juges<ref>{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|1993|p=9-21|id= <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> : Gilles, la vérité, l'histoire}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|2018|p=10-11 ; 13-15}}.</ref> et en s'interrogeant sur le rôle de la rumeur dans l'élaboration de la ''{{lang|lat|[[Fama#Au_Moyen_Âge|fama]]}}'' (réputation) du seigneur de [[Tiffauges]]<ref>{{harvsp|Fudgé|2016|p=51-87}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=français|auteur1=Claude Gauvard|titre=Gilles de Rais (Au Cœur de l'Histoire-Franck Ferrand)|url=https://www.europe1.fr/emissions/Au-coeur-de-l-histoire/gilles-de-rais-2737546|site=www.europe1.fr/emissions/Au-coeur-de-l-histoire|périodique=|date=5 mai 2016|consulté le=23 décembre 2019}}.</ref>.
 
== Biographie ==
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Au {{s-|XIV}}, la [[guerre de Succession de Bretagne]] voit les [[Maison (généalogie)|maisons]] de Montfort et de [[Liste des comtes et ducs de Penthièvre|Penthièvre]] s'affronter pour recueillir la succession du [[duché de Bretagne]]. Durant vingt-trois années, ce conflit s'insère dans le cadre global de la [[guerre de Cent Ans]]. Ainsi, la famille de Montfort bénéficie du soutien du royaume d'Angleterre tandis que les Penthièvre reçoivent l'appui des rois de France. En [[1365]], la maison de Montfort obtient finalement la couronne ducale lorsque le [[Traité de Guérande (1365)|premier traité de Guérande]] établit Jean de Monfort comme duc sous le nom de {{souverain3|Jean IV de Bretagne}}. La {{citation|victoire à l'arraché}} de ce dernier {{citation|contribue largement à forger un nouvel état d'esprit moins [[Féodalité|féodal]] chez [les ducs Monfort] portés à affirmer la nécessaire autonomie (voire l'indépendance) du duché vis-à-vis de la France}}, souligne l'historien [[médiéviste]] [[Jean-Christophe Cassard]]. Le traité de Guérande ne règle donc pas pour autant le contentieux franco-breton, qui se poursuit sous le règne de {{souverain2|Charles V le Sage}}, roi de France<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean-Christophe|nom1=Cassard|lien auteur1=Jean-Christophe Cassard|titre=La Guerre de succession de Bretagne|sous-titre=dix-huit études|éditeur=Coop Breizh|lieu=Spézet|année=2006|pages totales=348|passage=11-20|isbn=978-2-84346-297-9|présentation en ligne=http://www.coop-breizh.fr/livres-3/livres-3/livres-prix-reduits-310/la-guerre-de-succession-de-bretagne-389/zoom-fr.htm|numéro chapitre=1|titre chapitre=La querelle de Bretagne (1341-1364-1381…)}}.</ref>.
 
En [[1371]], la [[maison (généalogie)|maison]] de [[Liste des seigneurs, barons et ducs de Retz|Rais]] s'éteint à la mort du dernier titulaire de la baronnie, {{souverain-|Girard V}} [[Famille de Chabot|Chabot]]<ref name="Blanchard p109">{{harvsp|Blanchard|1897|p=109}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207640j/f117.image}}.</ref>, allié traditionnel des Penthièvre et des rois de France{{note|groupe=n|En [[1341]], {{souverain-|Girard IV}} [[Famille de Chabot|Chabot]], alors baron de Rais, s'oppose au prétendant [[Jean de Montfort (1294-1345)|Jean de Montfort]]<ref>{{harvsp|Blanchard|1897|p=99}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207640j/f107.image}}.</ref>.<br>Fils posthume et successeur de {{souverain-|Girard IV}}, le baron {{souverain-|Girard V}} [[Famille de Chabot|Chabot]] prend le parti de [[Charles de Blois]], [[Liste des comtes et ducs de Penthièvre|comte de Penthièvre]], en participant notamment à la [[bataille d'Auray]] qui clôt la [[guerre de Succession de Bretagne]] le {{date-|29|septembre|1364}}<ref>{{harvsp|Blanchard|1897|p=104-105}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207640j/f112.image}}.</ref>.}}. La sœur de {{souverain-|Girard V}}, Jeanne [[Famille de Chabot|Chabot]] dite {{citation|la Sage}} ([[Obèle|†]] 1407) recueille son héritage<ref name="Blanchard p109" />, que convoite le duc {{souverain3|Jean IV de Bretagne}}<ref>{{harvsp|Jones|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />}}.</ref>. Celui-ci, à l'instar des rois et princes de ce temps, poursuit une politique de {{citation|centralisation personnelle{{note|groupe=n|Suivant l'expression de l'historien [[Bernard Guenée]], les rois et les princes mènent depuis le {{s-|XIII}} une politique de {{citation|centralisation personnelle}} visant à étendre leurs domaines respectifs par une succession d'acquisitions et de réunions de terres appartenant à leurs vassaux ou leurs voisins. Les {{citation |appétits territoriaux des ducs bretons}} se manifestent à nouveau avec les Monforts, {{souverain3|Jean IV de Bretagne}} et son fils {{souverain2|Jean V de Bretagne}}<ref name="Leguay Martin p177">{{harvsp|Leguay|Martin|1982|p=177}}.</ref>.}}}} en vue d'agrandir ses domaines{{note|groupe=n|Le terme « domaine » désigne simultanément les terres ainsi que les droits et les revenus seigneuriaux qui s'y rattachent<ref name="Leguay Martin p177" />.}}. Or la baronnie de Rais représente non seulement l'une des plus prestigieuses de Bretagne mais ce fief inclut de surcroît le [[château de Machecoul]], forteresse d'une ville considérée, de par sa position frontalière dans les [[Marches Bretagne-Poitou|marches de Bretagne et du Poitou]], comme l'une des {{citation|entrées et yssues du duché de Bretagne<ref>{{harvsp|Cintré|1992|p=72}}.</ref>.}}
 
Soucieux de contrer l'influence du prince breton, le roi {{souverain2|Charles V le Sage}} confie la garde du {{citation|pays [de] la dame de Rays}} à un proche parent de Jeanne Chabot, [[Guy de Laval (Brumor)|Guy {{citation|Brumor}} de Montmorency-Laval]] ([[Obèle|†]] après 1375)<ref>{{harvsp|Blanchard|1897|p=97}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207640j/f105.image}}.</ref>{{,}}{{note|groupe=n|Issu de la [[Famille de Chabot|famille Chabot]] par sa mère Jeanne Chabot, dite {{citation|la folle}}, [[Guy de Laval (Brumor)|Guy {{citation|Brumor}} de Montmorency-Laval]] épouse en secondes noces Tiphaine Husson, fille de Clémence Du Guesclin, elle-même sœur de [[Bertrand du Guesclin]]. De par l'union contractée par son grand-père paternel {{citation|Brumor}}, Gilles de Rais est donc l'arrière-petit-neveu du fameux [[connétable de France|connétable]] du roi {{souverain3|Charles V le Sage}}<ref name="+1">{{harvsp|Cazacu|2005|p=21}}.</ref>.}}. Nonobstant, le duc de Bretagne exige de Jeanne qu'elle lui cède ses domaines. Devant le refus de celle-ci, le duc la séquestre et fait occuper militairement les places fortes de la baronnie de Rais<ref name="Cazacu p24">{{harvsp|Cazacu|2005|p=24}}.</ref>, dont le château de Machecoul. Les ambitions territoriales de {{souverain-|Jean IV}} occasionnent de longues procédures judiciaires avec Jeanne Chabot jusqu'au décès du duc le {{date-|1|novembre|1399}}<ref name="Cazacu p24"/>.
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Le choix du [[nom de baptême]] {{citation|Gilles}} s'explique peut-être par un hypothétique [[pèlerinage]] effectué par [[Guy II de Laval-Rais|Guy de Laval]] et Marie de Craon à [[Saint-Gilles (Manche)|Saint-Gilles]] mais il ne s'agit que d'une conjecture basée sur une croyance médiévale relative à [[Gilles l'Ermite]]{{note|groupe=n|L'abbé Arthur Bourdeaut formule l'hypothèse en évoquant la coutume médiévale des pèlerins qui se rendaient à [[Saint-Gilles (Manche)|Saint-Gilles]] afin de demander à {{citation|l'ermite de Septimanie}} de leur donner un héritier<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=46}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f46.image}}.</ref>.<br>Sans citer Bourdeaut, l'historien [[Jacques Heers]] reprend cette hypothèse et la transforme erronément en affirmation<ref>{{harvsp|Heers|1994|p=23}}.</ref>, comme le signale le chartiste [[Matei Cazacu]]<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=316-317, {{n.}}21}}.</ref>.}}. Matei Cazacu suggère que la date de naissance ou de [[baptême]] de Gilles de Rais pourrait éventuellement coïncider avec la fête de [[Gilles l'Ermite|saint Gilles]] le {{1er septembre}}, d'où son prénom<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=11 ; 25}}.</ref>.
 
[[René de Rais|René]], frère cadet de Gilles, naît probablement durant l'année 1414<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=47}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f47.image}}.</ref>{{,}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Cazacu|2005|p=46">{{harvsp|Cazacu|2005|p=46}}.</ref>. Postérieurement à la mort de son grand-père Jean de Craon survenue en 1432, il obtient la seigneurie de [[La Suze-sur-Sarthe|La Suze]] lorsque son frère aîné Gilles lui assigne sa part d'héritage le {{date-|25|janvier|1434}} devant la cour ducale à Nantes{{note|groupe=n|L'abbé Bourdeaut et [[Matei Cazacu]] supposent que [[René de Rais]] reçoit sa part d'héritage à l'occasion de sa majorité<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=47, {{n.}}2}}.</ref>{{,}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Cazacu|2005|p=117">{{harvsp|Cazacu|2005|p=117}}.</ref>.}}. Le puîné est dès lors désigné comme René de La Suze, relevant ainsi le nom porté par la branche cadette des Craon<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Cazacu|2005|p=117" />{{,}}<ref>{{harvsp|Bertrand de Broussillon|1893|p=109-113}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Blanchard|1898|p=250-256, n° {{LXXXIX}}}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2094953/f465}}).</ref>.
 
Consécutivement aux décès de leur mère Marie de Craon à une date inconnue{{note|groupe=n|Sans citer ses sources, [[Charles Mourain de Sourdeval]] affirme que {{souverain-|Guy de Laval-Rais}} décède avant son épouse Marie de Craon, cette dernière convolant ensuite avec Charles d'Estouville, seigneur de Villebon<ref>{{harvsp|Mourain de Sourdeval|1843-1844|p=39}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5487239w/f69.image}}.</ref>. L'abbé [[Eugène Bossard (abbé)|Bossard]] reprend cette affirmation à son compte<ref>{{harvsp|Bossard|1886|p=13}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/gillesderaismar00bossgoog#page/n41/mode/2up}}.</ref>.<br>Cependant, l'archiviste paléographe [[Arthur Bertrand de Broussillon|Bertrand de Broussillon]] précise qu'il s'agit d'une erreur d'homonymie : Charles d'Estouville épouse effectivement une Marie de Craon mais cette dernière n'appartient pas à la branche cadette de La Suze<ref>{{harvsp|Bertrand de Broussillon|1893|p=80-81}}.</ref>.<br>En réalité, la mère de Gilles de Rais précède son époux dans la tombe, comme l'atteste le testament de {{souverain-|Guy de Laval-Rais}}. Dans cet acte daté du 28 ou {{date-|29 octobre 1415}}, le seigneur de Laval-Rais déclare vouloir être enterré à [[Abbaye de Buzay|Notre-Dame de Buzay]] {{citation|près de la tombe de ma dite très chère épouse Marie de Craon}} ({{citation|''{{langue|lat|juxta sepulturam dicte carissime deffuncte uxoris mee Marie de Credonio}}''<ref>{{harvsp|Blanchard|1899|p=325}}, {{n°|CCLI}} : « Testament de Guy de Laval, seigneur de Rays », {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k209497v/f335.image}}.</ref>}}.<br>[[Matei Cazacu]] suggère que Marie de Craon décède {{citation|probablement en donnant naissance à son second enfant, [[René de Rais|René]], en {{date-|janvier 1414}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Cazacu|2005|p=46" />}}.<br>La date exacte de sa mort demeure inconnue.}} puis de leur père {{souverain-|Guy de Laval-Rais}} fin {{date-|octobre 1415}} à [[Machecoul]]{{note|groupe=n|La date du testament de Guy de Laval-Rais, 28 ou {{date-|29 octobre 1415}}, est donnée par [[Matei Cazacu]] comme étant celle de la mort du père de Gilles de Rais<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Cazacu|2005|p=46" />. L'abbé Bourdeaut date erronément du {{date-|28 septembre 1415}} les dernières volontés du père de Gilles<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=48}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k209497v/f334.image}}.</ref>, erreur reprise par [[Georges Bataille]]<ref>{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=96}}.</ref> puis [[Jacques Heers]]<ref>{{harvsp|Heers|1994|p=24}}.</ref>.<br>Dans son testament, Guy de Laval-Rais déclare être {{citation|atteint d'une grave infirmité corporelle}} ({{citation|''{{langue|lat|infirmitate gravi detentus corpore}}''}}), sans plus de précision. Matei Cazacu émet prudemment l'hypothèse d'une atteinte de malaria, maladie sévissant à l'époque en Vendée, comme cause du décès<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Cazacu|2005|p=46" />.<br>Dans un récit de fiction, le journaliste et romancier Pierre La Mazière (1879-1947) dépeint le père de Gilles éventré par un sanglier au cours d'un accident de chasse<ref>{{Ouvrage |prénom1=Pierre|nom1=La Mazière|lien auteur1=|titre=Gilles de Rays|lieu=Paris|éditeur=Éditions du Laurier|collection=Les Vies en marge|année=1928|passage=22|pages totales=285}}.</ref>, mort spectaculaire reprise dans un roman de Marc Dubu<ref>{{Ouvrage |prénom1=Marc|nom1=Dubu|lien auteur1=|préface=[[Edmond Locard]]|titre=Gilles de Rays|sous-titre=magicien et sodomiste|lieu=Paris|éditeur=Les Presses de la Cité|année=1945|passage=14-15|pages totales=250}}.</ref> puis dans un essai de Georges Meunier<ref>{{Ouvrage|prénom1=Georges|nom1=Meunier|titre=Gilles de Rais et son temps|éditeur=[[Nouvelles Éditions latines]]|collection=Vies romanesques|lieu=Paris|année=1949|pages totales=216|passage=27}}.</ref>. Dès lors, cette version romancée est successivement prise pour argent comptant par [[Roland Villeneuve]]<ref>{{harvsp|Villeneuve|1955|p=31}}.</ref>, [[Michel Bataille]]<ref>{{harvsp|Bataille|Pesez|1966|p=56-58}}.</ref>, Alain Jost<ref>{{harvsp|Jost|1995|p=21}}.</ref> et [[Jacques Boislève]]<ref>{{harvsp|Boislève|2003|p=28}}.</ref>.}}{{,}}<ref>{{harvsp|Marchegay|1857|p=65-66, {{n°|237}}}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Blanchard|1899|p=324-333}}, {{n°|CCLI}} : « Testament de Guy de Laval, seigneur de Rays », {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k209497v/f334.image}}.</ref>, les jeunes frères Gilles et René sont élevés par leur grand-père maternel, Jean de [[Maison de Craon|Craon]], seigneur de [[La Suze-sur-Sarthe|La Suze]] et de [[Champtocé-sur-Loire|Champtocé]]. La perte de son fils Amaury à [[Bataille d'Azincourt|Azincourt]] en {{date-|octobre 1415}}, bataille où périssent plusieurs membres de sa [[Maison de Craon|maison]] en sus de son unique successeur mâle<ref>{{harvsp|Bertrand de Broussillon|1893|p=73 ; 271-272}}.</ref>, incite précisément Jean de Craon à prendre en charge et à gérer les biens des orphelins Gilles et René, devenus ses seuls héritiers<ref>{{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=11}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=????}}.</ref>. Dans son testament, Guy de Laval-Rais désignait pourtant son beau-frère, {{souverain-|Jean II}} Tournemine de [[Château de la Hunaudaye|la Hunaudaye]], comme {{citation|gardien, tuteur, protecteur, défenseur et administrateur légitime}} de ses deux fils<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=48}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f48.image}}).</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=46-47}}.</ref>.
 
==== Projets matrimoniaux ====
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Dans le duché d'Anjou, il hérite de l'importante seigneurie de [[Champtocé-sur-Loire|Champtocé]] et d'[[Ingrandes (Maine-et-Loire)|Ingrandes]] ainsi que des seigneuries de Blaison et de Chemellier, de la baronnie de Briolay, des seigneuries de Fontaine-Milon, Grez et Grattecuisse. Dans le Poitou, il détient les seigneuries de [[Cheneché]], de la Voûte, de Sigon, de Cloué, de Chabanais et la terre du Breuil-Mingot, en sus d'acquérir par mariage et extorsion la baronnie de [[Pouzauges]] et la seigneurie de [[Tiffauges]]{{note|groupe=n|Le [[douaire]] de Catherine de Thouars comportera, après le supplice de son époux, les seigneuries de [[La Mothe-Achard]], de La Maurière, des Chênes, de Fief-Macqueau et de Falleron<ref>{{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=96-98}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Merlet|1891|p=99}}.</ref>.}}. Dans le Maine, Gilles de Rais possède les seigneuries de [[La Suze-sur-Sarthe|La Suze]], d'Ambrières et de Saint-Aubin-Fosse-Louvain ainsi que la terre de Précigné<ref>{{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=96}}.</ref>. En Angoumois, les seigneuries de Confolens, de Loubert et de Château Morant<ref>{{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=98}}.</ref>{{,}}{{note|groupe=n|À l'époque, Gilles de Rais se proclamait également [[Maison de Brienne#Liste des comtes|comte de Brienne]].<br>{{citation|Au {{s-|XV}}, Brienne ne fait pas partie des domaines des seigneurs de Rais. […] le nouveau [[maréchal de France]], en route pour [[Reims]], espérait certainement profiter de cette marche victorieuse pour récupérer des rançons, des terres prises aux « collaborateurs » […]. Ne se proclamait-il pas comte de Brienne en {{date-|juillet 1430}} ? Mais ces rêves furent rapidement brisés<ref>{{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=99}}.</ref>.}}}}.
 
Toutefois, ce recensement n'envisage schématiquement Gilles de Rais qu'au sommet de sa prospérité domaniale. Outre les [[Aliénation juridique|aliénations]] plus ou moins importantes qui amenuisent graduellement son patrimoine, certaines terres appartiennent à son épouse, d'autres ne lui sont léguées qu'au décès de son grand-père Jean de Craon en 1432, sans compter celles qu'il cède à son frère René de Rais en lui assignant sa part d'héritage en 1434. De surcroît, ses domaines ne se révèlent pas toujours d'un bon rapport puisque le revenu qui s'y rattache peut être grevé par différents modes de gestion<ref>{{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=}}.</ref>. En tout état de cause, il n'est guère aisé d'estimer exactement ses biens<ref name="Macé 1988 p.138"/> et ses ressources, sujet de désaccord entre les historiens [[Jacques Heers]] et [[Matei Cazacu]] : le premier dénie au maréchal le qualificatif de {{citation|grand seigneur}}<ref>{{harvsp|Heers|1994|p=27}}.</ref> en soulignant que le présenter {{citation|comme l'« un des plus riches seigneurs de France » n'est que figure de style, facilité de plume qui ne correspond à rien<ref>{{harvsp|Heers|1994|p=124}}.</ref>.}} Or le second conteste cette interprétation<ref name="auto-généré2">{{harvsp|Cazacu|2005|p=184}}.</ref> en réaffirmant le statut de Gilles de Rais en tant que grand seigneur, puissant et fortuné. Matei Cazacu fait valoir ainsi que les revenus annuels du baron atteignent {{nobr|{{num|50000}} [[Livre tournois|livres tournois]]}}, dont environ {{num|30000}} tirés de ses domaines (chiffre avancé dans un [[Mémoire (écrit)|mémoire]] rédigé par ses héritiers) et près de {{num|20000}} provenant de son [[office]] de [[maréchal de France]], source de {{citation|grands gages et pensions du Roy.}} Si ce montant reste en deçà des revenus des grands princes contemporains (tels les ducs d'[[Louis Ier d'Orléans|Orléans]], de [[Philippe le Bon|Bourgogne]] et de [[Jean de Berry|Berry]]), il situe néanmoins Gilles de Rais dans une tranche haute, inaccessible à l'immense majorité des seigneurs bretons du {{s-|XV|e}}<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=9 ; 11-15}}.</ref>.
 
=== Carrière militaire ===
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[[Fichier:Reddition de Marguerite de Clisson (1420).jpg|vignette|gauche|<center>Enluminure représentant la fin du [[Siège de Champtoceaux (1420)|siège de Champtoceaux]]. [[Pierre Le Baud]], ''Compillation des Cronicques et ystores des Bretons'', ms. Français 8266, {{folio|344|verso}}, {{s-|XV}}, Paris, [[Bibliothèque nationale de France|BnF]].</center>]]
[[Fichier:Le Faouët (Morbihan) Chapelle Saint-Fiacre Duc de Bretagne 639.jpg|vignette|upright=0.4|Statue de bois [[Polychromie|polychrome]] représentant un duc de Bretagne traditionnellement identifié à {{souverain2|Jean V de Bretagne}}, [[chapelle Saint-Fiacre du Faouët]], vers 1400<ref>{{Chapitre|prénom1=Michael|nom1=Jones|lien auteur1=Michael Jones (historien)|titre chapitre=« En son habit royal »|sous-titre chapitre=le duc de Bretagne et son image vers la fin du Moyen Âge |titre ouvrage=Représentation, pouvoir et royauté à la fin du Moyen Âge|sous-titre ouvrage=actes du colloque organisé par l'Université du Maine, les 25 et {{date-|26 mars 1994}} |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Picard|Picard]] |année=1995 |auteurs ouvrage=Joël Blanchard (dir.) |isbn= 2-7084-0474-1 |pages totales=340 |passage=}}.</ref>.]]
Depuis la fin de la [[guerre de Succession de Bretagne]] en 1365, les princes issus de la maison de Montfort {{incise|{{souverain3|Jean IV de Bretagne}} puis son fils et successeur {{souverain2|Jean V de Bretagne}}}} règnent comme ducs de Bretagne. Or les chefs de la maison de [[Liste des comtes et ducs de Penthièvre|Penthièvre]] {{incise|descendants du [[Charles de Blois|candidat malheureux]] à la couronne ducale}} fomentent une embuscade qui aboutit à l'emprisonnement du duc {{souverain-|Jean V}} au château de [[Champtoceaux]] en {{date-|février 1420}}. Les auteurs du guet-apens, [[Marguerite de Clisson]] et ses deux fils, [[Olivier de Blois|Olivier, comte de Penthièvre]] et [[Jean de L'Aigle]], bénéficient du soutien du futur roi de France, le [[dauphin (titre)|dauphin]] [[Charles VII (roi de France)|Charles]]<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=348-362}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207713z/f391}}.</ref>{{,}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Jones|2012|p=350">{{Chapitre|prénom1=Michael|nom1=Jones|lien auteur1=Michael Jones (historien)|titre chapitre=Marguerite de Clisson, comtesse de Penthièvre, et l'exercice du pouvoir|auteurs ouvrage=Éric Bousmar, Jonathan Dumont, Alain Marchandisse et [[Bertrand Schnerb]] (dir.)|titre ouvrage= Femmes de pouvoir, femmes politiques durant les derniers siècles du Moyen Âge et au cours de la première Renaissance|lieu= Bruxelles|éditeur= [[De Boeck]]|collection= Bibliothèque du Moyen Âge|année= 2012|pages totales= 656|isbn= 978-2-8041-6553-6|passage=350}}.</ref>.
 
La guerre civile embrase de nouveau le duché de Bretagne. À l'appel de la duchesse [[Jeanne de France (1391-1433)|Jeanne]], épouse de {{souverain-|Jean V}}, la noblesse bretonne se rassemble autour de la dynastie de Montfort, y compris d'anciens partisans de la lignée des Penthièvre tel Jean de [[Maison de Craon|Craon]]. Le {{date-|17 février 1420}}, ce dernier se rend auprès de sa [[Jeanne de France (1391-1433)|suzeraine]] afin de jurer, avec les autres seigneurs présents, de la protéger et de délivrer le duc<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=363-364}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207713z/f406}}.</ref>. En représailles, les bandes armées des Penthièvre assaillent les fiefs du seigneur de [[La Suze-sur-Sarthe|La Suze]] et de son petit-fils Gilles de Rais, détruisant notamment le château de [[La Mothe-Achard]]<ref>{{harvsp|Blanchard|1898|p=194-196}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207713z/f391}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=367}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207713z/f410}}.</ref>.
 
Le {{date-|16 mars 1420}}, le [[dauphin (titre)|dauphin]] [[Charles VII (roi de France)|Charles]] approuve l'attentat commis par les Penthièvre sur la personne du duc mais il se rétracte le {{date-|8 mai 1420}} en ordonnant aux frères [[Olivier de Blois]] et [[Jean de L'Aigle]] de lui remettre {{souverain-|Jean V}}<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=372-374}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207713z/f415}}.</ref>{{,}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Jones|2012|p=350"/>. En effet, le sort des armes est favorable à la maison de Montfort, les places bretonnes des Penthièvre tombant l'une après l'autre. Sis dans les [[marches d'Anjou et de Bretagne]], le château de [[Champtoceaux]] est à son tour [[Siège de Champtoceaux (1420)|assiégé]] par l'armée ducale le 8 ou {{date-|10 mai 1420}}. Sentant la nécessité d'un commandant unique et incontesté durant le siège, les seigneurs bretons sollicitent les Anglais de libérer un prisonnier de marque : le comte [[Arthur III de Bretagne|Arthur de Richemont]], frère cadet de {{souverain-|Jean V}} de Bretagne. En fin de compte, les Penthièvre relâchent le duc puis abandonnent [[Champtoceaux]] en y laissant des documents compromettant le dauphin. À l'issue du conflit, la forteresse est rasée<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=375-387}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207713z/f418}}.</ref>.
[[Fichier:Domaine ducal de Bretagne sous le règne de Jean V-fr.svg|vignette|upright=1.3|<center>Expansion du domaine ducal breton de [[1400]] à [[1428]], durant le règne de {{souverain2|Jean V de Bretagne}}.</center>]]
Le [[médiéviste]] [[Michael Jones (historien)|Michael Jones]] souligne que {{citation|nul autre événement dans la Bretagne du {{s-|XV}} (…) n'eut de si graves et de si larges conséquences politiques et sociales. Il permit à {{souverain-|Jean V}} et à ses successeurs de poursuivre la construction d'un État indépendant qui était déjà bien avancée, d'augmenter considérablement le domaine ducal et de récompenser généreusement leurs partisans}} en octroyant à ces derniers des terres confisquées aux Penthièvre<ref>{{Chapitre|prénom1=Michael|nom1=Jones|lien auteur1=Michael Jones (historien)|titre chapitre=Marguerite de Clisson, comtesse de Penthièvre, et l'exercice du pouvoir|auteurs ouvrage=Éric Bousmar, Jonathan Dumont, Alain Marchandisse et [[Bertrand Schnerb]] (dir.)|titre ouvrage= Femmes de pouvoir, femmes politiques durant les derniers siècles du Moyen Âge et au cours de la première Renaissance|lieu= Bruxelles|éditeur= [[De Boeck]]|collection= Bibliothèque du Moyen Âge|année= 2012|pages totales= 656|isbn= 978-2-8041-6553-6|passage=350-351}}.</ref>. Par conséquent, une fois rentré triomphalement à [[Nantes]] le {{date-|12 juillet 1420}}, le duc {{souverain-|Jean V}} remercie Jean de Craon ainsi que {{citation|son [petit-]fils de Rays}} {{citation|de leurs bons et notables services}} en les dédommageant de leurs pertes par l'attribution de domaines saisis sur les prétendants vaincus. Le jeune Gilles accomplit peut-être ses premiers faits d'armes en prenant part au dernier grand conflit résiduel de la guerre de Succession de Bretagne mais cette interprétation est controversée{{note|groupe=n|L'abbé [[Eugène Bossard (abbé)|Eugène Bossard]] allègue les faits d'armes de Gilles de Rais durant la guerre civile bretonne de 1420<ref>{{harvsp|Bossard|1886|p=16-23}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/gillesderaismar00bossgoog#page/n45/mode/2up}}.</ref>, suivi par l'essayiste [[Roland Villeneuve]]<ref>{{harvsp|Villeneuve|1955|p=39-42}}.</ref>.<br>''A contrario'', l'abbé Arthur Bourdeaut<ref name="Bourdeaut 61">{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=61-62}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f61.image}}.</ref>, [[Émile Gabory]]<ref>{{harvsp|Gabory|1926|p=33}}.</ref> et [[Georges Bataille]]<ref name="bataille1985">{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=98}}.</ref> estiment peu vraisemblable la participation du jeune Gilles à ce conflit, signalant qu'aucun document ne l'atteste.<br>Plus récemment, [[Matei Cazacu]]<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=55-57}}.</ref> rejoint l'opinion de Bossard en s'appuyant sur les actes du duc et de la duchesse de Bretagne, documents publiés par René Blanchard, qui font état des récompenses reçues par Jean de Craon et Gilles de Rais<ref>{{harvsp|Blanchard|1898}}, {{nobr rom|acte XV}} daté de Vannes le {{date-|6 juin 1420}}, {{p.|18-19}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2094953/f233.image}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Blanchard|1898}}, {{nobr rom|acte XVI}} daté d'Oudon le {{date-|10|juillet|1420}}, {{p.|20-21}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2094953/f235.image}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Blanchard|1898}}, {{nobr rom|acte LXX}} daté de Vannes le {{date-|28|septembre|1420}}, {{p.|194-196}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2094953/f409.image}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Blanchard|1899}}, acte {{abréviation discrète|CCXLIX|249}} daté de Nantes le {{date-|11|juillet|1420}}, {{p.|318-320}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k209497v/f328.image}}.</ref>{{,}}<ref>René Blanchard (éd.), ''Lettres et mandements de {{souverain-|Jean V}}, duc de Bretagne'', {{t.}}{{III}}, 1902, acte {{n°|407}} daté de Nantes le {{date-|11 juillet 1420}}, {{p.|9}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k736839/f15.image.r}}.</ref>.}}. Il est également possible que Jean de Craon et son petit-fils entrent alors dans la clientèle du prince breton [[Arthur III de Bretagne|Arthur de Richemont]], récemment libéré de sa captivité en Angleterre{{note|groupe=n|Sans citer ses sources, l'abbé Bourdeaut voit en [[Arthur III de Bretagne|Arthur de Richemont]] {{citation|le premier protecteur}} de Gilles de Rais<ref name="Bourdeaut 62">{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=62}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f62.image}}.</ref>.<br>Plaçant délibérément le sire de Rais {{citation|dans le sillage des favoris [du roi]}}, le médiéviste [[Jacques Heers]] reprend presque mot à mot la formule de Bourdeaut en qualifiant le [[Arthur III de Bretagne|frère cadet du duc {{souverain-|Jean V}}]] de {{citation|premier maître de Gilles}}. En outre, Heers affirme que Jean de Craon et Gilles de Rais seraient {{citation|restés hommes de Richemont}} depuis 1420, année de leur contribution à l'échec du complot des Penthièvre et à la délivrance de leur suzerain, le duc {{souverain-|Jean V}} de Bretagne. Toutefois, à l'instar de Bourdeaut, Heers ne fournit pas de référence et ne précise pas davantage la relation de clientélisme {{incise|basée sur l'activité militaire ?}} qui lierait Richemont et le baron de Rais<ref>{{harvsp|Heers|1994|p=35 ; 38 ; 40}}.</ref>.<br>S'appuyant sur Jacques Heers, le médiéviste [[Olivier Bouzy]] place à son tour le seigneur de Machecoul dans la clientèle d'Arthur de Richemont dès le début de la décennie 1420<ref>[[Olivier Bouzy]], entrée '''RAIS Gilles de Laval, seigneur de (1405-1440)''', dans {{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=947}}.</ref>.<br>Quant à [[Matei Cazacu]], il n'établit aucun lien particulier entre Richemont et Rais. Du reste, si le chartiste reconnaît que {{citation|l'arrivée de Richemont et des nobles bretons à la cour de {{souverain-|Charles VII}} [donne] un nouvel élan à la guerre}}, il affirme que {{citation|Gilles de Rais n'avait pas attendu ce moment [la nomination de Richemont comme connétable le {{date-|7|mars|1425}}] pour participer aux hostilités<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=75}}.</ref>.}}<br>Le chercheur Christophe Piel propose une présentation générale de la notion complexe de clientèle<ref>Christophe Piel, « Les clientèles, entre sciences sociales et histoire. En guise d'introduction », dans ''Hypothèses 1998. Travaux de l'École doctorale d'histoire de l'Université de {{nobr rom|Paris I}}'', Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, {{p.|119-129}}, {{lire en ligne|url=http://www.cairn.info/revue-hypotheses-1999-1-page-119.htm}}.</ref> ainsi qu'une étude spécifique d'une clientèle nobiliaire à la fin du Moyen Âge<ref>Christophe Piel, « Clientèles nobiliaires et pouvoir royal », dans ''Hypothèses 1998. Travaux de l'École doctorale d'histoire de l'Université de {{nobr rom|Paris I}}'', Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, {{p.|137-144}}, {{lire en ligne|url=http://www.cairn.info/revue-hypotheses-1999-1-page-137.htm}}.</ref>.}}.
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Entre-temps, en proie à la [[guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons]] ainsi qu'à la guerre étrangère contre la monarchie anglaise des [[Maison de Lancastre|Lancastre]], le [[royaume de France]] s'affaisse au fil des désastres politiques et militaires subis durant la seconde phase de la [[guerre de Cent Ans]]<ref>{{Article|prénom1=Olivier|nom1=Bouzy|lien auteur1=Olivier Bouzy|titre=Le siège d'Orléans a bien eu lieu ou le ''Dasein'' de Jeanne d'Arc dans la guerre de Cent Ans|périodique=Connaissance de Jeanne d'Arc|numéro=31|lieu=Chinon|mois=janvier|année=2002|pages=50-51|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5831612b/f51}}.</ref>. Ainsi, le roi {{souverain2|Henri V (roi d'Angleterre)}} d'Angleterre devient l'héritier du roi {{souverain2|Charles VI (roi de France)}} de France par le [[traité de Troyes]] signé en {{date-|mai 1420}}. Ulcéré par les compromissions du dauphin avec ses ravisseurs Penthièvre, {{souverain3|Jean V de Bretagne}} reconnaît {{souverain-|Henri V}}, avant de louvoyer entre les couronnes de France et d'Angleterre afin de préserver l'indépendance de son duché<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=395-397}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207713z/f440}}.</ref>{{,}}<ref name="bataille1985" />.
 
En 1422, à la suite des décès successifs des souverains {{souverain-|Henri V}} d'Angleterre et {{souverain-|Charles VI}} de France, la [[Maison de Lancastre|dynastie des Lancastre]] revendique {{citation|l'union des deux couronnes}} en la personne de l'enfant {{souverain2|Henri VI (roi d'Angleterre)}}, roi de France et d'Angleterre. Dans le cadre de cette {{citation|[[Double monarchie franco-anglaise|double monarchie]]}}, le duc [[Jean de Lancastre|Jean de Bedford]], frère cadet de {{souverain-|Henri V}}, devient le régent du royaume de France durant la minorité de {{souverain-|Henri VI}}. Unique fils survivant de {{souverain-|Charles VI}} {{citation|le Fou}}, le dauphin Charles se proclame roi de France sous le nom de {{souverain2|Charles VII (roi de France)}}. Résolu à recouvrer l'ensemble du [[Domaine royal français|domaine royal]], le nouveau souverain poursuit la guerre contre les Anglais<ref>{{Article|prénom1=Olivier|nom1=Bouzy|lien auteur1=Olivier Bouzy|titre=Le siège d'Orléans a bien eu lieu ou le ''Dasein'' de Jeanne d'Arc dans la guerre de Cent Ans|périodique=Connaissance de Jeanne d'Arc|numéro=31|lieu=Chinon|mois=janvier|année=2002|pages=52|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5831612b/f53}}.</ref>. Dans ce contexte, Jean de Craon et Gilles de Rais prennent peut-être part à la [[Bataille de la Brossinière|victoire de la Gravelle]] le {{date-|26|septembre|1423}}, puis à la [[Bataille de Verneuil (1424)|bataille de Verneuil]] le {{date-|17|août|1424}}. Bien qu'aucune source ne la confirme, le [[École nationale des chartes|chartiste]] [[Matei Cazacu]] émet cette hypothèse en avançant trois arguments : le rang important de Craon et de son petit-fils en tant que vassaux du duc {{souverain3|Louis III d'Anjou}}, le souci de la défense de leurs biens angevins face aux Anglais ainsi que la présence attestée à la bataille de Verneuil de plusieurs proches des deux hommes<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=67-70}}.</ref>. Quoi qu'il en soit, la défaite sanglante des troupes de {{souverain-|Charles VII}} à Verneuil change la donne politique en parachevant le désastre militaire d'[[bataille d'Azincourt|Azincourt]] survenu près de dix ans plus tôt<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Bouzy|2007"/>.
 
==== Alliance franco-bretonne par l'entremise de la maison d'Anjou ====
[[Fichier:Yolande of Aragon.jpg|vignette|gauche|upright=0.7|<center>[[Yolande d'Aragon (morte en 1442)|Yolande d'Aragon]], duchesse d'Anjou. Verrière (registre inférieur) du bras nord du [[transept]] de la [[cathédrale Saint-Julien du Mans]].</center>]]
Désormais en position de faiblesse à la suite de l'anéantissement de son armée à [[Bataille de Verneuil (1424)|Verneuil]], {{souverain2|Charles VII (roi de France)}} se voit contraint de chercher de nouveaux soutiens<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Bouzy|2007">{{harvsp|Bouzy|2007}}.</ref>. Or la belle-mère du souverain se trouve être [[Yolande d'Aragon (morte en 1442)|Yolande d'Aragon]]{{note|groupe=n|En 1422, le [[Dauphin (titre)|dauphin]] [[Charles VII (roi de France)|Charles]] épouse [[Marie d'Anjou]], fille du duc {{souverain3|Louis II d'Anjou}} et de [[Yolande d'Aragon (morte en 1442)|Yolande d'Aragon]]<ref>Entrée '''Marie d'Anjou (1404-1463), reine de France''', dans {{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=847-848}}.</ref>.}}, dirigeante de la [[Maison de Valois-Anjou|maison d'Anjou]], une branche cadette de la dynastie royale des [[Maison capétienne de Valois|Valois]]. Soucieuse des intérêts de sa maison qui rejoignent, {{citation|non sans nuance}}, ceux de son [[Charles VII (roi de France)|beau-fils]]<ref>[[Philippe Contamine]], entrée '''Yolande d'Aragon (v. 1385-1442), reine de Sicile et duchesse d'Anjou''', dans {{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=1051-1052}}.</ref>{{,}}<ref name="Contamine 29">{{harvsp|Contamine|2012|p=29}}.</ref>, Yolande œuvre depuis 1423 au rapprochement de la France et de la Bretagne, avec l'aide de son vassal Jean de [[Maison de Craon|Craon]]<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=59-60}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f59.image}}.</ref>{{,}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Bouzy|2007" />. Bien que le grand-père de Gilles de Rais soit un important seigneur angevin, fortuné et détenteur de maints domaines manceaux, angevins et bretons, son influence à la cour ducale d'Anjou ne semble débuter qu'en 1423-1424. Auparavant, Jean de Craon séjournait plus volontiers en Bretagne et avait même connu des différents juridiques avec les ducs d'Anjou au sujet du [[Maison de Brienne|comté de Brienne]] et des terres de la [[Liste des comtes de Roucy|famille de Roucy]]<ref>{{harvsp|Termeau|1945|p=26-27}}.</ref>.
 
[[Fichier:Arthur III de Bretagne.png|vignette|upright=0.7|<center>[[Arthur III de Bretagne|Arthur, comte de Richemont]], connétable de France (1458). Dessin aquarellé, Paris, [[Bibliothèque nationale de France|BnF]], collection [[François Roger de Gaignières|Gaignières]].</center>]]
En {{date-|mars 1425}}, la politique angevine promeut finalement [[Arthur III de Bretagne|Arthur de Richemont]], frère cadet du duc {{souverain3|Jean V de Bretagne}}, à la dignité de [[connétable]] de France<ref name="Entrée 1458">Entrée '''RICHEMONT Arthur de Bretagne, comte de (1393-1458)''', dans {{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=955}}.</ref>. Le roi entérine ainsi la ligne prônée par les maisons alliées d'Anjou et de Bretagne, à savoir le rapprochement diplomatique de la couronne avec les duchés de Bourgogne et de Bretagne en vue de ramener la concorde entre les princes, faire entrer les grands feudataires au [[Conseil du roi de France|Conseil royal]] et poursuivre la guerre contre les Anglais. Entre autres concessions, {{souverain-|Charles VII}} écarte de son Conseil ses fidèles accusés d'implication dans le [[Assassinat de Jean Ier de Bourgogne|meurtre de Montereau]] commis en 1419 et le complot des Penthièvre ourdi en 1420<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Bouzy|2007" />. Courant {{date-|juillet 1425}}, {{souverain-|Charles VII}} envoie Jean de Craon et d'autres ambassadeurs auprès du duc de Bretagne afin de l'informer officiellement du renvoi des anciens conseillers royaux. Après avoir consulté ses [[États de Bretagne|États]], {{souverain-|Jean V}} accepte de rencontrer le souverain {{citation|sur la rivière de Loire, entre Angers et Tours<ref>{{harvsp|Du Fresne de Beaucourt|1882|p=111}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/histoiredecharl02beaugoog#page/n120/mode/2up}}.</ref>.}} En {{date-|septembre 1425}}, accompagné par de nombreux seigneurs {{incise|dont Gilles de Rais}}, le duc se rend à [[Saumur]]<ref>{{harvsp|Gruel|1890|p=40}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k215044w/f135.image}}.</ref>, en territoire angevin<ref>{{Chapitre|prénom1=Hubert|nom1=Landais|lien auteur1=Hubert Landais|auteurs ouvrage=Noël Coulet et Jean-Marie Matz (dir.)|titre ouvrage=La noblesse dans les territoires angevins à la fin du Moyen Âge|sous-titre ouvrage=actes du colloque international organisé par l'Université d'Angers, Angers-Saumur, 3-6 juin 1998|lieu=Rome|éditeur=École française de Rome|collection=Collection de l'École française de Rome|numéro dans collection=275|année=2000|pages totales=842|isbn=2-7283-0615-X|titre chapitre=Le château de Saumur, résidence des ducs d'Anjou aux {{s mini-|XIV}} et {{s-|XV}}s|passage=189-203|url texte=}}.</ref>. Flanqué du connétable de Richemont, {{souverain-|Charles VII}} parvient à son tour dans cette ville afin d'y signer un traité d'alliance avec {{souverain-|Jean V}}, le {{date-|7|octobre|1425}}, en présence de [[Yolande d'Aragon (morte en 1442)|la duchesse douairière d'Anjou]]<ref>{{harvsp|Gruel|1890|p=40-41}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k215044w/f135.image}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Du Fresne de Beaucourt|1882|p=111-115}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/histoiredecharl02beaugoog#page/n120/mode/2up}}.</ref>. La première rencontre attestée entre Gilles de Rais et le roi de France se place à l'occasion des fêtes et conciliabules saumurois<ref>{{harvsp|Bossard|1886|p=26}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/gillesderaismar00bossgoog#page/n55/mode/2up}}.</ref>{{,}}<ref name="B&K p101">{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=101}}.</ref>. Cependant, le jeune baron est gratifié d'un don royal de 200 [[Livre (monnaie)|livres]] dès le {{date-|16|janvier|1425}} ; partant, il paraît peut-être à la cour itinérante de {{souverain-|Charles VII}} avant la signature du traité de Saumur<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=60, {{n.}}2}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f60.image}}.</ref>. Le {{date-|24|octobre|1425}}, tout en confirmant le don de la [[Seigneurs de Parthenay|seigneurie de Parthenay]] à Arthur de Richemont, le souverain demande à son connétable de restituer certaines terres bretonnes au sire de Rais{{note|groupe=n|Détenues par Richemont, ces {{citation|terres estans au pays de Bretaigne}} appartenaient à feu Miles de [[Liste des vicomtes et ducs de Thouars|Thouars]], père de l'épouse de Gilles de Rais. L'abbé Bourdeaut fournit ce détail {{citation|pour indiquer les rapports de Richemont et de Gilles de Rays}}, illustrant selon lui la défense des intérêts du baron par les agents de {{souverain-|Charles VII}}<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=60, {{n.}}3}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f60.image}}.</ref>.}}.
 
En {{date-|mars 1426}}, le connétable de Richemont essuie un [[Bataille de Saint-James (1426)|revers cuisant]] face aux Anglais sous les murs de [[Saint-James|Saint-James de Beuvron]]<ref>{{harvsp|Gruel|1890|p=43-45}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k215044w/f141.image}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Du Fresne de Beaucourt|1882|p=23-24}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/histoiredecharl02beaugoog#page/n32/mode/2up}}.</ref>. Mentionnée par certains chercheurs, la présence de Gilles de Rais lors de cette bataille n'est corroborée par aucune source{{note|groupe=n|Sans citer de référence, l'abbé [[Eugène Bossard (abbé)|Eugène Bossard]] affirme que {{citation|Gilles combattit pour la première fois pour la France}} devant [[Saint-James|Saint-James de Beuvron]]<ref>{{harvsp|Bossard|1886|p=28}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/gillesderaismar00bossgoog#page/n57/mode/2up}}.</ref>.<br>L'abbé Bourdeaut conteste cette assertion, bien qu'il reconnaisse {{citation|qu'un contingent [[Le Mans|manceau]] combattit à Saint-James<ref name="Bourdeaut 61" />.}}<br> Plus récemment, [[Matei Cazacu]] juge plausible la participation de Gilles de Rais à l'affrontement. Selon le chartiste, l'absence du nom de Rais dans les chroniques relatant certaines batailles pourrait signifier que le baron ne s'y est pas particulièrement distingué, ''a contrario'' des récits de ses exploits relatifs à la prise du Lude, de Rainefort et de Malicorne<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=76 ; 79-80}}.</ref>.}}. À l'issue du combat se place un épisode diversement interprété : l'enlèvement par Richemont de l'évêque [[Jean de Malestroit (cardinal)|Jean de Malestroit]], chancelier du duc {{souverain-|Jean V}} de Bretagne. D'après [[Guillaume Gruel]], chroniqueur au service du connétable de France, Richemont s'empare du chancelier breton au motif que celui-ci, prétendument acheté par les Anglais, aurait retardé le paiement de la solde des hommes d'armes, contribuant ainsi à la défaite de Saint-James de Beuvron<ref>{{harvsp|Gruel|1890|p=43-46}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k215044w/f141.image}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Cosneau|1886|p=120-125}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/leconntablederi01arthgoog#page/n143/mode/2up}}.</ref>. Mais il s'agit peut-être d'une confusion commise par le chroniqueur{{note|groupe=n|Le médiéviste [[Olivier Bouzy]] observe qu'en sus de leur chronologie souvent incertaine, les [[chronique médiévale|chroniques médiévales]] confondent parfois les événements et les titulaires successifs des charges de chambellan ou de chancelier.<br>Ainsi, Perceval de Cagny, chroniqueur du duc [[Jean II d'Alençon (Valois)|Jean d'Alençon]], allègue que [[Jean de Malestroit (cardinal)|Jean de Malestroit]] aurait été enlevé en 1418 par les hommes du [[Dauphin (titre)|dauphin]] Charles, ce qui paraît contradictoire avec les affirmations de [[Guillaume Gruel]] et du [[Chronique du religieux de Saint-Denys, contenant le règne de Charles VI de 1380 à 1422|Religieux de Saint-Denis]], ces deux chroniqueurs prêtant à Malestroit des penchants [[armagnacs]] à l'époque.<br>Par ailleurs, le chancelier Malestroit aurait été (encore ?) enlevé en 1431, cette fois par le duc [[Jean II d'Alençon (Valois)|Jean d'Alençon]] désireux de faire pression sur son oncle {{souverain-|Jean V}} de Bretagne afin d'obtenir les fonds nécessaires à la reconquête de son duché<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Bouzy|2007" />.}}, doublée d'une calomnie de Richemont visant à masquer ses propres insuffisances martiales<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Bouzy|2007"/>. Quoi qu'il en soit, cet épisode permet en 1905 à [[Salomon Reinach]], premier partisan de l'innocence de Gilles de Rais, de noircir l'évêque Jean de Malestroit en mettant en exergue les accusations de traîtrise et d'anglophilie portées à l'encontre du futur juge du baron<ref>{{harvsp|Reinach|1905|p=164}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/revuedeluniversi10univ#page/164/mode/2up}}.</ref>. L'[[Salomon Reinach|archéologue dreyfusard]] façonne en conséquence l'image d'un héros de guerre français devenu la victime d'un tribunal [[Armorique|armoricain]] présidé par un évêque [[félon]] nourrissant {{citation|les plus noirs desseins et les plus longs ressentiments<ref>{{harvsp|Reliquet|1982|p=48, {{n.}}2}}.</ref>.}} Or des historiens tendent plus récemment à présenter Malestroit, serviteur de {{souverain-|Jean V}} en tant que chancelier de Bretagne durant trente-cinq années, comme une {{citation|forte personnalité<ref>{{Chapitre|prénom1=Jean |nom1=Kerhervé|lien auteur1= Jean Kerhervé|titre chapitre=Jean Mauléon, trésorier de l'Épargne |sous-titre chapitre=une carrière au service de l'État breton|auteurs ouvrage=|titre ouvrage=Questions d'histoire de Bretagne|sous-titre ouvrage= {{107e}} Congrès des sociétés savantes, Brest, 1982. Section de philologie et d'histoire jusqu'à 1610, {{nobr rom|tome II}}|lieu=Paris|éditeur=[[Comité des travaux historiques et scientifiques]]|année= 1984|pages totales=354|passage=161}}.</ref>}} essentiellement attentive à l'autonomie et à la souveraineté du [[duché de Bretagne]]<ref>{{Article |prénom1=Pierre|nom1=Thomas-Lacroix|lien auteur1= Pierre Thomas-Lacroix|titre=Jean de Malestroit, chancelier du duc {{souverain-|Jean V}} et l'indépendance de la Bretagne|périodique=Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique|lieu=|éditeur=|tome=CXV|année=1978|pages=135-193}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|1993|p=18-19|id= <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> : Gilles, la vérité, l'histoire}}.</ref>. En {{date-|septembre 1426}}, le connétable de Richemont échoue derechef face aux Anglais lors d'une escarmouche devant le [[Le Mont-Saint-Michel|Mont-Saint-Michel]]<ref name="ReferenceB">{{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=53}}.</ref>. Le {{date-|15|janvier|1427}}, le [[Jean de Lancastre|duc de Bedford]], [[Régence|régent]] du royaume de France au nom d'{{souverain3|Henri VI d'Angleterre}}, déclare la guerre au duc de Bretagne. Les chefs de guerre anglais [[John Talbot (1er comte de Shrewsbury)|Talbot]] et [[Richard de Beauchamp (13e comte de Warwick)|Warwick]] assiègent la ville normande de [[Pontorson]], fortifiée et occupée par les hommes d'armes bretons du connétable de Richemont<ref>{{harvsp|Longnon|1875|p=468}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k169363/f468.image}}.</ref>. La reddition de Pontorson a lieu le {{date-|8|mai|1427}}<ref>{{harvsp|Longnon|1875|p=471}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k169363/f471.image}}.</ref>, sans que le duc {{souverain-|Jean V}} de Bretagne et son frère Richemont n'aient secouru les assiégés<ref>{{harvsp|Planchenault|1933|p=147}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56137536/f148.image}}.</ref>.
 
==== {{souverain-|Georges Ier}} de La Trémoille, grand chambellan du roi de France ====
[[Fichier:Blason fam FRA la Trémoille.svg|gauche|upright=0.7|vignette|<center>Blason de La Trémoille, {{citation|d'or, au chevron de gueules, accompagné de trois alérions d'azur armés et becquetés de gueules}}<ref>{{harvsp|Le Bouvier|1866|p=150}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5424936g/f171.image}}.</ref>{{,}}<ref>{{citation|D'or au chevron de gueules accompagné de trois aiglettes d'azur}}, comme le formule Emmanuel de Boos ({{harvsp|Le Bouvier|1995|p=114}}).</ref>{{,}}<ref>Blason peint dans le coin inférieur gauche du folio 89, au recto (enluminure sur parchemin, ''Armorial de Gilles Le Bouvier, dit Berry, héraut d'armes du roi {{souverain-|Charles VII}}'', ms. 4985, Paris, [[Bibliothèque nationale de France|BnF]], {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85285803/f185.image}}).</ref>.</center>]]
En {{date-|juin 1427}}, {{souverain3|Georges Ier de La Trémoille}}, seigneur de [[Sully-sur-Loire|Sully]], devient le [[grand chambellan de France|grand chambellan]] du roi {{souverain-|Charles VII}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Bouzy|2007" />{{,}}<ref name="Contamine et al 54">{{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=54}}.</ref>. Lointain cousin de Gilles de Rais par la branche des [[Maison de Craon|Craon]], le seigneur de Sully prend l'ascendant au sein du [[Conseil du roi de France|conseil royal]] tandis que le [[connétable de France|connétable]] [[Arthur III de Bretagne|Arthur de Richemont]] tombe en disgrâce à la suite de ses échecs tant militaires<ref name="Entrée 1458"/> que politiques, faute de résultats découlant de l'alliance avec le [[Jean V de Bretagne|duc de Bretagne]]<ref name="ReferenceB"/>{{,}}{{note|groupe=n|Richemont a peut-être été également desservi par la brutalité de ses méthodes et exigences. En 1425, fort de l'appui de la maison d'Anjou en la personne de Yolande d'Aragon, Richemont avait évincé les anciens fidèles du roi. [[Olivier Bouzy]] considère que le connétable dominait le conseil royal par la force {{incise|au grand dam de {{souverain2|Charles VII (roi de France)}}}} en n'hésitant pas à commanditer l'exécution et l'assassinat de certains fidèles du souverain, tels {{souverain3|Pierre II de Giac}} et le Grand Écuyer Jean du Vernet, dit [[le Camus de Beaulieu]]<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Bouzy|2007" />{{,}}<ref name="ReferenceB" />.<br>[[Philippe Contamine]] évoque une {{citation|incompatibilité d'humeur}} entre Richemont et le roi<ref name="Contamine 29" />.}}. Brouillé avec le roi, Richemont conserve l'office de connétable mais quitte la cour. Sans s'allier aux Anglais, il entre en conflit armé avec le grand chambellan.
 
{{souverain3|Jean V de Bretagne}}, lui-même en butte aux assauts anglais, négocie en {{date-|juillet 1427}} avec le [[Jean de Lancastre|duc de Bedford]], [[Régence|régent]] du royaume de France. Le {{date-|8|septembre|1427}}, le duc de Bretagne procède à un nouveau revirement d'alliance en reconnaissant le [[traité de Troyes]] et en ordonnant à ses [[vassalité|vassaux]] de cesser la lutte contre les troupes anglaises<ref name="Cazacu p76">{{harvsp|Cazacu|2005|p=76}}.</ref>{{,}}<ref name="Contamine et al 54" />. Avec ses cousins [[Maison de Laval|Laval]] et le vicomte de [[maison de Rohan|Rohan]], Gilles de Rais est l'un des plus notables seigneurs bretons à désobéir à son suzerain en demeurant fidèle au [[Charles VII (roi de France)|roi de France]]{{note|groupe=n|Dans une lettre datée du {{date-|28|juin|1428}}, {{souverain2|Charles VII (roi de France)}} loue la loyauté à la couronne française de quelques vassaux du duc breton, dont Gilles de Rais<ref>{{harvsp|Cosneau|1886|p=530-531}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/leconntablederi01arthgoog#page/n553/mode/2up}}.</ref>.<br>L'abbé Bourdeaut en vient à juger le sire de Rais {{citation|moins Breton qu'Angevin<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=60}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f60.image}}.</ref>}}.}}.
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La chronologie confuse des chroniques médiévales ne permet pas toujours de dater avec certitude les prises des places fortes{{note|groupe=n|Tout en évoquant la prise anglaise du [[Château du Lude (Sarthe)|château du Lude]] en 1425, d'après la datation établie par René Planchenault<ref>{{harvsp|Planchenault|1933|p=140, {{n.}}2}}.</ref>, le médiéviste Michel Le Mené observe que {{citation|la chronologie des événements militaires des années 1425-1426 est particulièrement floue<ref>{{Ouvrage |prénom=Michel |nom=Le Mené |titre=Les campagnes angevines à la fin du Moyen Âge (vers 1350 - vers 1530) |sous-titre=études économique |lieu=Nantes |éditeur=Cid Éditions |année=1982 |pages totales=534 |passage=230, {{n.}}42}}.</ref>.}}}}. De surcroît, les forteresses peuvent être successivement enlevées d'assaut, perdues puis reconquises en raison de la faiblesse de leurs garnisons ou {{citation|des revirements sans fin des seigneurs locaux qui appartenaient souvent à des réseaux concurrents}}, note l'historien médiéviste [[Boris Bove]]<ref>{{harvsp|Bove|2009|p=264}}.</ref>. Les reconquêtes de Ramefort et Malicorne par les capitaines tenant pour {{souverain-|Charles VII}} prennent peut-être place en {{date-|avril 1427}}, lors du siège anglais de la cité normande de [[Pontorson]], autrement dit avant même la nomination officielle de Jean de Craon comme lieutenant général en Anjou et dans le Maine{{note|groupe=n|Au gré des interprétations de chaque auteur, Ramefort et [[Malicorne-sur-Sarthe|Malicorne]] sont reconquises avant ou après le [[Château du Lude (Sarthe)|château du Lude]].<br>L'abbé Arthur Bourdeaut assigne la nomination de Jean de Craon au titre de lieutenant général en Anjou et dans le Maine (juin 1427) comme point de départ de l'engagement militaire de Gilles de Rais en pays manceau<ref name="Bourdeaut 61" />. L'abbé se réfère ensuite aux chroniques de [[Jean Chartier]] et de Jean de Bourdigné afin de préciser que les places fortes de Ramefort, Malicorne et du Lude sont chronologiquement {{citation|conquises sous le gouvernement de La Trémoille}}, ce dernier devenant grand chambellan du roi en juin 1427<ref name="Bourdeaut 64">{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=64}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f64.image}}.</ref>. <br>Toutefois, d'après un mandement du roi {{souverain2|Henri VI (roi d'Angleterre)}} en date du {{date-|28|juin|1427}}, Warwick dépêche [[John Fastolf]] dans le comté du [[Maine (province)|Maine]] lors du mois d'avril 1427 afin de secourir la garnison anglaise du château de [[Malicorne-sur-Sarthe|Malicorne]]. Le chef de guerre anglais prélève en conséquence un certain nombre de lances et d'archers parmi les troupes qui assiègent alors Pontorson<ref>{{harvsp|Planchenault|1933|p=151-152, pièce justificative n° {{II}}}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56137536/f152.image}}.</ref>. Selon le chartiste René Planchenault (1897-1976), le siège de Malicorne mentionné dans ce mandement se rapporte à celui mené par Gilles de Rais et ses compagnons d'armes ; en outre, l'archiviste-paléographe soutient que la conquête de Ramefort précède celle de la forteresse malicornaise, avant même la reddition de Pontorson le {{date-|8|mai|1427}}<ref>{{harvsp|Planchenault|1933|p=145, {{n.|1 et 2}} ; p. 146, {{n.|1}}}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56137536/f146.image}}.</ref>.}}. Vraisemblablement à une date ultérieure, Gilles de Rais et ses compagnons d'armes s'emparent du [[Château du Lude (Sarthe)|château du Lude]]. Le commandant de la garnison, un capitaine anglais dénommé William Blackburn<ref>J.-B. Candé, « Les seigneurs du Lude au temps de la féodalité (suite et fin) », ''Revue historique et archéologique du Maine'', tome 26, Mamers / Le Mans, G. Gleury & A. Dangin / Pellechat, 1889, {{p.|178}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k415345m/f177.image.r}}.</ref>, est tué ou fait prisonnier{{note|groupe=n|Le [[chronique médiévale|chroniqueur]] [[Jean Chartier]] mentionne succinctement la mort du capitaine {{citation|Blacquebourne}} lors de la prise du château du Lude, sans en préciser les circonstances<ref>{{harvsp|texte=Jean Chartier, ''Chronique de {{souverain-|Charles VII}}'', {{nobr rom|tome I}}|id=Jean Chartier, ''Chronique de Charles VII'', tome I|p=57-58}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k277120/f123.image}}.</ref>.<br>Dans ''Le Jouvencel'', traité d'art militaire et récit semi-biographique inspiré de la vie de {{souverain3|Jean V de Bueil}}, il est spécifié ''a contrario'' que {{citation|Blaqueborne}} eut la vie sauve grâce à Henri de Villebranche, seigneur de [[Broons]]<ref>{{harvsp|de Bueil|1887|p={{XV}}-{{XVII}}}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k331566/f22.image.r}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|de Bueil|1889|p=273-275}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/lejouvencelparj00bueigoog#page/n285/mode/2up}}.</ref>.<br>Dans la chronique d'[[Édouard Hall]], ''The Union of the Two Noble and Illustre Families of Lancastre and Yorke'' (1542), il est reporté que Blackburn fut mis à rançon et tous ses soldats massacrés<ref>''Hall's Chronicle, Containing the History of England During the Reign of {{souverain-|Henry IV}} and the Succeeding Monarchs to the End of the Reign of {{souverain-|Henry VIII}}'', Londres, 1809, {{p.|140}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/hallschronicleco00halluoft#page/140/mode/2up}}).</ref> ; bien que tardive, la chronique de [[Édouard Hall|Hall]] intègre certaines informations provenant probablement de Pierre Basset, contemporain du roi {{souverain3|Henri V d'Angleterre}}<ref>{{Article |prénom1= René |nom1= Planchenault|lien auteur1= |titre= De l'utilité pour l'histoire de France de quelques chroniques anglaises de la première moitié du {{s-|XV}}|périodique= [[Bibliothèque de l'École des chartes]]|lieu=Paris|éditeur= [[Éditions Picard|Auguste Picard]]|tome= 85|année= 1924|pages= 118-128|lire en ligne= http://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1924_num_85_1_448712}}.</ref>.<br>Au {{s-|XIX}}, le polygraphe [[Paul Lacroix (écrivain)|Paul Lacroix]] (alias « le bibliophile Jacob ») prétend dans l'un de ses [[roman historique|récits historiques romancés]] que Gilles de Rais aurait tué de sa propre main le capitaine Blackburn lors de l'assaut<ref>{{Ouvrage|prénom1= Paul|nom1= Lacroix| postnom1=(alias le bibliophile Jacob)|lien auteur1= Paul Lacroix (écrivain)|titre= Curiosités de l'histoire de France|sous-titre={{2e}}série : procès célèbres|lieu= Paris|éditeur= Adolphe Delahays|année= 1858|pages totales= 363|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2029484/f9.image|titre chapitre= Le maréchal de Rays|passage=6}}.</ref>. Prenant pour argent comptant cette affirmation fantaisiste, l'abbé [[Eugène Bossard (abbé)|Bossard]] se représente de surcroît le baron à la tête des assaillants qui escaladèrent les remparts ludois<ref>{{harvsp|Bossard|1886|p=31}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/gillesderaismar00bossgoog#page/n59/mode/2up}}.</ref>.<br>[[Émile Gabory]] reproche généralement à Bossard de par trop subir l'influence de Lacroix<ref name="Gabory p.240">{{harvsp|Gabory|1926|p=240}}.</ref>. Le « bibliophile Jacob » puis l'abbé n'en inaugurent pas moins une tradition erronée que plusieurs auteurs (dont Gabory lui-même, en l'occurrence) perpétueront<ref>{{harvsp|Gabory|1926|p=32}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Georges|nom1=Meunier|titre=Gilles de Rais et son temps|éditeur=[[Nouvelles Éditions latines]]|collection=Vies romanesques|lieu=Paris|année=1949|pages totales=216|passage=45}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Bataille|Pesez|1966|p=80}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Bressler|1981|p=53}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Michel|nom1=Hérubel|titre=Gilles de Rais et le déclin du Moyen Âge|éditeur=Librairie académique Perrin|lieu=Paris|année=1982|pages totales=384|passage=78|isbn=2-262-00247-9}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Reliquet|1982|p=49}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=72}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Jost|1995|p=34-35}}.</ref>, voire accentueront par l'adjonction d'une prouesse imaginaire : Gilles de Rais aurait fendu Blackburn en deux<ref>« Chronologie de Gilles de Rais », dans {{harvsp|texte=''Cahiers Gilles de Rais'', juin 1992|id=''Cahiers Gilles de Rais'' I|p=24}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Meurger|2003|p=20-21}}.</ref>.<br>Rappelant les versions contradictoires du ''Jouvencel'' et de la chronique de Jean Chartier, Maurice Termeau juge {{citation|douteux}} le fait d'armes du baron<ref>{{harvsp|Termeau|1945|p=28, {{n.|3}}}}.</ref>. [[Matei Cazacu]] s'en tient au ''Jouvencel'', considérant ce récit comme un témoignage fiable au motif que Jean de Bueil compta parmi les assiégeants du château du Lude<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=79 ; {{n.|40}}, {{p.|327}}}} (dans cette note, Jean de Bueil est nommé par erreur {{citation|Jacques de Bueil}}).</ref>. Or, sans se référer spécifiquement au sort du capitaine Blackburn, l'historien médiéviste [[Philippe Contamine]] insiste sur le caractère idéalisé de la guerre dépeinte dans ''Le Jouvencel'' : {{citation|une guerre fraîche et joyeuse, une guerre propre, le contraire même de la « sale guerre », une guerre courtoise et chevaleresque. On n'a pas le droit de mettre un ennemi à la question (la torture) pour le faire avouer. Il faut à tout prix respecter les sauf-conduits<ref>{{Article |prénom1=Philippe|nom1= Contamine| lien auteur1= Philippe Contamine|titre= Le ''Jouvencel'' de Jean de Bueil |périodique= Revue de la société des amis du musée de l'Armée|lieu= |éditeur= |numéro= 114|année= 1997|pages=53 }}.</ref>.}}}}.
 
Au printemps 1428, le sire de Rais participe à hauteur de mille écus d'or au paiement de l'énorme rançon de son cousin<ref>{{harvsp|Bertrand de Broussillon|1900|p=77}}, {{n°|1215}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/lamaisondelaval103bert#page/76/mode/2up}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Malcolm|nom1=Walsby|titre=The Counts of Laval|sous-titre=Culture, Patronage and Religion in Fifteenth and Sixteenth-Century France|éditeur=Ashgate|lieu=Aldershot|année=2007|pages totales=220|passage=18|isbn=978-0-7546-5811-5|présentation en ligne=http://recensio.net/r/039508cc915143fb6d16b5b51ddaa929}}, {{lire en ligne|lien=http://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />-4-page-183.htm|texte=présentation en ligne}}.</ref> [[André de Lohéac]], pris par les Anglais le {{date-|16|mars|1428}} lors du [[Siège de Laval (1428)|siège de Laval]]. En la personne de {{souverain2|Guy XIV de Laval}}, [[Anne de Laval (1385-1466)|Anne]] et [[Jeanne de Laval-Tinténiac|Jeanne]], respectivement frère, mère et grand-mère du jeune captif, la [[famille de Laval]] s'engage à rembourser les {{citation|très chiers et amés cousins et grands amis}} qui ont contribué à délivrer le seigneur de Lohéac<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=80-81}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Bertrand de Broussillon|1900|p=7-9 ; 73-74, {{n°|1208}}}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/lamaisondelaval103bert#page/6/mode/2up}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/lamaisondelaval103bert#page/72/mode/2up}}</ref>.
 
En {{date-|juin 1428}}, de nouvelles troupes anglaises débarquent dans le royaume de France puis [[Siège d'Orléans (1428-1429)|assiègent]] [[Orléans]] à partir d'octobre<ref>{{harvsp|Bouzy|2013|p=63}}.</ref>.
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==== Alliance avec le grand chambellan La Trémoille et compagnonnage d'armes avec Jeanne d'Arc ====
[[Fichier:Vigiles du roi Charles VII 02.jpg|gauche|redresse=0.7|vignette|alt=Enluminure représentant une femme devant un roi assis sur un trôle. Des soldats sont visibles hors du bâtiment|[[Jeanne d'Arc]] convainc le roi {{souverain2|Charles VII (roi de France)}} et son [[Conseil du roi de France|Conseil]] de poursuivre le [[siège de Troyes]]. [[Enluminure]] du manuscrit ''[[Les Vigiles de la mort de Charles VII|Les Vigiles de {{souverain-|Charles VII}}]]'' de [[Martial d'Auvergne]], Paris, [[Bibliothèque nationale de France|BnF]], [[Département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France|département des Manuscrits]], fin du {{s-|XV}}.]]
[[Fichier:Seal - Gilles de Rais.jpg|vignette|Sceau de {{citation|sauf-conduit}} de Gilles de Rais. Il s'agit peut-être d'un faux fabriqué au {{s-|XIX}}<ref>{{harvsp|Salaün|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=60-63}}.</ref>, reconstitution hypothétique à partir de certains éléments authentiques tels le diamètre et la présence d'un cygne<ref>{{Article |prénom1=Jeanne|nom1=Béchet|prénom2=Clémence|nom2=Gauche|titre=À propos du sceau pour sauf-conduit de Gilles de Retz|périodique=Bulletin Numismatique|mois=février|année=2019|numéro=183|pages=24-28|issn=1769-7034|lire en ligne=https://www.bulletin-numismatique.fr/bn/pdf/bn183.pdf}}.</ref>. Toutefois, l'authenticité de cette représentation est défendue par ailleurs<ref>{{harvsp|Airiau|2013|p=48-60}}.</ref>.</center>]]
[[Fichier:La France en 1429.svg|vignette|Le [[royaume de France]] en 1429.]]
Probablement en date du {{date-|23|février|1429}}, [[Jeanne d'Arc]] arrive à [[Chinon]] en provenance de [[Vaucouleurs (Meuse)|Vaucouleurs]] afin de s'entretenir avec le roi<ref>{{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=106}}.</ref>. Gilles de Rais est alors présent au [[Forteresse royale de Chinon|château de Chinon]]<ref>[[Jean de Wavrin]] dans {{harvsp|Quicherat|1847|p=407}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/procsdecondam04joanuoft#page/406/mode/2up}}.</ref> à l'instar des autres capitaines qui composent l'entourage de {{souverain-|Charles VII}} durant ces temps de guerre<ref>{{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=627}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Bouzy|2013|p=132-133}}.</ref>. Un mois plus tard, par lettre datée du {{date-|8|avril|1429}}, signée de sa main et munie de son sceau, le jeune baron noue une alliance avec son cousin {{souverain3|Georges Ier de La Trémoille}}, s'engageant à le servir de toute sa puissance {{citation|jusques à mort et à vie, envers tous et contre tous seigneurs et autres, sans nul excepté{{note|groupe=n|D'après [[Philippe Contamine]], le passage {{citation|sans nul excepté}} fait allusion au duc {{souverain-|Jean V}} de Bretagne et à Yolande d'Aragon, entre autres<ref name="Contamine 2017 p.159-160">{{harvsp|Contamine|2017|p=159-160}}.</ref>.}}…, dans la bonne grâce et amour du roi<ref>{{harvsp|de La Trémoïlle|1890|p=183}}, {{n°}}{{XXIV}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5564554c/f216.image.r}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Peyronnet|1984|p=124 ; 133}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Heers|1994|p=32}}.</ref>.}} Le [[grand chambellan de France|grand chambellan]] poursuit ainsi sa stratégie d'alliances bilatérales contractées avec des membres de la noblesse{{note|groupe=n|Préalablement à son contrat avec Gilles de Rais, La Trémoille a tissé un réseau d'alliances avec le duc [[Jean II d'Alençon (Valois)|Jean d'Alençon]], le comte [[Jean Ier de Foix|Jean de Foix]] et le comte [[Charles Ier de Bourbon|Charles de Clermont]]<ref name="Contamine 205">{{harvsp|Contamine|1996|p=205-206}}.</ref>.<br>Selon l'historien [[Boris Bove]], {{citation|ces contrats se présentaient sous forme de lettres patentes publiques qui engageaient réciproquement les partenaires à la fidélité, à déclarer leurs alliés et ennemis communs, à se prêter aide et conseil, ainsi qu'à protéger leur personne et leurs biens leur vie durant.}}<br>Le développement de ce type de contrat s'explique à l'aune des défaillances du régime féodal et de l'État monarchique mis à mal par les guerres civile et étrangère. Par souci de protection, la haute et moyenne noblesse accroît et renforce des liens de fidélité par le biais de tels contrats, en incluant plus fréquemment une clause relative à la prévention des complots qu'une clause de fidélité au roi, ce qui souligne l'impuissance du pouvoir central {{citation|à réguler les rapports de force au sein de la société politique<ref>{{harvsp|Bove|2009|p=273-274}}.</ref>.}}.}} en vue de {{citation|stabiliser sa politique}}, de maintenir sa situation fragile auprès du roi<ref name="Contamine 205" /> et de se prémunir contre les complots fomentés par le connétable de Richemont et ses alliés{{note|groupe=n|Au début de l'année 1429, alors que les Anglais poursuivent le [[Siège d'Orléans (1428-1429)|siège d'Orléans]], un complot est ourdi par [[Louis d'Amboise]], Antoine de Vivonne et André de Beaumont, seigneur de [[Lezay]] {{incise|tous les trois alliés du connétable de Richemont}} en vue d'éliminer le grand chambellan [[Georges Ier de La Trémoille|Georges de La Trémoille]], s'assurer de la personne de {{souverain-|Charles VII}} et renouveler le [[Conseil du roi de France|Conseil royal]]. Éventée, la conspiration échoue. Le {{date-|28|juin|1430}}, André de Beaumont et Antoine de Vivonne obtiennent des lettres d'amnistie délivrées par le Conseil royal<ref>{{Article|prénom1= Pierre|nom1= Champion|lien auteur1= Pierre Champion (historien)|titre= Notes sur Jeanne d'Arc. Le complot de Louis d'Amboise, d'André de Beaumont, et d'Antoine de Vivonne (1429-1431) |périodique= [[Le Moyen Âge (revue)|Le Moyen Âge. Bulletin mensuel d'histoire et de philologie]]|lieu= Paris|éditeur= [[Éditions Honoré Champion|Librairie ancienne Honoré Champion]]|tome= 23|année= 1910|pages= 181|lire en ligne= https://archive.org/stream/lemoyenge23bruxuoft#page/180/mode/2up}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Peyronnet|1984|p=116}}, {{lire en ligne|url=http://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1984_num_142_1_450331}}.</ref>.}}.
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Vers le milieu de l'année 1434, en dépit de son éloignement forcé de la cour, La Trémoille exhorte toujours Gilles de Rais à poursuivre la guerre contre les [[Bourguignons]]. Or, vraisemblablement déjà ruiné par ses dépenses, le baron de Rais ne tente guère d'empêcher les troupes du duc [[Philippe le Bon|Philippe de Bourgogne]] de s'emparer de [[Grancey-le-Château-Neuvelle|Grancey]]. Après la chute de cette ville en {{date-|août 1434}}, le roi {{souverain-|Charles VII}} convoque son maréchal et menace de lui retirer sa charge{{note|groupe=n|D'après une plaidoirie du {{date-|22|avril|1445}} dans le cadre d'un procès entre [[Georges Ier de La Trémoille|Georges de la Trémoille]] et [[Prigent VII de Coëtivy|Prigent de Coëtivy]]<ref name="Trémoïlle 228" />{{,}}<ref>{{harvsp|Du Fresne de Beaucourt|1882|p=305-306}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=77-79}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f77.image}}.</ref>.<br>[[Philippe Contamine]] suppose que Gilles de Rais {{citation|fut sans doute remplacé par [[André de Lohéac|André de Laval-Lohéac]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=Philippe|nom1=Contamine|lien auteur1=Philippe Contamine|titre=Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge|sous-titre=études sur les armées des rois de France, 1337-1494|tome=1|éditeur=École des hautes études en sciences sociales|collection=Les réimpressions des Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales|lieu=Paris|année=2003|année première édition=1972, Mouton|pages totales={{XXXVIII}}-450|passage=267, {{n.}}35|isbn=2-7132-1816-0|présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1973_num_131_1_449957_t1_0289_0000_000}}.</ref>.}}}}.
 
Le {{date-|2|juillet|1435}}, {{souverain2|Charles VII (roi de France)}} proclame la mise sous interdit du baron de Rais consécutivement aux plaintes formulées par la famille de celui-ci<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=92-93}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4413300/f92}}.</ref>{{,}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Cazacu|2005|p=249">{{harvsp|Cazacu|2005|p=249}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Marchegay|1856|p=184}}.</ref>, à savoir son frère [[René de Rais|René]] et les [[Maison de Laval|Laval]] : [[Anne de Laval (1385-1466)|Anne]], [[André de Lohéac|André]] et [[Louis de Laval|Louis]]<ref>François Macé, « À travers les archives des sires de Rais, quelques éléments d'une seigneurie nantaise au {{s-|XV}} », dans {{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=94-95}}.</ref>.
 
=== Dilapidation du patrimoine ===
{{…}}
[[Fichier:Decameron-Arsenal-5070-f276.jpg|upright=0.7|vignette|gauche|<center>Enluminure représentant des nobles déposant ou retirant une bourse de pièces d'or chez un banquier. À droite, la femme du banquier compte les pièces. [[Bibliothèque de l'Arsenal]], ms. 5070, {{folio|276|verso}}, {{s-|XV}}<ref>{{harvsp|Bove|2009|p=490}}.</ref>.</center>]]
Les informations relatives à la dilapidation des biens de Gilles de Rais proviennent en majeure partie d'un [[Mémoire (écrit)|mémoire]]<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Cazacu|2005|p=249" /> de 70 [[folio]]s<ref name="Gauvard 2020 p.19">{{harvsp|Gauvard|2020|p=19}}.</ref>, rédigé vers 1461-1462 par ses héritiers, version augmentée d'un premier mémoire à l'origine de la mise sous interdit du maréchal en 1435<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Cazacu|2005|p=249" />. Les [[médiéviste]]s ne s'accordent pas tous quant à la fiabilité de cette source. Ainsi, [[Jacques Heers]] en minore la portée, estimant le document trop à charge puisque sa finalité vise à annuler les ventes passées des biens fonciers de Gilles de Rais en arguant la prodigalité de ce dernier{{note|groupe=n|[[Jacques Heers]] souligne l'imprécision du ''Mémoire'', {{citation|manière de réquisitoire » à la tonalité véhémente<ref>{{harvsp|Heers|1994|p=17}}.</ref>}} ; {{citation|(…) de par sa nature même et son but avoué, ce ''Mémoire'' ne peut être que suspect, entaché d'exagérations, alourdi de fables<ref>{{harvsp|Heers|1994|p=89}}.</ref>.}}}}. {{citation|À la fois tendancieux et instructif}} selon [[Philippe Contamine]]<ref>{{harvsp|Contamine|1997|p=124}}.</ref>, le mémoire n'en est pas moins exploité de manière critique par les historiens<ref>{{harvsp|Gauvard|2020|p=20}}.</ref>. En sus des actes des procès, [[Matei Cazacu]] regarde ce texte comme {{citation|le plus important document connu à ce jour sur Gilles de Rais (…), formidable effort de reconstitution des écarts d'une vie et d'une personnalité<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Cazacu|2005|p=249"/>.}}
[[Fichier:Château Tiffauges entrée.JPG|vignette|upright=0.7|<center>Vestiges du [[château de Tiffauges]].</center>]]
De surcroît, les pièces comptables relatives à la gestion du patrimoine et aux dépenses du baron de Rais ne subsistent guère qu'à l'état d'épaves<ref>{{harvsp|Heers|1994|p=127}}.</ref>. Ces lacunes documentaires compliquent toute étude comparative qui permettrait de vérifier précisément les accusations lancées par les héritiers dans leur mémoire. Partant, l'historien François Macé remarque que le mémoire a beau être {{citation|toujours la base indispensable à toute description de [la] fortune [de Gilles de Rais] (…), de nombreux auteurs se contentent de reprendre ce document}} sans se référer aux études de l'abbé Bourdeaut et de René Blanchard qui fournissent {{citation|les matériaux d'une analyse plus poussée<ref>François Macé, « À travers les archives des sires de Rais, quelques éléments d'une seigneurie nantaise au {{s-|XV}} », dans {{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=93}}.</ref>.}} François Macé lui-même présente {{citation|une seigneurie nantaise au {{s-|XV}}}} en se basant sur des comptes postérieurs à la mort du maréchal de Rais{{note|groupe=n|Un compte de la baronnie de Rais de 1474, deux comptes de la châtellenie de Machecoul de 1461-1464 et 1497-1498, les comptes de la châtellenie de Champtocé en 1448, etc.}} ou antérieurs à sa majorité{{note|groupe=n|Les démêlés judiciaires entre Jean de Craon et des marchands de la Loire en 1414.}}. Admettant par conséquent que son étude est {{citation|loin, très loin d'épuiser les problèmes liés à la fortune de Gilles de Rais}}, le chercheur considère la possibilité d'étudier l'évolution de la seigneurie tout au long du {{s-|XV}} grâce à des éléments trouvés dans d'autres propriétés du baron. Cependant, l'historien demeure {{citation|conscient que les interrogations restent toujours aussi nombreuses<ref name="Macé 1988 p.138">François Macé, « À travers les archives des sires de Rais, quelques éléments d'une seigneurie nantaise au {{s-|XV}} », dans {{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=138}}.</ref>.}}
 
Étudiant une autre source primaire, à savoir le [[Minute (droit français)|minutier]] du clerc Jean de Recouin, notaire-juré du Châtelet d'Orléans durant les années 1430, la chercheuse Élodie Martin constate que l'état de conservation des premières et dernières pages du registre rend impossible la lecture des actes correspondants. Qui plus est, elle signale des pages découpées ou manquantes, presque toutes relatives à Gilles de Rais, notant que ces pertes remontent déjà au {{s-|XIX}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Martin|1997|p=14">{{harvsp|Martin|1997|p=14}}.</ref>. Ce constat effectué, elle dénombre finalement quatre-vingt-dix-huit actes se rapportant aux dépenses effectuées durant le séjour de Gilles à Orléans, de {{date-|septembre 1434}} à {{date-|août 1435}}. Élodie Martin ajoute :{{début citation}}[[Eugène Bossard (abbé)|Bossard]] estime, suivant en cela les héritiers, que les factures étaient surestimées, mais des comparaisons demeurent difficilement faisables. L'analyse précise [des] opérations orléanaises [de Gilles de Rais] reste à faire<ref>{{harvsp|Martin|1997}}.</ref>.{{fin citation}}
 
==== Dépenses militaires ====
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Les [[chercheur]]s rapprochent ce passage du mémoire des héritiers de deux documents d'[[archives]] conservés à Orléans.
 
Probablement célébrés dès 1429, les commémorations orléanaises de la levée du siège comportent des mises en scène, entre autres spectacles<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=42}}.</ref>. Or, dix ans après l'intervention de Jeanne d'Arc, un registre des comptes de la ville d'Orléans pour l'année 1439 mentionne que la cité [[ligérien]]ne acquiert pour sept [[Livre tournois|livres tournois]] {{citation|un estendard et bannière qui furent à Monseigneur de Reys [Rais] pour faire la manière de l'assault comment les Tourelles furent prinses sur les Anglois le huitième jour de may<ref name="JN4YLE">{{Article|prénom1= Michel|nom1= Rousse|lien auteur1= |titre= Le Mystère d'Orléans|périodique= Cahiers Gilles de Rais|lieu= Nantes|éditeur= Éditions Joca Seria|volume= 3|mois=mai|année= 1993|pages=30}}.</ref>.}} En outre, le [[Minute (droit français)|minutier]] du [[notaire]]-juré Jean de Recouin atteste du séjour de Gilles de Rais à Orléans de {{date-|septembre 1434}} à {{date-|août 1435}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|Martin|1997|p=14"/>, confirmant ainsi partiellement certaines indications {{incise|géographique et temporelle}} du mémoire des héritiers<ref name="SMFMPK">[[Philippe Contamine]], « Jeanne d'Arc après Jeanne d'Arc (I). Du bûcher à la réhabilitation : le temps du silence et de la nostalgie », dans {{harvsp|Contamine|Bouzy|p=297|Hélary|2012}}.</ref>.
[[Fichier:Sainte Apolline.jpg|vignette|redresse=0.7|<center>''[[Livre d'heures d'Étienne Chevalier|Heures d'Étienne Chevalier]]'' [[Enluminure|enluminées]] par [[Jean Fouquet]], [[musée Condé]], Chantilly, {{s-|XV}}.<br>Côtoyant certains comédiens dans les [[échafaud]]s, des spectateurs assistent à un [[Mystère (théâtre)|mystère]] consacré au martyre de [[Apolline d'Alexandrie|sainte Apolline]].</center>]]
Partant, plusieurs chercheurs {{incise|du [[philologie|philologue]] [[romaniste (linguistique)|romaniste]] [[François Guessard]] en [[1862]] au [[École nationale des chartes|chartiste]] [[Matei Cazacu]] en [[2005]]}} déduisent qu'un spectacle monumental aurait été joué dans la ville : le ''Mystère du siège d'Orléans''<ref>{{Article|prénom1=Georges|nom1=Bataille|lien auteur1=Georges Bataille|prénom2=Jean|nom2=Le Maire|lien auteur2=|titre=Le souvenir de Gilles de Rais à Orléans|périodique=Bulletin de la société archéologique et historique de l'Orléanais|numéro=2|lieu=|éditeur=|mois=second trimestre|année=1959|pages=74|tome={{I}}|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6570296x/f36}}.</ref>{{,}}<ref name="JN4YLE" />, œuvre dont ils attribuent tour à tour la commande ou le parrainage, voire la composition partielle, à Gilles de Rais<ref>{{Ouvrage|prénom1=François|nom1=Guessard|postnom1=({{éd.}})|lien auteur1=François Guessard|prénom2=Eugène|nom2=de Certain|postnom2=({{éd.}})|titre=Le mistère du siège d'Orléans|sous-titre=publié pour la première fois d'après le manuscrit unique conservé à la Bibliothèque du Vatican|éditeur=Imprimerie impériale|lieu=Paris|année=1862|pages totales={{LXVI}}-809|passage={{XII}}-{{XV}}|présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1863_num_7_1_66691|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k315455/f18}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|prénom1=Auguste|nom1=Vallet de Viriville|lien auteur1=Auguste Vallet de Viriville|titre=Le mystère du siège d'Orléans, publié pour la première fois d'après le manuscrit unique conservé à la bibliothèque du Vatican, par {{MM.}} F. Guessard et E. de Certain (Collection des documents inédits, in-4°) ; Paris, Impr. impér. 1862|périodique=[[Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et belles-lettres]]|lieu=|éditeur=|année=1863 ({{7e}} année)|pages=42|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1863_num_7_1_66691}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Sadron|1956|p=???}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|prénom1=Jean|nom1=Subrenat|lien auteur1=|titre=Jeanne et ses compagnons lorrains dans le ''Mistere du Siege d'Orleans''|périodique=Perspectives médiévales |numéro=14|lieu=|éditeur=|mois=juin|année=1988|pages=79}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=91-92}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Colette|nom1=Beaune|lien auteur1=Colette Beaune|titre=Jeanne d'Arc|éditeur=Perrin|lieu=Paris|année=2004|pages totales=475|passage=388, {{n.}}12|isbn=2-262-01705-0|présentation en ligne=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_2006_num_164_1_463664_t8_0275_0000_2}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|prénom1= Jacques |nom1= Le Goff|lien auteur1= Jacques Le Goff|titre chapitre=La fin de la France anglaise|auteurs ouvrage=[[Régine Pernoud]] |titre ouvrage=La libération d'Orléans|sous-titre ouvrage= 8 mai 1429|lieu= Paris|éditeur= Gallimard|collection=Les journées qui ont fait la France|année= 2006|pages totales= 304|isbn=2-07-078184-4|passage=}}.</ref>. Celui-ci a été décrit à l'avenant comme un interprète (de son propre rôle ou d'un autre) durant la représentation du [[Mystère (théâtre)|mystère]]<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Harriet H.|nom1=Mowshowitz|lien auteur1=|titre=Historical Veracity in the Gilles de Rais File|périodique=Fifteenth Century Studies|série=|volume={{I}}|lieu=|éditeur=The Medieval Institute, Western Michigan University|année=1978|pages=267}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Fudgé|2016|p=54}}.</ref>. Ces diverses thèses n'en demeurent pas moins contestées<ref name="Hamblin 2014 p.145"/>{{,}}<ref name="Contamine 2012 p.296-297"/>{{,}}<ref name="Cassard 2020 p.693">{{Chapitre|langue=fr |prénom1= Jean-Christophe |nom1= Cassard |lien auteur1=Jean-Christophe Cassard |titre chapitre=Les Bretons de la Pucelle |auteurs ouvrage=Sylvain Soleil et Joëlle Quaghebeur (dir.)|titre ouvrage=Le pouvoir et la foi au Moyen Âge en Bretagne et dans l'Europe de l'Ouest|lieu=Rennes|éditeur=Presses universitaires de Rennes|collection=Histoire |année= 2010 |pages totales=750 |isbn=978-2-75351-090-6 |lire en ligne=https://books.openedition.org/pur/141617 |passage=693, {{n.}}37}}.</ref>.
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==== Enquêtes ecclésiastique et séculière ====
[[Fichier:Nantes au Moyen Âge (musée dhistoire de Nantes) (7157158789).jpg|vignette|gauche|redresse=0.7|<center>Maquette représentant Nantes à la fin du Moyen Âge, [[Château des ducs de Bretagne#Musée d'Histoire de Nantes|musée d'histoire de Nantes]].</center>]]
Probablement peu de temps après l'attentat de Saint-Étienne-de-Mer-Morte, une enquête secrète {{incise|l’''{{lang|lat|inquisitio infamiae}}''}} est ouverte par la justice ecclésiastique<ref name="Cazacu p.150">{{harvsp|Cazacu|2005|p=150}}.</ref>. Cette procédure inquisitoire débute par une phase d'information visant à recueillir des témoignages sur la ''{{lang|lat|[[Fama#Au_Moyen_Âge|fama]]}}'' d'un individu<ref name="<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> 1990 p.306">{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|1990|p=306}}.</ref>, autrement dit sur sa réputation établie par la rumeur<ref>{{Article |prénom1= Claude |nom1= Gauvard|lien auteur1= Claude Gauvard |titre= La ''Fama'', une parole fondatrice|périodique= [[Médiévales (revue)|Médiévales]]|lieu= |éditeur= |date= printemps 1993 |numéro=24 |pages=5-13 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_1993_num_12_24_1265}}.</ref>{{,}}{{note|groupe=n|La ''{{lang|lat|[[Fama#Au_Moyen_Âge|fama]]}}'' peut se fonder sur des on-dit véhiculant partiellement des éléments mythologiques tels que les {{citation|attributs de l'ogre}} en l'occurrence, selon [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]]<ref name="<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> 1990 p.306"/>.}} dans un cadre juridique<ref>{{Chapitre |prénom1= Claude |nom1= Gauvard|lien auteur1= Claude Gauvard|titre chapitre=Introduction|auteurs ouvrage= Maïté Billoré et Myriam Soria (dir.)|titre ouvrage= La rumeur au Moyen Âge |sous-titre ouvrage= du mépris à la manipulation, {{sp-|V|e|-|XV|e}} |lieu= Rennes|éditeur= Presses universitaires de Rennes|collection= Histoire|année= 2011|pages totales= 351|isbn= 978-2-7535-1285-6|passage=26|lire en ligne=http://www.pur-editions.fr/couvertures/1298294556_doc.pdf |présentation en ligne= https://crm.revues.org/13305}}.</ref>. Par conséquent, [[Jean de Malestroit (cardinal)|Jean de Malestroit]] accomplit une visite pastorale dans son [[diocèse]] de Nantes, à commencer par la [[paroisse]] Notre-Dame où se trouve l'hôtel de la Suze, lieu de résidence de Gilles de Rais<ref name="Cazacu p.150"/>. L'évêque cherche ainsi à se renseigner à propos des bruits infamants qui courent sur des disparitions d'enfants{{note|groupe=n|À l'époque, {{citation|les rapts et les meurtres d'enfants sont [...] étroitement associés aux crimes des gens de guerre}}, observe la médiéviste [[Claude Gauvard]]<ref>{{Chapitre |prénom1= Claude |nom1= Gauvard|lien auteur1= Claude Gauvard |titre chapitre= Rumeur et stéréotypes à la fin du Moyen Âge |titre ouvrage= La circulation des nouvelles au Moyen Âge |sous-titre ouvrage= {{XXIVe}} Congrès de la SHMES [Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public], Avignon, {{date-|juin 1993}} |lieu=Paris / Rome |éditeur=Publications de la Sorbonne / [[École française de Rome]] |collection=Publications de la Sorbonne. Série Histoire ancienne et médiévale / Collection de l'École française de Rome |numéro dans collection= 29 / 190 |année=1994 |pages totales=254 |passage=172-173 |isbn1=2-85944-250-2 |isbn2=2-7283-0307-X |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1994_act_190_1_4370}}.</ref>.}} aux alentours des demeures du baron.
 
Les résultats de l'enquête ecclésiastique sont publiés le {{date-|29|juillet|1440}} sous forme de [[lettres patentes]] par Malestroit : Rais est accusé par la rumeur publique de viols et meurtres commis sur de nombreux enfants ainsi que d'invocations et [[Pacte avec le diable|pactes démoniaques]]<ref>{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=156}}.</ref>. Parallèlement, la justice séculière procède à l'audition des mêmes témoins<ref name="Bataille p158">{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=158}}.</ref> dans le cadre de l'enquête conduite par le clerc Jean de Touscheronde au nom de [[Pierre de L'Hôpital]], juge universel de Bretagne<ref name="Cazacu p.157">{{harvsp|Cazacu|2005|p=157}}.</ref>.
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Le {{citation|promoteur [autrement dit le [[procureur]]] aux causes de la foi}} Guillaume Chapeillon accuse le baron d'avoir commis l'{{citation|[[hérésie]] doctrinale}} et l'assigne donc à comparaître le 28 du mois devant le représentant de l'[[Inquisition]] pour la ville et le [[diocèse]] de Nantes : le [[ordre des Prêcheurs|dominicain]] Jean Blouyn, [[vicaire]] de l'[[Grand Inquisiteur de France|inquisiteur du royaume de France]] Guillaume Merici<ref name="ReferenceA">{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=159 ; 195-199}}.</ref>. Durant cette première audience, la cour ecclésiastique n'évoque apparemment pas les chefs d'accusation relatifs aux meurtres d'enfants, à l'instar de la cour séculière<ref name="ReferenceA"/>. Quoi qu'il en soit, Gilles de Rais consent à comparaître devant ses deux juges, l'évêque-chancelier et le vice-inquisiteur, à la date convenue par le tribunal de l'Église<ref name="ReferenceA"/>.
 
Par conséquent, [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]], historien de la religion et des institutions médiévales, estime :
{{début citation}}que l'on devrait parler ''des'' procès. Si l'évêque de Nantes engage l'affaire par l'intermédiaire de son juge {{incise|l'[[Official (ecclésiastique)|official]]}} il s'adjoint bientôt le représentant de l'Inquisiteur de France {{incise|ce qui transforme la cause et lui donne les traits d'une procédure [[Inquisition|inquisitoriale]] typique}}, et il est relayé ou doublé par le juge du duc, pour un jugement typiquement séculier, laïc. Ce caractère double ou triple du procès pose le problème, capital à l'époque de {{souverain2|Jean V de Bretagne}} et de {{souverain2|Charles VII (roi de France)}}, des rapports entre le religieux et le politique, de la nature théologico-politique du pouvoir<ref>[[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]], « Gilles, la vérité, l'histoire. Un médiéviste et le procès du sire de Rais », dans {{harvsp|id=Cahiers Gilles de Rais III|texte=''Cahiers Gilles de Rais'', mai 1993|p=12-13}}.</ref>.{{fin citation}}
 
Selon la conceptualisation de la souveraineté au {{s-|XV}}, la tenue de ces {{citation|procès jumeaux, jumelés, presque mixtes}} se justifie par la double nature {{incise|[[Temporel et spirituel|temporelle et éternelle]]}} d'un {{citation|crime irrémissible}} de [[Crime de lèse-majesté|lèse-majesté]] ducale et divine<ref>[[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]], « Gilles, la vérité, l'histoire. Un médiéviste et le procès du sire de Rais », dans {{harvsp|p=18|id=Cahiers Gilles de Rais III|texte=''Cahiers Gilles de Rais'', mai 1993}}.</ref>.
 
===== Témoignages des parents =====
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Le samedi {{date-|8|octobre|1440}}, dans la salle basse du [[château des ducs de Bretagne|château de la Tour Neuve]], les dix plaignants de la séance du {{date-|28 septembre}} sont entendus derechef par la cour ecclésiastique. Le même jour, dans une grande salle supérieure du château, le seigneur de Tiffauges comparaît de nouveau devant cette même cour, composée cette fois de l'évêque Malestroit et de l'inquisiteur [[Ordre des Prêcheurs|dominicain]] Jean Blouyn, assistés de notaires publics et de scribes. Le {{citation|président de Bretagne}} [[Pierre de L'Hôpital]], responsable de la cour séculière, est également présent. Le {{citation|promoteur aux causes de la foi}} Guillaume Chapeillon expose oralement les articles de l'accusation, dévoilant l'ensemble des délits et crimes reprochés à Gilles de Rais.
 
Le [[médiéviste]] [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]] rappelle que {{citation|(…) les accusations lancées contre le maréchal forment en réalité un triptyque obligé dont l'origine est très ancienne et qui unit très étroitement :<br>1º) la rébellion, c'est-à-dire le refus intériorisé de l'ordre légitime ;<br>2º) le pacte avec le diable, qui donne des pouvoirs magiques ;<br>3º) les actes contre nature, [telle] la sodomie<ref>{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=13}}.</ref>}}.
 
Cependant, <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> précise qu'en {{citation|insistant sur le poids de la procédure et sur les modèles très forts qui gouvernent alors les juges}}, il ne prétend pas {{incise|en tant qu'historien}} délivrer une vérité judiciaire sur les procès<ref>{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=14}}.</ref>. ''A contrario'', [[Matei Cazacu]] se dit convaincu de la culpabilité du baron de Rais<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=184}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=|nom1=Jacques Le Goff, "Les lundi de l'histoire", France Culture|titre=Gilles de Rais avec Jacques Berlioz & Matei Cazacu|url=https://www.youtube.com/watch?v=EQ0mu5MAVGk|site=|consulté le=2017-01-01}}</ref> : selon l'archiviste paléographe, la pratique de l'alchimie et du satanisme est avérée chez le maréchal, outre le fait que soient connus les noms exacts de huit enfants violés et assassinés, leurs parents apportant des témoignages impliquant précisément l'entourage du seigneur de Tiffauges<ref name="Cazacu">{{harvsp|Cazacu|2005|p=?????}}.</ref>. De même, pour la médiéviste [[Valérie Toureille]], malgré les intérêts matériels du duc {{souverain-|Jean V de Bretagne}} et de l'évêque Jean de Malestroit, les nombreux témoignages des parents interdisent de {{citation|tabler sur l'innocence de Gilles de Rais<ref>{{Lien web|langue=français|auteur1=Valérie Toureille|titre=“Barbe Bleue” : la face cachée de Gilles de Rais (Entrez dans l'histoire-Lorànt Deutsch)|url=https://www.rtl.fr/culture/culture-generale/barbe-bleue-pourquoi-on-ne-peut-pas-tabler-sur-l-innocence-de-gilles-de-rais-7900066098|site=www.rtl.fr|périodique=|date=1er septembre 2021|consulté le=19 octobre 2021}}.</ref>.}} La médiéviste [[Claude Gauvard]] souligne également que {{citation|l'historien (...) n'est pas un juge. Il peut seulement relever certaines contradictions dans le procès, des transformations entre les dépositions initiales des témoins et les chefs d'accusation développés par les juges, mais il doit aussi affirmer que les faits son têtus. Étant donné les premiers récits des témoins qui ont servi de base à l'enquête, les enlèvements d'enfants mâles ne sont pas une simple rumeur. En revanche, leur nombre relève sans doute du fantasme<ref name="Gauvard 2020 p.34">{{harvsp|Gauvard|2020|p=34}}.</ref>.}}
 
Face aux accusations, le sire de Rais souhaite récuser ses juges. Jean de Malestroit et le frère Blouyn rejettent aussitôt son appel, considéré comme {{citation|frivole}}, au motif qu'il n'est pas présenté par écrit. Le baron nie {{citation|la vérité desdits articles}} et conteste qu'il y ait matière à procès, tout en s'affirmant comme {{citation|vrai chrétien}}. Le promoteur jure alors de dire la vérité puis il prie Gilles de prêter le même serment, en vain. Malestroit et Blouyn somment Gilles de jurer, le menaçant d'[[excommunication]], mais l'accusé persiste dans son refus et ses dénégations. En réaction, l'évêque de Nantes et le vicaire de l'inquisiteur assignent le promoteur Guillaume Chapeillon et le maréchal de Rais à comparaître le mardi {{date-|11 octobre}}<ref>{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=160-161 ; 199-201}}.</ref>. Le jour dit, Malestroit et Blouyn ajournent la comparution de Gilles de Rais au surlendemain. Ils entendent de nouveau, en la salle basse du château de la Tour Neuve, les plaintes et les lamentations des parents des victimes, qui supplient l'évêque et le vice-inquisiteur {{citation|de pourvoir à la justice nécessaire et opportune<ref>{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=161 ; 201}}.</ref>.}}
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Sa première {{citation|confession}} (terme désignant l'[[aveu]] au Moyen Âge)<ref name="Gauvard 2020 p.32">{{harvsp|Gauvard|2020|p=32}}.</ref>, dite {{citation|confession hors jugement{{note|groupe=n|{{citation|(…) c'est-à-dire indépendante de la procédure ecclésiastique comme de la procédure séculière<ref name="Bataille 166">{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=166}}.</ref>.}}.}}}} est prononcée {{citation|volontairement, librement et douloureusement}} le {{date-|21 octobre 1440}} dans la {{citation|chambre haute}} du château nantais de la Tour Neuve, où il est emprisonné<ref name="Bataille 166" />. L'accusé répète, en l'assortissant de nouvelles précisions, cette confession à l'audience du {{date-|22 octobre}}<ref>{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=167-168}}.</ref>.
 
Pour [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]], les aveux {{incise|bien que frappants de réalisme}} ne constituent pas un compte rendu sténographique fidèle mais une reconstruction écrite après coup selon la méthode [[Inquisition|inquisitoriale]] qui recourt à des {{citation|interrogatoires très réglés, composés de questions élaborées à l'avance, [transcrivant les dépositions orales conformément] à l'écrit classificatoire et [[scolastique]] des notaires et des juges, l'usage éventuel de la [[torture]] pour aller jusqu'à une confession qui n'est le plus souvent qu'une homologation de ce que l'accusation propose<ref name="<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> p.12-13">{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=12-13}}.</ref>.}} De même, [[Claude Gauvard]] souligne que les témoignages sont façonnés par les attentes des juges, dont l'imaginaire s'imprègne de la {{citation|crainte d'une épidémie [[Diable|démonologique]]}} contemporaine des débuts médiévaux de la [[chasse aux sorcières]]. La médiéviste estime donc {{citation|difficile, voire impossible}} de {{citation|faire la part de ce qui relève du fantasme}} dans ces aveux puisque {{citation|la description des faits s'ancre insidieusement dans le réel<ref name="Gauvard 2020 p.32"/>.}}
 
Toutefois, <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> admet n'avoir jamais rencontré dans un autre interrogatoire inquisitorial, ni même dans aucun texte antérieur à l'œuvre écrite du [[Donatien Alphonse François de Sade|marquis de Sade]], l'équivalent de certains passages de la déposition d'Étienne Corrillaut en date du {{date-|17 octobre 1440}}. Ce serviteur du baron y détaille les rituels d'assassinat<ref name="<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> p.12">{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=12}}.</ref>{{,}}{{note|groupe=n|Après avoir cité ces passages, [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]] déclare : {{citation|Je n'ai jamais rencontré ça dans aucun interrogatoire inquisitorial que je connaisse. Cette description complètement sadienne... Je ne connais pas avant [[Donatien Alphonse François de Sade|Sade]] des textes de ce genre. Quand on tombe là-dessus, on est dans un état de perplexité extrême. Est-ce que c'est inventé ou pas ? On est forcément obligé de suspendre son jugement, je dirais presque, même quand on est persuadé que la procédure, par ailleurs, a été plus que bricolée et tend à faire avouer des choses inavouables. On reste absolument perplexe<ref>Débat avec [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]] autour de ''Gilles de Rais'', livre de [[Matei Cazacu]], dans le cadre du cycle « Les Mardis de l'École des chartes », {{date-|9|avril|2013}}, {{voir en ligne|url=https://www.youtube.com/watch?v=udSJHxAPUGg#t=49m06s}}).</ref>.}}}} : {{citation| Ledit Gilles de Rais quelque fois se vantait d'avoir une plus grande délectation à tuer et à égorger ou à faire tuer lesdits garçons et filles, à les voir languir et mourir, à couper leurs têtes et leurs membres et à voir le sang, que d'exercer la luxure sur eux<ref>{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=270}}.</ref>. (...) Après l'incision de la veine du cou et de la gorge desdits enfants ou d'autres parties du corps et lorsque le sang coulait et aussi après la décapitation, pratiquée comme il est dit ci-dessus, il s'asseyait parfois sur leur ventre et se délectait à les voir mourir ainsi et il s'asseyait de biais pour mieux voir leur fin et leur mort<ref>{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=275}}.</ref>{{,}}<ref name="<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> p.12"/>...}}
 
====== Alchimie et évocations diaboliques ======
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Outre les expériences alchimiques, Prelati déclare avoir tenté d'invoquer un [[Familier (esprit)|démon familier]] nommé {{citation|Barron{{note|groupe=n|Dans un manuscrit anonyme anglais du {{s-|XV}}, le médiéviste Jean-Patrice Boudet repère {{citation|une conjuration adressée à Baron, (…) démon [[Anthropomorphisme|anthropomorphe]] de belle prestance, ce qui correspond d'ailleurs au signalement qu'en donne Prelati lors de sa déposition au procès de Gilles de Rais<ref>{{Chapitre|prénom1=Jean-Patrice |nom1=Boudet|lien auteur1= |titre chapitre=Deviner dans la lumière|sous-titre chapitre=note sur les conjurations pyromantiques dans un manuscrit anglais du {{s-|XV}}|auteurs ouvrage=Sophie Cassagnes-Brouquet, [[Amaury Chauou]] et Daniel Pichot (dir.)|titre ouvrage=Religion et mentalités au Moyen Âge|sous-titre ouvrage=mélanges en l'honneur d'Hervé Martin|lieu=Rennes|éditeur=[[Presses universitaires de Rennes]]|collection=Histoire|année= 2003|pages totales=611|isbn=2-86847-802-6|passage=524-525|lire en ligne=http://books.openedition.org/pur/19859}}.</ref>.}}. Par ailleurs, un [[codex]] florentin du {{s-|XVI}} dépeint Barron comme un démon {{citation|spécialisé dans la découverte des trésors cachés<ref>{{Article|prénom1=Jean-Patrice |nom1=Boudet| lien auteur1= |titre=Jeux et enjeux de pouvoirs dans les rituels magiques de chasse au trésor au Moyen Âge|périodique= [[Revue numismatique]]|lieu=|éditeur=|tome=168|année= 2012|pages= 98-99|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/numi_0484-8942_2012_num_6_168_3174}}.</ref>}}.}}}} au [[château de Tiffauges]], en présence de Gilles de Rais{{note|groupe=n|Déposition de François Prelati devant la cour ecclésiastique le 16 octobre 1440<ref>{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=247-255}}.</ref>.}}. Le clerc prétend également avoir interrogé Barron dans une prairie près de [[Josselin (Morbihan)|Josselin]], par conséquent non loin du [[Château de Josselin|château]] où se tint l'entrevue de {{date-|juillet 1440}} entre le duc {{souverain-|Jean V}} de Bretagne et Gilles de Rais<ref name="Bataille et al" />.
 
Suivant les {{citation|schèmes interprétatifs{{note|groupe=n|[[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]] emploie ces termes à propos des juges du procès de condamnation de Jeanne d'Arc<ref>{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|1997|p=43}}.</ref>, au sens du dictionnaire ''[[Le Petit Larousse|Larousse]]'' ({{citation|schème : ensemble de concepts permettant de se faire une image de la réalité en résumant les éléments disparates de cette réalité à l'aide d'instruments fournis par la raison<ref>''Dictionnaire Larousse'', {{lire en ligne|lien=http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/sch%C3%A8me/71384|texte=lire en ligne}}.</ref>.}}).}}}} des juges, ces propos incriminent le seigneur de Tiffauges en associant étroitement {{citation|sa rébellion à l'égard de Dieu et du duc}} et ses rapports avec le [[diable]]. Puisque des invocations démoniaques visant à accroître le pouvoir et la richesse du maréchal auraient été perpétrées, ''a fortiori'' à proximité de {{souverain-|Jean V}}, ces {{citation|actes indicibles}} menaceraient directement le pouvoir ducal en sus d'offenser gravement [[Dieu|le Créateur]]. À ces deux accusations principales s'adjoint une troisième, les {{citation|attentats contre la nature}}, autrement dit la sodomie et les meurtres commis par Gilles de Rais. Ainsi se construit {{citation|un système très cohérent}}, mais en partie mythologique, selon le médiéviste [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]]<ref>{{harvsp|texte=<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />, « Gilles, la vérité, l'histoire »|id=<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> : Gilles, la vérité, l'histoire|p=9-21}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=11-14}}.</ref>.
 
===== Jugement et exécution de la peine =====
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=== Revendications de la succession et extinction de la lignée ===
Peu de temps après la pendaison de son époux, Catherine [[Liste des vicomtes et ducs de Thouars|de Thouars]] se remarie le {{date-|14|janvier|1441}} avec {{souverain-|Jean II}} de Vendôme, vidame de Chartres. Celui-ci adopte dès lors le titre de seigneur de [[Pouzauges]]. Le {{date-|19 avril 1441}}, il prête serment de fidélité au duc {{souverain3|Jean V de Bretagne}}, qui le nomme chambellan. Catherine de Thouars meurt le {{date-|2 décembre 1462}}<ref>{{harvsp|Bourdeaut|1924|p=114}}.</ref>{{,}}<ref name="Cazacu 2005 p.175">{{harvsp|Cazacu|2005|p=175}}.</ref>.
 
Gilles de Rais ne laisse qu'une fille comme unique héritière : [[Liste des seigneurs, barons et ducs de Retz|Marie de Montmorency-Laval dite « Marie de Rais »]], qui lui succède à la tête de la [[Pays de Retz|baronnie de Retz]]. Marie de Rais se marie deux fois : le {{date-|5|juillet|1444}} avec {{souverain3|Prigent VII de Coëtivy}} (1399 – {{date-|20 juillet 1450}}), [[amiral de France]], gouverneur de [[La Rochelle]], puis en [[1451]] avec [[André de Lohéac|André de Montfort-Laval dit « André de Lohéac »]] (1408 – {{date-|29 décembre 1486}}), seigneur de [[Lohéac]] et de [[Château de Montjean|Montjean]], amiral de France, puis [[maréchal de France]] (et cousin de Gilles de Rais). De ses deux unions, Marie de Rais n'aura aucun enfant.
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[[Fichier:Portrait de Charles Perrault (1628-1703) par Charles Le Brun.jpg|gauche|vignette|redresse=0.8|[[Charles Perrault]] s'est peut-être inspiré de Gilles de Rais pour rédiger son célèbre conte mais cette interprétation reste controversée.]]
Le [[Grand Siècle (histoire de France)|Grand Siècle]] voit la publication des ''[[Les Contes de ma mère l'Oye|Contes de ma mère l'Oye]]'' (1697) chez le libraire et imprimeur [[Claude Barbin (libraire)|Claude Barbin]]. Ce recueil inclut le texte ''[[La Barbe bleue]]'', {{citation|histoire [qui] n'est pas une invention de [[Charles Perrault]], mais un conte populaire et une ballade qui ont circulé dans toute l'Europe bien avant 1697 sous des noms différents et dans de nombreuses variantes}}, indique Matei Cazacu<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=204}}.</ref>. Or, à en croire certains chercheurs (dont l'abbé [[Eugène Bossard (abbé)|Eugène Bossard]]), la vie du seigneur de Tiffauges aurait inspiré, directement ou par ricochet, la rédaction du conte perraultien{{note|groupe=n|En 1845, [[Charles Mourain de Sourdeval]] affirme que Perrault aurait {{citation|modelé}} son personnage d'après Gilles de Rais, tout en s'inspirant de la vie conjugale d'{{souverain2|Henri VIII}} pour atténuer l'horreur des crimes et rendre l'histoire plus {{citation|convenable<ref>{{Article |prénom1=Charles|nom1=Mourain de Sourdeval|lien auteur1=Charles Mourain de Sourdeval|titre=Les sires de Retz et le château de Machecoul |périodique=Mémoires de la Société archéologique de Touraine|lieu=Tours|éditeur=Imprimerie de Mame|tome={{II}}|année= 1843-1844|pages=50|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5487239w/f80.image}}.</ref>{{,}}<ref name="auto-généré3">{{harvsp|Cazacu|2005|p=208}}.</ref>.}} En 1885, l'abbé [[Eugène Bossard (abbé)|Eugène Bossard]] soutient que l'[[Académie française|académicien]] aurait recueilli la matière première de son conte dans des traditions orales bretonnes qui transfigurent le baron sanglant en Barbe-Bleue<ref>{{harvsp|Bossard|1885|p=382-387}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=80-84}}.</ref>.}}. Cazacu conjecture ainsi que Perrault aurait semé dans son texte plusieurs indices permettant de remonter jusqu'à Gilles de Rais<ref name="Petitjean p.98">{{harvsp|Petitjean|2016|p=98}}.</ref>, à commencer par l'absence de l'habituel sous-titre « conte » dans la première édition, entre autres allusions sibyllines. Grâce à ses études de droit, l'auteur des ''Contes de ma mère l'Oye'' aurait pu avoir accès à l'une des nombreuses transcriptions manuscrites des procès ecclésiastique et séculier du maréchal<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=241}}.</ref>, écrits circulant dans les milieux juridiques sous l'[[Ancien Régime]]<ref name="<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />">{{Chapitre|langue=fr|prénom1=Jacques|nom1=<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|lien auteur1=Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|auteurs ouvrage=[[Yves-Marie Bercé]] (dir.)|titre ouvrage=Les procès politiques ({{s mini-|XIV}}-{{s-|XVII}})|sous-titre ouvrage=|lieu=Rome|éditeur=École française de Rome|collection=Collection de l'École française de Rome|numéro dans collection=375|année=2007|pages totales=709|isbn=978-2-7283-0772-2|titre chapitre=Le crime de majesté, la politique et l'extraordinaire|sous-titre chapitre=note sur les collections érudites de procès de lèse-majesté du {{s-|XVII}} français et sur leurs exemples médiévaux|passage=577-662}}.</ref>{{,}}<ref name="<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> 15">{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=15}}.</ref>{{,}}<ref name="Bouzy1997p44">{{harvsp|Bouzy|1997|p=44}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5831681k/f44.image}}.</ref>. Cazacu décèle notamment des similitudes entre des thèmes du conte perraultien (chambre interdite et curiosité féminine) et les aveux des complices de Gilles de Rais, dépositions qui mentionnent non seulement une pièce verrouillée renfermant des corps ou des membres humains mais également une certaine dame de Jarville lorgnant, à travers une fente, les serviteurs du baron retirer du [[château de Machecoul]] les ossements des victimes de leur maître<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=225-226}}.</ref>.
 
Toutefois, l'hypothèse d'un Gilles de Rais ayant servi de modèle à Charles Perrault est réfutée comme trop incertaine par Vincent Petitjean<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Antoine|nom1=Calvet|titre=Petitjean, Vincent. ''Vies de Gilles de Rais''. Paris : Classiques Garnier, 2015 (« Perspectives comparatives, 35 »). 562 pp. (compte rendu) |périodique=Kritikon Litterarum |éditeur=[[Walter de Gruyter|De Gruyter]] |volume=43 |numéro=3-4 |année=2016 |pages=206 |doi=10.1515/kl-2016-0033}}.</ref>. Le docteur en littérature comparée ne discerne aucun référence, même voilée, à l'histoire du baron dans la version couchée sur le papier par l'académicien du Grand Siècle<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=96-97}}.</ref> : {{citation|malgré toute la science et l'habilité intellectuelle de Bossard et Cazacu<ref name="Petitjean p.107"/>}}, il n'est pas établi que le chef de file des [[Querelle des Anciens et des Modernes|Modernes]] connaissait la vie du maréchal ou que cette connaissance ait été {{citation|déterminante dans l'écriture du conte<ref name="Petitjean p.98"/>}}. Petijean distingue nettement cette question relative à Perrault et ses sources d'un autre phénomène : {{citation|la confusion faite dans l'esprit populaire entre Gilles de Rais et Barbe-Bleue<ref name="Petitjean p.107">{{harvsp|Petitjean|2016|p=107}}.</ref>.}}
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[[Fichier:Château de Champtocé - carte postale.jpg|vignette|redresse=1.2|''Ruines du [[château de Champtocé|château de Barbe-Bleue]]'' (carte postale ancienne). Aujourd'hui, les ruines des forteresses de Machecoul et Tiffauges restent communément associées au personnage du conte populaire dans les indications touristiques<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=La-Croix.com|titre=Les châteaux de Gilles de Rais|url=https://www.la-croix.com/Culture/Art-de-vivre/chateaux-Gilles-Rais-2018-08-11-1200961206|site=La Croix|date=2018-08-11|consulté le=2019-02-04}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Juliette Démas|titre=Gilles de Rais reprend vie au château de Machecoul|périodique=Ouest-France|date=2016|issn=|lire en ligne=https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/pornic-44210/gilles-de-rais-reprend-vie-au-chateau-de-machecoul-4379763|pages=}}.</ref>.]]
En se fondant sur les travaux de [[Marc Soriano]] et Ute Heidmann<ref name="=Antoine Calvet 2016 p.207"/>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=fr|prénom1=Marc|nom1=Soriano|lien auteur1=Marc Soriano|titre=Les contes de Perrault|sous-titre=culture savante et traditions populaires|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|collection=Tel|numéro dans collection=22|pages totales={{XXX}}-525|année=1989|isbn=2-07-029794-2}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Ute|nom1=Heidmann|titre=La Barbe bleue palimpseste|sous-titre=comment Perrault recourt à Virgile, Scarron et Apulée en réponse à Boileau|périodique=[[Poétique (revue)|Poétique]]|numéro=154|mois=avril|année=<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|pages=161-182|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-poetique-<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />-2-page-161.htm}}.</ref>, Vincent Petitjean objecte que le conte est {{citation|un objet d'étude ingrat, puisqu'il est impossible de connaître l'état d'une version à un moment précis en raison de cette dynamique narrative qui fait qu'il s'élabore en se transmettant<ref name="Petitjean p.107"/>.}} Par conséquent, nous ignorons la teneur exacte du récit oral et populaire dont s'inspirerait originellement le conte perraultien qui fixe à l'écrit une version pérenne. Du reste, ce texte des ''Contes de ma mère l'Oye'' constitue une œuvre proprement littéraire qui entretient un {{citation|[[dialogisme]] [[Intertextualité|intertextuel]]}} complexe avec de multiples sources ([[Virgile]], [[Apulée]], [[Paul Scarron]]), sans se raccorder de manière illusoire à d'évanescentes traditions orales par nature inaptes à éclaircir le débat, explique [[Roger Zuber]]. Pour ce chercheur, c'est la littérature {{incise|le conte écrit par Perrault}} qui finit par imprimer sa marque dans le folklore, et non le processus inverse<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=89 ; 106-107}}.</ref>. Non exempte d'approximations{{note|groupe=n|À l'instar d'[[Édouard Richer]] dans sa ''Description de la rivière d'Erdre depuis Nantes jusqu'à Nort'' (1820), l'abbé Bossard prête sept femmes à Barbe-Bleue, chiffre pourtant absent du conte perraultien<ref name="Petitjean p.102">{{harvsp|Petitjean|2016|p=102}}.</ref>.}}, la thèse bossardienne s'en trouve dès lors fragilisée aux yeux de Vincent Petitjean : {{citation|l'histoire de Barbe-Bleue que l'on se racontait était-elle la même à l'époque de Bossard qu'à l'époque de Perrault, la même à l'époque de Perrault qu'à la mort de Gilles<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=96-98}}.</ref> ?}} Par ailleurs, à compter de la seconde moitié du {{s-|XIX|e}}, un véritable foisonnement littéraire s'empare des contes merveilleux {{incise|dont ''Barbe-Bleue''}} pour en offrir de multiples réécritures à rebours, voire des altérations adultes sous la plume de [[Jean Lorrain]] ou [[Catulle Mendès]]<ref name="Petitjean p.102"/>. Spécialiste de la [[Décadentisme|littérature décadente]], [[Jean de Palacio]] en vient à suggérer que {{citation|Gilles de Rais pourrait bien être l'expression la plus efficace de la perversion du [[merveilleux]]<ref>{{ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jean de Palacio]]|titre=Les perversions du merveilleux|sous-titre=« Ma Mère l'Oye » au tournant du siècle|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Séguier]]|pages totales=273|année=1993|isbn=2-84049-008-0|passage=101}}.</ref>.}} Vincent Petitjean entend cette « perversion » au sens où l'assimilation entre le baron et Barbe-Bleue {{citation|brise l'indétermination (époque, noms de personnes et de lieux...) si caractéristique du conte ; pire encore, elle le fait entrer dans l'histoire}}. De surcroît, la réfutation même de l'amalgame entre les deux personnages conduit certains auteurs, tels [[Joris-Karl Huysmans]] dans ''[[Là-bas (roman)|Là-bas]]'' ([[1891 en littérature|1891]]) et [[Anatole France]] dans ''Les Sept femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux'' ([[1909 en littérature|1909]]), à modifier le conte perraultien<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=103}}.</ref>.
 
La thèse bossardienne afférente au folklore popularise le rapprochement entre le baron médiéval et l'égorgeur d'épouses mais à partir de la seconde moitié du {{s-|XX|e}}, les éditions successives des ''Contes de ma mère l'Oye'' ne paraissent plus s'y fier, renonçant ainsi à une vaine {{citation|quête des origines<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=88-89}}.</ref>.}} Or Matei Cazacu appuie et actualise certaines conclusions de l'abbé Bossard<ref name="=Antoine Calvet 2016 p.207"/> en soulignant la concordance cartographique entre trois types de données : {{citation|la répartition géographique des propriétés de Gilles de Rais en Bretagne, Vendée, Poitou, Anjou et Maine ; les localités d'où avaient disparu des enfants et qui sont mentionnées dans le procès de 1440 ; les localités où le conte de Barbe-Bleue a été enregistré par les folkloristes<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=221}}.</ref>.}} Dans telle {{citation|région bien délimitée}} identifiant le maréchal au personnage mythique sans identité précise ni ancrage temporel, les ruines castrales des anciennes demeures de Gilles de Rais {{citation|ont contribué, par leur simple existence, à la fixation des récits sur un support matériel, véritable lieu de mémoire<ref name="Cazacu p.248"/>.}} Au surplus, les viols d'enfants représentent un interdit civilisationnel malaisément transmissible sur le plan mémoriel ; d'après Matei Cazacu, il n'en existe pas d'exemple dans le folklore car l'enfant y demeure un {{citation|être asexué par excellence}}, malgré les nombreux contes figurant des marmots diversement tués et dévorés. La mémoire collective opèrerait donc un {{citation|glissement de sens}} de génération en génération, en intégrant finalement la figure historique du seigneur de Tiffauges dans une {{citation|catégorie connue}}, celle de l'assassin de femmes, archétype personnifié en l'occurrence par un horrible {{citation|séducteur viril (barbu)}}, Barbe-Bleue. Le chartiste souscrit à l'analyse du folkloriste [[Paul Delarue]] dans ''[[Le Conte populaire français (livre)|Le Conte populaire français]]'', selon laquelle {{citation|il est difficile d'assimiler le conte [de Barbe-Bleue] et l'histoire [de Gilles de Rais]. Ce n'est pas la légende historique qui a inspiré le conte, mais plutôt ce dernier qui, tardivement, a prêté son nom à la légende comme il arrive souvent.}} Cazacu conclut que {{citation|Gilles de Rais n'est pas Barbe-Bleue, mais la figure de ce dernier, un mythe archaïque à circulation universelle, a englobé et a occulté, pour les habitants de la France de l'Ouest, les crimes réels du maréchal et les a intégrés dans un « type » qui s'exprime dans les contes populaires et les complaintes<ref name="Cazacu p.248">{{harvsp|Cazacu|2005|p=248}}.</ref>.}}
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L'historien {{lien|lang=en|trad=Angus McLaren (historian)|texte=Angus McLaren}} note que la littérature médicale précitée se révèle fréquemment douteuse sur le plan scientifique. Ainsi, il n'est pas rare que Gilles de Rais et le cannibale [[Antoine Léger (cannibale)|Antoine Léger]] côtoient indistinctement d'autres sadiques et meurtriers sexuels dans des compilations sommaires et fétichistes de cas cliniques résumés en courtes biographies moralisatrices{{note|groupe=n|Entre autres textes relevant de cette approche superficielle, {{lien|lang=en|trad=Angus McLaren (historian)|texte=Angus McLaren}} cite ''Vampirisme, nécrophilie, nécrosadisme, nécrophagie'' (1901)<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Alexis|nom1=Épaulard|titre=Vampirisme, nécrophilie, nécrosadisme, nécrophagie|éditeur=A. Storck |lieu=Lyon |année=1901|pages totales=102|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k858722n/f3.item}}.</ref>, ouvrage du docteur Alexis Épaulard, collègue d'[[Alexandre Lacassagne]]<ref name="Angus McLaren 170-171">{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Angus |nom1=McLaren |titre=The Trials of Masculinity |sous-titre=Policing Sexual Boundaries, 1870–1930 |lieu=Chicago / Londres |éditeur=[[University of Chicago Press]] |collection=Chicago Series on Sexuality, History, and Society |année=1997 |pages totales={{VIII}}-307 |passage=170-171|isbn=0-226-50067-5}}.</ref>.}}. Du reste, pour établir le diagnostic du maréchal de Rais, exemple de {{citation|fou moral}} souffrant d'{{citation|altération du sens moral}}, le corps médical puise alors sans recul dans les ''Curiosités de l'histoire de France'' (1858) de [[Paul Lacroix (écrivain)|Paul Lacroix]], volume parsemé d'inventions fantaisistes mais perçu comme une source historique fiable par [[Richard von Krafft-Ebing|Krafft-Ebing]], [[Albert Moll]] et Léon-Henri Thoinot, entre autres médecins. Ceux-ci croient notamment trouver {{citation|la cause déterminante qui avait déclenché le sadisme de Gilles}} dans le manuscrit fictif d'une œuvre de [[Suétone]] dépeignant les folies [[Orgie|orgiaques]] d'empereurs romains décadents ; cet exemplaire, rehaussé de [[Miniature (enluminure)|miniatures]] licencieuses, sort pourtant tout droit de l'imagination du [[Paul Lacroix (écrivain)|Bibliophile Jacob]]. Par conséquent, {{citation|la fiction aida Gilles à passer du discours historique au discours médical}}, pointe Zrinka Stahuljak. La médiéviste ajoute que {{citation|la réussite du canular littéraire de Lacroix échappa à l'examen de l'archéologie pathologique et s'infiltra dans le discours médical parce que seul ce texte apocryphe offrait une {{citation|explication scientifique de sa conduite{{note|groupe=n|Selon les termes du docteur Maurice Hamblin-Smith, pionnier de la psychiatrie judiciaire et préfacier d'un ouvrage anglais sur le maréchal, publié en 1926<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1= A. L. Vincent|auteur2=Clare Binns|préface=Maurice Hamblin-Smith|titre=Gilles de Rais|sous-titre=The Original Bluebeard|lieu=Londres|éditeur=A. M. Philpot|année=1926|pages totales=222|passage=11}}.</ref>.}}}} [aux yeux de ces savants]<ref>{{harvsp|Stahuljak|2018|p=192}}.</ref>.}} Dans {{citation|des excès de rhétorique et de fiction}} stimulés par les fantasmes et les mystifications autour de sa sexualité, la médecine a donc {{citation|participé à la [[réification]] de la légende ultra-romantique de Gilles}} en tant que personnage hors-mesure, {{citation|dégénéré supérieur}} magnifié dans le [[Là-bas (roman)|champ littéraire]] en érudit [[Faust|faustien]], grand sadique, artiste et mystique flamboyant par {{nobr|[[Joris-Karl Huysmans]]}}<ref>{{harvsp|Stahuljak|2018|p=185-186}}.</ref>{{,}}{{note|groupe=n|Du point de vue de la littérature, la notion de sadisme, {{citation|popularisée dans les années 1880 et 1890, exprimait initialement un mépris élitiste envers les classes moyennes et la société de masse}}, selon {{lien|lang=en|trad=Angus McLaren (historian)|texte=Angus McLaren}}. À travers le prisme des Lettres, {{citation|le pervers était personnifié par des nobles [[libertin]]s comme Gilles de Rais, [[Donatien Alphonse François de Sade|Sade]] et [[À rebours|Des Esseintes]]}} mais {{citation|ironiquement}}, les individus médicalement caractérisés comme criminels sadiques, tel [[Joseph Vacher]], se rencontraient plutôt dans ces classes populaires si redoutées par les romanciers du [[Décadentisme|mouvement décadent]]. L'historien canadien souligne que {{citation|les “véritables” sadiques, loin de correspondre à l'image de puissants [[surhomme]]s sexuels, étaient les esclaves de leur propre comportement compulsif<ref name="Angus McLaren 170-171"/>.}}}}.
 
Par la suite, le rapprochement entre le cas de Gilles de Rais et la catégorie criminelle des tueurs en série sert occasionnellement à réfuter la thèse de l'innocence du maréchal{{note|groupe=n|Dans une biographie publiée en 1926, l'historien [[Émile Gabory]] rappelle la réalité des {{citation|meurtres sadiques ou rituels}} afin de réfuter un argument en faveur de l'innocence du baron de Rais. Pour ce faire, il mentionne à titre d'exemple {{citation|l'histoire du boucher [[Hanovre|hanovrien]] [[Fritz Haarmann|Haarmann]] qui, l'année dernière, tua vingt-huit jeunes gens (...)<ref>{{harvsp|Gabory|1926|p=236}}.</ref>.}} Ce tueur en série allemand est également cité par l'écrivain [[Georges Bataille]] lors d'une conférence tenue le {{date-|24 février 1958}} à Fontenay-le-Comte : {{citation|Gilles de Rais fut une sorte de boucher de Haarman (''sic'') mais en grand<ref>« "Gilles de Rais", notes inédites », dans {{harvsp|texte=Cahiers Gilles de Rais, mai 1993|id=''Cahiers Gilles de Rais'' III|p=23}}.</ref>.}} De manière analogue, l'[[historien]] [[médiéviste]] [[Olivier Bouzy]] évoque [[Andreï Tchikatilo]] comme {{citation|un Gilles de Rais au petit pied<ref>{{harvsp|Bouzy|1993|p=22, note 23}}, {{lire en ligne|lien=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58316056/f22.image}}.</ref>.}}}}. De plus, le [[Archiviste paléographe|chartiste]] [[Matei Cazacu]] reconnaît certaines caractéristiques des tueurs en série contemporains chez le seigneur de Tiffauges : âge moyen du criminel au commencement des meurtres (vers 27-{{nobr|31 ans}}), prédilection pour un même type de victimes (principalement des jeunes garçons), {{citation|actes illicites}} perpétrés durant son enfance et son adolescence, agressivité et propension à la violence à l'encontre des adultes, ritualisation du crime par des mises en scène et des tortures récurrentes {{incise|commises personnellement ou par ses serviteurs}} sur des personnes réduites à l'état d'objet (brève [[pendaison]] de sa victime avant de la décrocher en adoptant une attitude faussement rassurante ; cou rompu à coup de bâton ; incision de la gorge ou d'autres parties du corps ; démembrement ou décapitation avec un glaive {{citation|vulgairement appelé “braquemart”}} ; viols ''{{lang|lat|post-mortem}}'' ou ''{{lang|lat|ante-mortem}}'' sur des enfants agonisants ; jouissance à la vue des organes internes après éventration ; contemplation de tête coupée...). Pour tenter de dresser un profil détaillé du maréchal comme tueur [[Psychopathie|psychopathe]], Matei Cazacu applique également la {{citation|grille de lecture utilisée par les [[Profilage criminel|profileurs]] du [[Federal Bureau of Investigation|FBI]]}} dans un rapport de 1990 ainsi que la classification proposée par le docteur Michel Bénézech, psychiatre et professeur de [[médecine légale]] à l'université de Bordeaux<ref name="Cazacu 2005 p.181-202">{{harvsp|Cazacu|2005|p=10 ; 181-202}}.</ref>, en assumant l'anachronisme de la sorte : {{citation|Les techniques modernes, quand elles existent et permettent d'apporter quelque chose, ne doivent pas être négligées<ref>{{Lien web|langue=fr| url= https://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2012/04/29/sire-de-rais-serial-killer| titre=Sire de Rais, serial killer| auteur= Hervé Boggio |site= republicain-lorrain.fr | date=29 avril 2012| consulté le = 21 juin 2018}}.</ref>.}} Le chartiste reconnaît que son approche a été contestée mais il se défend toutefois de confondre les mentalités médiévales et contemporaines<ref>Débat avec [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]] autour de ''Gilles de Rais'', livre de [[Matei Cazacu]], dans le cadre du cycle « Les Mardis de l'École des chartes », {{date-|9|avril|2013}}.</ref>. Au demeurant, Cazacu admet que {{citation|les abîmes de la [[Psyché (psychologie)|psyché]] humaine restent toujours insondables et (...) Gilles de Rais a définitivement emporté son secret dans la tombe<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=202}}.</ref>.}} D'autre part, [[Claude Gauvard]] énonce que {{citation|l'historien n'est pas (...) un psychanalyste, même si les enseignements de la psychanalyse peuvent l'aider à comprendre le contenu des aveux et leur part de délire psychotique<ref name="Gauvard 2020 p.34"/>.}}
 
En revanche, [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]] estime qu'{{citation|à tout jamais [...], la psychologie de Gilles de Rais nous est fermée. À partir des maigres traces dont on dispose, on ne saura jamais, s'il fut en position d'être ou de ne pas être un ''{{lang|en|serial killer}}''<ref>{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|1993|p=20|id= <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> : Gilles, la vérité, l'histoire}}.</ref>}} malgré le caractère réaliste et détaillé de ses aveux paraissant {{citation|témoigner de ce mélange entre [[psychose]] et [[perversion narcissique]] qui est le propre de nos tueurs en série contemporains.}} Les similitudes manifestes ({{citation|l'assouvissement sexuel sur les corps mutilés, leur manipulation, l'indifférence souveraine du meurtrier à l'égard de ses victimes et la manifestation d'une sorte de toute-puissance meurtrière}}) ne doivent pas faire oublier pour autant le contexte particulier de la procédure inquisitoire présidant à l'élaboration des comptes rendus d'interrogatoires<ref name="<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> p.12-13"/>. De surcroît, <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> précise que {{citation|la description d'une “[[Perversion|structure perverse]]” quasi intemporelle}} n'entretient qu'un {{citation|lointain rapport avec la triple accusation médiévale de rébellion, de [[pacte avec le diable]] et de rapports contre-nature.}} Le baron de Rais en vient parfois à être perçu comme l'[[Archétype (philosophie)|archétype]]<ref name="<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> p16">{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=16}}.</ref> d'une figure médiatique contemporaine de la dangerosité, celle du {{citation|[[Pédophilie|pédophile]] confondu avec l'assassin violeur, un Gilles de Rais réactualisé sous la double forme du prédateur et du déséquilibré}}, selon les termes de l'historienne [[Anne-Claude Ambroise-Rendu]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Anne-Claude|nom1=Ambroise-Rendu|lien auteur1=Anne-Claude Ambroise-Rendu|titre=Histoire de la pédophilie, {{s mini-|XIX}}-{{s-|XXI}}|éditeur=Fayard|lieu=Paris|année=2014|pages totales=352|passage=245-246|isbn=978-2-213-67232-8|présentation en ligne=https://journals.openedition.org/clio/12840}}, {{lire en ligne|lien=https://journals.openedition.org/rhei/3744|texte=présentation en ligne}}.</ref>. Or une telle interprétation néglige les données historiques nécessaires pour décrypter les actes du procès du seigneur de Tiffauges ; l'histoire de celui-ci, riche d'enseignements sur {{citation|la justice politique et [les] constructions institutionnelles du {{s-|XV|e}}}}, ne nous informe guère {{citation|sur la pédophilie médiévale ni sans doute sur les meurtres en série au temps de Jeanne d'Arc et de {{souverain-|Charles VII}}}}, conclut <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /><ref>{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=11-14 ; 16}}.</ref>. L'essayiste [[Michel Meurger]] suit cette analyse en remettant en question {{citation|les démarches de légitimation}} conduisant certains auteurs {{citation|à user de rétrospection pour assurer que les forfaits de criminels modernes éclaireraient cette cause pré-[[Époque moderne|moderne]]<ref name="auto-généré4">{{harvsp|Meurger|2003|p=14}}.</ref>.}}
 
=== Rapports avec Jeanne d'Arc et le grand chambellan Georges de La Trémoille ===
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Dès lors, la littérature a brodé sur les sentiments du seigneur de Tiffauges vis-à-vis de Jeanne, en couvrant une palette allant de l'amitié à la dévotion religieuse, en passant par une fascination plus trouble. Dans le roman ''[[Là-bas (roman)|Là-bas]]'' de [[Joris-Karl Huysmans]], le personnage de Durtal présume que {{citation|le mysticisme de Gilles de Rais s'est exalté}} aux côtés de la Pucelle<ref>{{harvsp|Huysmans|1896|p=64}}, {{lire en ligne|lien=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k66333f/f70.image}}.</ref>, point de vue repris par l'historien [[Matei Cazacu]]{{note|groupe=n|[[Matei Cazacu]] conjecture que {{citation|Gilles de Rais a sans doute été ébranlé}} par les accusations portées par le tribunal de Rouen contre la Pucelle, censément hérétique et invocatrice de démons. De surcroît, le chartiste considère que {{citation|nul n'a mieux décrit [l]a crise de conscience [de Gilles] que [[Joris-Karl Huysmans|Huysmans]] dans son roman, ''[[Là-bas (roman)|Là-bas]]''<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=107-108}}.</ref>.}}}}. Autre récit fictif dont les interprétations ont fait florès, le roman ''[[Gilles et Jeanne]]'' de [[Michel Tournier]] est à l'origine d' {{citation|une bonne partie de la littérature pseudo-historique répandant l'idée des relations amoureuses de Jeanne d'Arc avec Gilles de Rais}}, observe le [[médiéviste]] [[Olivier Bouzy]]<ref name="Bouzy, Littérature romanesque">Olivier Bouzy, entrée « Littérature romanesque », dans {{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=825-826}}.</ref>. Tournier emprunte à l'essayiste [[Roland Villeneuve]] le principe d'une déchéance du baron déclenchée par la mort de la Pucelle. Toutefois, en intensifiant les sentiments de son [[Personnage de fiction|personnage]] jusqu'à {{citation|l'amour ''déclaré''}}, voire charnel, le romancier se démarque de sa source d'inspiration qui évoquait simplement un {{citation|amour platonique}} éprouvé par Gilles de Rais, du reste sans que Villeneuve explicite le terme {{citation|platonique}} ou justifie une telle interprétation<ref name="Toorn p.130-131">{{Ouvrage |prénom1=Nicolaas |nom1=van der Toorn |titre=Le Jeu de l'ambiguïté et du mot |sous-titre=ambiguïté intentionnelle et Jeu de mots chez Apollinaire, Prévert, Tournier et Beckett |éditeur=[[Éditions Brill|Brill]] / Rodopi |collection=Faux titre |lieu=Amsterdam |numéro dans collection=435 |année=2019 |pages totales=210 |passage=130-131 |isbn=978-90-04-41416-7 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=JESxDwAAQBAJ&printsec=frontcover |numéro chapitre=5 |titre chapitre=Réécriture et «  Bricolage  »  : ''Gilles & Jeanne'' de Michel Tournier}}.</ref>. Quant à l'écrivain et dramaturge [[Allen S. Weiss]], il interprète comme un fait établi la vision romanesque de Tournier, selon laquelle {{citation|Gilles de Rais s'est voulu l'inversion démoniaque de la sainteté de Jeanne d'Arc dans un scénario [[Antinomie|antinomique]] de mal absolu et d'autosacrifice final<ref>{{Article |auteur1=[[Allen S. Weiss]]|titre=La glossolalie et la glossographie dans les délires théologiques|périodique=Langages|numéro=91|année=1988|pages=109|lire en ligne=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726x_1988_num_23_91_2119}}.</ref>}}, lecture inopérante pour tenter de discerner la psychologie du maréchal, pointe Matei Cazacu<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=184-185}}.</ref>.
 
Or les textes du {{s-|XV}} ne permettent pas d'établir une relation privilégiée entre les deux compagnons d'armes, suivant plusieurs chercheurs<ref>{{harvsp|Bataille|Klossowski|1959|p=106-107}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Jost|1995|p=178}}.</ref>{{,}}<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=12">{{harvsp|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=12}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=948}}.</ref>{{,}}<ref name="Bouzy 212 p.33">{{harvsp|Bouzy|2012|p=33}}.</ref>. Les sentiments de la Pucelle vis-à-vis du baron nous échappent totalement<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=331-332, {{n.|57}}}}.</ref>. De surcroît, aucune source ne corrobore la conjecture d'un Gilles de Rais désespéré par le [[bûcher]] de [[Rouen]] au point de se retirer dans ses terres de l'[[Grand Ouest français|Ouest]] et d'y cultiver le souvenir de Jeanne tout en sombrant parallèlement dans la dépression et la folie meurtrière<ref>{{harvsp|Boutin|Chalumeau|Macé|Peyronnet|1988|p=78-79}}.</ref>. De telles extrapolations prennent appui sur quelques faits malaisés à déchiffrer.
[[Fichier:Lenepveu, Jeanne d'Arc au siège d'Orléans.jpg|vignette|gauche|<center>''Jeanne d'Arc au siège d'Orléans'', fresque de [[Jules-Eugène Lenepveu]], [[Panthéon (Paris)|Panthéon]], fin du {{s-|XIX}}.</center>]]
Les divergences d'interprétations relatives aux rapports entre la Pucelle et le seigneur de Tiffauges reflètent partiellement celles qui portent sur la relation entre le [[grand chambellan de France|grand chambellan]] {{souverain3|Georges Ier de La Trémoille}} et Jeanne d'Arc<ref>{{harvsp|Meurger|2003|p=154, {{n.}}6}}.</ref>. Ainsi, au cours du {{s-|XIX}}, le {{citation|renouveau historiographique}} de la Pucelle s'accompagne de la dépréciation de ses ennemis et rivaux, réels ou supposés. La conception républicaine et anticléricale de {{citation|la fille du peuple, trahie par son roi et brûlée par l'Église<ref>{{Chapitre|prénom1=Gerd |nom1=Krumeich |lien auteur1= Gerd Krumeich |titre chapitre=Pour une étude comparée de l'iconographie de Jeanne d'Arc|auteurs ouvrage=[[Maurice Agulhon]], [[Annette Becker]] et Évelyne Cohen (dir.)|titre ouvrage= La République en représentations|sous-titre ouvrage= autour de l'œuvre de Maurice Agulhon|lieu=Paris|éditeur=Publications de la Sorbonne|collection=Histoire de la France aux {{s mini-|XIX}} et {{s-|XX}}|numéro dans collection=64|année= 2006|pages totales=431|isbn= 2-85944-546-3 |passage=256 |présentation en ligne=https://rh19.revues.org/1722}}.</ref>}}, trouve notamment un écho chez l'historien populaire [[Henri Martin (historien)|Henri Martin]]. Dans un volume de son ''Histoire de France...'' publié en 1855, Martin englobe Gilles de Rais dans son réquisitoire contre le roi {{souverain-|Charles VII}} et ses conseillers censément déloyaux envers Jeanne d'Arc et sa mission. L'historien conclut que {{citation|l'on n'a point à craindre à calomnier le maréchal de Retz}} en lui attribuant le fiasco du [[Siège de Paris (1429)|siège de Paris]]<ref name="Martin 212-213" />. En 1863, le chartiste [[Auguste Vallet de Viriville]] jauge défavorablement Gilles comme {{citation|l'homme de La Trémoille}}, placé sur ordre auprès de la Pucelle avant de délaisser celle-ci consécutivement à l'échec du [[Siège (militaire)|siège]]<ref name="Vallet 412" />. En 1955, Roland Villeneuve propose dans son essai la même lecture des événements<ref name="Toorn p.130-131"/>. ''A contrario'', l'abbé [[Eugène Bossard (abbé)|Eugène Bossard]] tente de dissocier le sire de Rais de Georges de La Trémoille, félon présumé de l'épopée johannique, pour magnifier Gilles en compagnon d'armes dévoué de l'héroïne, selon le schéma binaire d'une glorieuse tranche de vie contrastant avec une seconde partie biographique bien plus sombre<ref>{{harvsp|Bossard|1886|p=36-37}}, {{lire en ligne|url=https://archive.org/stream/gillesderaismar00bossgoog#page/n65/mode/2up}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Heers|1994|p=70}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Meurger|2003|p=164}}.</ref>. Quant à l'abbé Arthur Bourdeaut, il dépeint également le seigneur de Tiffauges comme l'homme du grand chambellan mais sans imputer à l'un et à l'autre cousin de mauvaises intentions contre Jeanne d'Arc<ref name="Bourdeaut 69-70" />.
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Par ailleurs, la présence attestée de Gilles de Rais le {{date-|26 décembre 1430}} à [[Louviers]], ville sise à sept lieues (environ {{unité|28|kilomètres}}) de Rouen où Jeanne d'Arc était alors détenue prisonnière, a parfois été interprétée comme une velléité de libérer la Pucelle<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=102-104}}.</ref>. Il ne s'agit que d'une hypothèse<ref name="bourdeault1924" /> et, au demeurant, une telle tentative ne semble pas avoir eu lieu<ref>{{harvsp|Gauvard|2020|p=22}}.</ref>.
 
Quant à l'épisode des relations de Gilles de Rais avec [[Jeanne des Armoises]], il demeure {{citation|mal documenté et difficile à interpréter}}, précise [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]]<ref name="harvspChiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|p=12"/>. En 1439, le seigneur de Machecoul confie à l'[[Écuyer (gentilhomme)|écuyer]] [[Gascogne|gascon]] Jean de Siquenville {{citation|la charge et gouvernement des gens de guerre}} précédemment placés sous les ordres de Jeanne (ou Claude) des Armoises. Gilles promet à Siquenville le titre de capitaine du [[Le Mans|Mans]] sous réserve que l'écuyer délivre cette ville tenue par les Anglais{{note|groupe=n|Le Mans ne sera reprise aux Anglais qu'en 1448<ref>{{Article |prénom1= René |nom1= Planchenault|titre= La délivrance du Mans (janvier-mars 1448)|périodique= Revue historique et archéologique du Maine|lieu=Le Mans|éditeur= [[Société historique et archéologique du Maine]] / imprimerie Monnoyer|tome= {{LXXIX}}|année= 1923|pages= 185-202|lire en ligne= https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k426710f/f196.image}}.</ref>.}}. Arrêté ultérieurement par le [[dauphin (titre)|dauphin]] [[Louis XI|Louis]] pour faits de pillage en pays angevin et poitevin, le Gascon s'évade de prison afin d'échapper au [[Potence (pendaison)|gibet]] puis sollicite sa grâce auprès du roi {{souverain2|Charles VII (roi de France)}}<ref>{{harvsp|Quicherat|1849|p=332-334, {{nobr rom|document X}}, extrait d'une [[lettre de rémission]] datée du mois de juin 1441, [[Trésor des Chartes]]}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k131385r/f342.image}}.</ref>. De cet épisode parvenu jusqu'à nous grâce à une [[lettre de rémission]] accordée à Jean de Siquenville en {{date-|juin 1441}}, il est délicat de conclure que Gilles de Rais ait reconnu l'imposture de la fausse Jeanne en 1439, la relevant pour ce motif de son commandement au profit de l'écuyer<ref>{{Chapitre|prénom1=Dirk Arend|nom1=Berents|lien auteur1=|auteurs ouvrage=Dirk Arend Berents et Jan van Herwaarden (dir.)|titre ouvrage=Joan of Arc|sous-titre ouvrage=Reality and Myth|lieu=[[Hilversum]]|éditeur=Verloren|collection=Publicaties van de Faculteit der historische en kunstwetenschappen|numéro dans collection=12|année=1994|pages totales=127|isbn=90-6550-412-5|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=kDE54ChH_OMC&pg=PA90&lpg=PA90#v=onepage&q&f=false|titre chapitre=The Resurrection of Joan of Arc|passage=90-92}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=146}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Contamine|Bouzy|Hélary|2012|p=318}}.</ref>.
 
Enfin, le ''Mystère du siège d'Orléans'' {{incise|texte élogieux vis-à-vis de Jeanne d'Arc<ref>{{Chapitre |prénom1=Vicki L.|nom1=Hamblin|lien auteur1= |titre chapitre=Jehanne, personnage iconique dans le ''Mystère du siège d'Orléans''|sous-titre chapitre=|auteurs ouvrage=Jean-Patrice Boudet et Xavier Hélary (dir.)|titre ouvrage=Jeanne d'Arc|sous-titre ouvrage=histoire et mythes|lieu=Rennes|éditeur=[[Presses universitaires de Rennes]]|collection=Histoire|année= 2014|pages totales=292|isbn=978-2-7535-3389-9|passage=143-153}}.</ref>}} a été régulièrement associé à Gilles de Rais par plusieurs auteurs qui qualifient alternativement le baron de mécène, inspirateur ou coauteur de cette œuvre théâtrale{{note|groupe=n|[[Matei Cazacu]] croit discerner dans le ''Mystère du siège d'Orléans'' le reflet de la rivalité entre le capitaine anglais [[John Fastolf]] et Gilles de Rais<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=329, {{n.}}27}}.</ref>, interprétation contestée par [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]] qui s'appuie sur la communication de Vicki L. Hamblin au colloque « Jeanne d’Arc : Histoire et mythes » tenu à Orléans les 9-10 mai 2012<ref>[[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]]« Les Mardis de l'École des chartes », {{date-|9|avril|2013}}, {{voir en ligne|url=https://www.youtube.com/watch?v=udSJHxAPUGg#t=22m25s}}.</ref>{{,}}<ref>{{lire en ligne|url=https://www.univ-orleans.fr/sites/default/files/utilisateurs/93/documents/prog._j._darc.pdf}}.</ref>.}}. Le personnage du {{citation|mareschal de Rais}} y est dépeint comme un fidèle compagnon d'armes de Jeanne d'Arc mais il ne tient pas un rôle prépondérant et ne se distingue pas particulièrement des autres capitaines entourant l'héroïne<ref name="YELIGN" />{{,}}<ref>Michel Rousse, « Le Mystère d'Orléans », , dans {{harvsp|texte=''Cahiers Gilles de Rais'', mai 1993|id=''Cahiers Gilles de Rais'' III|p=27-31}}.</ref>{{,}}<ref name="AZGYPQ" />. En l'état, l'historien [[Philippe Contamine]] constate qu'aucun élément probant ne permet d'établir un lien entre ce [[Mystère (théâtre)|mystère]] en particulier et les activités orléanaises de Gilles de Rais en 1435<ref name="Contamine 2012 p.296-297" />.
 
=== Doutes relatifs à la culpabilité et tentatives de réhabilitation ===
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Pour [[Matei Cazacu]], ce genre de [[syllogisme]] ({{citation|L'Inquisition a persécuté des innocents. Un des juges de Gilles de Rais était inquisiteur. Donc Gilles de Rais a été la victime innocente de l'Inquisition}}) rappelle, par son absurdité, celui du logicien dans la [[pièce de théâtre|pièce]] ''[[Rhinocéros (Ionesco)|Rhinocéros]]'' d'[[Eugène Ionesco]]<ref>{{harvsp|Cazacu|2005|p=183-184}}.</ref>.
 
En 2007, Goëau-Brissonnière préface l'ouvrage de son « frère » franc-maçon Bayard<ref>Jean-Pierre Bayard, ''Plaidoyer pour Gilles de Rais'', Éditions Dualpha, {{coll.}} « Vérités pour l'Histoire », 2007.</ref>{{,}}<ref>[http://www.gldf.org/fr/points-de-vue-initiatiques/numeros-de-pvi/91-points-de-vue-initiatiques-nd132--l-bicentenaire-du-rite-ecossais-ancien-et-accepte-r Présentation du {{n°|132}} de la revue ''Points de Vue Initiatiques''], site de la [[Grande Loge de France]].</ref> à l'occasion d'une republication chez [[Dualpha]]. Proche de l'[[extrême droite en France|extrême droite française]]<ref>{{Lien web|auteur=Martine Vandemeulebroucke|titre= L'extrême droite en un clic |url=http://archives.lesoir.be/les-livres-fachos-s-8217-achetent-en-ligne_t-20080108<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />0108-00EFFN.html|date=8 janvier <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> |site=lesoir.be |consulté le=2 février 2020}}.</ref>, cette [[maison d'édition]] {{citation|publi[e], traduit ou réédit[e] un grand nombre de textes sur les rapports politique/ésotérisme, ou sur l'interprétation ésotérique de faits politiques}}, observe le [[politologue]] [[Stéphane François]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Stéphane|nom1=François|lien auteur1=Stéphane François (politologue)|titre=Des mondes à la dérive|sous-titre=réflexions sur les liens entre l'ésotérisme et l'extrême droite|éditeur=Éditions de la Hutte|collection=Essais|lieu=Valence-d'Albigeois|année=2012|pages totales=94|passage=34-35|isbn=978-2-916123-71-4}}.</ref>.
 
=== Évocations culturelles ===
{{article_détaillé|Représentations de Gilles de Rais dans l'art et la culture}}
[[Fichier:Brevannes-messes-noires-expiation.jpg|vignette|gauche|[[Roland Brévannes]], ''L'expiation'' (série ''Les Messes noires''), Paris, Librairie des publications populaires, {{s.d.}} ([[1906 en littérature|1906]] ?). Couverture illustrée de Bluck, représentant le supplice de Gilles de Rais.]]
Le cas de Gilles de Rais n'est guère commenté avant le {{s-|XIX}}<ref>{{harvsp|Stahuljak|2018|p=180}}.</ref>. Au cours de la seconde moitié du {{s-|XV}}, le personnage se manifeste comme un cadavre pendu, consumé par un bûcher infernal et tourmenté par ses jeunes victimes dans le poème ''Le Temple de Boccace'' (vers 1465) de l'historiographe [[Georges Chastelain]]<ref>{{harvsp|Meurger|2003|p=36-37}}.</ref>. Il apparaît subséquemment en tant que compagnon d'armes de Jeanne d'Arc dans le ''Mystère du siège d'Orléans'', œuvre théâtrale composée vers 1450-1500<ref name="Gros 2002 p.708"/>. Le seigneur de Tiffauges subit ensuite une longue éclipse dans les représentations culturelles<ref name="auto-généré5">{{harvsp|Meurger|2003|p=47}}.</ref>.
[[Fichier:La Merveilleuse vie de Jeanne d'Arc - Gilles de Rais - Philippe Hériat.jpg|vignette|Gilles de Rais ([[Philippe Hériat]]) à genoux devant Jeanne d'Arc ([[Simone Genevois]]).<br>Photographie du film ''[[La Merveilleuse Vie de Jeanne d'Arc, fille de Lorraine]]'', [[1929 au cinéma|1929]].]]
Les [[Chronique médiévale|chroniques médiévales]] ne s'attardent généralement pas sur son existence, de même que les historiens régionaux de l'[[époque moderne]]. Le [[classicisme]] n'est pas porté sur ce type de personnage<ref name="=Antoine Calvet 2016 p.207"/> tandis que la [[littérature de colportage]], pourtant friande de faits-divers et récits criminels édifiants, délaisse le supplicié de Nantes. Au [[Siècle des Lumières]], puis sous la [[Révolution française]], il est mentionné succinctement par des auteurs notoires comme [[Voltaire]] {{incise|qui présente le maréchal en victime de la superstition et du fanatisme religieux<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=112}}.</ref>}} ou le [[Donatien Alphonse François de Sade|marquis de Sade]] qui le cite en exemple dans ''[[La Philosophie dans le boudoir]]'' ([[1795 en littérature|1795]]), sans ériger pour autant le grand seigneur pervers du [[pays de Retz]] en figure importante de son système philosophique<ref name="=Antoine Calvet 2016 p.207">{{Article|langue=fr|prénom1=Antoine|nom1=Calvet|titre=Petitjean, Vincent. ''Vies de Gilles de Rais''. Paris : Classiques Garnier, 2015 (« Perspectives comparatives, 35 »). 562 pp. (compte rendu) |périodique=Kritikon Litterarum |éditeur=[[Walter de Gruyter|De Gruyter]] |volume=43 |numéro=3-4 |année=2016 |pages=207 |doi=10.1515/kl-2016-0033}}.</ref>. Du reste, les pamphlets [[Révolution française|révolutionnaires]] vilipendent bien plus fréquemment le {{citation|[[Donatien Alphonse François de Sade|divin marquis]]}} que le sanglant baron médiéval comme incarnation licencieuse d'une [[Noblesse française|noblesse]] despotique abusant de ses [[Privilège (droit médiéval)|privilèges]].
 
À compter du {{s-|XIX}}, le [[folklore]] le transfigure en [[La Barbe bleue|Barbe bleue]] tandis que la littérature offre désormais un genre propice à son usage comme protagoniste, malgré le caractère indicible de ses crimes. [[Michel Meurger]] souligne ainsi que {{citation|le Gilles de Rais fictionnel est un produit du [[romantisme]]}}, notamment d'une sinistre lignée de seigneurs-brigands libertins imaginés par le [[roman gothique]] anglais, puis réécrits à l'aune du climat politique français exprimant les polémiques anti-féodales du temps<ref>{{harvsp|Meurger|2003|p name=47}}.<"auto-généré5" /ref>. Les Lettres raniment donc le pendu de [[Île de Grande Biesse|la Biesse]] pour en proposer successivement diverses facettes, depuis le maréchal à la barbe bleuâtre portraituré dans des ouvrages mineurs d'auteurs provinciaux sacrifiant au [[romantisme noir]], en passant par l'être double {{incise|{{citation|fauve}} et {{citation|esthète [[Décadentisme|décadent]]}}}} dépeint dans le roman « [[fin de siècle]] » ''[[Là-bas (roman)|Là-bas]]'' de [[Joris-Karl Huysmans]], jusqu'au {{citation|monstre sacré}} exposé dans l'essai de [[Georges Bataille]]<ref>{{harvsp|Meurger|2001|p=50-55}}.</ref> et l'[[ogre]] ambivalent de l'œuvre romanesque de [[Michel Tournier]]<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=347-400}}.</ref>. Gilles de Rais n'accède pas pour autant au rang de mythe littéraire car il demeure {{citation|un peu comme les victimes de Barbe-bleue : caché dans une chambre interdite, morbide et sombre, et visité de temps en temps par un auteur téméraire et curieux}}, selon Vincent Petitjean<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=477}}.</ref>.
 
Le [[Cinéma|septième art]] privilégie la figure du chevalier combattant aux côtés de Jeanne d'Arc dans les films consacrés à [[Jeanne d'Arc|la Pucelle]]. Les assassinats de Gilles de Rais sont donc rarement représentés à l'écran, bien que son caractère sinistre soit diversement suggéré<ref>{{harvsp|Petitjean|2016|p=449}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Hervé|nom1=Dumont|lien auteur1=Hervé Dumont|titre=Jeanne d'Arc, de l'histoire à l'écran|sous-titre=cinéma & télévision|lieu=Paris / Lausanne|éditeur=Favre / Cinémathèque suisse|année=2012|pages totales=173|isbn=978-2-8289-1270-3|passage=55}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Bill |nom1=Cassara |prénom2=Richard S. |nom2=Greene |préface=Stan Taffel |titre=Henry Brandon |sous-titre=King of the Bogeymen|éditeur=BearManor Media|lieu=Albany (Géorgie)|année=2018|pages totales=536|isbn=978-1-62933-335-9|passage=198-199}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Luc|nom1=Besson|lien auteur1=Luc Besson|titre=L'histoire de ''Jeanne d'Arc''|lieu=Neuilly|éditeur=Intervista|collection=Aventure et découverte d'un film|année=1999|pages totales=225|isbn=2-910753-08-5|passage=143 ; 174}}.</ref>. Par ailleurs, le cinéma de genre espagnol « fantaterror » produit des films fantastico-horrifiques vaguement basés sur la vie criminelle du seigneur de Tiffauges<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Xavier Aldana Reyes|titre=Spanish Gothic|sous-titre=National Identity, Collaboration and Cultural Adaptation|éditeur=[[Palgrave Macmillan]]|collection=Palgrave Gothic|année=2017|pages totales=241|passage=28|isbn=978-1-137-30600-5}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre |langue=fr |auteur1=Sergi Ramos Alquezar|titre chapitre=Le fantastique espagnol, une approche historique du genre|auteurs ouvrage=Marie-Solelad Rodriguez (dir.)|titre ouvrage=Le fantastique dans le cinéma espagnol contemporain|lieu=Paris |éditeur=Presses Sorbonne Nouvelle |collection=Monde hispanophone |année=2011 |pages totales=184 |isbn=978-2-87854-501-2 |passage=33-50 |lire en ligne=https://books.openedition.org/psn/1928}}.</ref>.
 
Enfin, la bande dessinée {{incise|notamment la série [[bande dessinée historique|historique]] [[Bande dessinée franco-belge|franco-belge]] ''[[Jhen]]''<ref>{{Article |prénom1=Marie-Madeleine|nom1=Castellani|lien auteur1= |titre=Les figures du Mal dans la bande dessinée ''Jhen''|périodique=[[Cahiers de recherches médiévales et humanistes|Cahiers de recherches médiévales]] |numéro=2|titre numéro= Regards sur le Moyen Âge|lieu=|éditeur=|année=1996|pages=167-177|lire en ligne=http://crm.revues.org/2502}}.</ref>}}, le [[manga]]<ref>{{article|langue=fr| auteur1=Romain Chappuis | titre= La japonité selon Jeanne d'Arc | sous-titre= mythes et récits occidentaux dans le manga et l’''anime'' | périodique=Critique internationale |numéro=38 |titre numéro=Les chemins de la globalisation culturelle |année= <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> |passage=63 | lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />-1.htm}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=es| auteur1=Claudia Bonillo Fernández | titre= Personajes legendarios en un mundo globalizado| sous-titre=las relaciones interculturales de la mano del manga ''Drifters'' | périodique=Neuróptica: Estudios sobre el cómic |numéro=1 |lieu=Saragosse |éditeur=Prensas de la Universidad de Zaragoza |année= 2019 |passage=165-166 | lire en ligne=https://dialnet.unirioja.es/servlet/articulo?codigo=7358031}}.</ref> et la « [[anime|japanimation]] »<ref>{{Ouvrage|langue=ja|titre=Fate / world guide|lieu=|éditeur=Kadokawa Comics A|année=2011|pages totales=200|isbn=978-4-04-715783-5|passage=76-77 ; 132}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=ja|titre=Fate/Zero Anime Visual Guide|lieu=|éditeur=Kadokawa Shoten|année=2012|pages totales=176|isbn=978-4-04-110129-2|passage=22-25}}.</ref> illustrent à leur tour des visions contemporaines du maréchal sanguinaire.
{{clr}}
 
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* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Jacques |nom1=Bressler |titre=Gilles de Rais ou La passion du défi |éditeur=Payot |lieu=Paris |année=1981 |pages totales=211 |isbn=2-228-70290-0}}.
* {{Ouvrage|prénom1=Matei|nom1=Cazacu|lien auteur1=Matei Cazacu|titre=Gilles de Rais|éditeur=Tallandier|lieu=Paris|année=2005|pages totales=384|isbn=2-84734-227-3|présentation en ligne=https://www.lhistoire.fr/gilles-de-rais}}. {{commentaire biblio|Réédition : {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Matei|nom1=Cazacu|lien auteur1=Matei Cazacu|titre=Gilles de Rais|éditeur=Tallandier|collection=Texto|lieu=Paris|année=2012|pages totales=387|format livre=poche|isbn=978-2-84734-896-5}}.}}
* {{article|id= <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" /> : Gilles, la vérité, l'histoire| prénom1=Jacques |nom1=<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|lien auteur1=Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />| titre= Gilles, la vérité, l'histoire | sous-titre= un médiéviste et le procès du sire de Rais| périodique = Cahiers Gilles de Rais|volume= 3| mois=mai | année= 1993|lieu= Nantes|éditeur= [[Éditions Joca Seria]] | passage= 9-21|isbn= 2-908929-15-5 }}.
* {{Article|prénom1=Jacques|nom1=<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|lien auteur1= Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|titre=Gilles de Rais, un serial killer pédophile ? Note sur les lectures d'un procès célèbre depuis 1440 et sur son actualité supposée|périodique=Actes du colloque sur la pédophilie organisé par le tribunal de grande instance de Créteil (décembre 1997)|numéro=|année=1998|lieu=Paris|éditeur= |pages=}}.
* {{article| prénom1=Jacques |nom1=<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|lien auteur1=Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />| titre = Gilles de Rais, ogre ou serial killer ? | périodique = [[L'Histoire]]|numéro = 335| mois=octobre | année = <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />| passage = 8-16 |lire en ligne= https://www.lhistoire.fr/gilles-de-rais-ogre-ou-serial-killer}}.
* {{Chapitre|prénom1=Jacques|nom1=<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|lien auteur1=Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|titre chapitre=Préface|auteurs ouvrage=[[Eugène Bossard (abbé)|Eugène Bossard]]|titre ouvrage=Gilles de Rais|lieu=Paris|éditeur=[[Nouveau Monde (entreprise)|Nouveau Monde Éditions]]|collection=Chronos|année= 2018|pages totales=493|isbn=978-2-36942-611-0|passage=7-16}}.
* {{Article |langue=en|prénom1=Peter |nom1= Christensen|lien auteur1= |titre= Really Queer or Just Criminally Insane ? Novelists Confronts Gilles de Rais|périodique= The Year's Work in Medievalism|lieu= [[Eugene (Oregon)]]|éditeur=Wipf and Stock Publishers |volume= 20-21|année= 2005-2006|pages=34-53|isbn= 1-55635-530-0}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Collectif|titre=Cahiers Gilles de Rais|volume=1|éditeur=[[Éditions Joca Seria]]|lieu=Nantes|année=1992|mois=juin|pages totales=58|isbn=2-908929-05-8|id=''Cahiers Gilles de Rais'' I}}.
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* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Boris|nom1=Bove|lien auteur1=Boris Bove|titre=Le temps de la guerre de Cent ans|sous-titre=1328-1453|éditeur=Belin|collection=Histoire de France|lieu=Paris|année=2009|pages totales=669|isbn=978-2-7011-3361-4|présentation en ligne=http://www.editions-belin.com/ewb_pages/f/fiche-article-le-temps-de-la-guerre-de-cent-ans-1328-1453-13787.php}}.
* {{Chapitre|prénom1=Jean-Christophe|nom1=Cassard|lien auteur1= Jean-Christophe Cassard|titre chapitre=René d'Anjou et la Bretagne|sous-titre chapitre=un roi pour cinq ducs|auteurs ouvrage=Jean-Michel Matz et [[Noël-Yves Tonnerre]] (dir.)|titre ouvrage=René d'Anjou (1409-1480). Pouvoirs et gouvernement|sous-titre ouvrage=[actes du colloque international, Angers, 26-28 novembre 2009]|lieu=Rennes|éditeur=[[Presses universitaires de Rennes]]|collection=Histoire|année= 2011|pages totales=400|isbn=978-2-7535-1702-8|passage=249-267}}.
* {{Article|prénom1= Jacques|nom1= <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|lien auteur1= Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|titre= Dire l'indicible |sous-titre= remarques sur la catégorie du ''nefandum'' du {{s mini-|XII}} au {{s-|XV}}|périodique= [[Annales. Histoire, Sciences sociales|Annales. Économies, Sociétés, Civilisations]]|lieu= {{45e}} année|éditeur= |numéro= 2|mois= mars-avril|année= 1990|pages= 289-324|lire en ligne= http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1990_num_45_2_278838}}.
* {{Article|prénom1= Jacques|nom1= <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|lien auteur1= Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|titre= Jeanne devant ses juges|sous-titre= (entretien)|périodique=[[L'Histoire]]|lieu= |éditeur= |numéro= 210 |mois= mai|année= 1997|pages= 40-45}}.
* {{Chapitre|prénom1=Jacques|nom1=<ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|lien auteur1=Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|titre chapitre=L'hérésie de Jeanne|sous-titre chapitre=note sur les qualifications dans le procès de Rouen|auteurs ouvrage=Jean-Patrice Boudet et [[Xavier Hélary]] (dir.)|titre ouvrage=Jeanne d'Arc|sous-titre ouvrage=histoire et mythes|lieu=Rennes|éditeur=[[Presses universitaires de Rennes]]|collection=Histoire|année= 2014|pages totales=292|isbn=978-2-7535-3389-9|passage=13-55}}.
* {{Article|prénom1= René|nom1= Cintré|lien auteur1= |titre= Un exemple de contestation péagère au {{s-|XV}} |sous-titre= le péage de Champtocé sur Loire, d'après le procès de 1412-1414|périodique= [[Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest]]|lieu= |éditeur= |tome= 92|numéro= 1|année= 1985|pages= 13-25|lire en ligne= http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1985_num_92_1_3178}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=René|nom1=Cintré|titre=Les marches de Bretagne au Moyen Âge|sous-titre=économie, guerre et société en pays de frontière, {{s mini-|XIV}} et {{s-|XV}}s|éditeur=Éditions Jean-Marie Pierre|lieu=Pornichet|année=1992|pages totales=238|isbn=2-903999-11-2}}.
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* {{Article|prénom1= Pierre-Roger|nom1= Gaussin|lien auteur1= |titre= Les conseillers de {{souverain-|Charles VII}} (1418-1461)|sous-titre= essai de politologie historique|périodique= [[Francia (revue)|Francia]]|lieu= Munich|éditeur= Artemis-Verlag |volume=10|année= 1982|pages= 67-130|lire en ligne= http://francia.digitale-sammlungen.de/Blatt_bsb00016285,00081.html}}.
* {{Chapitre|prénom1=Vicki L.|nom1=Hamblin|lien auteur1= |titre chapitre=Jehanne, personnage iconique dans le ''Mystère du siège d'Orléans''|auteurs ouvrage=Jean-Patrice Boudet et Xavier Hélary (dir.)|titre ouvrage=Jeanne d'Arc|sous-titre ouvrage=histoire et mythes|lieu=Rennes|éditeur=[[Presses universitaires de Rennes]]|collection=Histoire|année= 2014|pages totales=292|isbn=978-2-7535-3389-9|présentation en ligne=http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=3571|passage=143-153}}.
* {{Chapitre|prénom1=Michael|nom1=Jones|lien auteur1=Michael Jones (historien)|titre chapitre={{souverain-|Jean IV}} et le pays de Retz|sous-titre chapitre=l'exercice et les limites du pouvoir ducal à la fin du {{s-|XIV}}|titre ouvrage=Échanges et pouvoirs au pays de Retz à la fin du Moyen Âge|sous-titre ouvrage=Le printemps de l'histoire, Machecoul, 14 avril 2007, les actes du Colloque / [organisé par la] Société des historiens du pays de Retz|lieu=La Bernerie-en-Retz|éditeur=Société des historiens du pays de Retz|année= <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|pages totales=64|passage=31-41}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean|nom1=Kerhervé|lien auteur1=Jean Kerhervé|titre=L'État breton aux {{s mini-|XIV}} et {{s-|XV}}s|sous-titre=les ducs, l'argent et les hommes|volume=1 et 2|éditeur=Éditions Maloine|lieu=Paris|année=1987|pages totales=1078|isbn=2-224-01703-0|isbn2=2-224-01704-9|présentation en ligne=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1990_num_45_1_278830_t1_0207_0000_004}}.
* {{Ouvrage|prénom1=George Akenhead|nom1=Knowlson|titre={{souverain-|Jean V}}, duc de Bretagne et l'Angleterre (1399-1442)|éditeur=W. Heffer & Sons ltd / Librairie de Bretagne Yves Durand-Noël|collection=Archives historiques de Bretagne|lieu=Cambridge / Rennes|numéro dans collection=2|année=1964|pages totales={{XII}}-192|présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/annor_0003-4134_1967_num_17_1_5629}}, {{lire en ligne|lien=http://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1964_num_122_1_449678_t1_0338_0000_2|texte=présentation en ligne}}, {{lire en ligne|lien=http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1970_num_25_1_422208_t1_0212_0000_3|texte=présentation en ligne}}, {{lire en ligne|lien=http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid=7744320&fileId=S003871340017753X|texte=présentation en ligne}}.
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* {{Article|prénom1= Yves-Henri|nom1= Nouailhat|lien auteur1= |titre= Les revenus des seigneurs de Rays au Moyen Âge|périodique= La revue du Bas-Poitou et des provinces de l'Ouest|lieu= Fontenay-le-Comte|éditeur= Société des amis du Bas-Poutou|numéro= 2, {{75e}} année|mois=mars-avril|année= 1964|pages= 114-126|lire en ligne=http://www.archinoe.fr/cg85/visu_affiche.php?PHPSID=0b889901b9ea0a753c1b47f94d1701f5&param=visu1&page=16}}.
* {{Article|prénom1= Georges|nom1= Peyronnet|lien auteur1= |titre=Les complots de Louis d'Amboise contre {{souverain-|Charles VII}} (1428-1431)|sous-titre=un aspect des rivalités entre lignages féodaux en France au temps de Jeanne d'Arc |périodique= [[Bibliothèque de l'École des chartes]]|lieu= Paris / Genève|éditeur= [[Librairie Droz]]|tome= 142|mois=janvier-juin|année= 1984|pages= 115-135|lire en ligne= http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1984_num_142_1_450331}}.
* {{Chapitre|prénom1=Gildas|nom1=Salaün|lien auteur1=|titre chapitre=Sceaux médiévaux liés au pays de Retz, conservés au musée départemental Dobrée|titre ouvrage=Échanges et pouvoirs au pays de Retz à la fin du Moyen Âge|sous-titre ouvrage=Le printemps de l'histoire, Machecoul, 14 avril 2007, les actes du Colloque / [organisé par la] Société des historiens du pays de Retz|lieu=La Bernerie-en-Retz|éditeur=Société des historiens du pays de Retz|année= <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />|pages totales=64|passage=57-63}}.
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* ''[[Les Lundis de l'Histoire]]'' par [[Jacques Le Goff]], « À propos de : ''Gilles de Rais'', Éditions Tallandier (2005), de Matei Cazacu », {{date-|23 janvier 2006}}, 58:52. Invités : [[Matei Cazacu]], [[Jacques Berlioz (historien)|Jacques Berlioz]], [https://podcloud.fr/podcast/les-lundis-de-lhistoire/episode/gilles-de-rais].
* Débat avec [[Jacques <ref name="Chiffoleau 2008 p.12" />]] autour de ''Gilles de Rais'', livre de [[Matei Cazacu]], dans le cadre du cycle « Les Mardis de l'[[École nationale des chartes|École des chartes]] », {{date-|9|avril|2013}}, {{voir en ligne|url=https://www.youtube.com/watch?v=udSJHxAPUGg#t=1h30m17s}}.
* [[Claude Gauvard]], « L'affaire Gilles de Rais », colloque ''La justice entre mémoire et oubli'', [[Cour de cassation (France)|Cour de cassation]], {{date-|8 mars 2021}}, {{voir en ligne|url=https://www.youtube.com/watch?v=T3Y7O8Tq85A}}.
 
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