« Deux vérités (bouddhisme) » : différence entre les versions
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{{Voir homonyme|Les Deux Vérités (film)}}
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{{Travail inédit|date=octobre 2022}}
La doctrine ou notion de '''deux Vérités''' ou de '''Vérité double''' fait référence à la distinction de deux registres de [[vérité]] correspondant à deux niveaux de [[réalité]]. Cette notion, ancienne dans la spiritualité orientale, est devenue un élément essentiel de la [[Bouddhisme|doctrine bouddhique]], particulièrement pour l'école [[Madhyamaka]].
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{{citation bloc|C'est en prenant appui sur les deux Vérités que les Buddha enseignent la Loi, d'une part la Vérité conventionnelle et mondaine, d'autre part la Vérité de sens ultime<ref name=NAG306NAG>{{harvsp|texte=Nagarjuna|loc=Stance XXIV, 88|pages=306|id=NAGAR}}</ref>|Nagarjuna|Stance XXIV,8|style=align}}
Elle acquiert alors un rôle décisif dans le [[Bouddhisme mahāyāna|Mahayana]] et surtout dans le [[Madhyamaka]]<ref name=BUGIND4647/> où elle occupe une place spéciale. Les textes bouddhiques relatifs à cette distinction sont parfois proches de leurs origines védantiques ou védiques, mais plus par leur teneur littérale (on rencontre souvent des analogies dans les exemples) que dans le système doctrinal<ref
=== Fondements et motivations ===
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Ces constructions imaginaires sont cependant utiles au niveau pragmatique et {{citation|le Bouddha crut devoir, en s'inspirant d'une conception vulgaire et contingente [''saṃvṛti-satya''] (...) ne point renoncer à la tradition verbale ni, comme pis-aller, à la lettre écrite}}<ref name=LHASA24>{{harvsp|texte=P. Demiéville|loc=Préface de la ratification des vrais principes|page=24 et n5|id=LHASA}}</ref>. Du fait qu'il enseignait à des hommes, le Bouddha devait avant tout prendre en compte leurs limitations afin de pouvoir communiquer son « illumination ». Il n'accepta cependant le fondement dualiste et dialectique de la pensée que moyennant que fut reconnue la nature relative, donc non ultime, de toute pensée humaine<ref name=HERNE349>{{harvsp|texte=G. Allyn|loc=Une sotériologie positive|page=349|id=HERNE}}</ref>.
La Vérité conventionnelle et mondaine est donc d'abord l'ensemble des normes qui règlent le échanges dans la société, vérité pragmatique et codée<ref
==== Causalité et dialectique ====
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{{citation bloc|[''Le paramartha''] Réalité absolue, parce qu'elle est une réalité, et qu'elle est la plus haute. Elle est en même temps ''vérité'' : Vérité absolue. Il y a ici coïncidence parfaite entre la connaissance et son objet, ou plutôt entre l'intuition et la non-saisie d'aucun objet. L'absolu et la connaissance ne font qu'un, parce que l'absolu est cette connaissance, et le paramartha n'est pas Réalité ultime, mais ''sens'' ultime <ref name=VIE109113/>.|Ludovic Viévard|Vacuité et compassion dans le bouddhisme Madhyamaka}}
Les deux traductions sont utilisées dans la littérature mais orientent la réflexion dans des dimensions différentes et complémentaires
=== Intellection : Vérité ultime ===
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[[Patrick Carré]] relève cependant une approche plus positive de la part de l'École tibétaine [[shentong]] Kagyu selon laquelle la Sagesse est d'une nature bien réelle possédant des qualités intrinsèques qui ne fait cependant pas l'objet d'une connaissance analytique juste mais uniquement d'une perception directe. Dans cette conception, les enseignements sur la Vérité ultime sont de sens définitif, et ne sont donc pas vacuité<ref>{{harvsp|texte=P. Carré|loc=Avant-propos|pages=28-29|id=MAIT}}</ref>.
Cette section présente {{citation nécessaire|une vue de l'approche par l' ''intellection''
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Dans la logique indienne, toutes les représentations, caractères, catégories, sont des formes générales, imaginaires, irréelles, factices, des objets du réel<ref>{{harvsp|texte=Th. Stcherbatsky|loc=Essence particulière et essence générale|pages=116|id=STCHER}}</ref>. Selon [[Dignāga]] (école Nyaya, Inde, {{s-|VI}}) c'est l'efficience qui caractérise le réel, le point-instant étant le seul réel de façon ''ultime'' car l'image mentale n'a pas d'efficience propre<ref name=IC280282>{{harvsp|texte=L. Silburn|loc=Sautrantika et logiciens|pages=280-282|id=IC}}</ref>.
Le Madhyamika est radical : {{citation|comprendre le sens ultime c'est comprendre qu'il n'y a rien à comprendre}} mais le Yogacara et les mystiques considèrent que le « silence des saints »{{note|nom=SILENCE|groupe=n}} est comme une compréhension par intuition, intuition de quelque chose mais incommunicable, proche du Brahman<ref name=BUGNOT193194>{{harvsp|texte=G. Bugault|loc=Madhyamika et Yogacara|pages=193-194
T. Yamauchi définit la ''Vérité ''absolue par rapport une ''Réalité'' absolue, mais cette notion de « Réalité absolue » comporte encore une dimension d'objet avec une notion de sacré (au sens étymologique du sanskrit), ce que les Madhyamika reprochent au Vijnanavada et Yogacara parce qu'elle les rapproche de l'ontologie brahmanique (l'Absolu du [[Brahman]])<ref name=BUGNOT193194/>.
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En sanskrit, le terme ''ultime'' renvoie au champ sémantique de l' ''absolu'' défini comme étant la véritable nature des choses, le fait pour les choses d'être ainsi, leur ''ainsité'', leur ''siccéité''. Les termes du sanskrit renvoyant au champ sémantique de l'absolu sont nombreux et ''vacuité'' et ''absolu'' sont ramenés l'un à l'autre par une chaîne de synonymes<ref name=VIE109113/>{{,}}{{note|groupe=n|texte={{langue|sa|texte=dharmata}} - {{langue|sa|texte=svabhava}} - {{langue|sa|texte=praktri}} - {{langue|sa|texte=sunyata}} - {{langue|sa|texte=naihsvabhavya}} - {{langue|sa|texte=thatata}}}}.
Alors que dans la pensée indienne la « Vérité ultime » ''est'' la connaissance de la Réalité absolue, de la « Réalité vraie »<ref name=CHENET139/>, {{citation nécessaire|la notion bouddhique de « Sens ultime » fait au contraire référence à une signification, « dernier mot des choses » ''avant ''le « silence des saints »{{note|groupe=n|nom=SILENCE|texte=On trouve indifféremment
{{citation nécessaire|L'utilisation bouddhique du terme (« absolu ») ne se justifie que par son efficacité : il ne s'agit que d'une notion thérapeutique}}, et il n'y correspond {{citation|aucun objet stable qui puisse porter le monde, point d'Archimède de l'ontologie}} : l'
▲{{citation nécessaire|L'utilisation bouddhique du terme (« absolu ») ne se justifie que par son efficacité : il ne s'agit que d'une notion thérapeutique}}, et il n'y correspond {{citation|aucun objet stable qui puisse porter le monde, point d'Archimède de l'ontologie}} : l' ''absolu'' ne correspond à aucun ''Absolu''<ref name=VIE109113/>. Pour la Voie du Milieu, il n'y a ni Réalité absolue ni connaissance qui représenterait un point d'appui<ref name=BUGNOT230/>.
===== Vérité ultime et Nirvana =====
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Cette dialectique du Madhyamika, abolitive (il n'y a finalement rien à supprimer puisque rien n'existe réellement, et les Quatre nobles vérités sont elles-mêmes vacuité<ref>{{harvsp|texte=N. Huaijin|loc=Vie et mort sont vacuité|pages=133|id=DESPEUX}}</ref>) confère à la Vérité ultime un caractère métalinguistique{{note|groupe=n|texte=D. S. Ruegg met le premier en évidence ce caractère métalinguistique, repris ensuite par G. Bugault puis L. Viévard}} : elle ne concerne pas une action sur le monde mais une réforme de la pensée<ref>{{harvsp|texte=L. Viévard|loc=De la nescience à la mescience|pages=100|id=VIEVARD}}</ref>. La valeur virtuellement métalinguistique, i.e. sans signifié objectif et substantiel, correspond à une fonction d' ''indication'' pour un objet impensable et inexprimable<ref name=RUEGG1/>, et c'est toute la dialectique de Nagarjuna, selon laquelle la vérité mondaine est un point d'appui pour réaliser la Vérité ultime, qui doit être comprise comme un métalangage<ref name=BUGIND318>{{harvsp|texte=G. Bugault|loc=Philosophie comparée|pages=318-319|id=BUGIND}}</ref>.
{{refnec|L'enseignement du Madhyamika n'ayant de valeur que thérapeutique, s'interroger sur la vérité ou la fausseté n'a de sens que pour la portée sotériologique de ces notions
{{citation bloc|Les soûtras parlent selon le cœur des êtres, et ce n'est pas la réelle vérité que leurs mots véhiculent (...) Les textes sont censés recourir aux fictions des sots pour ne pas les décourager, si bien qu'ils n'exposent pas dans sa réelle vérité l'objet de la réalisation de la sublime sagesse. C'est pourquoi il faut suivre ce que les enseignements ''signifient'' sans s'attacher à ce qu'ils disent<ref>{{harvsp|texte=Lankavatara|loc=Compendium de tous les enseignements, II-28|page=106|id=LANKA}}</ref>{{,}}{{note|groupe=n|texte=[[Patrick Carré]], traducteur, précise dans une note que cela ne signifie ni « s'attacher aux enseignements et non à la lettre », ni « suivre ce que les enseignements disent et non comment ils le disent »}}|Lankavatara soûtra|II, 28}}
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=== Réalisation : Sens Suprême ===
{{Exergue|width=55%|Celui qui voit le réel montre aux êtres leur essence de Vainqueurs<ref>{{harvsp|texte=Maitreya|loc=La quintessence des [[Tathāgata|tathagatas]] I,45|page=155|id=MAIT}}</ref>|Maitreya - ''La quintessence des tathagatas''}}
L'approche en tant que Sens Suprême,
{{citation nécessaire|Dans cette acception,
Le terme ''Sens Suprême '' est donc la désignation d'une approche de la ''Vérité de Sens ultime'' en trois composantes unifiées avec le Fruit, et le RGVV{{note|groupe=n|nom=RGVV}} précise les relations entre ces trois éléments :
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: Une ligne de partage entre les deux Vérités peut être envisagée en les considérant comme deux registres : {{citation|d'un côté un code opérationnel et pragmatique réglant les transactions de la vie courante ; de l'autre une vérité nue, vécue et non plus représentée, existentielle et non plus symbolique}}<ref name=BUGIND318/> ou encore selon leur valeur sotériologique {{citation|L'ascète, après avoir compris que la Vérité de surface est édifiée par la seule ignorance et n'existe pas en elle-même, en reconnaît la vacuité en tant que Réalité absolue}}.
:Le Védanta accorde cependant une valeur positive de délivrance à la Vérité mondaine, par une conquête personnelle et volontaire mais qui reconnaît sa Vérité relative, en
:T. Yamauchi préfère ne pas établir de hiérarchie suivant en cela l'[[Abhidhamma]] mais concède que rien n'empêche de considérer que la vacuité au Sens Suprème se place au-dessus de celui du profane<ref name=Y225228/>.
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