« Gudea » : différence entre les versions

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{{Infobox Personnalité politique
| charte = monarque
| nom ctftgyx = Gudea
| image = Gudea of Lagash Girsu.jpg
| taille image =
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En quantité, la documentation sur Gudea est pléthorique : en 2000, C. Suter identifiait la bagatelle de {{formatnum:2445}} objets portant une inscription cunéiforme dont il est le commanditaire{{sfn|Suter|2000|p=29}}, corpus qui a augmenté depuis, notamment à la suite de la reprise des fouilles des sites de l'ancien royaume de [[Lagash]]<ref>Par exemple {{Article|langue=en|auteur= Davide Nadali, Andrea Polcaro et Lorenzo Verderame|titre=New Inscriptions of Gudea from Tell Surghul/Niĝin, Iraq|périodique= Zeitschrift für Assyriologie und vorderasiatische Archäologie|volume= 106|numéro= 1 |année= 2016 |passage= 16-21 |doi=10.1515/za-2016-0002}}.</ref>.
 
Le type d'objet le plus nombreux sontest, de très loin (plus de {{formatnum:2000}}), lesle [[Clou_de_fondation|clous de fondation]] en argile, enterré à enterrésl'origine sous lesun bâtimentsbâtiment dont ilsil commémorentcommémore la fondation. Viennent ensuite les briques estampées (plus de 200), des tablettes de fondation (une quarantaine), des figurines de fondation en cuivre reprenant la forme de clous, aussi des inscriptions sur des têtes de massue, des vases en pierre, et des statues et des stèles{{sfn|Suter|2000|p=29}}. La grande majorité (plus de {{formatnum:1800}}) provient du site de Tello, l'antique [[Girsu]], quelques dizaines des deux autres sites majeurs du royaume, Zurghul (Nigin/Nina) et al-Hiba (Lagash), beaucoup (plus de 500) ayant une provenance exacte inconnue car ils sont issus de fouilles clandestines{{sfn|Suter|2000|p=30-37}}.
 
Ces objets comprennent pour la plupart de courtes inscriptions de fondation de sanctuaires, d'autres des inscriptions votives (accompagnant une offrande), celles des statues étant plus développées. Elles sont très stéréotypées et, au minimum, elles contiennent le nom de la divinité à laquelle est voué l'édifice où ont lieu les travaux, le nom de Gudea en tant que commanditaire et l'identification de l'édifice. Une même inscription est souvent recopiée sur de nombreux objets, y compris sur des supports différents : on trouve une centaine de textes différents répartis sur plus de {{formatnum:2400}} objets, certains n'étant du reste distingués que par des variantes mineures telles que l'ajout ou le retrait d'une ou deux lignes{{sfn|Suter|2000|p=39-49}}. Le texte le plus long daté du règne de Gudea est le récit de construction du temple de Ningirsu, donc une version extrêmement détaillée des inscriptions de fondation, inscrite sur deux gros cylindres en argile{{sfn|Suter|2000|p=71-75 et sq.}}. Ce texte et les autres inscriptions longues du règne de Gudea ont joué un rôle important dans la redécouverte de la langue sumérienne, notamment par les travaux de F. Thureau-Dangin (''Inscriptions de Sumer et d'Akkad'', 1905) et d'A. Falkenstein (''Grammatik der Spräche des Gudea von Lagasch'', 1949-50).
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[[Fichier:Gudea dedication tablet (name and title).jpg|thumb|left|Détail d'une tablette de fondation, avec copie en graphie normalisée : « Gudea, ensí de Lagash » <small>(dans le sens de lecture de l'époque : de haut en bas dans une case et de droite à gauche sur la rangée de cases)</small>.]]
 
La seconde dynastie de Lagash (ou Lagash II) dont fait partie Gudea est fondée dans des circonstances indéterminées lors de l'effondrement de l'[[empire d'Akkad]] par un certain Puzur-Mama. Il prend le titre d'<tt>ensí</tt> (souvent traduit par « vicaire »), qui désignait les souverains de Lagash à l'époque des dynasties archaïques (avant la conquête akkadienne) et qui était employé à l'époque d'Akkad pour désigner les gouverneurs, le titre des rois étant <tt>lugal</tt>. Ses successeurs, Gudea compris, font de même. Le véritable fondateur de ce nouveau royaume de Lagash est [[Ur-Ningirsu]], contemporain des derniers rois d'Akkad, et lui succèdent un nombre indéterminé de souverains, surtout connus par des inscriptions de fondation. Il ne s'agit pas d'une dynastie à proprement parler, puisqu'ils ne sont probablement pas tous apparentés{{sfn|Lafont|2017|p=194-195}}. Leurs inscriptions mentionnent rarement leur filiation{{sfn|Suter|2000|p=15}}. Néanmoins concernant Gudea la situation est assez claire : il est le gendre de son prédécesseur Ur-Baba, tandisaprès queson mariage avec sa fille Ninalla ; son fils Ur-Ningirsu (II) et Pirigme règnentrègne après lui{{sfn|Suter|2000|p=16}}.
 
Gudea règne en souverain indépendant sur Lagash et sa région, un territoire qui s'étend au sud-est du pays de Sumer, au sud de la cité d'[[Umma (Sumer)|Umma]] et jusqu'au bord du golfe Persique, frontalier à l'est des pays de la sphère [[élam]]ite, et à l'ouest d'autres cités sumériennes (Larsa, Uruk et Ur pour les plus notables). En plus de sa ville éponyme, Lagash (actuel site de Al-Hiba), le royaume de Lagash comprend une autre ville majeure, Girsu (Tello), au nord, qui lui sert peut-être de véritable « capitale », en tout cas le lieu de provenance de la majeure partie de la documentation sur la période de Lagash II. Au sud de la ville de Lagash se trouve une autre ville importante, Nigin (ou Nina, site de Zurghul). L'extrémité sud du royaume, sur le littoral du golfe Persique, comprend le port principal de la région, Gu-abba (le « Bord de la Mer » ; localisation exacte inconnue). C'est une région riche grâce à ses ressources agricoles et maritimes, ainsi que sa situation sur d'importantes routes commerciales. Au temps de la domination d'Akkad, c'était une des provinces les plus importantes de l'empire, et il en va de même sous la troisième dynastie d'Ur. Bien que la situation économique du temps de Gudea soit peu documentée, il est très probable qu'il soit à la tête d'un royaume prospère{{sfn|Suter|2000|p=26-27}}{{,}}{{sfn|Suter|2012|p=59}}.
 
La documentation administrative de l'époque de Lagash II, qui date majoritairementprincipalement des règnes de Gudea et de son successeur Ur-Ningirsu II, est majoritairement de nature administrative. Comme souvent pour les périodes anciennes de l'histoire mésopotamienne, elle documente essentiellement la circulation de biens, notamment les dépenses (<tt>zi-ga</tt>) et la gestion de personnel, permet d'entrevoir certains des personnages jouant un rôle important dans l'administration de l'époque. Selon M. Maiocchi et G. Visicato, elles donnent l'image générale d'{{citation|un système urbain fortement centralisé, tournant autour du dirigeant local et des institutions qui sont sous son autorité. Le réseau dense des tissusconfigurations administratifsadministratives émergeant au sein de la famille royale et de son entourage (ministres, échanson, scribes, « capitaines », superviseurs, administrateurs, etc.) plaide en faveur d'un système mature, similaire à l'administration sargonique et à celle d'Ur III<ref>{{citation étrangère|langue=en|the emerging picture shows a highly centralised urban system, rotating around the local ruler and the institutions under his authority. The dense network of administrative patterns emerging within the royal family and its entourage (ministers, cupbearers, scribes, ‘captains’, supervisors, administrators, etc.) speaks for a mature system, similar to Sargonic and Ur III administration.}} : {{harvsp|Maiocchi|Visicato|2020|p=50}}.</ref>.}}
 
=== Contexte géopolitique et sphère d'influence ===
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[[Fichier:Foundation peg from the temple of goddess Nanshe at Sirara, rebuilt by Gudea. Bull calf in reed marsh. Circa 2130 BCE. Probably from Sirara, Iraq. The British Museum, London.jpg|thumb|Clou de fondation surmonté d'une figurine d'un veau dans des marécages, commémorant la restauration par Gudea du temple de la déesse [[Nanshe]]. [[British Museum]].]]
 
Roi pieux et roi bâtisseur, Gudea a entrepris de nombreuses réalisations visant à développer le culte des dieux de son royaume, depuis les offrandes quotidiennes jusqu'aux édifices de leurs sanctuaires. L'essentiel des sources de son règne commémorent cette activité et mettent en avant les liens du roi avec la sphère divine. Le panthéon du royaume de Lagash a un aspect local très prononcé : il est dominé par son dieu tutélaire, [[Ningirsu]], et les membres de sa famille, notamment son épouse Baba (ou Ba'u), leur fils Shulshaga, sa sœur [[Nanshe]], la déesse Gatumdug, tout en intégrant des divinités communes aux autres pays sumériens, en premier lieu [[Inanna]] et [[Nisaba]]. Gudea s'intègre dans ce contexte, tout en y apportant quelques modifications, probablement liés à sa volonté de consolider sa prise de pouvoir. Ningirsu reste le dieu primordial, qui fait l'objet du plus d'attentions. Le culte de son épouse Baba est également soutenu. Il se prévaut de deux mères divines : la locale Gatumdug, mais aussi la déesse [[Ninsun]], originaire d'[[Uruk]] (où elle est considérée comme la mère du roi-héros Gilgamesh). L'autre grande déesse de Lagash, Nanshe, est présentée comme proche du roi. L'évolution la plus notable est la promotion de Ningishzida, jusqu'alors peu vénéré à Lagash, comme dieu personnel de Gudea, aux côtés de la déesse Geshtinanna qui est alors considérée comme son épouse. Par lale biais des relations de parenté de ces différentes divinités, Gudea se relie aussi à deux grandes figures du panthéon sumérien : le roi des dieux [[Enlil]], père de Ningirsu, et le dieu sage [[Ea (divinité)|Enki]], père (ou frère) de Nanshe{{sfn|Suter|2015|p=506}}. Ces liens ressortent par exemple dans l'inscription de la statue D :
 
{{citation bloc|Gudea, ensí de Lagash, celui dont le nom est éternel, celui qui hale la barque d'Enlil, le pasteur que Ningirsu choisit dans son cœur, l'intendant fort de Nanshe, l'homme à qui Baba tient parole, l'enfant à qui Gatumdug donna naissance, à qui Igalim conféra l'autorité et un sceptre suprême, que Shulshaga dota abondamment du souffle vital, l'homme droit que sa ville aime{{sfn|Suter|2015|p=506}}.}}
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GudeaZylinderCylindres de Gudea - Musée du Louvre Antiquités orientales AO MNB 1511 ; MNB 1512.jpg|Les Cylindres de Gudea. [[Musée du Louvre]].
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[[Ningishzida]] est le dieu personnel de Gudea, qui le présente comme « son dieu »<ref>{{Chapitre|langue=en|prénom1=Luděk |nom1=Vacín |titre=Gudea and Ning̃išzida: A Ruler and His God |auteurs ouvrage=Luděk Vacín (dir.)| titre ouvrage= U{{sub|4}} DU{{sub|11}}-GA-NI SÁ MU-NI-IB-DU{{sub|11}}: Ancient Near Eastern Studies in Memory of Blahoslav Hruška |lieu=Dresde| éditeur=ISLET|année=2011 |passage= 253-275}}.</ref>. Son culte est peu attesté à Lagash avant son règne. C'est une divinité dont le lieu de culte principal est situé dans la localité de Gishbanda, quelque part entre Lagash et Uruk, associé à la nature, à l'agriculture, au monde souterrain, aux serpents. La raison pour laquelle Gudea choisit de promouvoir le culte de cette divinité est difficile à déterminer : au-delà d'un lien personnel avec ce dieu, les motivations sont sans doute aussi politiques, peut-être y voit-il un moyen de légitimer sa montée sur le trône et la mise en place d'une nouvelle dynastie{{sfn|Vacín|2011|p=268-272}}.
 
[[Fichier:Gudea sceau Delaporte 1920 T 108.png|thumb|Copie de l'empreinte du sceau-cylindre de Gudea : Gudea (l'homme chauve au centre) est conduit par le dieu [[Ningishzida]], reconnaissable par les serpents à cornes représentés au-dessus de ses épaules, auprès d'un dieu sur un trône ([[Ea (divinité)|Enki]] ?{{sfn|Englund|1997|p=170}}).]]
 
L'intégration du dieu dans l'univers religieux de Lagash passe par la constitution de relations avec les divinités locales. Il est « marié » à Geshtinanna, qui n'est habituellement pas sa parèdre ; c'est une autre figure nouvelle dans le royaume puisqu'elle a été promue par Ur-Baba, le prédécesseur de Gudea. Il apparaît comme une figure paternelle, décisive pour le succès des accomplissements de Gudea. Le dieu sert d'intermédiaire au roi pour accéder aux autres dieux, comme l'indique l'image de son sceau-cylindre qui le représente conduit par ce dieu devant une autre divinité assise sur un trône. Il l'assiste à plusieurs reprises dans la construction de temples d'autres dieux, notamment dans le récit des Cylindres, ainsi que dans le rite de mariage entre Ningirsu et Baba{{sfn|Vacín|2011|p=258-268}}{{,}}{{sfn|Suter|2015|p=507-509}}.
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=== Corpus ===
[[Fichier:Gudea, prince de Lagash, au vase jaillissant - Musée du Louvre Antiquités orientales AO 22126 - photo 2.jpg|thumb|La statue N, ou « statue au vase jaillissant », commémorant la construction du temple de la déesse [[Geshtinanna]]. [[Musée du Louvre]]. Dégagée lors des fouilles illégales du Tell V de Tello de 19231924, elle a été acquise par un antiquaire parisien puis revendue au Louvre en 1967{{sfn|Thomas|Colonna d'Istria|2019|p=113}}.]]
 
Gudea doit avant tout sa renommée dans les études sur l'histoire et l'art antiques à ses statues. Elles sont souvent en partie détruites (beaucoup sont acéphales : la tête a disparu), seules quelques-unes étant complètes ou à peu près. Les premières connues ont été mises au jour sur le site de Tello, l'antique [[Girsu]], lors des premières campagnes de fouilles françaises qui ont eu lieu sur la période qui va de 1878 à 1909, notamment dans le palais hellénistique du Tell A où elles avaient été entreposées plusieurs siècles après la mort de Gudea (voir plus bas). Elles ont été expédiées en France et se trouvent dans les collections du musée du Louvre. D'autres ont été exhumées par des archéologues sur d'autres sites ([[Nippur]], Tell Hammam). Un bon nombre a une provenance inconnue, car elles sont issues de fouilles clandestines et ont été acquises par les institutions qui les possèdent par le biais du marché des antiquités{{sfn|Suter|2015|p=68-70}}{{,}}{{sfn|Bahrani|2017|p=141}}. Sept ou huit statues de Gudea et de son fils ont ainsi été exhumées en 1924 au sud du Tell V de Tello (l'emplacement de l'ancien sanctuaire de Ningishzida), puis sorties illégalement du pays et revendues en Occident dans des collections privées ou publiques, notamment par le biais de l'antiquaire français E. Géjou. En sont issues au moins une partie des statues M à Q, dédiées à Ningishzida ou à sa parèdre Geshtinanna{{sfn|Thomas|Colonna d'Istria|2019|p=113-114}} ; deux d'entre elles sont néanmoins soupçonnées par certains spécialistes d'être des faux fabriqués sur le modèle des statues authentiques<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur= Oscar White Muscarella|titre= Gudea or not Gudea in New York and Detroit: Ancient or Modern?|titre ouvrage= Archaeology, Artifacts and Antiquities of the Ancient Near East|lieu=Leyde|éditeur=Brill|année=2013|passage=915-929}}.</ref>.
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Du règne de Gudea date également une statue en albâtre inscrite de son épouse Ninalla debout (retrouvée sa la tête), qu'elle a vouée pour la vie de son mari<ref>{{lien web |titre=Statue |url=https://collections.louvre.fr/en/ark:/53355/cl010119602 |site=Musée du Louvre |consulté le=19-11-2023}}.</ref>. Les sculpteurs de l'époque de la seconde dynastie de Lagash (ou de celle d'Ur III) ont réalisé d'autres statues du même type, mais dont le style peut être distingué de celles représentant Gudea. Certaines sont des statues royales représentant son prédécesseur, Ur-Baba, en diorite, dans un style plus compact et linéaire, et son successeur Ur-Ningirsu II, en chlorite, avec des contours plus sinueux{{sfn|Bahrani|2017|p=140-141}}. En plus de cette statuaire royale, les ateliers lagashites ont également réalisé des statues de femmes de haut rang, la plus connue étant une statue en chlorite d'une femme à l'écharpe, les mains jointes en prière, dont il ne reste que la partie haute du corps avec la tête{{sfn|Bahrani|2017|p=148}}.
 
<gallery mode="packed" caption="Statues d'autres personnes." heights="180px">
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Le roi est représenté vêtu de la manière habituelle pour les rois de la période : avec une longue tunique à frange, dégagée sur l'épaule droite, et, quand elle est conservée, sa tête est en général coiffée d'un bonnet à rebord large (il est tête nue sur la statue S){{sfn|Suter|2000|p=57}}. Il est représenté debout (10 cas au moins) ou bien assis (7){{sfn|Suter|2000|p=58}}. Le siège sur lequel il est dans ces dernier cas semble être un marqueur de son statut royal, également représenté sur les sceaux-cylindres de l'époque d'Ur III le représentant{{sfn|Suter|2015|p=515}}. Quelques statues se singularisent par l'ajout d'un élément : une tablette et un stylet posés sur les genoux du roi sur les statues B et F le représentant en architecte, la tablette représentant le plan d'un temple sur la première, tandis qu'elle est vierge sur la seconde ; un vase aux eaux jaillissantes sur la statue N{{sfn|Suter|2000|p=58}}.
 
Grâce à l'étude conjointe des statues et des textes les accompagnant, ainsi que ceux des cylindres de Gudea, I. Winter a mis en avant diverses caractéristiques physiques du roi qui manifestent les différentes qualités que les dieux lui ont octroyéoctroyées afin qu'il soit apte à régner : {{citation|en comparant les représentations verbales du souverain avec sa représentation physique par les statues, ce qui émerge est une image homogène et cohérente dans les deux domaines - constituant ce que [[Louis Marin (philosophe)|Louis Marin]], dans son étude des images de Louis XIV de France, a qualifié de « représentations du pouvoir », engendrées et renforcées par le « pouvoir de représentation »<ref>{{citation étrangère|langue=en|By comparing the verbal representations of the ruler with his physical representation in the statues, what emerges is a consistent and coherent picture in both domains—constituting what Louis Marin, in his study of the images of Louis XIV of France, has referred to as “representations of power,” brought into being and reinforced by the “power of representation".}} : {{harvsp|Winter|2010|p=155}}.</ref>.}} Au moins cinq éléments ressortent :
* la taille : certainecertaines statues sont grandeur nature (la statue D ayant même des proportions « colossales »), la plupart sont petites mais elles ont un aspect massif, ont une épaisseur et des proportions qui semblent manifester le caractère remarquable du roi, son charisme{{sfn|Winter|2010|p=156}} ;
* le corps et la poitrine « larges » (<tt>dagal</tt>) : ils renvoient à la vitalité du roi, dont le corps peut contenir le souffle vital octroyé par les dieux{{sfn|Winter|2010|p=156-157}} ;
* le corps musclé : gage de vigueur et de force, donc du caractère « héroïque » du roi, visible avant tout dans l'épaule et le bras droit du roi qui sont généralement exposés à la vue de tous parce qu'ils ne sont pas couverts de vêtements{{sfn|Winter|2010|p=157-158}} ;
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<gallery mode="packed" caption="Le corps apte à régner et les manifestations de la piété de Gudea">
Gudea V right side.jpg|Statue V, détail : haut du corps avec épaule et bras visiblevisibles, tête recollée. [[British Museum]].
P1050590 Louvre statue de Gudea statue A detail rwk.JPG|Statue A, détail des mains jointes. [[Musée du Louvre]].
</gallery>
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| Tell Hammam
| Nanshe
| British Museum<ref>{{lien web |langue=en |titre=Statue |url=https://www.britishmuseum.org/collection/object/W_1850-1228-21 |site=The British Museum |consulté le=19-11-2023}}.</ref>
| 92988
|-
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| inconnue (fouilles clandestines) ; faux ?
| --
| British Museum<ref>{{lien web |langue=en |titre=Statue |url=https://www.britishmuseum.org/collection/object/W_1931-0711-1 |site=The British Museum |consulté le=19-11-2023}}.</ref>
| 122910
|-
Ligne 504 :
| AO 26635 + 26670
|-
| non lettrée<ref>{{lien web |titre=Statue |url=https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010119650 |site=Musée du Louvre |consulté le=19-11-2023}}.</ref>
| {{center|[[File:Gudea, Prince of Lagash 3, Paris June 2014.jpg|40px]]}}
| diorite
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| AO 20164
|-
| non lettrée<ref>{{lien web |titre=Statue |url=https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010119653 |site=Musée du Louvre |consulté le=19-11-2023}}.</ref>
| {{center|[[File:0 Gudéa, prince de l'État de Lagash - AO 29155 (1).JPG|40px]]}}
| diorite
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Les sites de la région de Lagash sont désertés au {{-s|XVIII|e}} et ne reprennent plus d'importance dans les siècles suivants. Il faut attendre le {{-s|II|e}} pour que le site de Girsu connaisse une réoccupation notable, sous la direction d'un roitelet local hellénisé nommé Adad-nadin-ahhe. Durant cette époque la région est souvent disputée entre les rois [[Séleucides]] (gréco-macédoniens) et [[Parthes]]. Adad-nadin-ahhe érige un palais sur le tell A de Tello{{sfn|Suter|2015|p=63}}.
 
C'est lors des fouilles de cet édifice que les premières statues de Gudea ont été dégagées par les archéologues (statues A à H). Sept statues avaient été disposées dans la cour principale (A) du bâtiment, regroupées en fonction de la posture du roi (trois statues du roi assis au centre, quatre du roi debout dans un angle), ainsi que des fragments de statues. Celles qui sont consacrées à [[Ningirsu]] ont été prises à proximité, le palais étant érigé à l'emplacement de l'ancien sanctuaire de ce dieu. La statue colossale (statue D), manifestement trop lourde pour être transportée, avait été laissée là où elle avait été retrouvée, dans une niche aménagée pour elle, et peut-être légèrement restaurée. D'autres statues en revanche avaient été déplacées depuis d'autres sanctuaires (Gatumdug, [[Ninhursag]], [[Inanna]]). Adad-nadin-ahhe a donc été une sorte d'« antiquaire » intéressé par le passé du site où il était installé, doublé d'un imitateur de ce dernier : il réutilise d'anciens sceaux-cylindres et statuettes pour faire des dépôts de fondation comme le faisaient les rois du passé ; des pans de murs sont restaurés et imités pour de nouvelles constructions qui reprennent le format des briques de l'époque de Gudea ; certaines briques sont estampées à son nom, comme le faisait Gudea, mais plus en sumérien car cette langue n'était alors quasiment plus comprise en dehors des cercles lettrés de quelques sanctuaires, mais en araméen et en grec<ref>{{en}} Béatrice André-Salvini, « The Rediscovery of Gudea Statuary in the Hellenistic Period », dans {{harvsp|id=MET|Aruz (dir.)|2003|p=424-425}}</ref>.
{{clr}}
 
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* {{Ouvrage|langue=en| prénom1=Claudia E.|nom1= Suter|titre=Gudea's Temple Building| sous-titre= The Representation of an Early Mesopotamian Ruler in Text and Image|lieu= Groningue|éditeur=STYX Publications| année= 2000}}
* {{Chapitre|langue=en|prénom1=Irene J.| nom1=Winter| titre=The Body of the Able Ruler: Toward an understanding of the statues of Gudea| titre ouvrage=On the art in the ancient Near East, Volume II: From the Third Millennium B.C.E.|éditeur=Brill|lieu=Leyde et Boston|année=2010 |passage= 152-165}}
* {{Chapitre|langue=en| prénom1=Claudia E.|nom1= Suter|titre=Gudea of Lagash: iconoclasmIconoclasm or Tooth of Time?|auteurs ouvrage= Natalie N. May (dir.)| titre ouvrage= iconoclasm and Text Destruction in the Ancient Near East|lieu=Chicago |éditeur=The Oriental Institute of the University of Chicago| année= 2012|passage= 57-87}}
* {{Chapitre|langue=en| prénom1=Claudia E.|nom1= Suter|titre=Gudea’s Kingship and Divinity|auteurs ouvrage= Shamir Yonah, Edward L. Greenstein, Mayer I. Gruber, Peter Machinist et Shalom M. Paul (dir.)| titre ouvrage= Marbeh Ḥokmah: Studies in the Bible and the Ancient Near East in Loving Memory of Victor Avigdor Hurowitz|lieu=Winona Lake |éditeur=Eisenbrauns| année= 2015|passage= 499-523}}
 
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* {{Dictionnaires}}
 
{{Palette|Mésopotamie}}
{{Portail|Proche-Orient ancien|Mésopotamie}}
 
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