« Mari (Syrie) » : différence entre les versions

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'''Mari''' (en arabe : mārī, {{lang|rtl|ar|مــاري}}) est une ancienne cité syro-mésopotamienne, dont l'emplacement se trouve sur le site actuel de '''Tell Hariri''' (en arabe : tall al-ḥarīrī, {{lang|rtl|ar|تل الحريري}}), situé à l'extrême sud-est de la [[Syrie]] sur le moyen [[Euphrate]], à {{unité|11|kilomètres}} d'[[Boukamal|Abou Kamal]] et à une dizaine de kilomètres de la frontière [[irak]]ienne.
 
Fondée dans les premiers temps du {{-m|III|e}} sur la rive droite de l'Euphrate et légèrement à distance du fleuve, elle se présente dès cette première période (« Ville I », c. 2900-2550 av. J.-C.) comme une ville circulaire protégée par deux enceintes. Les niveaux de cette période n'ont été atteints qu'en un nombre limité d'endroits, mais donnent l'impression d'une ville active, notamment dans l'artisanat, et bien insérée dans les réseaux d'échanges à longues distance.
 
La seconde période de Mari (« Ville II », v. 2550-23002250 av. J.-C.) débute par une refondation de la ville après un terrassement des constructions antérieures, qui reprend les éléments principaux de l'urbanisme antérieur. Plusieurs monuments majeurs sont connus pour cette période, des temples, qui ont livré un abondant matériel votif : des statuettes de personnages en prière, des fragments de gravures en coquille, des éléments de parure, des objets en métal, etc. qui témoignent de la prospérité de la ville et à nouveau de sa place importante dans les échanges à longue distance. Les fouilles des niveaux de cette période ont également mis au jour des espaces domestiques, artisanaux et commerciaux (un « Souk »). Pour les dernières décennies de la période, des documents cunéiformes provenant du site, et surtout d'un autre site syrien, [[Ebla]], indiquent que le royaume de Mari est l'un des plus puissants de la région. Cette période s'achève néanmoins par un défaite et une destruction de la ville, causées par les armées de l'[[empire d'Akkad]].
 
La troisième grande phase de l'histoire de Mari (Ville III, v. 23002250-1760 av. J.-C.) commence par la reconstruction de la ville sous la direction de monarques qui portent le titre de ''šakkanakku''. C'est durant cette période qu'est bâti le Grand Palais Royal qui est le monument le plus fameux du site. La fin du {{-s|XIX|e}} est marquée par l'arrivée de rois d'origine [[Amorrites|amorrite]] sur le trône de la ville. Cette phase qui s'étend d'environ 1810 à 1760 av. J.-C. est documentée par les milliers de tablettes mises au jour dans le palais royal, surtout des lettres et des documents administratifs, qui fournissent une grande quantité d'informations sur la société, la vie politique, diplomatique et religieuse de l'époque, ainsi que sur diverses activités qui intéressent les gestionnaires du palais qui ont écrit ces documents.
 
La ville est prise et détruite entre 1761 et 1759 av. J.-C. par les troupes du roi [[Hammurabi]] de [[Babylone]]. Elle ne redevient plus la capitale d'un royaume important et périclite, les fouilles archéologiques n'ayant révélé pour les phases postérieures à la destructions que quelques espaces domestiques et artisanaux et surtout des tombes.
 
Mari a été redécouverte par hasard en 1933 et des fouilles s'y sont déroulées d'abord par [[André Parrot]] (jusqu'en 20101974). quandL'exploitation laarchéologique crisedu syriennesite as'interrompt misen fin2010 auxavec campagnesle archéologiquesdéclenchement de la [[guerre civile syrienne]]. Dans les années qui suivent le site a subi d'importantes destructions qui ont endommagé de manière irréversible les principaux monuments antiques.
 
== Situation géographique et culturelle ==
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Un plan de sauvegarde et de restauration des monuments du site, qui subissent une érosion rapide une fois dégagés, est mis en place à partir de 1997 dans l'Enceinte sacrée puis les Grand Palais Royal, ce qui s'accompagnait d'une mise en valeur pour le tourisme (ouverture d'un centre d'accueil pour visiteurs en 2009)<ref>{{Lien web|auteur=Pascal Butterlin|titre= Conservation du site|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/mari/fr/conservation-du-site|site=Archéologie.culture.fr - Mari| date=non daté|consulté le=24 août 2023}}.</ref>.
 
Depuis 2005 l'équipe de fouilles est dirigée par Pascal Butterlin et explore jusqu'en 2010 le centre monumental et de nouveaux secteurs en périphérie de la ville. Le conflit syrien met fin aux fouilles et les travaux se poursuivent autour de l'exploitation des résultats des fouilles antérieurs dont les données sont conservées en France, y compris ceux des premières campagnes. Les dégâts majeurs que subit le site depuis 2012 (voir plus bas) font également l'objet de travaux d'expertise. En plus des destructions des bâtiments antiques, la maison de fouilles du site a été détruite, avec les archives qui y étaient conservées. Depuis 2015 le site patrimoine du Ministère de la Culture français présente au public les résultats de ces travaux<ref name="Histoire des recherches">{{Lien web|auteur=Pascal Butterlin|titre= Histoire des recherches|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/mari/fr/histoire-des-recherches-0|site=Archéologie.culture.fr - Mari| date=non daté|consulté le=23 août 2023}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=AA|Butterlin dans Archéologia|2023|p=32 et 40-41}}. Les archives scientifiques des fouilles archéologiques de Mari sont déposées au Pôle archives de la [[Maison des Sciences de l’homme Mondes]]<ref>{{Lien web |titre=Archives scientifiques des fouilles archéologiques de Mari |url=https://archives.mshmondes.cnrs.fr/index.php/mission-arch-ologique-fran-aise-de-mari-2}}</ref>.
 
La redécouverte des tablettes du palais royal de Mari, dès les débuts des fouilles et pour l'essentiel entre 1934 et 1937, puis leur traduction ont révélé un monde insoupçonné, dans une région jusqu'alors considérée comme située à l'écart de la civilisation mésopotamienne et de sa culture raffinée, et offert une grande quantité d'informations sur des sujets politiques, religieux, administratifs et autres, ainsi que des éclairages sur le contexte culturel biblique, ce qui ne manquait pas d'éveiller l'intérêt d'un public académique et cultivé{{sfn|id=SDB|Durand dans SDB|2008|loc=col. 214-215}}. Les tablettes découvertes sont alors expédiées en totalité à Paris mais restent la propriété de la Syrie, alors que le principe est celui du partage des découvertes. Après avoir été copiées et photographiées, elles ont toutes été restituées en 2005 et sont pour la plupart entreposées au musée de [[Deir ez-Zor]]. Elles n'ont pas été intégralement publiées. La publication est assurée par des équipes à Paris, d'abord dirigées par G. Dossin. En 1950 paraît le premier volume de la série des ''Archives Royales de Mari'' (''ARM''), visant à publier les tablettes issues des fouilles du palais royal<ref>{{Article| langue=fr|prénom1=Dominique| nom1= Charpin|titre= Les archives royales de Mari, 85 ans de recherche |périodique= Claroscuro. Revista del Centro de Estudios sobre Diversidad Cultura |volume=18 |numéro=2| année= 2019|passage= 1-46|lire en ligne= https://college-de-france.hal.science/hal-03022497/document}}.</ref>. G. Dossin assure la direction des travaux jusqu'en 1978 quand J.-M. Durand le remplace. Dans un premier temps, les lettres sont publiées en fonction de leurs expéditeurs, tandis que les textes administratifs étaient publiés par lieu de découverte, puis de manière thématique à l'initiative de M. Birot. Le principe des dossiers thématiques s'impose par la suite, en intégrant les études historiques (qui étaient auparavant publiées à part, dans des articles), par le biais de la série des ARM et aussi de celle intitulée ''Florilegium Marianum'' (''FM''). Les textes de Mari sont mis en ligne en transcription et traduction sur le site ARCHIBAB<ref>{{lien web |titre=ARCHIBAB |url=https://www.archibab.fr/ |site=archibab.fr |consulté le=30-10-2023}}.</ref>. Peu de synthèses générales sont consacrées au contenu de ces textes : les entrées en français sur Mari/Tell Hariri dans le ''Reallexikon der Assyriologie''{{sfn|id=RLA|Kupper dans RLA|1990|p=382-390}} et surtout le ''Supplément au Dictionnaire de la Bible''{{sfn|id=SDB|SDB|2008|loc=col. 213-456}}, et des anthologies de lettres avec commentaires (en français par J.-M. Durand{{sfn|id=LAPO|Durand|1997, 1998 et 2000}}, en anglais par W. Heimpel<ref>{{Ouvrage|langue=en| prénom1= Wolfgang|nom1= Heimpel| titre= Letters to the King of Mari|sous-titre= A New Translation, with Historical Introduction, Notes, and Commentary| lieu= Winona Lake|éditeur= Eisenbrauns|collection= Mesopotamian Civilizations|numéro dans la collection= 12|année= 2003}}</ref> et J. Sasson{{sfn|Sasson|2015}}). Les documents mis au jour durant les campagnes postérieures à 1998 sont confiés à une équipe dirigée par A. Cavigneaux<ref name=textessite>{{Lien web|auteur=Pascal Butterlin|titre=Étude des textes de Mari|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/mari/fr/etude-textes-mari|site=Archéologie.culture.fr - Mari| date=non daté|consulté le=16 août 2023}}.</ref>.
 
== La fondation et la Ville I (v. 2900-2550) ==
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Le dernier niveau de la période n'est pas connu, puisque les bâtisseurs de la Ville II l'ont détruit lorsqu'ils ont arasé le tell afin d'entreprendre leurs travaux{{sfn|id=MARA|Margueron|2013a|p=522}}{{,}}<ref>Béatrice Muller, « La ville I de Mari : un bilan 1933-2004 », dans {{harvsp|id=SSII|Syria Supplement II|2014|p=72-73}}.</ref>.
 
== La Ville II et le royaume archaïque (v. 2550-23002250) ==
 
[[Fichier:Ebih-Il Louvre AO17551 n02.jpg|thumb|left|upright|Le « capitaine » [[Ebih-Il]], dignitaire du royaume de Mari, v. 2400 av. J.-C., [[musée du Louvre]].]]
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Comme évoqué ci-dessus, le « palais présargonique » ou « temple-manufacture » est avant tout connu comme un lieu de culte, avec l'« Enceinte sacrée », qui est le plus grand temple fouillé à Mari. Elle remonte au premier niveau du secteur du palais (P3). De plan grossièrement carré, elle est organisée autour d'une cour centrale de 16 m de côté, ramenée à 12 m et dotée de deux piliers dans la dernière phase (P0), bordée d'une couronne de pièces, ouvrant au sud sur une antichambre conduisant au « lieu très saint » qui comprenait la statue de la divinité, avec un autel ou podium à pilastres et redans{{sfn|Margueron|2004|p=195-196, 198-204, 208-209, 210-215}}. L'identité de la divinité qui y réside est une énigme : un torse inscrit qui y a été retrouvé porte une dédicace à Ama-ushumgal, un des aspects du dieu Dumuzi{{sfn|id=RLA|Spycket dans RLA|1990|p=395-398}} ; le fait que ce dieu soit souvent identifié aux rois à cette période expliquerait pourquoi il est vénéré dans ce sanctuaire qui semble étroitement lié au pouvoir politique{{sfn|id=SDB|Charpin dans SDB|2008|loc=col. 222}}.
 
La zone située à l'est du palais comprend diverses constructions qui semblent liées au culte, dont la Maison du Grand Prêtre qui semble être le centre administratif du secteur sacré (voir plus bas). L'édifice monumental le plus important dégagé là se situe encore plus vers l'est : le Massif Rouge, nommé ainsi parce qu'il s'agit d'une terrasse haute construite en briques rouges. Interprétée par A. Parrot comme une [[ziggurat]] archaïque et par J.-C. Margueron comme une haute terrasse servant pour des sacrifices, de nouvelles fouilles en 2006-2009 ont abouti à une réinterprétation de son histoire et de sa place dans le quartier sacré. Dans son état initial, c'est un édifice de base rectangulaire à degré aux murs à niches et redans, qui comprend un premier étage de 5 m de hauteur, surmonté par un second étage préservé sur 1 m de hauteur, qui couvre plus de 880 m². Il connaît deux extensions vers le nord et l'est durant la période qui porte sa surface à plus de 1200 m² et lui donne une forme polygonale. Le Massif Rouge s'inscrit donc dans un ensemble des bâtiments sur terrasse érigés dans des zones sacrées à cette période (des préfigurations des ziggurats), même s'il présente ses spécificités, notamment le fait d'être directement lié à d'autres édifices de culte pour constituer le plus complexe sacré de Mari. Sur son côté sud elle donne directement sur le temple du « Seigneur du Pays », manifestement une divinité majeure du panthéon mariote de cette époque (peut-être une épithète du grand dieu syrien Dagan), formant ainsi une association entre un temple bas et une terrasse. Lors des fouilles de 2009, ce secteur a livré plusieurs statuettes votives brisées. Sur son côté nord des prospections ont repéré un autre sanctuaire, étendu sur environ 1500 m², qui n'a pas fait l'objet de fouilles. Le « temple-tour » dégagé à l'ouest du Massif Rouge, et daté de la même époque que lui selon J.-C. Margueron, serait en réalité postérieur à la destruction de la Ville II selon les derniers résultats des fouilles du secteur{{sfn|Butterlin|2010|p=189-194 et 201-205}}{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Pascal Butterlin|titre=Au cœur du pouvoir à Mari : "le massif rouge" et le temple du "Seigneur du pays". Enjeux et résultats des nouvelles recherches conduites à Mari 2006-2010| périodique=Cahier des thèmes transversaux ArScAn|volume=XII| année=2015|passage=119-130|lire en ligne= https://hal.science/hal-02278248}}.</ref>.
 
Au sud du temple du Seigneur du Pays se trouve le temple de la déesse [[Ninhursag]], peut-être sa parèdre. Les autres temples du quartier sacré sont consacrés au dieu-soleil [[Shamash]], à la déesse Ninni-ZAZA, un aspect d'[[Inanna]]/[[Ishtar]], dont l'espace central comprenait un bétyle en son centre, et à Ishtarat, un autre aspect d'Ishtar. Un corps de bâtiment surnommé « Temples anonymes » par Parrot, a également été dégagé dans le secteur ; il pourrait dater de la période akkadienne, donc après la destruction de la Ville II{{sfn|Margueron|2004|p=238-246}}.
 
[[Fichier:Déesse Ishtar (Louvre, AO 18962).jpg|thumb|Incrustation de meuble avec la gravure de la déesse Ishtar. La déesse dévoile son corps et tient sur sa tête une étoile bercée par un croissant de lune. Temple d'Ishtar. [[Musée du Louvre]].]]
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<gallery mode="packed" caption="Statues votives de Mari">
Ishqi-Mari statue.jpg|Statue du roi Ishqi-Mari. Musée d'Alep.
Ebih-Il Louvre AO17551 n01.jpg|Statue du nu-banda [[Ebih-Il]]. Musée du Louvre.
Woman with polos-AO 17561-IMG 0125-white.jpg|Femme avec polos. Musée du Louvre.
Praying woman Louvre AO18213.jpg|Femme assise. Musée du Louvre.
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La « résidence aux installations artisanales », dégagée partiellement mais déjà sur 500 m², constitue un édifice plus imposant et complexe, qui a connu plusieurs phases de réorganisation et de reconstructions. La porte d'entrée n'a pas été reconnue, une pièce semble jouer le rôle d'espace central autour duquel s'organise l'édifice, et la présence d'un étage est incertaine mais vraisemblable. Comme son nom l'indique plusieurs pièces présentent des installations artisanales, mais les activités exercées sont difficiles à déterminer : peut-être une teinturerie, voire aussi une boulangerie. On y trouve aussi une pièce qui a pu avoir une fonction cultuelle, ainsi que des latrines avec des toilettes « à la turque ». Il s'agit donc d'un édifice atypique mêlant plusieurs types de fonction, impression renforcée par la découverte de tablettes administratives documentant des activités économiques{{sfn|Margueron|2004|p=167-172}}.
 
Un autre grand édifice aux fonctions complexes est la « Maison du Grand Prêtre », ou plutôt une « unité d'habitation » car il ne s'agit manifestement pas d'une simple maison. C'est un ensemble trapézoïdal de 22 × 17 × 12 m composé de plusieurs unités agglutinées (au moins cinq, comprenant de 1 à 4 pièces), sans espace central pour le structurer, des pièces dédiéesdestinées au stockage au rez-de-chausséchaussée, et probablement avec un étage, qui pourrait avoir compris des espaces de réception. Comme son nom l'indique cette structure est probablement liée à l'exercice du culte : elle se situe entre l'Enceinte sacrée et le Massif Rouge, voisinant également des pièces servant de réserves et de dépendances, au milieu du système de circulation de ce quartier. Il pourrait alors s'agir du « poste de commande » de cet ensemble, donc d'un centre administratif (l'édifice a livré quelques tablettes comptables enregistrant des offrandes cultuelles){{sfn|Margueron|2004|p=146-148, 174-179 et 259-261}}.
 
Un autre espace plus particulièrement intéressant dégagé dans la Ville II est le « Souk », un espace triangulaire situé à proximité de la jonction de deux voies majeures, près du temple d'Ishtar. Il est organisé autour d'une petite place également triangulaire, bordée de piliers qui devaient soutenir un portique s'étendant sur ses trois côtés. Elle ouvre sur plusieurs pièces, constituant pour plusieurs des cellules doubles, ce qui rappelle la structure des boutiques des [[souk]]s modernes. Elle comprendrait au minimum une douzaine d'échoppes, sans doute plus en incluant les espaces non fouillés du secteur. C'est un exemple unique de secteur commercial organisé pour une ville de ces époques, donc une découverte d'un grand intérêt{{sfn|Margueron|2004|p=150}}.
 
L'artisanat est documenté dans le niveau P1 du « temple-manufacture », aux abords de l'Enceinte sacrée. Il s'agit sans doute d'une activité dirigée par le palais ou le temple. Ainsi un secteur a livré plus de {{formatnum:1700}} pièces en silex (lames taillées, nucléus, déchets de débitage, etc.), qui y étaient transformés en outils de précision pour graver des pièces en nacre<ref name=silex>{{Lien web|auteur=Raphaël Angevin|titre=Les outillages en silex - Artisans et lieux de production|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/mari/fr/artisans-et-lieux-de-production|site=Archéologie.culture.fr - Mari| date=non daté|consulté le=20 août 2023}}.</ref>.
 
En revanche peu de tombes ont été mises au jour, les fouilles s'étant concentrées sur des zones qui n'en contiennent normalement pas et n'ayant pas souvent fouillé sous les habitations, emplacement habituel des sépultures en milieu urbain. Il ne s'agit plus de tombes construites mais de tombes en pleine terre ou en jarre{{sfn|Margueron|2004|p=192}}.
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Les inscriptions figurant sur des statues permettent de connaître les noms de plusieurs rois et de leur entourage proche, donc l'élite du royaume. La statue d'Ishqi-Mari est la seule qui représente un roi, les autres représentent les épouses, fils ou serviteurs de roi en les nommant. Ils portent le titre de « roi (lugal) de Mari », auquel s'ajoute parfois celui de « grand vicaire (ensí-gal) du dieu [[Enlil]] ». Plusieurs fonctions de la cour apparaissent, comme celles du « capitaine » (nu-banda, une fonction de commandement militaire) [[Ebih-Il]] et du « maître chantre » (nar-gal) Ur-Nanshe<ref name=ish253/>{{,}}<ref>Traductions de textes non-administratifs avec commentaires historiques : {{Ouvrage| langue = en| prénom1 = Douglas| nom1 = Frayne| titre = The Royal inscriptions of Mesopotamia | sous-titre= Early periods, vol. 1, Presargonic Period (2700–2350 BC)| lieu = Toronto| éditeur= University of Toronto Press| année =2008|passage=293-347}}.</ref>.
 
Quelques documents administratifs ont été mis au jour dans plusieurs bâtiments (Palais présargonique, Maison rouge, Bâtiment aux installations artisanales, Maison du Grand Prêtre). Ils sont essentiellement écrits avec des logogrammes sumériens, mais ils comprennent aussi des motmots écrits phonétiquement qui renvoient à la langue sémitique parlée localement. Elles datent des règnes précédant la fin du royaume. On ne sait pas de quelle administration ils relevaient, car rien n'indique clairement un lien avec le palais royal, mais ils fournissent quelques informations renvoyant aux institutions courantes à l'époque : ils évoquent le « palais » (é-gal), la « maison du roi » (é lugal), il s'agit de bureaux ou « Maisons » spécialisés dans un domaine de compétences précis. Les archives de la Maison du Grand Prêtre, bâtiment du secteur des temples, enregistrent ainsi des offrandes céréalières pour le culte, tandis que celles du Bâtiment aux installations artisanales, où se déroulent diverses activités économiques, documentent l'entretien d'ânes et de bateaux, donc une activité liée au transport et aux échanges terrestres et fluviaux<ref>{{en}} Walther Sallaberger, « Urban Organizations for Offerings, Overland Traffic and the Euphrates Trade at Pre-Sargonic Mari », dans {{harvsp|id=SSII|Syria Supplement II|2014|p=341-354}} [https://www.assyriologie.uni-muenchen.de/personen/professoren/sallaberger/publ_sallaberger/wasa_2014_presargonic_mari.pdf Lire en ligne].</ref>.
 
{{encadré texte|align=right|width=400px|texte=« Ainsi (parle) Enna-Dagan, roi de Mari, au souverain d'Ebla : Anubu, le roi de Mari, battit les villes d'Aburu et Ilgi dans le territoire de Belan ; dans la région montagneuse de Labanan il laissa des montagnes de ruines. Sa'umu, le roi de Mari, battit les villes de Tibalat et llwani : dans la région vallonnée d'Angai il laissa des montagnes de ruines. Sa'umu, le roi de Mari, battit le territoire des villes de Ra'aq, Nirum, Ashaldu et Baul près de Nakhal et laissa des montagnes de ruines. Alors Istup-sar, roi de Mari, battit les villes d'Emar et Lalanium et le territoire d'Ebla : à Emar et Lalanium il laissa derrière lui des montagnes de ruines. Alors [[Iblul-Il]] battit les villes de Shadab et Addalini et Arisum dans le territoire de Birman, dans le pays de Sugurum et laissa derrière lui des montagnes de ruines ; et ensuite les villes de Sharan et Dammium, Iblul-Il, le roi de Mari, les battit et laissa des montagnes de ruines. Il partit alors vers les villes de Nerat et Hazuwan, Iblul-Il, le souverain de Mari, reçut le tribut d'[[Ebla]] quand il était dans la ville de Mane et il pilla [[Emar]] et a laissé des montagnes de ruines. Et ensuite les villes de Nakhal et Lubat et Shabab, du territoire de Gasur, il battit et il laissa sept montagnes de ruines, Iblul, le souverain de Mari. »|légende=Lettre d'Enna-Dagan de Mari au roi d'Ebla<ref>{{Chapitre|langue=anglais|auteur1=Maria Giovanna Biga|titre=Discovering History through the Ebla Tablets|auteurs ouvrage=G. Servadio (éd.)|titre ouvrage= Ancient Syrian Writings, Syrian preclassical and classical texts|lieu=Damas|date=2009|lire en ligne=|passage=46-47}}</ref>.}}
 
L'histoire politique de la période est pour l'essentiel reconstituée à partir des textes provenant d'[[Ebla]] en Syrie occidentale, et datent du {{s-|XXIV|e}}. Mari est souvent mentionnée dans les tablettes provenant de ce site, en particulier dans la lettre d'Enna-Dagan de Mari au roi d'Ebla récapitulant les relations passées entre les deux cités et les conquêtes de plusieurs rois de Mari. La documentation de Basse Mésopotamie est en revanche peu utile : il n'y a guère qu'une mention de Mari dans les nombreux textes du royaume de [[Lagash]], la mention de sa défaite par le roi local [[Eanatum]]. Des textes historiographiques rédigés plusieurs siècles après cette période, notamment la ''[[Liste royale sumérienne]]'', évoquent Mari en relation avec des rois de la période, mais leur valeur historique est douteuse<ref>Camille Lecompte, « Mari au {{IIIe}} millénaire à l'époque des cités sumériennes », dans {{harvsp|Cluzan|Butterlin|2014|p=117}}.</ref>. De ce fait il est impossible de faire une histoire politique du royaume de Mari à cette période : les rois ne sont souvent connus que par de courtes inscriptions, il est impossible de déterminer avec certitude leur ordre de succession, et peu d'événements sont évoqués en dehors de la lettre d'Enna-Dagan. Ce qui est connu relève surtout des rapports avec Ebla<ref>{{Article| langue= en| prénom1 = Alfonso| nom1 = Archi| prénom2 = Maria Giovanna| nom2 = Biga| titre= A Victory over Mari and the Fall of Ebla | périodique= Journal of Cuneiform Studies |numéro = 55|année = 2003| pages= 1-44}}</ref>.
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=== La fin de la Ville II et l'époque d'Akkad ===
 
Autour de 2300/2250, la ville de Mari subit une destruction qui marque la fin de la Ville II, avant tout identifiée dans ses principaux monuments, qui sont incendiés sans exception, détruits et abandonnés pour la plupart (sauf le palais). Dans le reste de la ville il y a des indices de destruction et d'abandon au moins partiel. Les objets votifs des temples (statuettes, panneaux incrustés de nacre) sont mutilés ou détruits{{sfn|Margueron|2004|p=308-310 et 337-338}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr| prénom1=Pascal| nom1=Butterlin| titre= Histoire de la Mésopotamie| sous-titre=Dieux, héros et cités légendaires |éditeur=Ellipses| lieu=Paris|année= 2019|passage=109-112}}</ref>. Les fouilles d'une section de l'enceinte de la Ville II ont indiqué qu'elle a été abattue à ce moment, nouvel indice de la destruction systématique de la ville à laquelle ont procédé les vainqueurs{{sfn|Butterlin|2010|p=179}}.
 
La dynastie régnante s'achève, apparemment sous le règne d'Ishqi-Mari, et le site connaît une période d'abandon partiel. La plupart des historiens considèrent que cette destruction est causée par les troupes du roi [[Sargon d'Akkad]], qui a alors unifié la Basse Mésopotamie et conduit des expéditions militaires en Haute Mésopotamie et en Syrie. Un des noms d'années qui lui est attribué (sans certitude) commémore la prise de Mari{{sfn|id=SDB|Charpin dans SDB|2008|loc=col. 225-226}}{{,}}<ref>Camille Lecompte, « Mari au {{IIIe}} millénaire à l'époque des cités sumériennes », dans {{harvsp|Cluzan|Butterlin|2014|p=126-127}}.</ref>.
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Peu de bâtiments semblent datés de la période suivant directement la destruction et précédant la reconstruction du début de la Ville III : le niveau P0 du palais, qui est ensuite vidé de son contenu sans destruction{{sfn|Margueron|2004|p=309}} ; dans le secteur sacré, les « Temples anonymes »{{sfn|Margueron|2004|p=309, 377-378}} et le « Temple-tour »{{sfn|Butterlin|2015|p=127}}.
 
== Les débuts de la Ville III et l'époque des ''Šakkanakku'' (v. 23002250-1810) ==
 
=== La Ville III : refondation, stratigraphie et urbanisme ===
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=== Les temples ===
[[Fichier:Statue of lion-AO 19520 19824-P5280748-gradient.jpg|thumb|left|Une des deux statue de lion en cuivre ayant donné son nom au temple aux lions. Leur datation etest controversée. [[Musée du Louvre]]]]
 
[[Fichier:Ishtup-Ilum Shakkanakku of Mari, son of Ishma-Dagan, Shakkanakku of Mari.jpg|thumb|Tablette en calcaire de dépôt de fondation d'Ishtup-Ilum, commémorant la reconstruction du temple du « Seigneur du Pays ». [[Musée du Louvre]]. <br><small>Traduction de l'inscription : {{citation|Ishtup-ilim, ''šakkanakku'' de Mari, fils d'Ishme-Dagan, ''šakkanakku'' de Mari, a construit le temple du Seigneur du Pays{{sfn|Frayne|1993|p=237}}.}}</small>]]
 
Le secteur des temples connaît de profonds réaménagements à l'époque des ''šakkanakku'', en plusieurs étapes. Les temples de Ninni-Zaza et d'Ishtarat et ceux du Seigneur du Pays et de Ninhursag restent en place mais sous de nouvelles formes. Selon les conclusions des dernières campagnes de fouilles qu'il a dirigées, P. Butterlin a proposé le déroulédéroulement suivant. Durant la première partie de l'époque, le temple de Ninhursag est reconstruit par Niwar-Mer et Ishtup-El construit le temple aux Lions, qui prend la suite du temple du Seigneur du Pays de la Ville II, et la Haute Terrasse qui le borde. Par la suite un réaménagement important est entrepris par Apil-kin qui a laissé plusieurs dépôts de fondation dans ce secteur sacré, qu'il nomme ''sahuru/i'', qui comprend une restauration du Massif Rouge de la Ville II{{sfn|Butterlin|2010|p=194-200}}.
 
Le temple aux Lions est nommé ainsi parce que deux statues de protomés de lion en cuivre avaient été encastrés dans le mur à gauche de son entrée. Il a longtemps été considéré qu'ils datent de l'époque amorrite, mais ils pourraient être antérieurs{{sfn|id=Syrie|Margueron dans Syrie|1993|p=193-194}}{{,}}{{sfn|Margueron|2004|p=415-417}}. Les inscriptions qui y ont été mises au jour indiquent que la divinité qui y est vénérée est le « Seigneur du Pays » (''Bēl mātim''){{sfn|Frayne|1993|p=235-237}}. Le temple est érigé sur une terrasse de 2 mètres de haut, et le bâtiment couvre une surface d'environ 36 × 20 mètres, ce qui en fait le plus grand temple connu à Mari pour la période. Il se présente sous la forme d'un temple rectangulaire allongé avec un porche ''in antis'', reprenant un type répandu dans la Syrie de l'âge du bronze. Le long de sa face nord a été érigée la Haute Terrasse, un monument rectangulaire d'environ 40 × 20 mètres de surface, doté d'une longue rampe de 30 mètres sur son côté nord. Elle est interprétée comme une terrasse sacrificielle associée au temple aux Lions, reprenant la fonction du Massif Rouge de la Ville II{{sfn|Margueron|2004|p=380-386}}{{,}}{{sfn|id=MARA|Margueron|2013|p=530-531}}.
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La période amorrite est essentiellement documentée à Mari par les archives mises au jour en divers points du [[palais royal de Mari|palais royal]], formant un ensemble de plus de {{formatnum:17000}} tablettes. Les plus anciennes, au nombre d'environ {{formatnum:1500}}, sont les textes dits des ''šakkanakku'', différents du reste par leur style d'écriture, qui date de la seconde moitié du {{-s|XIX|e}}, donc de la toute fin de l'époque des ''šakkanakku'' et de la première partie du règne de [[Yahdun-Lim]]. Il s'agit d'une documentation de nature administrative, pour la plupart découverte lors des dernières campagnes de fouilles et encore peu étudiée. La grande majorité des tablettes et la partie qui a concentré l'essentiel de l'effort des traducteurs (mais elle est encore loin d'être intégralement publiée) couvre le demi-siècle qui va de 1810 à 1760, la grande majorité datant du règne de [[Zimri-Lim]]{{sfn|Arkhipov|2022|p=320-323}}.
 
Les archives royales de Mari sont des tablettes laissées sur place par les conquérants babyloniens lors qulorsqu'ils ont pris la ville et pillé le palais, en sachant qu'ils en ont emporté une partie qu'ils jugeaient plus importante. Elles se répartissent pour l'essentiel en deux grandes catégories. D'abord les plus nombreux, les textes administratifs documentant la gestion de l'administration du roi, surtout des tablettes enregistrant les entrées et les sorties de produits, notamment des textes de sortie de nourriture pour la table royale (les « repas du roi »), les rations distribuées au personnel du palais, les présents offerts aux messagers et cours étrangers, aussi des textes d'inventaire de biens stockés dans le palais (notamment les objets précieux et matières premières destinées aux artisans du palais), des listes de champs du domaine royal et des documents fiscaux, des listes de travailleurs du palais et de captifs de guerre déportés, etc. D'autres textes administratifs documentent l'administration des provinces, notamment des recensements à but militaire et les présents offerts par des notables locaux au roi. Il s'agit de textes souvent courts ou du moins laconiques, qui pris individuellement fournissent un nombre d'informations limité, mais une fois regroupés en séries cohérentes ils fournissent d'importantes informations sur le fonctionnement de l'administration et la vie matérielle de l'époque. Le fait que ces textes soient souvent datés permet de les utiliser pour reconstituer l'histoire politique. Les lettres des archives royales de Mari constituent la documentation la plus étudiée et mise en avant de ce corpus par son aspect « vivant » et la mine d'informations qu'elle fournit même si leur compréhension peut être ardue en raison de l'absence de précisions sur leur contexte (et notamment la perte des lettres qui les précèdent et les suivent, quand on a affaire à plusieurs échanges). Elle comprend la correspondance des rois avec leurs subordonnés en poste dans les provinces ou en mission à l'étranger, et aussi la partie de leur correspondance diplomatique que les Babyloniens n'ont pas emportée (ils ont manifestement pris les lettres envoyées par les rois les plus puissants, à commencer par celle de leur roi [[Hammurabi]]). Un ensemble de lettres important est la correspondance féminine, des lettres envoyées par des femmes du palais au roi ou à d'autres personnes. Le palais de Mari a aussi livré, en quantité bien moindre, des textes commémoratifs, des documents juridiques, rituels, scolaires et littéraires<ref>{{chapitre|langue=en|titre chapitre=Mari (B) Texts|prénom=Jean-Marie |nom=Durand|titre ouvrage=[[Anchor Bible Dictionary]]|volume=4|auteurs ouvrage=[[David Noel Freedman]] (dir.)|éditeur=Doubleday|lien éditeur=Doubleday|lieu=Londres et New York|année=1992}}</ref>{{,}}{{sfn|Ziegler|Charpin|2003|p=1-27}}{{,}}{{sfn|id=SDB|Charpin|2008|loc=col. 233-248}}{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|url= https://proclac.cnrs.fr/wp-content/uploads/2012/04/Texte-archives-Mari-digitorient.pdf|auteur=Dominique Charpin|titre=Les archives de Mari de l'époque amorrite| site=Proclac.cnrs.fr| date=mai 2012|consulté le=7 mars 2023}}.</ref>.
 
Les archives royales de Mari sont en quantité le plus important corpus de textes issusissu d'un palais mésopotamien, donc l'un des plus importants du Proche-Orient ancien,. Elles fournissantfournissent des informations sur une période mouvementée de l'histoire de cette région, documentedocumentent des personnalités majeures de l'histoire mésopotamienne (en premier lieu [[Samsi-Addu]] et [[Hammurabi]]), et qui va bien au-delà des limites du royaume puisque l'horizon va du Levant et de la Méditerranée orientale ([[Ugarit]], [[Hazor]] ; des mentions de Chypre et de la Crète) jusqu'à l'Iran occidental ([[Suse (Iran)|Suse]] et l'[[Élam]]). Au-delà de la vie politique et diplomatique, ces textes permettent de couvrir des sujets aussi divers que la religion, la culture matérielle, les us et coutumes. Ils sont complétés par des corpus provenant d'autres sites plus ou moins contemporains ([[Terqa]], [[Tuttul]], [[Tell Leilan]], [[Tell Rimah]], etc.), offrant au total une masse d'informations considérable{{sfn|Arkhipov|2022|p=322-330}}. L'apport des archives de Mari aux études bibliques est surtout à chercher dans les comparaisons possibles entre les pratiques prophétiques et diplomatiques, ou encore le mode de vie nomade<ref>{{Chapitre|langue=en| auteur=Dominique Charpin|titre=Mari| titre ouvrage= Encyclopedia of the Bible and Its Reception|volume=17 |éditeur=Walter de Gruyter|lieu= Berlin et Boston|année= 2019|id=EBR}}, col. 896-899.</ref>.
 
D'autres corpus de textes de la même période ont été mis au jour en dehors du palais royal : environ {{formatnum:300}} textes administratifs provenant du « Petit Palais oriental » ; d'autres documents administratifs ont été trouvés dans le « Bâtiment E » ; environ {{formatnum:1500}} textes scolaires et littéraires provenant de la « Maison des Tablettes ». Ils sont pour la plupart inédits{{sfn|id=SDB|Charpin|2008|loc=col. 235}}{{,}}{{sfn|Arkhipov|2022|p=320 n. 39}}{{,}}<ref name=textessite/>.
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=== Famille, groupes et statuts sociaux ===
 
Selon l'approche patrimoniale<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1= J. David|nom1= Schloen |titre=The House of the Father as Fact and Symbol |sous-titre= Patrimonialism in Ugarit and the Ancient Near East |lieu=Winona Lake |éditeur= Eisenbrauns|année=2001 }} (notamment p. 285-287 pour la période de Mari).</ref> la notion fondamentale à la base de la société est celle de « Maison » : c'est une unité organisée autour d'un chef de famille (généralement un homme), comprend au moins sa famille proche (nucléaire), et potentiellement des membres de sa famille élargie, ses serviteurs libres ou esclaves, le patrimoine dont il dispose (résidence, champs, animaux, ateliers, argent, etc., formant un « domaine » chez les plus riches), et aussi ses ancêtres (culte ancestral, caveaux familiaux parfois disposés sous les résidences). Le royaume de Mari est ensuite constitué de « maisons » d'importanceimportances très différencedifférentes, selon qu'elles dépendent de gens du commun (les foyers humbles), de notables, de divinités (les temples, dont le rôle est néanmoins plus limité à Mari qu'en Babylonie), ou du roi dont la maison, le « Palais », est la plus importante et la plus puissante{{sfn|id=SDB|Reculeau dans SDB|2008|loc=col. 333-335}}.
 
La base de ces regroupements est quoi qu'il en soit familiale. Suivant les normes de la période il s'agit d'une famille patriarcale dans laquelle la polygamie est possible mais surtout pratiquée parmi l'élite, en distinguant une épouse principale. Les textes fournissent des informations sur les mariages, surtout dans la famille royale, mais qui offrent des parallèles avec ce qui est connu pour la Babylonie contemporaine, reflétant sans doute les pratiques du commun. Le mariage est arrangé entre les familles, et vu comme une manière de les lier, d'unir les deux « Maisons », et de consolider leurs relations. La promise rejoint la famille de son promis avec une dot, alors que sa famille reçoit un cadeau d'épousailles (le soi-disant « prix de la mariée »). La cérémonie de mariage est désignée par la métaphore « nouer la frange » (du vêtement ; ou un cordon ?), ce qui renvoie peut-être à un geste du rite matrimonial. Inversement le divorce est le moment où la frange est coupée. Le geste scellant l'union est l'imposition d'un voile à la mariée par le marié{{sfn|id=LAPO|Durand|2000|p=165-166 et sq.}}{{,}}{{sfn|Sasson|2015|p=321-324}}. Ce qui concerne les enfants est également documenté surtout dans le cadre de la famille royale : les textes évoquent des naissances, aussi la mort de nouveauxnouveau-nés, la présence de nourrices{{sfn|Sasson|2015|p=317-321}}. Les questions d'héritage sont très peu documentées et les pratiques sont donc mal connues. Les archives palatiales indiquent surtout qu'au moment du décès d'un fonctionnaire on procédait à un inventaire de ses biens de manière à distinguer entre sa propriété personnelle que ses héritiers peuvent se partager et les biens qu'il a reçu du palais lors de sa prise de fonction, qui doivent être restitués{{sfn|id=LAPO|Durand|2000|p=184-186 et sq.}}.
 
D'autres regroupements plus larges que la famille concernent au moins une partie de la population du royaume, nomade ou sédentaire, ceux qui se rapportent au système tribal (voir plus bas). Dans ce contexte, un individu peut appartenir à une tribu (surtout les Bensim'alites ou les Benjaminites), à une de ses subdivisions et un clan et être soumis à l'autorité de leurs chefs coutumiers. Il y appartient généralement par la naissance, mais il peut aussi l'avoir intégrée (généralement en même temps que le groupe auquel il se rattachait auparavant) au cours d'une cérémonie marquée par le rite du sacrifice d'un ânon{{sfn|id=SDB|Reculeau dans SDB|2008|loc=col. 328-329}}{{,}}{{sfn|Sasson|2015|p=299-300}}.
 
La division hiérarchique de la société en trois groupes distincts présente dans le [[Code de Hammurabi]] se retrouve dans la société mariote qui lui est contemporaine. L'élite est constituée du groupe dont les membres sont désignés comme ''awīlum'' « homme (libre) », qui se distingue du reste de la population par ses qualités morales. En pratique, c'est le groupe qui travaille pour le Palais (ou sa partie supérieure), suivant le système de l’''ilkum'', service accompli pour le compte du roi qui donne droit à des rations ou des concessions de terres. De ce fait ce sont les mieux documentés par les sources textuelles, qui proviennent de l'administration palatiale. Les personnages les plus importants du royaume, les notables qui forment l'entourage du roi, sont désignés par le terme ''wēdum'' « unique ». Le second groupe est celui désigné par le terme ''muškenum'' « celui qui s'incline » (sous-entendu : devant un ''awīlum''), un « particulier ». Il semblerait que ce groupe soit constitué des personnes qui ne travaillent pas dans le cadre du Palais et vivent dans des communautés urbaines ou rurales de manière indépendante (ils sont tout de même soumis à des corvées). IlsElles sont peu documentésdocumentées car ilselles ne sont que ponctuellement en interaction avec l'administration du palais{{sfn|Schloen|2001|p=285-287}}{{,}}{{sfn|id=SDB|Reculeau dans SDB|2008|loc=col. 330-333}}{{,}}{{sfn|Sasson|2015|p=294-296}}.
 
Le troisième groupe est constitué de la population non-libre, les esclaves, désignés par le terme ''wardum'', féminin ''amtum'', qui désigne au sens large quelqu'un d'« inférieur » ou le « serviteur » d'un autre. Les gens de cette époque n'avait pas la conception d'une liberté ou de servitude absolue, qui nous vient de l’hellénisme ; ces notions sont relatives à une situation sociale, et une liberté ou une servitude complète ne serait pas comprise. Un esclave peut l'être par sa naissance, ou par la force parce qu'il a été réduit en esclavage lors d'une guerre ou enlevé lors d'un raid, ou encore parce qu'il a été vendu par sa famille surendettée. Ils font l'objet de ventes et de dons. Ils sont identifiés par des marques distinctives, notamment le fait qu'ils portent des chaînes ou un carcan, ce qui n'empêche pas les fuites d'esclaves d'être un phénomène courant. Les esclaves sont en général assignés à des tâches domestiques, notamment le tissage ou la mouture des aliments, le palais disposant de grands ateliers-prisons (« ergastules ») où sont regroupés des gens de condition servile{{sfn|id=SDB|Reculeau dans SDB|2008|loc=col. 330-331}}{{,}}{{sfn|Sasson|2015|p=296-299}}{{,}}<ref>{{Chapitre|auteur1=Hervé Reculeau|titre chapitre=Esclaves domestiques, prisonniers de guerre et citoyens endettés|sous-titre chapitre=Mari et la haute Mésopotamie, {{XVIIIes-|XVIII}} siècle avant notre ère|auteurs ouvrage=[[Paulin Ismard]] (dir.)|titre ouvrage=Les Mondes de l'esclavage|éditeur=Seuil|lieu=PAris| année=2021|isbn=978-2-02-138885-5}}</ref>.
 
D'autres catégories de populations, comprenant un nombre réduit d'individus, apparaissent dans les textes sans que leur signification ne soit bien comprise ; ainsi un ''nasīhū'' semble être une sorte de réfugié politique{{sfn|Sasson|2015|p=301-303}}.
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Le palais royal de Mari est un vaste édifice de plus de 2,5 hectares. Hormis son extrémité sud-ouest disparue à cause de l'érosion, la majeure partie de l'édifice a pu être explorée. L'entrée se fait par une unité située au nord-est, qui comprend la porte d'accès principale au palais, et un peu plus à l'est une seconde porte qui semble servir pour faire rentrer les chars et les biens destinés aux magasins. L'unité du nord-est est consacrée à l'intendance. Deux grandes cours organisent l'édifice : la plus vaste, la cour du bâtiment aux peintures (ou cour 131) à l'est, et la cour du palmier (ou cour 106) à l'ouest. La première est nommée ainsi parce qu'elle ouvre sur une petite chapelle peinte, consacrée à la déesse [[Eshtar]]. La seconde est nommée ainsi parce qu'un palmier se trouvait en son centre. Elle organise le secteur de la maison du roi à proprement parler : sur son côté sud s'ouvre un vestibule (''papahum'') qui conduit à la salle du trône. Les appartements royaux se situaient à l'étage, accessible par des escaliers dont les bases ont été préservées, et devaient surplomber les deux cours sur leurs côtés sud. Cela explique la présence de cuisines, magasins et pièces d'habitation des domestiques qui se trouvent dans la partie sud de l'édifice. La partie située à l'ouest de la cour du palmier semble consacrée à des espaces de réception, et l'unité située au nord est la maison des femmes ou harem. Dans la partie sud-est de l'édifice se trouve un sanctuaire, dédié à la « Dame du palais » (''Bēlet ekallim''), qui s'inscrit dans la continuité de l'Enceinte sacrée des phases précédentes{{sfn|id=MARA|Margueron|2013a|p=533-536}}{{,}}<ref name=palaissite>{{Lien web|auteur=Jean-Claude Margueron |titre= L'architecture du palais|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/mari/fr/larchitecture-du-palais|site =Archéologie.culture.fr - Mari| date=non daté|consulté le=19 août 2023}}.</ref>.
 
Les fouilles du palais ont également livré divers témoignages de l'art palatial et d'autres objets informant sur la vie palatiale, même si les conquérants babyloniens ont emporté ce qui était le plus précieux. Des traces de décors muraux peints apparaissent en plusieurs endroits, certains servant à souligner les formes architecturales (des faux marbres)<ref name=decorpalais>{{Lien web|auteur=Béatrice Muller |titre=Le décor et le mobilier|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/mari/fr/le-decor-et-le-mobilier|site =Archéologie.culture.fr - Mari| date=non daté|consulté le=19 août 2023}}.</ref>. Quelques scènes figurées peintes ont été retrouvées dans des états permettant de se faire une idée de leur état d'origine, notamment dans la cour du palmier qui comprenait la « [[Peinture de l'investitureInvestiture]] », ainsi nommée parce que le centre de sa composition est une scène où la déesse [[Ishtar]] remet à un monarque les insignes de la royauté (l'anneau et le bâton), et la grande scène sacrificielle où le roi est à la tête d'un cortège conduisant des taureaux sacrificiels vers un sanctuaire{{sfn|id=RLA|Spycket dans RLA|1990|p=409-411}}{{,}}<ref>{{Lien web|auteur=Béatrice Muller |titre=Les peintures du palais|url= https://archeologie.culture.gouv.fr/mari/fr/les-peintures-du-palais|site =Archéologie.culture.fr - Mari| date=non daté|consulté le=19 août 2023}}.</ref>. La statuaire retrouvée dans le palais comprend les statues de l'époque des ''šakkanakku'', qui devaient servir à l'époque amorrite pour le culte ancestral royal, et celle de la déesse au vase jaillissant, en calcaire blanc, haute de 1,42 m, dotée d'un dispositif hydraulique qui en fait une fontaine{{sfn|id=RLA|Spycket dans RLA|1990|p=406-407}}{{,}}<ref>{{Lien web|auteur=Béatrice Muller |titre=La statuaire |url= https://archeologie.culture.gouv.fr/mari/fr/la-statuaire|site =Archéologie.culture.fr - Mari| date=non daté|consulté le=19 août 2023}}.</ref>.
 
<gallery mode="packed" caption="La [[Peinture de l'investitureInvestiture]], [[Musée du Louvre]]">
Investiture of Zimri-Lim Louvre AO19826 n01.jpg|L'ensemble des fragments de la composition.
Investiture of Zimri-Lim Louvre AO19826 n02.jpg|Détail du panneau central : la déesse Ishtar remet au roi l'anneau et le bâton, symboles de la royauté.
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Le roi entretenait aussi des musiciens et musiciennes (de loin les plus nombreuses), qui devaient servir lors des banquets (il pouvait aussi engager des saltimbanques et histrions) mais aussi (surtout ?) pour des rituels religieux. Il dispose d'un chef de la musique qui organise cet aspect de la vie de la cour et gère un important personnel ainsi qu'un « conservatoire » où sont formés les apprentis musiciens, et se voit également confier des missions diplomatiques indiquant qu'il est un personnage-clé de la cour (notamment les négociations de mariages diplomatiques). Un certain nombre des musiciennes sont des concubines du roi (certaines lui donnent des enfants), même s'il est indéniable qu'il s'agit de spécialistes de l'art musical<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Nele| nom1=Ziegler|titre= Les musiciens de la cour de Mari| périodique=Dossiers d'archéologie|numéro=310|titre numéro=La musique au Proche-Orient ancien| mois=février|année=2006|passage=33-36}}</ref>.
 
Les personnes habitant le palais en permanence sont majoritairement des femmes, une partie du palais royal fonctionnant comme un « harem » dont l'accès est contrôlé par des gardes. Les femmes intègrent le palais de diverses manières : les épouses royales par un mariage diplomatique (elles semblent souvent d'origine étrangère), des concubines ou musiciennes peuvent être offertes par un autre roi ou haut personnage, et les victoires militaires se soldent par la capture des femmes des ennemis, notamment celles des harems des rois vaincus, qui sont souvent accaparées par le roi pour le palais. Cette population féminine est placée sous la direction d'une maîtresse de maison : au début du règne de Zimri-Lim, c'est sa mère Addu-duri, et après la mort de celle-ci c'est son épouse Shibtu. La hiérarchie des femmes du palais est en grande partie fonction du rapport au roi et peut évoluer au fil du temps : ses épouses occupent les premières places, puis viennent ses concubines. Les musiciennes du palais, subdivisées en plusieurs groupes, doivent aussi être au moins en partie des concubines royales. Les sœurs et filles du roi non mariées ont aussi une place importante. Les enfants en bas- âge, dont les fils du roi, vivent aussi dans le harem. La domesticité de ce secteur est également féminine (il n'y a pas d'attestation assurée d'eunuques) : des servantes rattachées aux épouses et aux concubines, des chambrières, des nourrices, des cuisinières, des meunières, aussi des intendantes et des femmes scribes qui gèrent l'administration de ce secteur<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Nele|nom1= Ziegler|titre=Florilegium Marianum IV|sous-titre=Le Harem de Zimrî-Lîm : la population féminine des palais d'après les archives royales de Mari |éditeur=SEPOA|lieu=Antony|collection=Mémoires de NABU|numéro dans la collection=5|année= 1999| lire en ligne= https://sepoa.fr/produit/1999-memoires-de-nabu-5-pdf/}}</ref>. La correspondance féminine, échangée par plusieurs des femmes de la cour, en premier lieu les épouses royales, donnent de nombreuses informations sur la vie au palais, souvent dans ses aspects intimes. La reine Shibtu a un rôle plus important puisqu'elle supervise l'administration du harem, des affaires religieuses, et exécute diverses tâches pour son mari quand il est en déplacement{{sfn|id=LAPO|Durand|2000|p=259-370}}.
 
{{Colonnes|nombre=2|1=
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L'espace cultivé est parcouru par des canaux d'irrigation, indispensables au développement d'une agriculture importante dans cette région de climat aride. Les textes fournissent des indications assez précises sur leur aspect et leur organisation, leur entretien faisant l'objet des préoccupations des administrateurs locaux. Dans les fonds de vallée humides, une agriculture non irriguée semble pouvoir être pratiquée{{sfn|id=SDB|Reculeau dans SDB|2008|loc=col. 337-339}}. La principale production sont des céréales, avant tout l'orge, mais aussi du blé amidonnier et peut-être une sorte de froment. Le sésame, qui sert à produire de l'huile, est aussi cultivé dans les champs. Les jardins et vergers fournissaient divers fruits et légumes. La cueillette, notamment celle des champignons du désert ou de salicorne dans les zones humides, fournissait des compléments{{sfn|id=SDB|Reculeau dans SDB|2008|loc=col. 343-344}}. De nombreux espaces sauvages subsistent en plus de la steppe : des zones boisées, où poussent notamment des peupliers, parfois mis en valeur pour le compte du palais qui avait de forts besoins en bois, et les espaces humides des fonds de vallée non mis en valeur où se développent des roseaux{{sfn|id=SDB|Reculeau dans SDB|2008|loc=col. 347-348}}.
 
L'organisation de la production agricole est essentiellement documentée du point de vue du palais et de son domaine : les terres dépendant de la maison du roi sont essentiellement gérée de façon directe, plutôt que par la location. Les domaines royaux étaient confiés à des intendants, qui dirigeaient les équipes d'exploitants agricoles, qui sont d'extraction sociale basse sans pour autant être de condition servile. Une partie des terres du palais était rangée dans la catégorie des champsterres alimentairesde service, dont la production servait à rémunérer un serviteur du roi (administrateurs, soldats). Les plus hauts dignitaires se voyaient confier de véritables domaines avec leurs exploitants et les autres moyens de mise en valeur. Ils restaient cependant la propriété du palais, à qui ils devaient être restitués lorsque le service de la personne pour son compte se terminait. S'observent néanmoins des cas de patrimonialisation de ces terres, dans le cas des hauts dignitaires, les domaines étant transmis à leurs héritiers après leur mort. La propriété privée est peu documentée car elle est en dehors du cadre palatial : les notables disposaient de domaines en propre à côté de ceux que leur concédait le palais, mais les particuliers (''muškēnum'') avaient également leurs propres terres, peut-être détenues sous une forme collective{{sfn|id=SDB|Reculeau dans SDB|2008|loc=col. 339-343}}.
 
{{Colonnes|nombre=2|1=
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En temps de paix, les différentes cours s'échangent des messages et des présents{{sfn|Arkhipov|2022|p=347-348}}. Les agents de ces relations sont des messagers, qui ont une sorte de fonction d'ambassadeur non permanent. En principe les échanges de cadeaux reposent sur la réciprocité : un roi doit offrir des cadeaux de la même valeur que ceux qu'il reçoit, et une entorse à ce principe peut être vue comme un affront. Les rois se portent aussi des appuis militaires, en détachant une partie de leurs troupes chez leurs alliés, ou, quand il s'agit de vassaux, chez leur suzerain. Des alliances matrimoniales consolident les rapports entre cours, quand elles sont alliées ou en rapport de vassalité, et aussi quand elles concluent la paix à l'issue d'un conflit. Deux mariages de rois de Mari sont bien documentés : celui de Yasmah-Addu avec une princesse de Qatna (nommée Beltum dans les tablettes de ce règne, sans doute identique à Dam-hurasi qui est connue comme étant une épouse de Zimri-Lim qui a repris le harem du roi précédent après l'avoir vaincu) ; celui de Zimri-Lim avec une princesse d'Alep, [[Shibtu]]. Les unions s'accompagnent de la constitution d'une dot pour l'épouse et de divers présents de l'époux pour sa nouvelle belle-famille. Zimri-Lim a aussi pratiqué une politique matrimoniale très active, donnant plusieurs de ses sœurs et filles en mariage à ses vassaux{{sfn|Charpin|2019|p=219-221 et 225-227}}.
 
Les alliances diplomatiques ont également pu être étudiées grâce à la documentation provenant de Mari, appuyée par celle de sites de la même période (notamment [[Tell Leilan]]). Il s'agit de « serments par les dieux » dans lesquels un roi s'engage envers un autre, qu'il s'agisse d'un vassal jurant sa loyauté à son suzerain, d'un allié jurant de prêter main-forte à son « frère » contre un troisième roi, ou de deux anciens ennemis se promettant de ne plus s'attaquer. Certains des textes jurés lors des serments ont été couchés par écrit (quatre sont connus concernant Zimri-Lim), et nous sont parvenuparvenus ; il ne s'agit pas de textes de traités de paix à proprement parler. Des rituels accompagnent ces serments : quand les rois se retrouvent au même endroit pour prêter serment, ils sacrifient un ânon ; s'ils concluent leur alliance à distance l'un de l'autre, la cérémonie a alors le nom de « toucher de gorge » (s'enduire de sang ?){{sfn|id=SDB|Charpin dans SDB|2008|loc=col. 272-274}}{{,}}{{sfn|Arkhipov|2022|p=348}}.
 
{{Colonnes|nombre=2|1=
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Les textes fournissent de nombreuses informations sur les cultes du royaume de Mari et des régions voisines<ref>{{Chapitre| langue = fr| auteurs= Jean-Marie Durand| titre = La religion à l'époque amorrite d'après les archives de Mari | titre ouvrage = Mythologie et religion des sémites occidentaux| sous-titre ouvrage = Volume I. Ébla, Mari| auteurs ouvrage=Gregorio del Olmo Lete (dir.)|lieu=Louvain| éditeur= Peeters|collection= Orientalia Lovaniensia Analecta | année=2008| passage= 161-716}}</ref>.
 
Les principales divinités vénérées à Mari comprennent Shamash, la divinité tutélaire de la ville, Itur-Mer, sur laquelle il y a peu d'informations, ainsi que la déesse [[Eshtar]] (dénomination locale d'Ishtar){{sfn|id=SDB|Durand dans SDB|2008|loc=col. 356-362}} dont la fête semble être la principale célébration religieuse de la ville à cette époque, connue notamment par un texte rituel{{sfn|id=SDB|Jacquet dans SDB|2008|loc=col. 398-402}}. Les autres divinités majeures du royaume, associées à la souveraineté, sont [[Dagan]] de [[Terqa]], dont le sanctuaire est le plus important de la région (il dispose également d'un important sanctuaire à [[Tuttul]]), et Eshtar de Der (ou Diritum), qui semble avoir le rôle de déesse protectrice de la dynastie de Zimri-Lim, qui participe annuellement à sa grande fête, en présence de ses principaux vassaux, et y commémore ses ancêtres{{sfn|id=SDB|Charpin dans SDB|2008|loc=col. 261-262}}. Des textes rituels fournissent des informations sur le déroulement de célébrations dédiées à des aspects de la déesse Eshtar{{sfn|id=SDB|Jacquet dans SDB|2008|loc=col. 398-402}}.
 
Une des particularités du culte de la région de Mari, et plus largement de la Syrie, est le fait que les dieux y sont représentés non seulement sous la forme de statues, mais aussi sous celle de pierres, des [[bétyle]]s, qui renvoient peut-être plus particulièrement aux traditions bédouines. Peut-être faut-il y voir une origine de la non-représentation de la divinité sous forme humaine qui se trouve plus tard dans l'Israël antique{{sfn|id=SDB|Durand dans SDB|2008|loc=col. 362-364}}.
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Après sa destruction par [[Hammurabi]], Mari n'est pas complètement désertée, mais elle périclite fortement. D'une manière générale, l'usure de la surface du tell en raison de l'érosion complexifie l'identification des occupations tardives, qui sont quoi qu'il en soit probablement de bien moindre ampleur que celle des heures de gloire de la ville : si ce sont les bâtiments de la Ville III qui ont été le plus érodés, c'est probablement parce que rien d'important n'avait été construit par-dessus par la suite. Quelques traces de réoccupation ont été repérées autour du Petit Palais oriental et des tombes datant de la période postérieure à la chute du royaume ont été fouillées{{sfn|Margueron|2004|p=527-529}}. Sur le plan politique, dès le règne du successeur de Hammurabi, son fils [[Samsu-iluna]], l'ancien cœur du royaume de Mari redevient indépendant sous de nouveaux rois dont les origines et la capitale sont inconnues (il pourrait tout simplement s'agir de Mari, ou alors [[Terqa]]). Ils affrontent les armées babyloniennes, qui rétablissent un temps leur domination avant de la perdre à nouveau. Des tablettes provenant de Terqa datent de cette période, mais ne donnent pas d'informations sur les événements politiques. Il est possible que les Babyloniens reprennent un temps le contrôle de la région, mais on sait qu'au moment de la fin de la dynastie de Hammurabi en 1595 les rois locaux ont confirmé leur indépendance, et que leur royaume est appelé Hana (qui dérive du terme désignant les « Bédouins » de l'époque des archives de Mari). Il domine les territoires de l'ancien royaume mariote et par bien des aspects il apparaît comme son successeur{{sfn|Arkhipov|2022|p=382-383}}.
 
Les textes de la seconde moitié du {{-m|II|e}} continuent à évoquer de façon sporadique un « Pays de Mari », qui semble dans bien des cas correspondre à la région de Mari, mais ce nom est également repris par une dynastie installée à Tabete (Tell Taban), dans le long du Khabur<ref>{{Article|langue=en|auteur= Daisuke Shibata|titre= The Toponyms, ‘the Land of Māri', in the Late Second Millennium B.C. |périodique= Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale|volume= 105|année=2011|passage= 95-108|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-d-assyriologie-2011-1-page-95.htm}}</ref>. Les puissances qui dominent ces territoires à cette période sont d'abord le [[Mittani]], puis l'[[Assyrie]] aux {{-sp|XIII|e|-|XII|e}} ([[période médio-assyrienne]]). L'habitat s'étend alors dans les campagnes entourant Tell Hariri, ce qui est peut-être le signe d'une mise en valeur agricole volontaire, et Mari connaît un réoccupation dont l'étendue ne peut être reconstituée : seul un habitat domestique a été fouillé, la présence d'une administration ou d'une garnison assyrienne a été recherchée dans la zone du palais et sur un petit tell situé dans la ceinture extérieure de Tell Hariri (Tell Hariri Zrir, le « Petit Hariri »), sans succès car son sommet est érodé ; il pourrait s'agir de l'emplacement d'un petit établissement fortifié (''dunnu'') servant à contrôler la région et à piloter son exploitation agricole, sur le modèle de celui qui a été fouillé à [[Tell Sabi Abyad]]. Le tellsite est assurément pour cette période un lieu d'inhumation, puisqu'entre 350 et 400 tombes médio-assyriennes y ont été découvertes (soit environ un tiers du total des sépultures identifiées sur le site), dans des cimetières situés autour de l'ancien palais royal et au centre du tell. Le mobilier funéraire est très varié, mais dans l'ensemble les tombes sont pauvrement dotées, seules quelques-unes présentant un matériel riche (bijoux et parures, vases){{sfn|Margueron|2004|p=530-536}}{{,}}<ref>{{chapitre|langue=fr|auteur=Aline Tenu, Juan Luis Montero Fenollóset Francisco Caramelo|titre= L’empire assyrien au {{-s-|XIII}}: Tell Qabr abu al-’Atiq| auteurs ouvrage=Juan-Luis Montero Fenollos (dir.) |titre ouvrage= Du village néolithique à la ville Syro-mésopotamienne|éditeur= Universidad da Coruña |lieu=Ferrol | année=2012|passage=147-148|lire en ligne= https://shs.hal.science/halshs-02359942/document}}.</ref>.
 
<gallery mode="packed" caption="Objets provenant des sépultures médio-assyriennes de Mari. [[Musée du Louvre]].">
Pendant mask Mari Louvre AO19078.jpg|Masque-pendentif en fritte et bitume, en forme de visage féminin, découvert sur le sternum d'un squelette féminin.
Pyxid Mari Louvre AO 22986.jpg|Pyxide en fritte à décor en relief de pétales.
Vases baquets fritte Mari MA AO 18928 19490.jpg|Deux vases-baquets cylindriques en fritte.
Mirror Mari Louvre AO19081.jpg|Miroir circulaire en bronze.
</gallery>
 
La principale occupation postérieure identifiée sur le tell est datée de l'époque des Séleucides, des Parthes et des Romains, donc au sens large la période qui va du {{-s|IV|e}} au {{s|III|e}} de notre ère. Le principal centre urbain et politique de la région à ces époques est [[Doura Europos]]. Une partie du tell Hariri semble alors avoir été occupée puisqu'on y a retrouvé la trace d'une installation artisanale. Environ 130 tombes de ces périodes ont été fouillées, dont le matériel funéraire est essentiellement pauvre{{sfn|Margueron|2004|p=545-546}}.
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* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Syria Supplément II |sous-titre=Mari, ni Est, ni Ouest|volume=2|lieu=Beyrouth|éditeur= Presses de l'Institut français du Proche-Orient|année=2014|id=SSII}}
* {{Ouvrage| langue=fr| prénom1=Sophie |nom1= Cluzan |prénom2= Pascal |nom2= Butterlin|directeur2=oui| titre=Voués à Ishtar|sous-titre= Syrie, janvier 1934, André Parrot découvre Mari| lieu=Beyrouth|éditeur= Presses de l'Institut français du Proche-Orient|année= 2014|pages totales=311|isbn=2351593944}}
* {{Ouvrage|langue=fr |auteur=Arnaud Quertinmont et Sophie Cluzan (dir.) |titre= Mari en Syrie : renaissance d'une cité au {{3e}} millénaire|éditeur= Éditions du Musée Royal de Mariemont|lieu=Morlanwelz| année= 2023}}
 
=== Mésopotamie et Syrie antiques ===
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