« Vol 714 pour Sydney » : différence entre les versions

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| couleur =
| genre = [[:Catégorie:Bande dessinée franco-belge|Franco-Belge]]<br />[[:Catégorie:Aventurier de fiction|Aventure]]
| image = Vol714Logo Vol 714 pour Sydney.png
| alternative = Cartouche du titre « Vol 714 pour Sydney », traversé par un jet rouge et blanc.
| légende =
| légende = Logo de l’album Vol 714 pour Sydney
| personnages = [[Tintin]]<br />[[Milou]]<br />[[Capitaine Haddock]]<br />[[Professeur Tournesol|Tryphon Tournesol]]<br />[[Roberto Rastapopoulos]]<br />[[Allan Thompson]]
| lieu = {{Indonésie}}<br />[[Océanie]]
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| album suivant = [[Tintin et les Picaros]]
| ISBN =
| prépublication = journal ''[[Tintin (périodique)|Le Journal de Tintin]]''<br><small>(de 1966 à 1967)</small>
| éditeur = [[Casterman]]
}}
'''''Vol 714 pour Sydney''''' est le vingt-deuxième [[album (livre)|album]] de la série de [[bande dessinée]] ''[[Les Aventures de Tintin]]'', créée par le dessinateur [[Belgique|belge]] [[Hergé]]. L'histoire est d'abord pré-publiée du {{date|27 septembre 1966|en bande dessinée}} au {{date|28 novembre 1967|en bande dessinée}} dans les pages du journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'', avant d'être éditée en album aux éditions [[Casterman]] en [[1968 en bande dessinée|1968]].
 
Dans cette aventure, [[Tintin]] retrouve son ennemi de toujours, [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]], qui organise le [[Détournement d'avion|détournement de l'avion]] du milliardaire [[Laszlo Carreidas]] en vue de lui extorquer des fonds placés sur un compte secret. L'intrigue, fortement inspiréeinfluencée despar les articles de la revue ''[[Planète (revue)|Planète]]'' dont l'un des fondateurs, [[Jacques Bergier]], est croqué dans l'album sous les traits de [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|Mik Ezdanitoff]], évoque la possibilité d'une forme de [[vie extraterrestre]] en communication avec la Terre. L'[[île volcanique]] fictive de [[Liste des lieux imaginaires dans Les Aventures de Tintin|Pulau-Pulau Bompa]], où sont retenus les héros, renferme une grotte souterraine ornée de têtes monumentales et de [[pétroglyphe|pétroglyphes]] témoignant de leur passage. Hergé reprend ainsi la [[théorie des anciens astronautes]] qui connaît un certain retentissement dans l'opinion publique à l'époque de la création de l'album.
 
Alors qu'il commence à cette époque à se désintéresser de son héros de papier, Hergé doit néanmoins faire travailler l'équipe d'artistes des [[Studios Hergé]]. Après s'être fourvoyé dans une première version inachevée de ''[[Tintin et les Picaros]]'', le dessinateur retrouve inspiration et motivation en assouvissant son goût pour l'[[ésotérisme]] et le surnaturel. L'album est l'un de ceux qui accordent une large place au [[Fantastique dans Les Aventures de Tintin|fantastique dans la série]]. Les phénomènes [[Paranormal|paranormaux]] se succèdent au cœur du récit, de la [[télépathie]] à la présence d'[[Objet volant non identifié|ovnis]] en passant par l'[[hypnose]] et la [[radiesthésie]].
Véritable succès commercial, ''Vol 714 pour Sydney'' est cependant critiqué par de nombreux spécialistes de l'œuvre d'Hergé comme [[Pierre Assouline]] qui le considère comme {{citation|un album de trop}} ou [[Jean-Marie Apostolidès]] qui le qualifie {{citation|d'aventure inutile}}, quand d'autres comme [[Philippe Goddin]], [[Pierre Fresnault-Deruelle]] ou [[Jean-Luc Marion]] déplorent une maîtrise graphique en déclin. L'auteur poursuit la déconstruction de l'univers de son héros, plus encore qu'il ne l'avait fait dans l'album précédent, ''[[Les Bijoux de la Castafiore]]''. Il se plait à ridiculiser les personnages de [[Méchant (fiction)|méchants]] et fait disparaître la frontière entre le [[Bien (philosophie)|Bien]] et le [[Mal]] à travers l'ambiguïté du personnage de Laszlo Carreidas, cependant que Tintin apparaît comme dépossédé de l'aventure.
 
Véritable succès commercial, ''Vol 714 pour Sydney'' est cependant critiqué par de nombreux spécialistes de l'œuvre d'Hergé comme une aventure {{citation|inutile}} ou {{citation|un album de trop}} ou accusant une maîtrise graphique en déclin. L'immersion extrême dans le paranormal est également mise en cause. L'auteur poursuit la déconstruction de l'univers de son héros, plus encore qu'il ne l'avait fait dans l'album précédent, ''[[Les Bijoux de la Castafiore]]''. Il se plait à ridiculiser les personnages de [[Méchant (fiction)|méchants]] et fait disparaître la frontière entre le [[Bien (philosophie)|Bien]] et le [[Mal]] à travers l'ambiguïté du personnage de Laszlo Carreidas, cependant que Tintin apparaît comme dépossédé de l'aventure.
Hergé semble par ailleurs assouvir son goût pour l'[[ésotérisme]] et le surnaturel et l'album est l'un de ceux qui accordent une large place au [[Fantastique dans Les Aventures de Tintin|fantastique dans la série]]. Les phénomènes [[Paranormal|paranormaux]] se succèdent au cœur du récit, de la [[télépathie]] à la présence d'[[Objet volant non identifié|ovnis]] en passant par l'[[hypnose]] et la [[radiesthésie]].
 
== L'histoire ==
=== Résumé ===
[[Fichier:Boeing 707-138B Qantas Jett Clipper Ella N707JT.jpg|vignette|gauche|alt=Un avion aux couleurs de la compagnie Qantas en vol.|[[Tintin]], [[Milou]], [[capitaine Haddock|Haddock]] et [[professeur Tournesol|Tournesol]] voyagent à bord du [[Boeing 707]] de la compagnie [[Qantas]] assurant la liaison [[Londres]]-[[Sydney]].]]
En[[Tintin]], [[Milou]], le [[capitaine Haddock]] et le [[professeur Tournesol]] sont en route pour [[Sydney]] où ils doivent assister à un congrès d'[[astronautique]], (étant les [[On a marché sur la Lune|premiers hommes à avoir marché sur la Lune]]),. [[Tintin]], son chien [[Milou]], le [[capitaine Haddock]] et le [[professeur Tournesol]]Ils font escale sur l'[[aéroport de Kemayoran]], à [[Jakarta]]. Ils yils retrouventrencontrent par hasard le pilote [[Estonie|estonien]] [[Liste_des_personnages_des_Aventures_de_Tintin#ancre_Piotr_Szut|Piotr Szut]], rencontréapparu dans ''[[Coke en stock]]'' et devenutravaillant entre-tempsdésormais pour le pilote personnel du milliardaire [[Laszlo Carreidas]]. Ce dernier, lui-même en route pour l'[[Australie]], invite Tintin et ses amis à bord de son jet privé, le ''Carreidas 160''{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 1 à 5}}}}. Pendant le vol, l'avion est détourné vers l'[[île volcanique]] de {{page h'|Pulau|Pulau-Pulau}} Bompa{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 12 à 16}}}}, où [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopulos]] et son lieutenant [[Allan Thompson]] entendent soutirer à Carreidas le numéro d'un compte bancaire secret en utilisant un [[sérum de vérité]] mis au point par le [[Liste des personnages des Aventures de Tintin et Milou|docteur Krollspell]]{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 19 à 25}}}}.
 
Pendant le vol, l'avion est détourné vers l'[[île volcanique]] de {{page h'|Pulau|Pulau-Pulau Bompa}}{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 12 à 16}}}}, où [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]] et son lieutenant [[Allan Thompson]] entendent soutirer à Carreidas le numéro d'un compte bancaire secret en utilisant un [[sérum de vérité]] mis au point par le [[Liste des personnages des Aventures de Tintin et Milou|docteur Krollspell]]{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 19 à 25}}}}. Les héros sont capturés mais Tintin parvient à trompertrompe la vigilance des gardiens [[Îles de la Sonde|sondonésiens]], alliés de Rastapopoulos, et à libérerlibère ses amis{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 26-27}}}}. Avec l'aide du capitaine Haddock, il délivre ensuite Laszlo Carreidas mais leur situation est délicate, prisonniers de l'île et poursuivis par Rastapopoulos et sesles hommesmalfaiteurs{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 34 à 38}}}}. Dans le même temps, le professeur Tournesol, comme indifférent aux événements qui l'entourent, enregistre de très fortes oscillations avec son [[Radiesthésie|pendule]]. Tintin est alors mystérieusement guidé par des voix intérieures qui lui indiquent l'entrée d'une grotte souterraine où les héros trouvent refuge. La cavité est en fait l'entrée d'un temple souterrain où ils rencontrent [[Mik Ezdanitoff]], un « initié », pratiquant la [[télépathie]] et l'[[hypnose]] et qui se présente à eux comme un intermédiaire entre lela Terre et des [[Vie extraterrestre|extraterrestre]]s qui visitent l'île [[Théorie des anciens astronautes|depuis des millénaires]]{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 38 à 47}}}}.
 
AlorsRastapopoulos queet lesAllan Sondonésienscherchent refusentà dedynamiter pénétrerl'entrée dansde la grotte, Rastapopoulosalors etque Allanles cherchentSondonésiens àrefusent end'y dynamiter l'entréepénétrer. Dans le même temps, plusieursPlusieurs [[séisme]]s se produisent, annonçant l'imminence d'une [[éruption volcanique]]{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 48-50}}}}., Let l'explosion provoquée par les bandits accélère le phénomène. etLes précipitehéros l'évacuationsont des hérosévacués à l'aide d'une « [[Objet volant non identifié|soucoupe volante]] » convoquée par Mik Ezdanitoff, cependant que ce dernier prend soin d'effacer ces événements de leur mémoire{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 52 à 58}}}}.
 
[[Fichier:PurportedUFO2.jpg|vignette|redresse|alt=photoPhotographie blancen noir et noirblanc d'une soucoupe volante aperçue dans le ciel.|Une « soucoupe volante ».]]
Rastapopoulos et ses comparses tentent de fuir l'île à bord d'un [[canot pneumatique]]. Ils sont enlevés à leur tour par les extraterrestres qui déposent Tintin et ses amis à leur place. Ces derniers sont finalement retrouvésRetrouvés sains et saufs, etles héros manifestent leur incompréhension dans un reportage télévisé. : Milou est le, seul personnage à avoir conservé tous ses souvenirs, mais ne peut les révéler, tandis que le professeur Tournesol annoncedit avoir retrouvé dans sa poche un objet d'origine extraterrestre. Rastapopoulos et ses complices sont conduits dans un endroit tenu secret, à l'exception du docteur Krollspell, qui est retrouvé complètement [[Amnésie|amnésique]]errant près de [[New Delhi]], en [[Inde]], complètement [[Amnésie|amnésique]]{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 58 à 62}}}}.
 
Dans la dernière vignette de l'album, Tintin et ses compagnons embarquent à bord du {{nobr|vol 714}} qui doit finalement les conduire à Sydney{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planche 62}}, {{nobr|case 10}}}}.
 
=== Personnages ===
Héros de [[Les Aventures de Tintin|la série]], [[Tintin]] voyage à destination de [[Sydney]] en compagnie du [[capitaine Haddock]], du [[professeur Tournesol]] et de [[Milou]]. Plusieurs personnages effectuent leur retour dans cet album, parmi lesquels le {{citation|génie du mal}} [[Roberto Rastapopoulos]] et son fidèle lieutenant [[Allan Thompson]]. Haddock et Tintin retrouvent également le pilote d'avion [[Piotr Szut]], rencontré en [[mer Rouge]] dans ''[[Coke en stock]]''{{sfn|Mozgovine|1992|p=207}}. [[Séraphin Lampion]] fait une brève apparition à la fin de l'album, entouré de sa famille{{sfn|Mozgovine|1992|p=135-136}}.
 
[[Fichier:Brüssel Station Stockel Wandcomic 201508 (cropped).jpg|vignette|gauche|alt=Personnages peints sur le mur blanc d'une station de métro.|Mik Ezdanitoff et Laszlo Carreidas à la station [[Stockel (métro de Bruxelles)|Stockel]] du [[métro de Bruxelles]].]]
D'autres personnages font leur première apparition. [[Mik Ezdanitoff]], qui travaille à la revue ''Comète'', se dit en relation avec une [[Vie extraterrestre|civilisation extraterrestre]] avec laquelle il communique par [[télépathie]] pour les informer des activités humaines dans tous les domaines. Il pratique également l'[[hypnose]] et aide les héros à s'échapper de l'île en appelant une [[Objet volant non identifié|soucoupe volante]]{{sfn|Mozgovine|1992|p=79}}. [[Laszlo Carreidas]] est un milliardaire antipathique et interlope, surnommé {{citation|l'homme-qui-ne-rit-jamais}}. Avare et tricheur, maniaque et hypocondriaque, il est profondément attaché à son chapeau{{sfn|Mozgovine|1992|p=49}}{{,}}<ref name="carreidas">{{Chapitre|langue=fr|auteur1=Jacques Langlois|titre chapitre=Carreidas à double face|titre ouvrage={{harvsp|id=historia|texte=Les personnages de Tintin dans l'histoire, volume 2}}|passage=101-102}}.</ref>. Son secrétaire britannique, Spalding, le trahit en réunissant une équipe de malfaiteurs aux ordres de Rastapopoulos{{sfn|Mozgovine|1992|p=202}} — notamment l'[[opérateur radio-navigant]] Hans Boehm, qui intègre l'équipage à [[Singapour]]{{sfn|Mozgovine|1992|p=38}}, ainsi que le copilote Paolo Colombani, engagé à [[Téhéran]] pour remplacer le précédent, tombé malade{{sfn|Mozgovine|1992|p=58}}. Le docteur Krollspell, directeur d'un institut psychiatrique de [[New DehliDelhi]] et complice de Rastapopoulos, met au point un [[sérum de vérité]] destiné à faire parler Laszlo Carreidas{{sfn|Mozgovine|1992|p=130}}. À l'inverse, le [[Personnel navigant commercial|steward]] [[Naples|napolitain]] Gino n'est pas membre du complot. Il est fait prisonnier comme Tintin et ses amis à son arrivée sur l'île{{sfn|Mozgovine|1992|p=86}}.
 
Comme dans ''[[Tintin au Tibet]]'', les détectives [[Dupond et Dupont]], pourtant parmi les personnages récurrents de la série, sont absents de l'aventure<ref>{{Chapitre|titre chapitre=Étude d'un corpus particulier de perturbation langagière : Les lapsus de Dupond et Dupont dans les « Aventures de Tintin » (Hergé)|auteur=Jean-Paul Meyer|titre ouvrage=Perturbations et réajustements : langue et langage|auteurs ouvrage=Béatrice Vaxelaire, Rudolph Sock, [[Georges Kleiber]], Fabrice Marsac|éditeur=[[Université Strasbourg II|Université Marc Bloch]]|lieu=Strasbourg|année=2007|passage=297-310|lire en ligne=https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01512477/document}}.</ref>.
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=== Lieux visités ===
[[Fichier:Kemayoran International Airport Jakarta, Indonesia.jpg|vignette|alt=Photographie en couleur d'un aéroport pris depuis l'intérieur d'un avion situé sur la piste.|L'[[aéroport de Kemayoran]] au début des {{nobr|années 1970}}.]]
Le début de l'aventure se déroule à l'[[aéroport de Kemayoran]] près de [[Jakarta]], sur l'île de [[Java (île)|Java]], en [[Indonésie]]. Après le détournement de leur avion, les héros sont conduits sur l'[[île volcanique]] imaginaire de Pulau-pulauPulau Bompa, dans l'[[océan Pacifique]]<ref>{{article|auteur1auteur=Marcel Bonneff|titre=Hergé Vol 714 pour Sydney [compte-rendu]|périodique=[[Archipel (revue)|Archipel]]|année=1971|numéro=1|pages=230-234|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/arch_0044-8613_1971_num_1_1_941}}.</ref>, parmi les [[îles de la Sonde]]<ref name=":0" />.
 
Les renseignements fournis par Hergé dans l'album permettent de déterminer approximativement la position de cette île fictive<ref name=":0" />. La radio émettant sur la plage de l'île après l'éruption volcanique déclare que celle-ci se situe dans la [[mer de Célèbes]]{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planche 59}}, {{nobr|case 8}}}}, un haut lieu de la [[piraterie]] à laquelle se livrent justement [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]] et ses complices<ref name=":0" />. Peu avant son détournement, l'avion de Carreidas survole d'abord le [[radiophare]] de [[Mataram (Lombok)|Mataram]], sur l'[[Lombok|île de Lombok]], la suite du plan de vol prévoyant qu'il passe par [[Sumbawa]], [[Florès]] et [[Timor]]{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planche 12}}, {{nobr|case 2}}}}. À partir de là, les pirates échappent à la zone de contrôle de [[Makassar (ville)|Makassar]], dans laquelle ils se trouvaienttrouvent et, au lieu d'entrer dans celle de [[Darwin (Australie)|Darwin]], comme il étaitest prévu initialement{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planche 14}}, {{nobr|case 4}}}}, ils se posent sur l'île fictive. Celle-ci se trouve donc en [[Indonésie]], plus particulièrement parmi les [[îles de la Sonde]], une des régions du monde les plus soumises à l'[[Géographie de l'Indonésie|activité volcanique]]<ref name=":0" />.
 
Après leur repêchage en pleine mer, Tintin et ses amis sont hospitalisés à l'hôpital de [[Jakarta]], à la sortie duquel ils sont interviewés. Plusieurs cases de l'album montrent [[Séraphin Lampion]] et sa famille regardant ce reportage à la télévision depuis leur domicile{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 60 à 62}}}}.
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== Création de l'œuvre ==
=== Contexte d'écriture ===
==== Lassitude d'Hergé, malgré le succès ====
==== Succès international des ''Aventures de Tintin'' et lassitude de l'auteur ====
[[Fichier:Hergé, Premier plan, 1962, Radio-Canada, 1.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en noir et blanc d'un homme aux cheveux courts tenant un crayon de la main droite, légèrement penché en avant|[[Hergé]] en 1962, travaillant sur une planche des ''[[Les Bijoux de la Castafiore|Bijoux de la Castafiore]]'', dans sa maison de [[Céroux-Mousty]].]]
Au début des {{nobr|années 1960}}, [[Tintin]] devient une icône internationale<ref>{{Article|auteur=[[Marguerite Duras]]|titre=L'Internationale Tintin|périodique=[[L'Obs|France-Observateur]]|numéro=373|date=4 juillet 1957|pages=13}}.</ref>. L'œuvre d'Hergé commence à être étudiée par les universitaires et la presse des plus sérieuses{{sfn|Goddin|2007|p=759}}. Malgré la publication récente de deux albums considérés comme des chefs-d'œuvre {{incise|''[[Tintin au Tibet]]'' et ''[[Les Bijoux de la Castafiore]]''}}, [[Hergé]] semble se désintéresser de plus en plus des ''[[Les Aventures de Tintin|Aventures de Tintin]]'', pourtant en plein apogée commercial<ref name="Hergé1963">{{Chapitre|langue=fr|auteur1=[[Philippe Goddin]]|titre chapitre=En 1963, Hergé|titre ouvrage={{harvsp|id=historia|texte=Les personnages de Tintin dans l'histoire, volume 2}}|passage=97}}.</ref>. Déjà dans l'immédiat après-guerre, l'auteur semblaitsemble déplorer les limitations des possibilités expressives de la bande dessinée{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=104}} et s'étaitse rendurend compte qu'il ne pourraitpeut plus créer des aventures avec la facilité et l'évidence d'avant, mais au prix d'un grand labeur{{sfn|Peeters|20062011|group=p|p=330}}.
 
Depuis 1960, il vit avec sa jeune [[Coloriste (bande dessinée)|coloriste]] [[Fanny Rodwell|Fanny Vlamynck]], pour laquelle il a quitté son épouse Germaine, après quatre années de liaison{{sfn|Peeters|20062011|group=p|p=499}}. De nombreuses occupations le détournent de son travail, en particulier sa nouvelle passion pour l'[[art moderne]] et l'[[art contemporain]], qui lui prend d'autant plus de temps qu'il s'essaie lui-même à la peinture<ref name="Hergé1963"/>{{,}}{{sfn|Peeters|20062011|group=p|p=529}}. L'auteur prend des vacances de plus en plus régulières et longues<ref name="Hergé1963"/>, notamment en [[Ardenne]], en [[Suisse]]{{sfn|Peeters|20062011|group=p|p=528}}, ou en [[Italie]]{{sfn|Goddin|2011|p=312|gr=c}}. Hergé qui, à l'inverse de son héros, n'avaita que peu voyagé, multiplie désormais les destinations lointaines<ref name="Hergé1963"/> : il visite l'Italie etnotamment la [[Tunisie]] à l'occasion d'une croisière en [[Mer Méditerranée|Méditerranée]] en 1963{{sfn|Goddin|2011|p=194|gr=c}}, puis voyage au [[Québec]] en 19641965{{sfn|Goddin|2011|p=221|gr=c}}.
 
[[Fichier:Tintin et Milou billboard 2.jpg|vignette|alt=Immeuble surmonté d'un panneau à l'effigie de Tintin et Milou.|À [[Bruxelles]], l'immeuble du [[Le Lombard|Lombard]], éditeur du journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'', surmonté de l'effigie géante de [[Tintin]] et [[Milou]], emblème du triomphe commercial de l'œuvre d'Hergé.]]
Aux [[Studios Hergé]], le dessinateur s'occupe de la révision de ses précédentes aventures, soit en vue de les rendre politiquement correctes, soit pour corriger des erreurs et les remettre au goût de l'époque{{sfn|Prévost|2010|p=104}}. Par ailleurs, il se laisse volontiers distraire par des discussions avec ses amis, ou de longues pauses entre collègues, prend le temps de répondre à sa volumineuse correspondance et d'accueillir les visiteurs{{sfn|Peeters|2006|group=p|p=565}}. De fait, le rythme de production des nouveaux albums diminue progressivement{{sfn|Prévost|2010|p=104}}.
 
L'auteur donne davantage de son temps au journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'', où [[Raymond Leblanc]] consent enfin à lui laisser une place de directeur artistique en 1964{{sfn|Goddin|2011|p=216|gr=c}}. Aux [[Studios Hergé]], le dessinateur s'occupe de la révision de ses précédentes aventures, soit en vue de les rendre politiquement correctes, soit pour corriger des erreurs et les remettre au goût de l'époque{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=104}}. Il est notamment accaparé par la refonte de ''[[L'Île Noire]]'' demandée par l'éditeur anglais [[Methuen (maison d'édition)|Methuen]], sur laquelle il travaille de l'été 1963 à l'été 1965{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=127}}{{,}}<ref group="note">L'éditeur britannique des albums de Tintin souhaite que des corrections soient apportées à la version originale de cette aventure qui est donc entièrement redessinée sans que le découpage ni le scénario ne soient cependant retouchés. Voir {{harvsp|Kursner|2021|gr=k|p=185-186}}.</ref>. Par ailleurs, il se laisse volontiers distraire par des discussions avec ses amis, ou de longues pauses entre collègues, prend le temps de répondre à sa volumineuse correspondance et d'accueillir les visiteurs<ref name="Hergé intime" />{{,}}{{sfn|Schuurman|2023|p=263-271}}{{,}}{{sfn|Peeters|2011|group=p|p=565}}. De fait, le rythme de production des nouveaux albums diminue progressivement{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=104}} et l'ensemble de l'équipe vit une période de désœuvrement{{sfn|Peeters|2011|group=p|p=413}}.
Le succès de la série ne se dément pas, mais il est concurrencé par l'éclosion d'[[Astérix]]. Dans une enquête de ''[[L'Express]]'', parue en 1966, un journaliste relègue les ''Aventures de Tintin'' dans le passé et affirme que {{citation|dans le sillage d{{'}}''Astérix'', ''Tintin'' mord la poussière}}, ou encore que {{citation|''Astérix'' a le même succès que Tintin naguère}}. Piqué au vif, Hergé décide de créer une nouvelle aventure{{sfn|Assouline|1996|p=595-597}}.
 
Dans les {{nobr|années 1960}}, la diffusion internationale des ''Aventures de Tintin'' prend son envol avec de nouvelles traductions à travers le monde<ref name="volapuk">{{Article|auteur=Jacques Bonnaric|titre=Les Aventures de Tintin en Volapük ?|périodique=Les Amis de Hergé|date=printemps 2014|numéro=57|lire en ligne=http://www.intertintin.com/collection%20texte2%20adh57_0001.htm|pages=8-10}}.</ref>{{,}}{{note|Notamment en [[italien]], en [[grec]] et en [[norvégien]], mais également en [[arabe]] ([[Égypte]] et [[Liban]]), [[afrikaans]], [[malais (langue)|malais]], [[indonésien]], [[iranien]] ou encore [[hébreu]]<ref name="volapuk"/>.|group=note}} : le succès de la série ne se dément pas, mais il est concurrencé par l'éclosion d{{'}}''[[Astérix]]'' en 1959{{sfn|Goddin|2007|p=754}}. [[Casterman]] suit avec inquiétude la montée spectaculaire des ventes de cette bande dessinée comique, alors que les [[Studios Hergé]] ne livrent plus de véritables nouveautés aux lecteurs (seulement les [[Adaptations des Aventures de Tintin à l'écran#Films en prises de vue réelles (1961-1964)|albums des films]] et la modernisation de ''[[L'Île Noire]]''){{sfn|Goddin|2007|p=754}}. La presse accorde à ''Astérix'' une place jusqu'alors uniquement occupée par le héros d'Hergé{{sfn|Goddin|2007|p=754}}. L'apogée est atteint à l'époque où ''Vol 714 pour Sydney'' apparaît dans les pages du journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' en 1966, quand dans une enquête de ''[[L'Express]]'' consacrée au {{citation|phénomène ''Astérix''}}, un journaliste relègue les ''Aventures de Tintin'' dans le passé et affirme que {{citation|dans le sillage d{{'}}''Astérix'', ''Tintin'' mord la poussière}}, ou encore qu'{{citation|''Astérix'' a le même succès que Tintin naguère}}{{sfn|Goddin|2007|p=754}}{{,}}{{sfn|Assouline|1996|p=595-597}}. Ce genre de considérations irrite Hergé{{sfn|Goddin|2007|p=754}}{{,}}{{sfn|Assouline|1996|p=595-597}}{{,}}{{note|[[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]] indiqua plus tard que ces commentaires de ''[[L'Express]]'' avaient piqué au vif Hergé au point de le décider à créer une nouvelle aventure, ''Vol 714 pour Sydney''. L'information est reprise par certains auteurs. Néanmoins, ce numéro de ''L'Express'' paraît alors que la prépublication de ''Vol 714 pour Sydney'' a déjà commencé dans ''Tintin''{{sfn|Goddin|2007|p=754}}.|group=note}}.
==== Projet des ''Bigotudos'' et nouveau scénario ====
[[Fichier:Bob-de-moor-1357174668.jpg|vignette|redresse|alt=Photographie de profil d'un homme portant des lunettes.|[[Bob de Moor]], ancien collaborateur d'Hergé, en 1980.]]
Hergé commence à travailler sur un scénario qui envoie les [[Dupond et Dupont|Dupondt]] en [[Amérique du Sud]] à la recherche de la [[Bianca Castafiore|Castafiore]], afin de lui remettre l'émeraude volée par la pie à la fin des ''[[Les Bijoux de la Castafiore|Bijoux de la Castafiore]]''. Tintin, invité au [[San Theodoros]], voit son avion [[Détournement d'avion|détourné]] par un « Bigotudos », moustachu partisan du général Alcazar qui a juré de ne plus se couper les moustaches jusqu'à la victoire finale. Après un atterrissage en catastrophe dans une ville « libérée » par les Bigotudos, Tintin et Haddock sont reconnus par le [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|colonel Sponsz]], un [[Bordurie|Bordure]] rencontré dans ''[[L'Affaire Tournesol]]'' qui soutient la révolution bigotudos et les enferme dans un [[camp de concentration]]. Après leur libération, Hergé envisage que Tintin, inquiet du sort des Indiens ou de la population santhéodorienne, favorise une révolution permettant la réconciliation nationale<ref name="bigotudos"/>. Il hésite quant au rôle à attribuer à son héros et ce blocage l'empêche de finaliser son scénario, ce qui exaspère certains de ses collaborateurs<ref name="Genesis">{{Article |auteur1=[[Pierre-Marc de Biasi]] |auteur2=Luc Vigier |titre=Des marges d'Hergé aux secrets des ''[[Les Cités obscures|Cités obscures]]'' |sous-titre=entretien avec [[Benoît Peeters]] |périodique=Genesis |numéro=43 |date=14 décembre 2016 |pages=133-145 |isbn=9791023105490 |lire en ligne=https://doi.org/10.4000/genesis.1705 |consulté le=25 mars 2021}}.</ref>{{,}}{{sfn|Peeters|2006|group=p|p=521}}.
 
==== ''Tintin et les Bigotudos'', travail mis de côté ====
[[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]] et [[Bob de Moor]] profitent de l'absence d'Hergé, en voyage en Suisse, pour effectuer le [[crayonné]] et l'[[Encrage (dessin)|encrage]] de l'un des découpages les plus aboutis du dossier préparatoire de ce nouvel album. Ils déposent cette planche sans un mot de commentaire sur le bureau de l'auteur qui la découvre à son retour{{sfn|Peeters|2006|group=p|p=521}}. Par ce {{citation|geste d'humeur}}, comme le qualifie [[Philippe Goddin]], les deux dessinateurs cherchent avant tout à montrer au créateur de Tintin que la naissance d'une nouvelle aventure ne repose pas uniquement sur ses propres épaules et que son rôle peut bien être plus limité que ce qu'il laisse entendre<ref name="bigotudos">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Philippe Goddin]]|titre=Hergé et les Bigotudos|sous-titre=Le roman d'une aventure|lieu=Paris|éditeur=[[Casterman]]|collection=Bibliothèque de Moulinsart|année=1993|pages totales=287|isbn=2-203-01709-0}}.</ref>. Quelques jours après son retour, Hergé laisse paraître la planche en question dans l'hebdomadaire suisse ''[[L'Illustré]]'', tout en livrant un entretien dans lequel il confie manquer d'inspiration et réclame son droit de ne pas soutenir une cadence forcée de production, comme peuvent le faire de nombreux écrivains{{sfn|Peeters|2006|group=p|p=522}}.
{{Article détaillé|Tintin et les Picaros{{!}}''Tintin et les Picaros''}}
[[Fichier:Fidel Castro and his men in the Sierra Maestra.jpg|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc d'un groupe d'hommes armés et en tenue militaire, dans la jungle.|[[Fidel Castro]] et ses « ''[[barbudos]]'' » cachés dans la [[Sierra Maestra (massif montagneux)|Sierra Maestra]] durant la [[révolution cubaine]]. Hergé planche sur un retour au [[San Theodoros]] plongé dans cette ambiance de [[guérilla]].]]
 
Après la parution des ''[[Les Bijoux de la Castafiore|Bijoux de la Castafiore]]'' en 1962, [[Hergé]] pense se nourrir de l'instabilité politique de l'[[Amérique latine]] d'alors pour renvoyer [[Tintin]] au [[San Theodoros]], vingt-cinq ans après ''[[L'Oreille cassée]]''<ref name="historia4">{{Chapitre |auteur1=[[Jacobo Machover]] |titre chapitre=Cuba, l'autre visage des barbus |titre ouvrage={{harvsp|id=historia|texte=Les personnages de Tintin dans l'histoire, volume 2}}|passage=114-119}}.</ref>{{,}}{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=15}}{{,}}{{sfn|Peeters|2011|gr=p|p=567}}. Il désire moderniser la rivalité entre le [[général Tapioca]] et le [[général Alcazar]] en l'adaptant à ce contexte de [[guérilla]]s et [[coup d'État|coups d'État]], révolutions ou avènements de [[Dictature militaire|juntes militaires]], liées à la [[guerre froide]], soutenues voire dirigées de loin par le [[bloc de l'Est]] ou [[bloc de l'Ouest|de l'Ouest]]<ref name="historia4" />{{,}}{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=15}}. Il fait d'Alcazar et ses partisans des « ''bigotudos'' », guérilleros ayant juré de de ne pas se raser la [[moustache]] jusqu'à la victoire finale, parodie des ''[[barbudos]]'' [[Fidel Castro|castristes]] de la [[révolution cubaine]]{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=20}}.
Hergé abandonne finalement le projet des Bigotudos, qui sera utilisé pour la préparation de ''[[Tintin et les Picaros]]'' quelques années plus tard, mais il retient l'idée du détournement d'avion pour mettre au point le scénario d'une nouvelle aventure, ''Vol 714 pour Sydney''<ref name="Hergé1963" />. Cette histoire est cependant baptisée tardivement{{sfn|Goddin|2011|p=231|gr=c}}. Le dessinateur hésite entre plusieurs titres, comme {{citation|''L'Archipel du grand secret''}} ou {{citation|''Vol spécial pour Adélaïde''}}, avant de choisir ''Vol 714 pour Sydney''{{sfn|Goddin|2011|p=231|gr=c}}. Ce « vol 714 pour Sydney » du titre ne joue pourtant aucun rôle dans l'action : c'est la référence du vol que Tintin, Haddock et Tournesol auraient dû prendre au début de l'histoire (mais n'ont pas pris à la suite de la rencontre avec Carreidas), et prennent une fois le livre fini, pour se rendre au congrès d'aéronautique prévu au début<ref>{{Ouvrage|auteur1=Hergé|titre=Vol 714 pour Sydney|éditeur=[[Casterman]]|année=1968|pages totales=62|passage=62}}</ref>.
 
Après plusieurs hésitations sur les prémices du récit, Hergé entreprend des découpages commençant par un voyage en avion de [[Tintin]], le [[capitaine Haddock]] et [[Milou]] vers le San Theodoros pour un but encore incertain pour l'auteur{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=25}}. Le vol, prévu pour la capitale [[San Theodoros|Las Dopicos]], est [[Détournement d'avion|détourné]] par des « ''bigotudos'' » vers une autre ville tout juste « libérée » par les partisans d'Alcazar et s'achève sur un atterrissage en catastrophe, opéré dans une version par Tintin{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=33-41}}. Malgré leurs bonnes relations avec Alcazar, Tintin et Haddock sont enfermés dans un [[camp de concentration]] d'opposants politiques, une vengeance opportune du [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|colonel Sponsz]], un [[Bordurie|Bordure]] déjà affronté dans ''[[L'Affaire Tournesol]]'', envoyé par son pays pour soutenir cette révolution{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=42-60}}. Les évasions ou les soubresauts du conflit les font ensuite retomber de camps de rééducation tapioquistes en prisons alcazaristes{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=42-60}}. Une nouvelle version, au même début, conduit Haddock seul dans les geôles bigotudos, tandis que Tintin s'affaire à délivrer son ami ; il retrouve [[Liste des personnages des Aventures de Tintin#Piotr Szut|Piotr Szut]], devenu aviateur mercenaire chez les bigotudos, qui l'aide à se cacher et à préparer la libération du capitaine{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=78}}. Hergé envisage depuis le départ de terminer l'aventure sur une révolution permettant la réconciliation nationale favorisée par Tintin, sans savoir comment y parvenir{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=61}}. Pendant plusieurs années, le dessinateur recommence en vain son découpage{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=80}}. Chaque piste narrative se conclut sur un blocage<ref name="Genesis" />{{,}}{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=109}}. L'auteur hésite quant à la place à attribuer à son héros et s'empêtre dans les multiples ramifications de ses idées<ref name="Genesis">{{Article |auteur=[[Pierre-Marc de Biasi]] |auteur2=Luc Vigier |titre=Des marges d'Hergé aux secrets des ''[[Les Cités obscures|Cités obscures]]'' |sous-titre=entretien avec [[Benoît Peeters]] |périodique=Genesis |numéro=43 |date=14 décembre 2016 |pages=133-145 |isbn=9791023105490 |lire en ligne=https://doi.org/10.4000/genesis.1705 |consulté le=25 mars 2021}}.</ref>{{,}}{{sfn|Peeters|2011|gr=p|p=521}}.
=== Travail de documentation ===
[[Fichier:Le Matin des magiciens, couverture.jpg|vignette|redresse|gauche|''[[Le Matin des magiciens]]'' de [[Louis Pauwels]] et [[Jacques Bergier]], définissant le [[réalisme fantastique]], influence fortement Hergé.]]
Hergé, dont la fascination pour le [[paranormal]] remonte à sa jeunesse, profite du regain d'intérêt pour certains phénomènes inexpliqués, porté notamment par le succès du ''[[Le Matin des magiciens|Matin des magiciens]]'' de [[Louis Pauwels]] et [[Jacques Bergier]], pour établir les bases de son scénario{{sfn|Peeters|2006|p=524}}. L'auteur, qui {{citation|agit comme un interprète de son époque}}, inscrit ce récit comme les précédents dans l'actualité de son temps{{sfn|Labelle|2014|p=104-105}}{{,}}<ref>{{Article|auteur1=[[Rainier Grutman]]|auteur2=Maxime Prévot|titre=Présentation|périodique=[[Études françaises]]|éditeur=[[Presses de l'Université de Montréal]]|volume=46|numéro=2|titre numéro=Hergé reporter : Tintin en contexte|date=2010|page=101–117|lire en ligne=https://doi.org/10.7202/044537ar}}.</ref>. Les {{nobr|années 1960}} sont alors caractérisées par l'effervescence de thèses portant sur les [[Objet volant non identifié|ovnis]], comme l'illustrent notamment les ouvrages [[Pseudoscience|pseudoscientifiques]] d'[[Erich von Däniken]]. En France comme en Belgique, la revue ''[[Planète (revue)|Planète]]'' rencontre un énorme succès{{sfn|Labelle|2014|p=104-105}}.
 
En l'absence de nouvel album, l'activité des [[Studios Hergé]] est réduite au minimum, à peine compensée par la création des produits dérivés, des travaux publicitaires et la refonte de ''[[L'Île Noire]]''{{sfn|Schuurman|2023|p=263-271}}{{,}}{{sfn|Goddin|2007|p=719}}{{,}}{{sfn|Peeters|2011|p=413|gr=p}}. Hergé doit fréquemment mettre de côté ''Tintin et les Bigotudos'' pour ces sollicitations annexes{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=127}}{{,}}{{sfn|Peeters|2011|p=454-455|gr=p}}. Les artistes travaillent au ralenti, prenant plus de temps que nécessaire pour réaliser leurs tâches{{sfn|Schuurman|2023|p=263-271}}. Dans une interview accordée en 2001, [[Roger Leloup]], membre de l'équipe, revient sur cette période d'inertie : {{citation|La pire chose dans la vie est d'être payé à ne rien faire. Et personnellement, je trouve qu'on ne foutait rien. Les coloristes mettaient une semaine pour réaliser leur ouvrage. Chez [[Dupuis]], le même travail se faisait en un jour}}{{sfn|Schuurman|2023|p=263-271}}. L'apparente nonchalance du maître à terminer son scénario exaspère certains de ses collaborateurs{{sfn|Schuurman|2023|p=263-271}}{{,}}{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=122-123}}. Le reproche lui est adressé franchement à l'été 1965 : [[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]] et [[Bob de Moor]] profitent de vacances d'Hergé pour effectuer le [[crayonné]] et l'[[Encrage (dessin)|encrage]] de l'un des brouillons du dossier préparatoire de ce nouvel album{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=122-123}}{{,}}{{sfn|Peeters|2011|gr=p|p=521}}. Ils déposent cette planche sans un mot de commentaire sur le bureau de l'auteur qui la découvre à son retour{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=122-123}}{{,}}{{sfn|Peeters|2011|gr=p|p=521}}. Par ce {{citation|geste d'humeur}}, comme le qualifie [[Philippe Goddin]], les deux dessinateurs cherchent avant tout à montrer au créateur de Tintin que la naissance d'une nouvelle aventure ne repose pas uniquement sur ses propres épaules et que son rôle peut bien être plus limité que ce qu'il laisse entendre{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=122-123}}. Quelques jours après son retour, Hergé laisse paraître la planche en question dans l'hebdomadaire suisse ''[[L'Illustré]]'', tout en livrant un entretien dans lequel il confie manquer d'inspiration et réclame son droit de ne pas soutenir une cadence forcée de production, comme peuvent le faire de nombreux écrivains{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=122-123}}{{,}}{{sfn|Peeters|2011|gr=p|p=522}}{{,}}{{note|Déjà en 1960, afin de faire face au manque d'inspiration, Hergé avait consenti à déléguer la [[Tintin et le Thermozéro|création d'un scénario]] à [[Michel Greg]] mais, après le dessin de quelques [[esquisse]]s et crayonnés, il préféra abandonner, se sentant incapable de mettre en images le travail d'un autre{{sfn|Schuurman|2023|p=263-271}}{{,}}{{sfn|Peeters|2011|gr=p|p=500-501}}|group=note}}.
L'écriture de ''Vol 714 pour Sydney'' est directement inspirée des articles de cette revue, dont Hergé est un lecteur assidu. Selon l'universitaire Maxime Prévost, plusieurs articles du premier numéro de ''Planète'', paru en 1961, suggèrent au dessinateur des éléments de son intrigue, parmi lesquels « Hypothèses sur les mondes habités » de Pierre Guérin, « Notions nouvelles sur l'hypnotisme » de [[Jacques Mousseau]], et surtout « Redécouverte du roman d'aventures anglais » de [[Jacques Bergier]], qui se propose de réhabiliter [[Henry Rider Haggard]], [[Arthur Conan Doyle]], [[John Buchan]] et [[Robert Louis Stevenson]], des romanciers dont l'influence sur Hergé est certaine{{sfn|Prévost|2010|p=109-111}}{{,}}<ref>{{article|auteur=[[Marc Angenot]]|titre=Basil Zaharoff et la guerre du Chaco : la tintinisation de la géopolitique des années 1930|périodique=[[Études françaises]]|volume=46|numéro=2|année=2010|pages=47-63|lire en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/2010-v46-n2-etudfr3908/044534ar/}}.</ref>. D'autres numéros de la série contiennent des articles qui se rapprochent de l'imaginaire de ''Vol 714 pour Sydney'', comme l'analyse des théories de [[Thor Heyerdahl]] sur les [[Moaï|statues de l'île de Pâques]] par [[Serge Hutin]] dans ''La grande énigme des rochers sculptés'', article paru dans le deuxième numéro en 1961, ou les communications télépathiques et les [[Objet volant non identifié|soucoupes volantes]], dans des articles parus en 1964 et 1966{{sfn|Prévost|2010|p=109-111}}.
 
==== Engouement pour le paranormal et la vie extraterrestre ====
[[Fichier:Planète Logo.png|vignette|Hergé s'appuie les articles [[Pseudoscience|pseudoscientifiques]] de la populaire revue ''[[Planète (revue)|Planète]]''.]]
[[Fichier:Le Matin des magiciens, couverture.jpg|vignette|redresse|alt=Couverture de livre de couleur blanc cassé.|''[[Le Matin des magiciens]]'' de [[Louis Pauwels]] et [[Jacques Bergier]], définissant le [[réalisme fantastique]], influence fortement Hergé.]]
Hergé est également influencé par les [[Théorie des anciens astronautes|théories controversées sur les extraterrestres]] publiées par [[Robert Charroux]] dans son ''Livre des secrets trahis'', paru en 1965<ref name=":0">{{Ouvrage|prénom1=Patrick|nom1=Mérand|titre=La géographie et l'histoire dans l'œuvre d'Hergé|éditeur=Sépia|date=impr. 2015, cop. 2015|passage=97 à 101|isbn=978-2-84280-254-7|isbn2=2-84280-254-3|oclc=920859173}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Benoit Mouchart]]|auteur2=[[François Rivière]]|titre=Hergé, un portrait intime du père de Tintin|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Robert Laffont|Robert Laffont]]|année=2011|passage=xxiv|isbn=978-2221114469}}.</ref>. Le dessinateur reprend notamment l'hypothèse selon laquelle des extraterrestres ont laissé le témoignage de leur passage sur Terre en plusieurs points du globe par des réalisations monumentales ou des [[pétroglyphe]]s{{sfn|Labelle|2014|p=111-112}}. Parmi les autres sources d'inspiration de l'album figurent l'ouvrage du psychanalyste [[Carl Gustav Jung]], ''Un mythe moderne. Des signes du ciel'', publié en 1959 et {{citation|qui propose une interprétation psychologique du phénomène des soucoupes volantes}}, de même que les thèses de l'écrivain [[Jean Sendy]], dont Hergé affirme qu'elles l'ont fortement troublé{{sfn|Labelle|2014|p=106}}.
 
Les années 1960 voient l'émergence d'un grand intérêt pour l'infini de l'[[Espace (cosmologie)|espace]], à l'époque des débuts de [[Ère spatiale|son exploration]]{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=104-105}}{{,}}<ref name="Cornut">{{Ouvrage |auteur=Clotilde Cornut |préface=[[Joseph Altairac]] |titre=La revue Planète (1961-1968) : Une exploration insolite de l'expérience humaine dans les années soixante |lieu=Paris |éditeur=L'Œil du Phénix |année=2006 |pages totales=284 |page=10-11 |isbn=2914405316}}.</ref>. Des évènements comme le [[Vostok 1|tour du monde en {{nombre|108|minutes}}]] de [[Youri Gagarine]], le [[Programme Apollo|projet américain d'envoyer un homme sur la Lune]] ou la révélation des premières images de la [[Terre]] vue depuis l'espace donnent conscience de la petitesse et de la finitude de notre planète, tout en ouvrant la curiosité et l'imagination vers l'inconnu de l'[[Univers]]{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=104-105}}{{,}}<ref name="Cornut" />. Cette mode relance l'intérêt autour des [[Objet volant non identifié|objets volants non identifiés]] et l'interrogation sur la [[vie extraterrestre]], entraînant l'effervescence de thèses [[Pseudoscience|pseudo-scientifiques]] à ce sujet{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=104-105}}.
 
Au début de la décennie, [[Louis Pauwels]] et [[Jacques Bergier]] touchent le grand public avec leur essai ''[[Le Matin des magiciens]]'', posant les bases du mouvement culturel du « [[réalisme fantastique]] »{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=104-105}}{{,}}<ref name="Cornut" />. Leur but est de traiter sérieusement de thèmes [[Pseudoscience|pseudo-scientifiques]] en couvrant de larges champs de recherches dont le [[paranormal]], l'[[ésotérisme]], les [[religion]]s, les [[Objet volant non identifié|soucoupes volantes]], l'[[alchimie]], les [[Société secrète|sociétés secrètes]], les [[civilisation]]s disparues et l'étude des récits de [[science-fiction]] ou de [[fantastique]]{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=104-105}}{{,}}<ref name="Cornut" />. Prolongeant leur livre, ils fondent la revue ''[[Planète (revue)|Planète]]'' destinée à aborder {{citation|tout ce que la science officielle et les revues normales négligent}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=104-105}}{{,}}<ref name="Cornut" />. En France comme en Belgique, la revue rencontre un énorme succès{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=104-105}}.
 
[[Hergé]], dont la fascination pour le [[paranormal]] remonte [[Fantastique dans Les Aventures de Tintin|à sa jeunesse]], s'est plongé dans ''Le Matin des magiciens'' puis est devenu un lecteur assidu de ''Planète''{{sfn|Peeters|2011|gr=p|p=524}}{{,}}{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=129}}{{,}}{{sfn|Goddin|2007|p=758}}{{,}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=109-111}}. Des proches écrivent dans la revue : [[Raymond De Becker]], son patron au [[Le Soir volé|''Soir'' pendant la guerre]], et [[Bernard Heuvelmans]], [[Parascience|parascientifique]] l'ayant aidé sur certains scénarios{{sfn|Goddin|2007|p=758}}{{,}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=113}}. Dès son premier numéro, ''Planète'' parle fréquemment des autres {{citation|mondes habités}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=108}}. Hergé découvre également à l'été 1965 ''Le Livre des secrets trahis'' de [[Robert Charroux]], dont il a déjà lu ''Histoire inconnue des hommes depuis cent mille ans''{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=129}}{{,}}{{sfn|Goddin|2007|p=758}}{{,}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=106}}{{,}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=110}}{{,}}<ref name=":0">{{Ouvrage|prénom1=Patrick|nom1=Mérand|titre=La géographie et l'histoire dans l'œuvre d'Hergé|éditeur=Sépia|date=impr. 2015, cop. 2015|passage=97 à 101|isbn=978-2-84280-254-7|isbn2=2-84280-254-3|oclc=920859173}}.</ref>{{,}}<ref name="Hergé intime">{{Ouvrage|auteur1=[[Benoît Mouchart]]|auteur2=[[François Rivière]]|titre=Hergé, un portrait intime du père de Tintin|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Robert Laffont|Robert Laffont]]|année=2011|passage=xxiv|isbn=978-2221114469}}.</ref>. Dans ses ouvrages, Charroux développe la [[théorie des anciens astronautes]] : des civilisations passées auraient été « visitées » par des extraterrestres et le témoignage de leur passage sur Terre en plusieurs points du globe serait certaines réalisations monumentales ou des [[pétroglyphe]]s évoquant des véhicules ou technologies semblables à ceux de l'exploration spatiale du {{s-|xx}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=111-112}}. Sur le même principe, [[Jean Sendy]] analyse la [[Bible]] comme le récit de ces rencontres à une époque lointaine, des thèses dont Hergé affirme qu'elles l'ont fortement troublé{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=106}}. Le dessinateur a aussi parcouru ''Un mythe moderne. Des « signes du ciel »'' du psychanalyste [[Carl Gustav Jung]], publié en 1959, une interprétation psychologique du phénomène des ovnis{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=106}}.
 
{{citation bloc|Hergé était très intéressé par toutes les sciences un peu marginales […]. Il avait une attirance indiscutable pour les phénomènes inexpliqués. Je pense qu'Hergé croyait profondément à la réalité de tous ces phénomènes de clairvoyance, de télépathie, de rêves prémonitoires que l'on voit dans ''[[Les Aventures de Tintin]]''. Il les traitait d’ailleurs tout à fait sérieusement. Il suffit de comparer la façon dont il évoque l'apesanteur dans ''[[On a marché sur la Lune]]'' — il en fait quelque chose de comique alors que c'est une réalité scientifique établie — et la manière dont il montre le moine qui lévite dans ''[[Tintin au Tibet]]'' : là, il évoque le phénomène d’une manière très sérieuse, et presque avec déférence, parce qu'il y croyait profondément.|[[Bernard Heuvelmans]], ami et collaborateur d'Hergé{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=102}}.}}
 
=== Élaboration de l'histoire ===
==== Un récit dérivé du précédent ====
{{Citation bloc|J'ai voulu changer, revenir à l'Aventure avec un grand A… sans y revenir vraiment.|Hergé en 1970{{Sfn|Sadoul|1989|p=187}}.}}
 
[[Hergé]] s'est toujours nourri de l'actualité de son temps pour la retranscrire plus ou moins directement dans ''[[Les Aventures de Tintin]]''{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=104-105}}{{,}}<ref name="Présentation">{{Article|auteur1=[[Rainier Grutman]]|auteur2=Maxime Prévost|titre=Présentation|périodique=[[Études françaises]]|éditeur=[[Presses de l'Université de Montréal]]|volume=46|numéro=2|titre numéro=Hergé reporter : Tintin en contexte|date=2010|page=101–117|lire en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/2010-v46-n2-etudfr3908/044531ar}}.</ref>. Ce regain d'intérêt pour certains phénomènes inexpliqués, et leur légitimation intellectuelle, l'inspire pour établir les bases d'un nouveau scénario{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=108}}{{,}}{{sfn|Peeters|2011|gr=p|p=524}}. Il voit un cadre suffisamment atypique et énigmatique pour ses héros dans ces vestiges mystérieux de civilisations anciennes, traces du [[Théorie des anciens astronautes|passage d'extraterrestres sur Terre]]{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=129}}. Il compte exploiter dans cette aventure {{citation|deux interrogations : y aurait-il d'autres mondes habités ? Y aurait-il des « [[Initiation|Initiés]] » qui le savent ?}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=108}}{{,}}{{Sfn|Sadoul|1989|p=72}}. Le projet d'Hergé est de leurrer le lecteur en commençant par une aventure classique (tranchant avec ''[[Les Bijoux de la Castafiore]]'') avant de plonger dans le paranormal{{sfn|Goddin|2007|p=758}}{{,}}{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=132}}. Il délaisse ''[[Tintin et les Picaros|Tintin et les Bigotudos]]'' pour cette histoire, tout en y récupérant des éléments narratifs{{sfn|Goddin|2007|p=758}}{{,}}{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=129}}{{,}}<ref name="Hergé1963" />.
 
[[Fichier:Hirō Onoda surrender 1974.jpg|vignette|redresse=0.85|gauche|alt=Photo en noir et blanc d'un militaire en uniforme tendant un sabre à deux mains tendues devant lui, entouré de photographes.|[[Hirō Onoda|L'ultime]] [[soldats japonais restants|soldat japonais restant]] rendant les armes en 1974. Hergé pense confronter Tintin à ces soldats isolés du Pacifique ignorant la fin de la [[Seconde Guerre mondiale]].]]
 
L'intrigue repart de l'idée d'ouverture de ''Tintin et les Bigotudos'' par un voyage en avion, Tintin, Tournesol et Haddock (et [[Dupond et Dupont]] à ce moment-là) étant invités au Congrès mondial d'astronautique en [[Australie]] à [[Sydney]] en tant que premiers hommes à avoir [[On a marché sur la Lune|marché sur la Lune]]{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=129}}. Un atterrissage d'urgence ou un crash en mer doit amener les héros sur une île déserte, où ils découvriraient de mystérieux signes gravés dans la pierre et rencontreraient {{incise|plus ou moins directement}} des extraterrestres{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=129}}. Dans les premières ébauches, Hergé perturbe leur vol par un [[Cyclone tropical|ouragan]] qui les contraint à un atterrissage forcé sur un providentiel vieil aérodrome militaire perdu sur une île isolée du côté de [[Bornéo]] ; les personnages sont fait prisonniers par des soldats japonais en haillons, [[Soldats japonais restants|oubliés là depuis vingt ans]], sans savoir que la [[Seconde Guerre mondiale]] a pris fin{{sfn|Goddin|2007|p=758}}{{,}}{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=130-131}}. Dans la scène de l'avion, le dessinateur reprend un gag conçu pour ''Les Bigotudos'' : le capitaine Haddock se démène avec un siège récalcitrant qui se coince ou se débloque intempestivement, l'empêchant de savourer son whisky{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=130-131}}.
 
Hergé remanie ces prémices en faisant revenir [[Liste des personnages des Aventures de Tintin#Piotr Szut|Piotr Szut]], prévu en aviateur mercenaire chez les ''bigotudos'', qu'il emploie ici en pilote d'avion privé en Australie{{sfn|Goddin|2007|p=758}}, au service de James H. Spalding, collectionneur sydnéen de retour d'[[Inde]] (où il aurait acheté des émeraudes au maharadjah de [[Gopal]]){{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=132}}. Szut retrouve Tintin et ses amis lors d'une [[escale]] avant Sydney, pour laquelle Hergé récupère des éléments du transit à [[Rio de Janeiro]] qui commence une des versions des ''Bigotudos'', dont l'accueil par une hôtesse{{sfn|Goddin|2007|p=758}}{{,}}{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=132}}. Dans une nouvelle mouture, Hergé renomme l'homme d'affaires R. E. Barclay et en fait un influent [[Élevage|éleveur]] australien, par ailleurs organisateur du congrès d'astronautique et accompagné d'un secrétaire nommé Harrison ; après les retrouvailles de Szut et Tintin, Barclay les invite à poursuivre ensemble le voyage jusqu'à Sydney à bord de son avion privé{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=132}}. Ce synopsis continue encore par l'ouragan obligeant à un atterrissage de fortune sur un île, la capture par des soldats japonais restants, l'évasion puis la confrontation avec un mystère{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=133}}.
 
Remplaçant l'ouragan par le [[détournement d'avion]] prévu dans ''Tintin et les Bigotudos'', Hergé en fait la manœuvre d'un secrétaire véreux envers son patron, rappelant l'antagonisme entre Mendoza, ministre tapioquiste croisé dans l'avion vers Las Dopicos, et Fernandez, son secrétaire se révélant ''bigotudos'' lorsqu'il déclenche la prise d'otages avec des complices{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=133}}. Comme dans la dernière itération des ''Bigotudos'', ce secrétaire cherche à extorquer les richesses de son employeur{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=133}}. Hergé écarte peu à peu à l'idée des Japonais et, un temps, de l'atterrissage houleux{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=133}}. L'avion finirait plutôt à la mer et les personnages dériveraient sur un [[canot pneumatique]] vers l'île, puis seraient guidés vers l'élément fantastique par le pendule du professeur Tournesol{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=133}}.
 
==== Finalisation et fabrication, du journal ''Tintin'' à l'album ====
Hergé s'éloigne de ces premières versions et, en bien moins de temps que ''Tintin et les Bigotudos'', parvient à fixer le scénario définitif{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=133}}. Lorsque l'auteur voyage au [[Québec]] en {{date-|mars 1965}}, [[Bob de Moor]] essaie d'avancer le scénario, amenant des péripéties ou détaillant la structure définie par Hergé ; ce dernier retient ensuite quelques idées de son assistant{{sfn|Goddin|2011|p=220|gr=c}}. Le dessinateur prend le temps de recommencer plusieurs fois son découpage ou de remanier des passages précis{{sfn|Goddin|2011|p=220|gr=c}}. Il se lance dans les premiers [[crayonné]]s en grand format au cours du printemps{{sfn|Goddin|2011|p=220|gr=c}}. Il y place et anime ses personnages puis confie la planche crayonnée à ses collaborateurs pour les ajouts purement techniques de décors ou de véhicules{{sfn|Goddin|2011|p=224|gr=c}}. L'histoire s'est établie : Hergé a créé [[Laszlo Carreidas]] et donné le nom de Spalding au secrétaire malhonnête, tandis que le plan général de l'enlèvement du milliardaire est l'œuvre de [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]] (une idée envisagée depuis les débuts du projet){{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=133}}. Autre idée tirée des ''Bigotudos'', le gag du ''Sani-Cola'' au goût infâme, jeté par le capitaine dans un pot de fleurs et s'avérant nocif pour la plante, était prévu avec du ''Spladj'', un alcool [[Bordurie|bordure]], à l'aéroport de Tacapolca au [[San Theodoros]]{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=103}}{{,}}{{sfn|Goddin|2011|p=243|gr=c}}. À la fin de l'année 1965, les Studios n'en sont qu'à la moitié des crayonnés de l'aventure{{sfn|Goddin|2011|p=231|gr=c}}. Hergé s'étonne lui-même d'éprouver du plaisir dans le travail, écrivant à un ami : {{citation|Tout est subordonné à Tintin ! Et jusqu'ici, à ma grande surprise, je tintine avec joie !}}{{sfn|Goddin|2011|p=258|gr=c}}.
 
[[Fichier:Bob-de-moor-1357174668.jpg|vignette|redresse|alt=Photographie en couleurs d'un homme de profil, portant des lunettes.|[[Bob de Moor]], principal collaborateur d'Hergé au sein des [[Studios Hergé|Studios]], en 1980.]]
[[Michel Greg]], nouveau rédacteur en chef du journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'', espère pouvoir proposer cette histoire pour le vingtième anniversaire du périodique en {{date-|septembre 1966}}, aucune aventure inédite du héros éponyme n'y étant parue depuis quatre ans{{sfn|Goddin|2011|p=231|gr=c}}. Hergé et son équipe commencent l'[[Encrage (dessin)|encrage]] des planches en {{date-|mai 1966}}, partageant le dessin comme à l'étape des crayonnés{{sfn|Goddin|2011|p=238|gr=c}}. L'histoire est baptisée tardivement{{sfn|Goddin|2011|p=231|gr=c}}. Le dessinateur hésite entre plusieurs titres, comme {{citation|''L'Archipel du grand secret''}} ou {{citation|''Vol spécial pour Adélaïde''}} (d'après la [[Adélaïde (Australie)|ville australienne]]), avant de choisir ''Vol 714 pour Sydney''{{sfn|Goddin|2011|p=231|gr=c}}{{,}}{{sfn|Goddin|2007|p=758}}. Ce « vol 714 pour Sydney » du titre ne joue pourtant aucun rôle dans l'action : c'est la référence du vol que Tintin, Haddock et Tournesol auraient dû prendre au début de l'histoire (mais n'ont pas pris à la suite de la rencontre avec Carreidas), et prennent une fois le livre fini, pour se rendre au congrès d'aéronautique{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planche 62}}}}{{,}}{{sfn|Goddin|2007|p=760}}. Ce titre n'est divulgué qu'une semaine avant la prépublication dans ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]''{{sfn|Goddin|2011|p=248|gr=c}}. L'achèvement des crayonnés et des planches encrées, puis leur mise en couleur, se fait en parallèle de la parution des premières dans le journal{{sfn|Goddin|2011|p=254|gr=c}}. Hergé termine les crayonnés des dernières pages au tournant de l'année 1967{{sfn|Goddin|2011|p=256|gr=c}}. Au cours de la mise au net, arrivés au milieu de l'épisode, le dessinateur et ses collaborateurs découvrent tardivement que les crayonnés comportent une planche de trop, car deux pages ont été numérotés 33 par erreur{{sfn|Goddin|2011|p=264|gr=c}}. Hergé est donc contraint de réduire d'une planche son récit{{sfn|Goddin|2011|p=264|gr=c}}. Retouchant les crayonnés des ultimes planches, il condense la scène finale de l'éruption{{sfn|Goddin|2011|p=266|gr=c}}. Les dernières planches sont encrées vers l'automne 1967{{sfn|Goddin|2011|p=258|gr=c}}.
 
Tout au long de l'écriture de l'aventure, l'auteur se demande à quel point montrer les [[Extraterrestre dans la fiction|extraterrestre]]s{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=133}}. Il résout en partie cette question en faisant apparaître un initié, [[Mik Ezdanitoff]], intermédiaire entre les personnages humains et les extraterrestres{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=133}}. Dans la grotte, les statues similaires à des cosmonautes et les [[pétroglyphe]]s représentant des soucoupes volantes entourées d'être volants évoquent aussi leur présence{{sfn|Goddin|2007|p=778}}{{,}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=105}}. Hergé hésite également sur le fait de représenter les extraterrestres ou, au moins, leur vaisseau spatial{{sfn|Goddin|2007|p=778}}. Il en débat avec son entourage ; par exemple, [[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]] l'incite à les représenter, comme il l'avait encouragé à révéler le [[yéti]] au plus tôt dans ''[[Tintin au Tibet]]''{{sfn|Goddin|2007|p=778}}. Hergé décide finalement de seulement donner à voir la soucoupe dans le ciel, dans les dernières pages{{sfn|Goddin|2007|p=778}}. Il regrette plus tard ce choix, déclarant en 1971 : {{citation|La soucoupe volante n'aurait pas dû y être. Je n'aurais peut-être pas dû [la] montrer de façon si précise… Mais ce n'était pas assez visible, sinon. […] Je n'ai pas trouvé le moyen de terminer autrement. Le mystère n'est pas assez mystérieux : il y a une réponse}}{{sfn|Goddin|2007|p=778}}{{,}}{{Sfn|Sadoul|1989|p=189}}.
 
Début {{date-|septembre 1967}}, Hergé termine avec soulagement son travail sur l'aventure et prend des vacances, tandis que ses collaborateurs poursuivent leurs tâches dans les décors puis la mise en couleurs{{sfn|Goddin|2011|p=275|gr=c}}{{,}}{{note|Dans une lettre à [[Robert Poulet]] en {{date-|septembre 1967}}, Hergé écrit notamment {{citation|OUF ! Je viens d'achever le dernier trait du dernier dessin de la dernière planche de mon histoire ! Je suis épuisé, pantelant, mais heureux. […] Il faut à présent me remettre en forme}}{{sfn|Goddin|2007|p=779}}.|group=note}}. Au cours de la conception de ''Vol 714 pour Sydney'', il a brièvement songé à ce que ce soit la dernière des ''Aventures de Tintin''{{sfn|Goddin|2007|p=781}}. À son retour de [[Suisse]], il livre la couverture de l'album, montrant Tintin, Haddock, Milou, Carreidas et Krollspell dans le sinistre souterrain, encadrés par deux gigantesques visages de pierre ; l'éditeur [[Louis-Robert Casterman]] est réticent envers cette illustration sombre et éloignée du sujet aérien du titre mais Hergé le rassure en agrandissant ses personnages et en donnant plus de couleur à l'ensemble{{sfn|Goddin|2011|p=276|gr=c}}{{,}}{{note|Lettre d'Hergé à [[Louis-Robert Casterman]], {{date-|1 décembre 1967}} : {{citation|Je reconnais qu'il y a un décalage entre le titre de l'album et le sujet de l'illustration. Mais il fallait choisir : ou bien mettre l'un et l'autre en concordance et évoquer de « larges horizons » qui ne tiennent pas de place importante dans l’histoire ; ou bien accepter cette rupture comme on l'a fait, par exemple, pour ''[[Coke en stock]]''. C’est à cette seconde solution que je me suis finalement arrêté. […] En vue de rendre moins « sombre » l'aspect d'ensemble, les tons définitifs seront beaucoup plus lumineux que sur le projet. […] Les personnages seront rapprochés, donc agrandis, eux aussi}}{{sfn|Goddin|2007|p=781}}.|group=note}}. Une fois la prépublication de ''Vol 714 pour Sydney'' achevée en {{date-|décembre 1967}}, Hergé retourne aussitôt aux brouillons de ''Tintin et les Bigotudos''{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=11 et 139}}{{,}}{{note|Dans ses esquisses de ''Vol 714 pour Sydney'', avant d'imaginer le journal télévisé concluant l'aventure, Hergé prévoyait d'abord de relater l'épilogue à l'aide d'une fausse [[Une (journalisme)|une]] de journal sur une pleine planche, dont la plupart des titres apporterait une information sur ce qui est arrivé aux personnages après leur départ de l'île, entremêlés d'autres échos sans rapport : des faits concernant les [[Dupond et Dupont]], la [[Bianca Castafiore|Castafiore]], et l'annonce d'un {{citation|''[[pronunciamiento]]'' au [[San Theodoros]]}} ramenant le [[général Alcazar]] au pouvoir, soit une transition vers ''Tintin et les Bigotudos'' à venir{{sfn|Goddin|1990|gr=g|p=133-134}}.|group=note}}.
 
=== Sources d'inspiration ===
==== PersonnagesIntérêt pour les pseudo-sciences ====
[[Fichier:Dassault,Planète MarcelLogo.jpgpng|vignette|gauche|redresse=1.25|alt=PhotographieTitre d'un« hommePlanète souriant» portanten uncapitales.|Hergé manteau,s'appuie desles lunettes,articles un[[Pseudoscience|pseudoscientifiques]] chapeaude etla unepopulaire finerevue moustache.|''[[MarcelPlanète Dassault(revue)|Planète]], possible inspiration de Laszlo Carreidas''.]]
L'écriture de ''Vol 714 pour Sydney'' est directement inspirée des articles de la revue ''[[Planète (revue)|Planète]]''{{sfn|Goddin|2007|p=758}}{{,}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=109-111}}. Selon l'universitaire Maxime Prévost, plusieurs articles du premier numéro, paru en 1961, suggèrent à Hergé des éléments de son intrigue, parmi lesquels « Hypothèses sur les mondes habités » de Pierre Guérin, « Notions nouvelles sur l'hypnotisme » de [[Jacques Mousseau]], et surtout « Redécouverte du roman d'aventures anglais » de [[Jacques Bergier]], qui se propose de réhabiliter [[Henry Rider Haggard]], [[Arthur Conan Doyle]], [[John Buchan]] et [[Robert Louis Stevenson]], des romanciers dont l'influence sur Hergé est certaine{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=109-111}}{{,}}<ref>{{article|auteur=[[Marc Angenot]]|titre=Basil Zaharoff et la guerre du Chaco : la tintinisation de la géopolitique des années 1930|périodique=[[Études françaises]]|volume=46|numéro=2|année=2010|pages=47-63|lire en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/2010-v46-n2-etudfr3908/044534ar}}.</ref>.
Pour composer le personnage du milliardaire Laszlo Carreidas, Hergé pourrait s'être inspiré de l'ingénieur et homme d'affaires [[Marcel Dassault]], même si le dessinateur ne l'affirme pas lui-même{{sfn|Prévost|2010|p=109}}. Outre le rapport aux avions, Carreidas et son probable modèle partagent une allure qui ne laisse pas deviner de prime abord leur nature de pilier du monde des affaires{{Sfn|Farr|2001|p=180}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Assouline|lien auteur1=Pierre Assouline|titre=Monsieur Dassault|éditeur=Balland|année=1983|pages totales=380|isbn=978-2-7158-0406-7|passage=344}}.</ref>.
 
D'autres numéros de la revue contiennent des articles qui se rapprochent de l'imaginaire de ''Vol 714 pour Sydney'', comme l'analyse des théories de [[Thor Heyerdahl]] sur les [[Moaï|statues de l'île de Pâques]] par [[Serge Hutin]] dans « La grande énigme des rochers sculptés », article paru dans le deuxième numéro en 1961, ou les communications télépathiques et les [[Objet volant non identifié|soucoupes volantes]], dans des articles parus en 1964 et 1966{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=109-111}}. Dans un de ces articles, le récit de la rencontre d'un [[Betty et Barney Hill|couple américain]] avec des extraterrestres comporte, à l'instar de la fin de l'album, l'effacement de leur mémoire par [[hypnose]] et des signes d'{{citation|[[aimantation]] intense}} de leurs montres et leur voiture, tel l'objet métallique gardé par le [[professeur Tournesol]]{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=109-111}}.
Mik Ezdanitoff, de la revue ''Comète'', est quant à lui ouvertement inspiré de l'écrivain et journaliste [[Jacques Bergier]], de la revue ''[[Planète (revue)|Planète]]''{{sfn|Prévost|2010|p=109}}. Hergé disait à son sujet {{citation|J'aime bien dérouter, Ezdanitoff lui aussi est déroutant… Jacques Bergier a été ravi de se voir ainsi croqué dans le rôle de ''l'initié'' : il figure maintenant dans une bande dessinée ! L'étonnant Bergier…}}{{Sfn|Farr|2001|p=183-184}}. Hergé a aussi envisagé les noms « Jacques Gerbier » ou « Korsakoff »<ref>Mine de plomb recto-verso ({{Dunité|54|36|cm}}) préparatoire des planches 45 et 46 de l'album ''Vol 714 pour Sydney'', adjugée {{unité|142508|€}} lors de la vente aux enchères ''Artcurial'' le 22 novembre 2008 à Paris.</ref>. Fondateur de la revue ''Planète'' et coauteur du ''[[Le Matin des magiciens|Matin des magiciens]]'', grand succès de librairie dès sa parution en 1960, Jacques Bergier se distingue par son ouverture pour tout ce qui relève des savoirs déviants, des thèmes qui suscitent l'intérêt d'Hergé depuis de longues années{{sfn|Prévost|2010|p=109}}. Hergé le rencontre personnellement sur le tournage de ''[[Tintin et les Oranges bleues]]'', durant lequel Bergier conseille les producteurs<ref name="télépathie"/>.
 
[[Fichier:Livres de Robert Charroux chez Robert Laffont.jpg|vignette|redresse|alt=Dos de plusieurs livres d'une même collection.|Autres succès, les livres de [[Robert Charroux]] élaborent une [[théorie des anciens astronautes|théorie particulière sur les extraterrestres et l'Humanité]].]]
Le nom de Mik Ezdanitoff, à consonance slave, est en réalité emprunté au [[brusseleir|marollien]] « is dat niet tof ? » qui signifie « n'est-ce pas que c'est chouette ? »<ref>{{Chapitre|langue=fr|titre chapitre=N'est-ce pas chouette ?|titre ouvrage={{harvsp|id=historia|texte=Les personnages de Tintin dans l'histoire, volume 2}}|passage=103}}.</ref>.
 
L'influence des écrits de [[Robert Charroux]] est aussi perceptible{{sfn|Goddin|2007|p=758}}{{,}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=106}}{{,}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=110}}{{,}}<ref name=":0" />{{,}}<ref name="Hergé intime" />. Hergé fonde son récit sur la [[théorie des anciens astronautes]], exposée dans ''Histoire inconnue des hommes depuis cent mille ans'' en 1963 puis ''Le Livre des secrets trahis'' en 1965{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=111-112}}. Cette hypothèse [[Pseudohistoire|pseudo-historique]] tente d'expliquer par le contact de civilisations anciennes avec des [[Vie extraterrestre|extraterrestres]], depuis la [[Préhistoire]], les architectures monumentales échappant aux moyens techniques de leur époque et les gravures, dessins ou sculptures rappelant des objets volants ou des cosmonautes en scaphandre{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=111-112}}. Ces œuvres mystérieuses seraient la preuve matérielle d'une transmission de savoirs à ces peuples ou, tout du moins, la représentation par ces civilisations de la venue de ces êtres d'un autre monde, également décelable dans des récits religieux tel le ''[[Livre d'Hénoch]]''{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=111-112}}.
Malgré de très nombreuses demandes de ses admirateurs, Hergé s’est longtemps refusé à représenter l’un d’eux dans une aventure de Tintin. ''Vol 714 pour Sydney'' fait exception à cette règle. En effet, Hergé, touché par une lettre d'un lecteur nommé Jean Taussat (qui lui écrit sous le faux nom de Jean Tauré de Bessat), a accepté de représenter ce dernier sous les traits du journaliste qui interroge Tintin et ses compagnons à la fin de l'album<ref>{{Ouvrage|auteur1=Philippe Goddin|titre=Hergé. Lignes de vie|passage=715 et 778-779.|éditeur=Éditions Moulinsart|date=2007|isbn=978-2-87424-097-3}}</ref>{{,}}{{sfn|Assouline|1996|p=599-600}}.
 
Dans son histoire, Hergé fait de l'île de [[Liste des lieux imaginaires dans Les Aventures de Tintin|Pulau-Pulau Bompa]] le territoire d'un peuple désormais disparu, visité par des extraterrestres depuis des millénaires ; l'endroit garde des traces de la vénération des autochtones envers ces « dieux » d'une autre planète{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=111-112}}. Le dessinateur place ainsi des représentations équivoques dans le temple souterrain, mêlant des exemples d'origines géographiques diverses{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=111-112}}{{,}}{{sfn|Farr|2001|p=184}}. Dans ''Le Livre des secrets trahis'', Charroux mentionne notamment la découverte d'une [[Art rupestre|peinture rupestre]] en [[Ouzbékistan]], parmi les [[Histoire culturelle de l'Ouzbékistan des origines à 1700|grottes ornées de Ferghana]], dépeignant un cosmonaute {{citation|coiffé d'un casque hermétique pourvu d'antennes et portant sur le dos un appareil ressemblant à ceux dont on envisage de doter les futurs “[[Sortie extravéhiculaire|piétons de l’espace]]”}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=111-112}}{{,}}{{sfn|Farr|2001|p=184}}. L'entrée basculante du passage secret dans la grotte s'inspire directement d'une remarque présente dans le même ouvrage : les [[Tête colossale olmèque|têtes géantes de pierre]] édifiées par les [[Olmèques]] au [[Mexique]] semblent {{citation|casqué[e]s comme des [[Astronaute|cosmonautes]] modernes}}, d'autant plus qu'elles évoqueraient des {{citation|dieux volants}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=111-112}}{{,}}{{sfn|Farr|2001|p=184}}{{,}}{{note|Robert Charroux évoque ensemble les pétroglyphes ouzbèques et les têtes colossales olmèques dans ''Le Livre des secrets trahis'' mais leurs descriptions plus précises proviennent de chapitres différents du ''Livre des maîtres du monde'', respectivement « Cosmonautes sur tout le globe » et « Le Dieu extraterrestre »{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=111-112}}.|group=note}}. Dans ''Histoire des hommes inconnue depuis cent mille ans'' puis ''Le Livre des maîtres du monde'' en 1967, explorant les mystères connus de seuls [[Initiation|Initiés]], Charroux érige celui du contact avec les extraterrestres et de leur lien ancien aux humains comme l'un des plus importants, secret perpétué par une poignée de {{citation|médiateurs}} : Hergé fait de [[Mik Ezdanitoff]] l'un d'entre eux{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=115}}. Dans le premier livre, Charroux estime, au chapitre « Les soucoupes volantes », que les extraterrestres viendraient régulièrement sur [[Terre]] pour se tenir au courant des activités de l'Humanité, Hergé établissant Ezdanitoff comme l'intermédiaire de cette mission{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=113}}. Enfin, dans ''Le Livre des maîtres du monde'', Charroux relève dans plusieurs récits religieux la rémanence du motif des élus préservés d'un malheur terrestre, tel le [[Déluge]] : {{citation|tous ont été “enlevés vivants” à la Terre et transportés ailleurs… comme s'ils avaient eu le pouvoir de se déplacer dans un mystérieux engin pour se rendre en un mystérieux endroit}} ; la fin de l'aventure {{incise|en particulier le destin du docteur Krollspell, retrouvé à [[New Delhi]]}} peut faire écho à cette considération{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=113}}.
 
==== Nouveaux personnages ====
Pour composer le personnage du milliardaire [[Laszlo Carreidas]], Hergé s'inspire de l'austère homme le plus riche du monde [[J. Paul Getty]], connu pour son avarice et son absence de sourire, et du magnat [[Howard Hughes]] devenu à la fin de sa vie fou et [[Mysophobie|mysophobe]]{{sfn|Goddin|2007|p=761}}. Il pense d'abord le baptiser Juan Carredas et hésite entre l'affubler d'un tic verbal, de la phobie des microbes ou d'un [[catarrhe]] chronique comme défaut susceptible de créer des gags{{sfn|Goddin|2011|p=219|gr=c}}. Son nom provient d'un jeu de mots sur « carré d'[[As (carte à jouer)|as]] »{{sfn|Mozgovine|1992|p=49}}. Le nom de sa marque de [[soda]], Sani-Cola, est également un jeu de mots sur [[Saint-Nicolas (fête)|saint Nicolas]]{{sfn|Goddin|2007|p=761}}. Carreidas pourrait aussi emprunter à l'ingénieur et homme d'affaires [[Marcel Dassault]], même si le dessinateur le réfute{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=109}}{{,}}{{sfn|Goddin|2007|p=760}} : outre le rapport aux avions, Carreidas et son probable modèle partagent une allure qui ne laisse pas deviner de prime abord leur nature de pilier du monde des affaires{{Sfn|Farr|2001|p=180}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Assouline|lien auteur1=Pierre Assouline|titre=Monsieur Dassault|éditeur=Balland|année=1983|pages totales=380|isbn=978-2-7158-0406-7|passage=344}}.</ref>. Hergé se défend de s'être inspiré de l'avionneur, probablement pour ne pas le froisser{{sfn|Goddin|2007|p=761}}. Sur le conseil de ses collaborateurs, pour éviter la comparaison avec Dassault, il retire les mots « cinéma » et « presse » des activités de Carreidas énumérées par Szut mais fait l'erreur de les remplacer par « électronique », [[Dassault Électronique|domaine crucial]] de son [[Groupe industriel Marcel Dassault|groupe industriel]]{{sfn|Goddin|2007|p=785}}. Dassault est néanmoins ravi de cette caricature dans laquelle il se reconnaît pleinement ; il aurait même envoyé une lettre de félicitations à Hergé{{sfn|Goddin|2007|p=761}}{{,}}<ref>{{Ouvrage |auteur=[[Claude Carlier (historien)|Claude Carlier]] |titre=Marcel Dassault, la légende d'un siècle |lieu=Paris |éditeur=Perrin |année=1992 |pages totales=456 |isbn=2262009163}}.</ref>.
 
<gallery mode="packed" heights="180px" caption="Personnalités ayant inspiré le personnage de [[Laszlo Carreidas]]">
Dassault, Marcel.jpg|alt=Photographie d'un homme souriant portant un manteau, des lunettes, un chapeau et une fine moustache.|[[Marcel Dassault]].
J Paul Getty crop.jpg|alt=Portrait en noir et blanc d'un homme.|[[J. Paul Getty]].
Howard Hughes Majalah Varianada Edisi 78 Tahun 1972.jpg|alt=Portrait en sépia d'un homme.|[[Howard Hughes]].
</gallery>
 
[[Mik Ezdanitoff]], de la revue ''Comète'', est quant à lui ouvertement inspiré de l'écrivain et journaliste [[Jacques Bergier]], de la revue ''[[Planète (revue)|Planète]]''{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=109}}. Hergé disait à son sujet {{citation|J'aime bien dérouter, Ezdanitoff lui aussi est déroutant… Jacques Bergier a été ravi de se voir ainsi croqué dans le rôle de ''l'initié'' : il figure maintenant dans une bande dessinée ! L'étonnant Bergier…}}{{Sfn|Farr|2001|p=183-184}}. Hergé a aussi envisagé les noms « Jacques Gerbier » ou « Korsakoff »<ref>Mine de plomb recto-verso ({{Dunité|54|36|cm}}) préparatoire des planches 45 et 46 de l'album ''Vol 714 pour Sydney'', adjugée {{unité|142508|€}} lors de la vente aux enchères ''Artcurial'' le 22 novembre 2008 à Paris.</ref>. Fondateur de la revue ''Planète'' et coauteur du ''[[Le Matin des magiciens|Matin des magiciens]]'', grand succès de librairie dès sa parution en 1960, Jacques Bergier se distingue par son ouverture pour tout ce qui relève des savoirs déviants, des thèmes qui suscitent l'intérêt d'Hergé depuis de longues années{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=109}}. Cependant, Bergier tient en horreur la question des {{abréviation discrète|OVNI|Objets volants non identifiés}}, qu'il range parmi les {{citation|escroqueries classiques}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=108}}{{,}}<ref>{{Ouvrage |auteur=Charles Moreau |titre=Jacques Bergier, résistant et scribe des miracles |lieu=Québec |éditeur=MNH / Anthropos |collection=Arcanes |année=2002 |pages totales=109 |passage=83 et 90 |isbn=2921912759}}.</ref>. Hergé le rencontre personnellement sur le tournage de ''[[Tintin et les Oranges bleues]]'', durant lequel Bergier conseille les producteurs<ref name="télépathie"/>. Le nom de Mik Ezdanitoff, à consonance slave, est en réalité emprunté au [[brusseleir|marollien]] {{citation|''is dat niet tof ?''}} qui signifie {{citation|n'est-ce pas que c'est chouette ?}}<ref>{{Chapitre|titre chapitre=N'est-ce pas chouette ?|titre ouvrage={{harvsp|id=historia|texte=Les personnages de Tintin dans l'histoire, volume 2}}|passage=103}}.</ref>, Hergé se plaisant à inventer des noms propres à partir de ce dialecte bruxellois<ref>{{Article |auteur=[[Rainier Grutman]] |titre=« ''Eih bennek, eih blavek'' » |sous-titre=l'inscription du bruxellois dans ''Le sceptre d'Ottokar'' |traduction titre=J'y suis, j'y reste : l'inscription du bruxellois dans ''Le sceptre d'Ottokar'' |périodique=[[Études françaises]] |lieu=Montréal |éditeur=[[presses de l'Université de Montréal]] |volume=46 |numéro=2 |titre numéro=Hergé reporter : Tintin en contexte |année=2010 |pages=83-99 |issn=0014-2085 |lire en ligne=http://www.erudit.org/revue/etudfr/2010/v46/n2/044536ar.pdf |format=pdf |consulté le=7 février 2023}}.</ref>. Son langage comporte des « [[Consonne roulée alvéolaire voisée|r roulés]] », évoquant un accent [[russe]], qu'Hergé a curieusement tenté de gommer avant la parution en album{{sfn|Goddin|2007|p=778}}.
 
[[Fichier:WP Josef Mengele 1956.jpg|vignette|gauche|redresse|alt=Photographie en noir et blanc d'un homme portant une moustache et une cravate.|Le médecin nazi [[Josef Mengele]] est cité comme l'une des possibles inspirations du {{Dr|Krollspell}}.]]
Le docteur Krollspell, [[psychiatre]] inventeur d'un [[sérum de vérité]], est dans l'esprit d'Hergé, {{citation|un véritable tortionnaire. Il a un passé obscur et a probablement « travaillé » dans un [[Camps de concentration nazis|camp nazi]]}}{{Sfn|Sadoul|1989|p=187}}{{,}}{{sfn|Goddin|2007|p=768}}{{,}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=107-108}}{{,}}<ref name="Garcia Histoire" />{{,}}<ref name="Krollspell" />{{,}}{{note|Ce ne serait pas la première fois que Rastapopoulos fait appel à d'anciens nazis. Hergé déclare que {{citation|dans ''[[Coke en stock]]'', la présence d'anciens hitlériens n'est que sous-entendue}}{{Sfn|Sadoul|1989|p=187}}.|group=note}}. Ce pourrait être une transposition du [[Josef Mengele|docteur Mengele]], médecin dans le [[Centres d'extermination nazis|camp]] d'[[Auschwitz]] durant la [[Seconde Guerre mondiale]] s'étant livré à de [[Expérimentation médicale nazie|sordides expérimentations]]<ref name="frey" />{{,}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=107-108}}{{,}}<ref name="Krollspell" />{{,}}{{sfn|Farr|2001|p=180}}, ou de [[Theodor Morell]], médecin personnel d'Hitler qu'il a bourré de substances douteuses<ref name="Garcia Histoire" />. La présence de Krollspell en [[Inde]] peut rappeler l'exil de Mengele en [[Argentine]] afin d'échapper à toute [[Procès des Médecins|condamnation]]<ref name="Krollspell">{{Ouvrage |auteur1=Daniel Couvreur |auteur2=Frédéric Soumois |auteur3=Dominique Maricq |auteur4=Christian Bernard |titre=Le docteur Krollspell, médecin dévoyé |éditeur=Moulinsart |année=2015 |collection=Figurines Tintin |numéro dans collection=104 |lire en ligne=https://archive.org/details/figurinestintinlivres/104%20-%20Le%20docteur%20Krollspell%20medecin%20devoye}}.</ref>{{,}}{{sfn|Farr|2001|p=180}}. Au cours de ces années où Hergé conçoit ''Vol 714 pour Sydney'', la presse révèle en détail et en images les crimes de Mengele, dont l'Allemagne vient récemment de demander l'extradition<ref name="Krollspell" />. Le mot « ''krolspel'' » signifie « [[bigoudi]] » en bruxellois<ref name="Garcia Histoire">{{Ouvrage |auteur=[[Bob Garcia]] |titre=Tintin et l'Histoire |éditeur=Desclée de Brouwer |année=2022 |pages totales=272 |isbn=9782220097770 |lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/Tintin_et_l_Histoire/bJ9aEAAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1}}.</ref>.
 
Hergé se prête exceptionnellement à représenter l'un de ses admirateurs dans une aventure de Tintin{{sfn|Goddin|2007|p=715}}{{,}}<ref name="Tauré de Bessat">{{Lien web |url=https://blogamis.mollat.com/pelicans-noirs-bordeaux/2015/03/01/conference-de-philippe-goddin-a-propos-de-jean-taure-de-bessat-alias-jean-taussat |titre=Conférence de Philippe Goddin à propos de Jean Tauré de Bessat alias Jean Taussat |site=blogamis.mollat.com |éditeur=association Les Pélicans Noirs |date=1 mars 2015|consulté le=18 janvier 2024}}.</ref>. Un lecteur [[Bordeaux|bordelais]] nommé Jean Taussat (qui lui écrit sous le faux nom de Jean Tauré de Bessat) lui avait demandé en 1962 dans une lettre accompagnée d'une photo l'honneur d'être dessiné serrant la main ou parlant au [[capitaine Haddock]]{{sfn|Goddin|2007|p=715}}{{,}}<ref name="Tauré de Bessat" />. Touché par la ferveur de cet étudiant et cette requête rare, il avait d'abord prévu de donner son nom à un officier d'Alcazar dans ''Tintin et les Bigotudos''{{sfn|Goddin|2007|p=778}}{{,}}<ref name="Tauré de Bessat" />. Finalement, il donne ses traits au journaliste qui interroge Tintin et ses compagnons à la fin de l'album{{sfn|Goddin|2007|p=778}}{{,}}{{sfn|Assouline|1996|p=599-600}}{{,}}<ref name="Tauré de Bessat"/>{{,}}{{note|Malgré une lettre d'Hergé l'informant en 1967 de l'accomplissement de son désir, Jean Taussat ne s'est jamais vu auprès de Tintin, étant mort en 1965<ref name="Tauré de Bessat"/>. Sa famille ne découvre que dans les années 1990 le personnage précis qui s'inspirait de lui, après la parution d'articles sur cette histoire<ref name="Tauré de Bessat"/>.|group=note}}.
 
[[Fichier:Logo Carreidas.svg|vignette|redresse|alt=Emblème représentant un « C » bleu et, dans un losange, les symboles de pique, cœur, carreau et trèfle.|La [[Dérive (empennage)|dérive]] du jet arbore le logo de l'entreprise Carreidas, réunissant les quatre [[Enseignes françaises|enseignes des jeux de cartes français]], soit un carré d'[[As (carte à jouer)|as]].]]
 
==== Invention du ''Carreidas 160'' ====
Pour dessiner le ''Carreidas 160'', le jet privé du milliardaire Laszlo Carreidas, Hergé rassemble des technologies de pointe des {{nobr|années 1960}}<ref name="avion">{{Chapitre|titre chapitre=Plus vrai qu'un vrai|titre ouvrage={{harvsp|id=civilisations|texte=Tintin à la découverte des grandes civilisations}}|année=2008|passage=126}}.</ref>. Avec ce [[Avion supersonique|jet supersonique]], il entend apparaître comme un précurseur, comme il l'avait été avec ''[[Objectif Lune]]'' / ''[[On a marché sur la Lune]]'' au début des années 1950{{sfn|Goddin|2007|p=761}} et souhaite proposer la même rigueur technique que le diptyque lunaire{{sfn|Goddin|2007|p=761}}. L'assistant occasionnel Arthur Vannoeyen, précieux sur la conception des engins astronautiques dix ans plus tôt, n'est néanmoins plus disponible{{sfn|Goddin|2007|p=761}}. Hergé place donc ce travail entre les mains d'un collaborateur des [[Studios Hergé]] passionné d'aéronautique dont il n'a jamais pleinement exploité le potentiel : [[Roger Leloup]], futur créateur du personnage de ''[[Yoko Tsuno]]''<ref name="avion"/>{{,}}{{sfn|Goddin|2007|p=761}}. Il s'était chargé du dessin des ''[[De Havilland DH.98 Mosquito|Mosquitos]]'' de ''[[Coke en stock]]'' et des nombreux avions de la refonte de ''[[L'Île Noire]]''{{sfn|Farr|2001|p=75, 78, 157, 184}}{{,}}{{sfn|Schuurman|2023|p=285-287}}.
[[Fichier:Logo Carreidas.svg|vignette|Logo de l'entreprise Carreidas, réunissant les quatre [[Enseignes françaises|enseignes des jeux de cartes français]], soit un carré d'[[As (carte à jouer)|as]]. Il est visible sur la [[Dérive (empennage)|dérive]] du jet.]]
Pour dessiner le ''Carreidas 160'', le jet privé du milliardaire Laszlo Carreidas, Hergé rassemble des technologies de pointe des {{nobr|années 1960}}<ref name="avion">{{Chapitre|titre chapitre=Plus vrai qu'un vrai|titre ouvrage={{harvsp|id=civilisations|texte=Tintin à la découverte des grandes civilisations}}|année=2008|passage=126}}.</ref>. À sa demande, [[Roger Leloup]], collaborateur des [[Studios Hergé]] dont il est le spécialiste aéronautique et futur créateur du personnage de ''[[Yoko Tsuno]]'', conçoit l'appareil<ref name="avion"/>. Il invente un [[Aviation d'affaires|avion d'affaires]] [[triréacteur]] pour quatre hommes d'[[équipage]] et dix passagers, dont la vistesse à {{unité|12000|mètres}} d'[[altitude]] est de [[Nombre de Mach|mach 2]]. Ses [[turboréacteur]]s [[Rolls-Royce Turbomeca]] totalisent {{formatnum:8400}} kilos de [[Poussée (aérodynamique)|poussée]]{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planche 8}}}}.
 
[[Fichier:Dassault Mirage G8.jpg|vignette|gauche|alt=avionsAvions en vol vus du dessus avec le terrain survolé à l'arrière -plan.|Deux [[Dassault Mirage G|Mirages G]], l'un avec les ailes dépliées, l'autre avec les ailes repliées.]]
Le ''Carreidas 160'' reflète les recherches alors en cours sur le chasseur [[General Dynamics F-111 Aardvark|F-111]] de [[General Dynamics]] et sur le jet d’affaires [[Dassault Mystère 20|Mystère 20]] de [[Dassault Aviation]], ainsi que celles sur les avions supersoniques à vocation commerciale tels les projets du [[Concorde (avion)|Concorde]], du [[Boeing 2707]] et du [[Tupolev Tu-144|Tupolev 144]]{{sfn|Goddin|2007|p=761}}. Hergé fait du jet de Carreidas le premier avion [[supersonique]] commercial{{sfn|Goddin|2007|p=761}}. Leloup invente un [[Aviation d'affaires|avion d'affaires]] [[triréacteur]] pour quatre hommes d'[[équipage]] et dix passagers, dont la vitesse à {{unité|12000|mètres}} d'[[altitude]] est de [[Nombre de Mach|mach 2]]{{sfn|Goddin|2007|p=761}}. Ses [[turboréacteur]]s [[Rolls-Royce Turbomeca]] totalisent {{Unité|8400 kilos}} de [[poussée]]{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planche 8}}}}. Il est également équipé d'une [[Aile (aéronautique)|voilure]] à [[Voilure à géométrie variable|géométrie variable]]{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planche 11}}}}, qui présentesoit la même solution de vol que le [[Dassault Mirage G|Mirage G]]{{Sfn|de Granrut|2002|p=74-75}}, un appareil qui effectue son premier vol en 1966<ref name="Modèles">{{Lien web |titre=Vol hypersonique pour Sydney |url=https://www.tintin.com/fr/news/3986/vol-hypersonique-pour-sydney |date=11 avril 2013 |site=www.tintin.com |consulté le=28 novembre 2020}}.</ref>, et d'un [[empennage]] en T proche du [[Vickers VC10]]<ref name="Modèles"/>.
 
Le ''Carreidas 160'' emprunte l'aménagement de son [[Poste de pilotage|cockpit]] au [[Boeing 707]]<ref name="avion"/>, un [[avion de ligne]] américain. L'un des collaborateur d'Hergé, Michel Desmarets, se rend d'ailleurs à l'[[Aéroport de Bruxelles-National|aéroport de Bruxelles]] pour étudier le système de verrouillage intérieur de l'appareil{{sfn|Assouline|1996|p=594}}. Le train d'atterrissage du ''Carreidas 160'' rappelle quant à lui celui du [[Tupolev Tu-134]], un modèle [[soviétique]]<ref name="Modèles"/>. La propulsion par [[triréacteur|trois réacteurs]] évoque le petit [[Yakovlev Yak-40]], un autre appareil soviétique<ref name="Modèles"/>. De même, le ''Carreidas 160'' dispose de réacteurs à [[postcombustion]], que seuls le [[Concorde (avion)|Concorde]] et le [[Tupolev Tu-144]] ont eu parmi les avions civils<ref name="Modèles"/>. Les buses d'entrées d'air sont similaires à celles du [[Rockwell B-1 Lancer]], un [[Bombardier (avion)|bombardier]] [[supersonique]], alors en développement aux [[États-Unis]], qui possède lui aussi des ailes à géométrie variable<ref name="Modèles"/>. Une maquette du ''Carreidas 160'' est conçue par Leloup pour en faciliter le dessin{{sfn|Goddin|2007|p=761}}{{,}}{{sfn|Goddin|2011|p=247|gr=c}}.
 
<gallery mode="packed" heights="150" caption="Éléments d'avions ayant inspiré le Carreidas 160">
Un dessin de Roger Leloup du ''Carreidas 160'' en vue éclatée est publié dans le journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' le {{date-|13 décembre 1966}}<ref>{{Chapitre|langue=fr|titre chapitre=Le Carreidas 160|titre ouvrage={{harvsp|id=historia|texte=Les personnages de Tintin dans l'histoire, volume 2}}|passage=109}}.</ref> et témoigne du souci de réalisme apporté à l'appareil{{Sfn|Peeters|1984|p=172-174}}{{,}}<ref name="avion" />. Toutefois, certaines incohérences figurent dans l'album. Le [[Poste de pilotage|cockpit]] n'a pas de siège dont le dossier permet de soutenir la nuque, ce qui est pourtant nécessaire dans un engin supersonique afin que les membres d'équipage ne subissent pas de [[coup du lapin]] en cas de choc. Aussi, par mesure de sécurité, le pilote aurait dû porter des lunettes de soleil et les membres de l'équipage attacher leur [[ceinture de sécurité]]<ref name=":1">{{Ouvrage|auteur1=Patrick Mérand|titre=Les arts et les sciences dans l'œuvre d'Hergé|passage=102 à 105|éditeur=Sépia|date=2015}}</ref>. Par ailleurs, Piotr Szut, qui est [[Monophtalmie|borgne]], n'aurait pas pu piloter cet avion. En effet, la législation aérienne est très stricte dans le domaine et le pilote doit avoir une vision normale du [[Relief (géomorphologie)|relief]]. Or, cette vision est produite par la juxtaposition de chacune des deux images transmises au cerveau par chaque œil. En effet, ces deux images ne sont pas exactement identiques, car les deux yeux étant séparés d'une dizaine de centimètres<ref name=":1" />.
Fichier:Boeing 707-123 B (1959) Cockpit.jpg|alt=Photographie en couleurs de l'intérieur d'un cockpit montrant le tableau de bord et les sièges des pilotes.|Cockpit d'un [[Boeing 707]].
Fichier:Vickers Super VC10 Srs1151, British Airways AN1804817 tail.jpg|alt=Photographie en couleurs d'une aile, d'un moteur et de la dérive rouge d'un avion, devant un hangar.|[[Empennage]] du [[Vickers VC10]].
Fichier:Tupolev Tu-134 OK-CFE, nose undercarriage detail.jpg|alt=Photographie en couleurs montrant un plan détaillé d'un train d'atterissage.|Train d'atterrissage du [[Tupolev Tu-134]].
</gallery>
 
[[Fichier:Personnages de Tintin, Stockel, 2010, Lampion, Sakharine, Szut, Carreidas 1960.jpg|vignette|alt=Personnages peints sur le mur blanc d'une station de métro.|redresse|Le ''Carreidas 160'' et Szut en tenue de pilote sur la fresque de la station [[Stockel (métro de Bruxelles)|Stockel]] du [[métro de Bruxelles]].]]
La [[Piste (aérodrome)|piste d'atterrissage]] de l'île de Pulau-Pulau Bompa étant trop courte, l'avion utilise un [[Aérofrein|parachute de queue]], dispositif que vient compléter une [[barrière d'arrêt]] sur la piste afin que l'appareil puisse se poser sans trop de dommages. Dans la réalité, ces mêmes barrières sont utilisées dans l'armée et notamment sur les [[porte-avions]], pour la même raison<ref name=":1" />. Par ailleurs, des lecteurs [[Indonésie|indonésiens]] de la série sont sollicités et chargé de transmettre aux [[Studios Hergé]] des photographies précises des bâtiments de l'[[aéroport de Kemayoran]]{{sfn|Assouline|1996|p=594}}.
Un dessin de Roger Leloup du ''Carreidas 160'' en vue éclatée est publié dans le journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' le {{date-|13 décembre 1966}}<ref>{{Chapitre|titre chapitre=Le Carreidas 160|titre ouvrage={{harvsp|id=historia|texte=Les personnages de Tintin dans l'histoire, volume 2}}|passage=109}}.</ref> et témoigne du souci de réalisme apporté à l'appareil{{sfn|Goddin|2007|p=761}}{{,}}<ref name="Modèles"/>{{,}}{{Sfn|Peeters|1984|p=172-174}}{{,}}<ref name="avion" />. Toutefois, certaines incohérences figurent dans l'album. Le [[Poste de pilotage|cockpit]] n'a pas de siège dont le dossier permet de soutenir la nuque, ce qui est pourtant nécessaire dans un engin supersonique afin que les membres d'équipage ne subissent pas de [[coup du lapin]] en cas de choc. Aussi, par mesure de sécurité, le pilote aurait dû porter des lunettes de soleil et les membres de l'équipage attacher leur [[ceinture de sécurité]]<ref name=":1">{{Ouvrage|auteur1=Patrick Mérand|titre=Les arts et les sciences dans l'œuvre d'Hergé|passage=102 à 105|éditeur=Sépia|date=2015}}</ref>. Par ailleurs, Piotr Szut, qui est [[Monophtalmie|borgne]], n'aurait pas pu piloter cet avion. En effet, la législation aérienne est très stricte dans le domaine et le pilote doit avoir une vision normale du [[Relief (géomorphologie)|relief]]. Or, cette vision est produite par la juxtaposition de chacune des deux images transmises au cerveau par chaque œil. En effet, ces deux images ne sont pas exactement identiques, car les deux yeux sont séparés d'une dizaine de centimètres<ref name=":1" />. Au regard des premières versions de l'intrigue, [[Philippe Goddin]] constate d'ailleurs qu'{{citation|Hergé semble ainsi considérer qu'exercer le métier de pilote mercenaire chez les insurgés ou celui de pilote d'avion privé, c'est du pareil au même}}{{sfn|Goddin|2007|p=758}}.
 
==== Un aéroport et une île ====
[[Fichier:Bandara Kemayoran tahun 1967.jpg|vignette|gauche|alt=Photographies en noir et blanc montrant des avions sur une piste, vus de côté.|Avions sur le tarmac de l'[[aéroport de Kemayoran]], en 1967.]]
Hergé obtient par [[Michel Greg|Greg]] les coordonnées d'un abonné du journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' à [[Yogyakarta]]{{sfn|Goddin|2007|p=759}}. Ce lecteur [[indonésie]]n est sollicité pour transmettre aux [[Studios Hergé]] des photographies précises des bâtiments et des cartes postales de l'[[aéroport de Kemayoran]] : la tour de contrôle, l'aérogare et l'intérieur des installations de transit{{sfn|Assouline|1996|p=594}}. Fidèle à son souci de réalisme, Hergé agrémente ses décors d'objets mobiliers réels. À titre d'exemple, le canapé rouge dans lequel est assis Laszlo Carreidas au moment de sa rencontre avec le capitaine Haddock est une copie dessinée par l'architecte et designer américaine [[Florence Knoll]]<ref>{{Chapitre|titre chapitre=Assis, oui, mais design|titre ouvrage={{harvsp|id=civilisations|texte=Tintin à la découverte des grandes civilisations}}|année=2008|passage=123}}.</ref>. Les Studios Hergé ont aussi l'habitude de reproduire du mobilier qu'ils ont sous la main, présents dans leurs bureaux{{sfn|Peeters|2011|p=447|group=p}}.
 
==== L'île de Pulau-Pulau Bompa ====
[[Fichier:Oostende Hundius R01.jpg|vignette|alt=Photographie d'un bunker en ciment, à l'état de ruine, situé à l'abri d'une dune, au bord d'une plage.|Un bunker édifié pendant la [[Seconde Guerre mondiale]], près d'[[Ostende]].]]
L'île fictive de {{page h'|Pulau|Pulau-Pulau}} Bompa}} comporte plusieurs témoignages d'un passé militaire : [[Épave (maritime)|épaves]] de navires sur la plage{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 16, 22, 42 et 59}}}} et vieux [[Casemate|bunkers]] japonais{{sfn|id=album|texte=Vol 714 pour Sydney|1968|gr=h|loc={{nobr|planches 22 et 33}}}}. Par la situation de l'île, ces vestiges résultent probablement de l'[[Occupation japonaise des Indes néerlandaises|occupation de la région par les Japonais]] et des conflits que ceux-ci mènent contre les [[États-Unis|Américains]] durant la [[Seconde Guerre mondiale]], occupation qui prend fin avec l'indépendance de l'[[Indonésie]], proclamée en 1945 et reconnue en 1949<ref name=":0" />. Quant aux volontés d'indépendance des patriotes sondonésiens mises en avant dans le récit, elles pourraient faire écho à celles des habitants du [[Timor oriental]], qui n'obtiennent leur autonomie qu'en 2002<ref name=":0" />. Hergé vêt certains soldats de tenues traditionnelles d'Océanie, d'après des photographies{{sfn|Farr|2001|p=184}}.
 
Les bunkers sont dessinés d'après ceux édifiés par l'armée allemande en 1941 sur les côtes d'[[Ostende]], en [[Belgique]], près du [[Fort Napoléon (Ostende)|fort Napoléon]]<ref name="Tordeur">{{Article |auteur=Bernard Tordeur |titre=D'un bunker l'autre |périodique=Hergé |numéro=5 |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Éditions Moulinsart]] |mois=1 |année=2009 |lire en ligne=https://cdn001.tintin.com/public/tintin/img/books/178/Revue_n5_fr.pdf |consulté le=15 juillet 2023 |accès url=inscription |format=pdf |pages=vues 32-35 |isbn erroné=904-0-1800-0000-2}}.</ref>. Par l'entremise de son frère le major Paul Remi, Hergé obtient du Service historique de l'Armée de pouvoir accéder à ces bunkers : il envoie [[Bob de Moor]] réaliser des croquis dans ce site fermé de la [[Composante marine|Force navale]]<ref name="Tordeur" />{{,}}{{sfn|Goddin|2011|p=254|gr=c}}. Les décors des Studios Hergé reproduisent notamment en détail la forme particulière des fenêtres et les portes blindées<ref name="Tordeur" />. Le commodore Lurquin compte en échange sur le journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' pour publier un article sur la Force navale{{sfn|Goddin|2011|p=254|gr=c}}.
 
La [[Piste (aérodrome)|piste d'atterrissage]] de [[plaques en acier perforées]] de l'île de Pulau-Pulau Bompa étant trop courte, l'avion utilise un [[Aérofrein#Le parachute de queue|parachute de queue]], dispositif que vient compléter une [[barrière d'arrêt]] sur la piste afin que l'appareil puisse se poser sans trop de dommages. Dans la réalité, ces mêmes barrières sont utilisées dans l'armée et notamment sur les [[porte-avions]], pour la même raison<ref name=":1" />.
Les bunkers sont dessinés d'après ceux édifiés par l'armée allemande en 1941 sur les côtes d'[[Ostende]], en [[Belgique]], près du [[Fort Napoléon (Ostende)|fort Napoléon]]<ref name="Tordeur">{{Article |auteur=Bernard Tordeur |titre=D'un bunker l'autre |périodique=Hergé |numéro=5 |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Éditions Moulinsart]] |mois=1 |année=2009 |lire en ligne=https://cdn001.tintin.com/public/tintin/img/books/178/Revue_n5_fr.pdf |consulté le=15 juillet 2023 |accès url=inscription |format=pdf |pages=vues 32-35 |isbn erroné=904-0-1800-0000-2}}.</ref>. Par l'entremise de son frère le major Paul Remi, Hergé obtient du Service historique de l'Armée de pouvoir accéder à ces bunkers : il envoie [[Bob de Moor]] réaliser des croquis dans ce site fermé de la [[Composante marine|Force navale]]<ref name="Tordeur" />. Les décors des Studios Hergé reproduisent notamment en détail la forme particulière des fenêtres et les portes blindées<ref name="Tordeur" />.
 
[[Fichier:Komodo dragon walking.JPG|vignette|gauche|alt=Photographie d'un animal marchant à quatre pattes, la langue sortie.|[[Dragon de Komodo|Varan]] dans le [[parc national de Komodo]].]]
Le capitaine Haddock et Tintin croisent sur l'île un [[Varanus|varan]]. Ce gros lézard [[Carnivora|carnivore]] de la famille des [[Lacertilia|sauriens]] peut atteindre plus de trois mètres de longueur en [[Indonésie]]. Quant aux [[Chiroptera|chauves-souris]] qui effraient le marin, ce sont certainement des [[Roussette de Malaisie|roussettes de Malaisie]], espèce [[frugivore]]. Elles sont plus impressionnantes que leurs cousines européennes et vivent à l'abri de la lumière<ref name=":1" />.
 
La présence d'un temple extraterrestre sur l'île où Tintin est prisonnier peut fairese penserréfère à la [[théorie des anciens astronautes]]. Dans la grotte souterraine, Tintin et ses amis découvrent une gigantesque tête basculante qui peut évoquer celle d'un cosmonaute. Pour la dessiner, Hergé opère un {{citation|rapprochement hasardeux}}, selon les termes de [[Philippe Goddin]]<ref name="goddin exotisme">{{Chapitre|auteur1=[[Philippe Goddin]]|titre chapitre=C'était au temps où Bruxelles découvrait l'exotisme africain|titre ouvrage={{harvsp|id=civilisations|texte=Tintin à la découverte des grandes civilisations}}|année=2008|passage=24}}.</ref>. La tête s'inspire en partie de la photographie d'une [[Tête colossale olmèque|tête colossale]] [[Olmèques|olmèque]] de [[San Lorenzo (Veracruz)|San Lorenzo Tenochtitlan]] au [[Mexique]], qui se trouve en couverture du ''[[Le Livre des secrets trahis|Livre des secrets trahis]]'' de [[Robert Charroux]]{{Sfn|Soumois|1987|p=286}}, tandis que les traits de son visage reprennent ceux d'un [[tiki]], une divinité de pierre découverte sur l'île d'[[Hiva Oa]], aux [[îles Marquises]], dont il avait conservé une photographie publiée dans la revue ''[[National Geographic]]''<ref name="goddin exotisme"/>. Une maquette en plâtre mobile de la tête basculante est réalisée pour faciliter le dessin du mouvement du mécanisme par les [[Studios Hergé]]{{sfn|Goddin|2007|p=775}}.
 
<gallery mode="packed" heights="200" caption="Sources d'inspiration de la tête colossale dessinée par Hergé." mode="packed" heights="200px">
Fichier:San Lorenzo Monument 4 crop.jpg|alt=Photographie en couleurs d'une grande tête en pierre, dans un musée.|[[Tête colossale olmèque]] visible sur la couverture du ''[[Le Livre des secrets trahis|Livre des secrets trahis]]''.
Fichier:Tiki Marquesas Louvre MH 87-50-1.jpg|alt=Photographie en couleurs d'une petite sculpture en pierre représentant un être humain.|[[Tiki]] mâle conservé au [[Muséemusée du Louvre]].
Fichier:Tiki Makiʻi Tauʻa Pepe or the Flying Tiki, at meʻae Iʻipona, Puamaʻu Village, Hiva Oa, Marquesas Islands, photograph by Moth Clark, 2009.jpg|alt=Photographie en couleurs d'une grande statue en pierre placée en extérieur, sur l'herbe, devant un mur de pierres|Le [[tiki]] ''Makiʻi Tauʻa Pepe'' à [[Hiva Oa]], dont le visage aurait inspiré Hergé.
</gallery>
 
[[Fichier:Kilauea Iki fissure eruption 14 november 1959.jpg|vignette|alt=Une éruption volcanique avec des coulées de lave, vue la nuit.|L'[[éruption volcanique|éruption]] détruisant l'île est notamment dépeinte d'après des images du volcan hawaïen [[Kīlauea]].]]
À la fin de l'aventure, Hergé représente l'[[éruption volcanique]] d'après des photographies d'éruptions de l'[[Etna]] en [[Sicile]] et du [[Kīlauea]] à [[Hawaï (île)|Hawaï]], issues de son abondante documentation iconographique{{sfn|Farr|2001|p=}}. Au cours de l'encrage des crayonnés, le dessinateur et ses assistants découvrent que le récit s'étale sur une planche de trop : Hergé est contraint de réduire cette scène finale de l'éruption pour supprimer ce débordement, alors qu'il comptait offrir plus de cases à cet instant afin de montrer une éruption bien plus spectaculaire{{sfn|Goddin|2011|p=266|gr=c}}.
 
==== Autres éléments de décors ====
Fidèle à son souci de réalisme, Hergé agrémente ses décors d'objets mobiliers réels. À titre d'exemple, le canapé rouge dans lequel est assis Laszlo Carreidas au moment de sa rencontre avec le capitaine Haddock est une copie dessinée par l'architecte et designer américaine [[Florence Knoll]]<ref>{{Chapitre|titre chapitre=Assis, oui, mais design|titre ouvrage={{harvsp|id=civilisations|texte=Tintin à la découverte des grandes civilisations}}|année=2008|passage=123}}.</ref>.
 
== Publications ==
=== Prépublication et parution en album ===
[[Fichier:Asterix&Obelix Brussels.jpg|vignette|redresse|gauche|alt=Extrait d'une fresque montrant des personnages d'Astérix en train de courir.|Au cours des années 1960, [[Astérix]] est devenu un rude concurrent de Tintin.]]
''Vol 714 pour Sydney'' est pré-publié dans les pages du journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' du {{date|27 septembre 1966|en bande dessinée}} au {{date|28 novembre 1967|en bande dessinée}}<ref name="écarts" />, à raison d'une planche par semaine{{sfn|Goddin|2011|p=252|gr=c}}{{,}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=187}}. La première planche paraît d'ailleurs dans un numéro spécial marquant les vingt ans du journal, composé de {{unité|100|pages}}{{sfn|Goddin|2007|p=762}}{{,}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=187}}. À cette occasion, la rédaction du périodique édite une carte promotionnelle de quatre pages qui contient la première planche du récit{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=187}}. AucuneUne exposition ''Tintin et 20 ans de bandes dessinées'' est organisée au [[Parlement de la région de Bruxelles-Capitale|palais provincial du Brabant]] à [[Bruxelles]], en face du siège des [[Le Lombard|éditions du Lombard]]{{sfn|Goddin|2007|p=762}}.

La [[prépublication]] de ''Vol 714 pour Sydney'' comporte certaines particularités par rapport aux autres aventures de la série : aucune couverture du journal n'est consacrée à la publication de l'album. Cet c'est la dernière fois que la [[prépublication]]version du périodique et celle de l'album bénéficient de colorisations séparées{{sfn|Goddin|2011|group=c|p=368}}. Les différences entre lales prépublicationdeux et l'albumversions sont nombreuses{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=187}} mais minimes<ref name="écarts">{{Lien web |titre=Les écarts de ''Vol 714 pour Sydney'', le mot de la fin |date=12 septembre 2022 |url=https://www.tintin.com/fr/news/5833/les-ecarts-de-vol-714-pour-sydney-le-mot-de-la-fin |site=tintin.com |éditeur=[[Tintinimaginatio|Tintin''imaginatio'']]}}.</ref>. Hergé procède à des modifications du décor en arrière-plan, ou d'accessoires comme la manière dont est nouée l'écharpe de Carreidas, et surtout à desune remaniementsréécriture des dialogues et onomatopéesdes [[onomatopée]]s<ref name="écarts" />.
 
[[Fichier:Vol714.png|vignette|alt=Titre du présent album écrit en capitales d'imprimerie noires.|Titre sur la page de garde de l'album.]]
L'album paraît au printemps 1968. [[Casterman]] veut lancer une large promotion autour de l'album, après cinq ans d'absence de Tintin, et organise un grand cocktail promotionnel à [[Paris]] le {{date-|16 mai 1968}}{{Sfn|Peeters|2006|p=525}}. Les manifestations, grèves et révoltes de [[mai 68]] perturbent lourdement le voyage d'Hergé en France et entravent la réussite de l'évènement{{Sfn|Peeters|2006|p=525}}. Finalement, alors que l'auteur s'inquiétait que le contexte affaiblisse les ventes, l'album est un [[Best-seller|succès de librairie]], avec {{nombre|500000|exemplaires}} vendus en un semestre{{Sfn|Peeters|2006|p=525}}. Il établit un record par rapport aux sorties précédentes, néanmoins loin du succès du nouveau concurrent ''[[Astérix]]''{{Sfn|Peeters|2006|p=525}}. Tandis que les aventures de Tintin se font de plus en plus sporadiques, son rival français apparaît dans deux histoires par an : l'année de parution de ''Vol 714 pour Sydney'', ''[[Le Bouclier arverne]]'' se vend à un million d'exemplaire et ''[[Astérix aux Jeux olympiques]]'' à {{nombre|1,2|million}}<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Albert Algoud]] |titre=[[Dictionnaire amoureux de Tintin]] |lieu=Paris|éditeur=[[Plon]]|année=2016|pages totales=785|passage=28|isbn=978-2-259-24138-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=0KgjDQAAQBAJ&pg=PT28&lpg=PT28#v=onepage&q&f=false}}</ref>.
L'album paraît au printemps 1968. [[Casterman]] veut lancer une large promotion autour de l'album, après cinq ans d'absence de Tintin, et organise un grand cocktail promotionnel à [[Paris]] le {{date-|16 mai 1968}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=p|p=525}}. Les manifestations, grèves et révoltes de [[mai 68]] perturbent lourdement le voyage d'Hergé en France et entravent la réussite de l'évènement{{Sfn|Peeters|2011|gr=p|p=525}}. Finalement, alors que l'auteur s'inquiétait que le contexte affaiblisse les ventes, l'album est un [[Best-seller|succès de librairie]], avec {{nombre|500000|exemplaires}} vendus en un semestre{{Sfn|Peeters|2011|gr=p|p=525}}. Il établit un record par rapport aux sorties précédentes, néanmoins loin du succès du nouveau concurrent ''[[Astérix]]''{{Sfn|Peeters|2011|gr=p|p=525}}. Tandis que les aventures de Tintin se font de plus en plus sporadiques, son rival français apparaît dans deux histoires par an : l'année de parution de ''Vol 714 pour Sydney'', ''[[Le Bouclier arverne]]'' se vend à un million d'exemplaire et ''[[Astérix aux Jeux olympiques]]'' à {{nombre|1,2|million}}<ref>{{Ouvrage |auteur=[[Albert Algoud]] |titre=[[Dictionnaire amoureux de Tintin]] |lieu=Paris|éditeur=[[Plon]]|année=2016|pages totales=785|passage=28|isbn=978-2-259-24138-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=0KgjDQAAQBAJ&pg=PT28&lpg=PT28#v=onepage&q&f=false}}.</ref>.
 
Alors que l'album est déjà paru, Hergé en émet rapidement une deuxième version, modifiant quelques dialogues, dont, à la page 42, une question de Haddock à Tintin dans le souterrain, qui passe de {{citation|Allez-vous enfin me dire où vous nous menez comme ça, mille millions de sabords ?!…}} à {{citation|Allez-vous me dire dans quelle caverne de brigands nous sommes ici, mille millions de sabords ?!…}}<ref>{{Article |auteur1auteur=Claudy Lempereur |titre=Deux premières pour Sydney |périodique=Les Amis de Hergé |date=décembre 1995 |numéro=22 |pages=34-36
|présentation en ligne=https://www.lesamisdeherge.com/la-revue/revue-22/}}.</ref>. L'éphémère première version, devenue rare, est recherchée par les collectionneurs et affiche désormais un prix élevé<ref>{{Lien web |titre=Tintin - ''Vol 714 pour Sydney'' : les subtilités de la première édition |url=https://tintinomania.com/tintin-vol-714-pour-sydney-premiere-edition |date=3 juin 2019 |site=tintinomania.com |consulté le=29 avril 2021}}.</ref>.
 
=== Autres publications et traductions ===
==== Dans la presse francophone ====
Comme d'autres aventures de la série, ''Vol 714 pour Sydney'' paraît en [[Suisse]] dans ''[[Écho magazine|L'Écho illustré]]'', à raison d'une planche hebdomadaire en noir et blanc, du {{date-|15 octobre 1966}} au {{date-|16 décembre 1967}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=198}}. En France, de nombreux périodiques de toute nature diffusent les histoires d'Hergé de la fin des {{nobr|années 1960}} au début des {{nobr|années 1980}}. C'est ainsi que ''Vol 714 pour Sydney'' paraît dans ''Agri Sept'', un hebdomadaire consacré au monde agricole, mais également dans plusieurs titres de la [[Quotidien régional|presse quotidienne régionale]] comme ''[[Le Dauphiné libéré]]'', ''[[Dernières Nouvelles d'Alsace]]'', ''[[L'Est républicain]]'', ''[[Le Maine libreLibre]]'', ''[[Le Méridional]]'', ''[[Nord Éclair]]'' ou encore ''[[L'Yonne républicaine]]''{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=549-560}}. En [[Belgique]], l'aventure est diffusée dans le quotidien ''La Cité'' et l'hebdomadaire ''Junior (Chez nous)''{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=518-519}}.
 
==== Dans la presse étrangère ====
''Vol 714 pour Sydney'' bénéficie également de traductions dans les différentes versions de l'hebdomadaire ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' à l'étranger. Au [[Portugal]], elle est éditée par {{lang|pt|Livraria Bertrand}} et {{lang|pt|Editorial Ibis}}, et publie l'aventure du journal du {{date-|{{1er}} juin}} au {{date-|23 novembre 1968}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=570}}. ''Vol 714 pour Sydney'' est par ailleurs la seule aventure de Tintin diffusée dans la version [[Brésil|brésilienne]] du magazine, publiée par ces mêmes éditeurs{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=191}}. L'hebdomadaire ''{{lang|pt|O Estado de S. Paulo}}'' propose lui aussi l'aventure à compter du {{date-|27 juillet 1969}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=21}}. L'éditeur Zendrera, qui diffuse la version [[espagnol]]e du journal, la relaie du {{date-|2 octobre 1968}} au {{date-|15 janvier 1969}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=190}}{{,}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=548}}, tandis qu'en [[Grèce]], ''Vol 714 pour Sydney'' bénéficie d'une diffusion dans huit numéros de ''{{lang|el|Tenten}}'' en 1969, puis dans la version miniature du magazine l'année suivante{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=561}}.
 
[[Fichier:090628 Morgunbladid.JPG|vignette|gauche|alt=Titre de presse en lettres gothiques noires.|Le quotidien ''[[Morgunblaðið]]'' est le premier à diffuser une aventure de Tintin en [[Islande]].]]
L'aventure est également sérialisée dans plusieurs titres de presse sur les différents continents. En [[Belgique]], l'hebdomadaire belge [[Néerlandais|néerlandophone]] ''{{lang|nl|Ons Volkske}}'' en publie une traduction sous le titre ''{{lang|nl|Vlucht 714 naar Sydney}}'' qui est ensuite reprise aux [[Pays-Bas]] dans l'hebdomadaire ''{{lang|nl|Katholieke Illustratie}}'' du {{date-|27 janvier}} au {{date-|17 août 1968}}{{sfn|Kursner|2021|p=202-203}}. En [[Allemagne]], le récit paraît dans le quotidien ''[[Hamburger Abendblatt]]'' du {{date-|7 février}} au {{date-|19 décembre 1970}}{{sfn|Kursner|2021|p=205}}, mais elle est également reprise en 1975 dans ''{{lang|de|Zack}}'' et en 1978 dans ''{{lang|de|Fix und Foxi}}''{{sfn|Kursner|2021|p=509-511}}. En [[Italie]], c'est l'hebdomadaire ''Vitt'' qui obtient les droits de diffusion du récit, publié du {{date-|21 novembre 1968}} au {{date-|20 février 1969}}{{sfn|Kursner|2021|p=210}}{{,}}{{sfn|Kursner|2021|p=563}}. L'aventure paraît également dans plusieurs quotidiens [[Danemark|danois]]{{sfn|Kursner|2021|p=541-542}}, [[Irlande (pays)|irlandais]]{{sfn|Kursner|2021|p=562-563}}, [[Suède|suédois]]{{sfn|Kursner|2021|p=573}} et [[Turquie|turcs]]{{sfn|Kursner|2021|p=580}}. Elle est également la première aventure de Tintin diffusée dans le quotidien [[Islande|islandais]] ''[[Morgunblaðið]]'' entre le {{date-|3 janvier}} et le {{date-|28 octobre 1975}}{{sfn|Kursner|2021|p=563}}.
L'aventure est également sérialisée dans plusieurs titres de presse sur les différents continents. En [[Belgique]], l'hebdomadaire belge [[Néerlandais|néerlandophone]] ''{{lang|nl|Ons Volkske}}'' en publie une traduction sous le titre ''{{lang|nl|Vlucht 714 naar Sydney}}'' qui est ensuite reprise aux [[Pays-Bas]] dans l'hebdomadaire ''{{lang|nl|Katholieke Illustratie}}'' du {{date-|27 janvier}} au {{date-|17 août 1968}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=202-203}}. En [[Allemagne]], le récit paraît dans le quotidien ''[[Hamburger Abendblatt]]'' du {{date-|7 février}} au {{date-|19 décembre 1970}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=205}}, mais elle est également reprise en 1975 dans ''{{lang|de|Zack}}'' et en 1978 dans ''{{lang|de|Fix und Foxi}}''{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=509-511}}. En [[Italie]], c'est l'hebdomadaire ''Vitt'' qui obtient les droits de diffusion du récit, publié du {{date-|21 novembre 1968}} au {{date-|20 février 1969}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=210}}{{,}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=563}}. L'aventure paraît également dans plusieurs quotidiens [[Danemark|danois]]{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=541-542}}, [[Irlande (pays)|irlandais]]{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=562-563}}, [[Suède|suédois]]{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=573}} et [[Turquie|turcs]]{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=580}}. Elle est également la première aventure de Tintin diffusée dans le quotidien [[Islande|islandais]] ''[[Morgunblaðið]]'' entre le {{date-|3 janvier}} et le {{date-|28 octobre 1975}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=563}}.
 
Aux [[États-Unis]], la revue mensuelle ''{{lang|en|Children's Digest}}'' la diffuse de janvier à {{date-|décembre 1970}} d'après la traduction opérée par l'éditeur britannique [[Methuen (maison d'édition)|Methuen]]{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=217-218}}. En [[Égypte]], le mensuel ''Samir'', édité par la société Dar-Hilal, en assure l'une des premières diffusions à l'étranger entre le {{date-|22 octobre 1967}} et le {{date-|19 mai 1968}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=543}}. En [[Australie]], le quotidien ''[[The Canberra Times]]'' s'en charge du {{date-|4 mars}} au {{date-|25 juillet 1969}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=512}}, mais le récit est également diffusé dans la revue [[Thaïlande|thaïlandaise]] ''Viratham'' du {{date-|9 avril 1970}} au {{date-|31 janvier 1971}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=579}} et la revue [[argentine]] ''Billiken'' du {{date-|23 octobre 1972}} au {{date-|18 juin 1973}} sous le titre ''{{lang|es|Raptados en la Isla}}''{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=511}}. Une autre parution a lieu dans ce pays au sein du magazine ''{{lang|es|Anteojito}}'', cette fois sous le titre ''{{lang|es|Vuelo 714 para Sydney}}'', entre le {{date-|22 octobre 1987}} et le {{date-|17 mars 1988}}<ref>{{article|lang=es|auteur=Augusto Gayubas|titre=Tintín en la revista ''Anteojito'' de Buenos Aires (1986-1988)|périodique=Boletín digital bimestral tintinófilo de habla hispana|numéro=51|date=mai-juin 2017|pages=10}}.</ref>{{,}}{{sfn|Kursner|2021|gr=k|p=265}}.
 
==== Traductions de l'album ====
Dès sa publication chez [[Casterman]] en 1968, l'album est traduit en [[anglais]] et édité au [[Royaume-Uni]] par [[Methuen (maison d'édition)|Methuen]], puis en [[Espagne]] l'année suivante aux éditions Juventud<ref name="trad">{{article|auteur=[[Rainier Grutman]]|titre=Tintin au pays des traductions|périodique=Parallèles|numéro=32(1)|date=avril 2020|pages=177-193|date=avril 2020|lire en ligne=https://www.paralleles.unige.ch/files/5915/8773/4744/Paralleles_32-1_2020_Grutman.pdf|format=pdf}}.</ref>. L'album bénéficie de traductions dans d'autres langues étrangères ([[bengali]] en 1996<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Tintin (en langues étrangères) -22Bengali. Vol 714 pour Sydney|url=https://www.bedetheque.com/BD-Tintin-en-langues-etrangeres-Tome-22Bengali-Vol-714-pour-Sydney-85375.html|site=bedetheque.com|consulté le=2023-12-16}}.</ref> et [[vietnamien]] en 2014<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Tintin (en langues étrangères) -22Vietnamien. Chuyen bay 714 toi sidney|url=https://www.bedetheque.com/BD-Tintin-en-langues-etrangeres-Tome-22Vietnamien-Chuyen-bay-714-toi-sidney-406966.html|site=bedetheque.com|consulté le=2023-12-16}}.</ref> ou [[Langue régionale|régionales]] ([[basque]] en 1990<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Tintin (en langues régionales) -22Basque. Sidneyrako 714 Hegaldia|url=https://www.bedetheque.com/BD-Tintin-en-langues-regionales-Tome-22Basque-Sidneyrako-714-Hegaldia-186435.html|site=bedetheque.com|consulté le=2023-12-16}}.</ref>, [[bernois]] en 1968<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Tintin (en langues régionales) -22Bernois. Flug 714 uf Sydney|url=https://www.bedetheque.com/BD-Tintin-en-langues-regionales-Tome-22Bernois-Flug-714-uf-Sydney-215540.html|site=bedetheque.com|consulté le=2023-12-16}}.</ref>, [[breton]] en 2003<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Tintin (en langues régionales) -22Breton. Nij 714 da Sydney|url=https://www.bedetheque.com/BD-Tintin-en-langues-regionales-Tome-22Breton-Nij-714-da-Sydney-205811.html|site=bedetheque.com|consulté le=2023-12-16}}.</ref>, [[catalan]] en 1987<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Tintin (en langues régionales) -22Catalan. Vol 714 a Sidney|url=https://www.bedetheque.com/BD-Tintin-en-langues-regionales-Tome-22Catalan-Vol-714-a-Sidney-186434.html|site=bedetheque.com|consulté le=2023-12-16}}.</ref> et [[créole réunionnais]] en 2008<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Tintin (en langues régionales) -22Réunionnai. Vol 714 pou Sydney|url=https://www.bedetheque.com/BD-Tintin-en-langues-regionales-Tome-22Reunionnai-Vol-714-pou-Sydney-184780.html|site=bedetheque.com|consulté le=2023-12-16}}.</ref>).
 
== Analyse ==
Ligne 164 ⟶ 225 :
==== Une aventure inutile ? ====
[[Fichier:Pierre Sterckx-FIG 1995 (1).jpg|vignette|alt=Photographie d'un homme portant des lunettes et lisant des documents étalés devant lui.|[[Pierre Sterckx]], pour qui l'album peut se lire comme {{citation|une plongée dans le passé}} des personnages.]]
De nombreux spécialistes de l'œuvre d'Hergé portent un jugement négatif sur ''Vol 714 pour Sydney'', en particulier [[Pierre Assouline]] qui le considère comme {{citation|un album de trop}}{{sfn|Assouline|1996|p=597}}, [[Jean-Marie Apostolidès]] qui le qualifie {{citation|d'aventure inutile}}{{sfn|Apostolidès|2006|p=407}} ou [[Michael Farr]] qui affirme que l'auteur manque de subtilité tant dans la qualité du récit que celle du dessin<ref>{{Ouvragesfn|langue=fr|prénom1=Michael|nom1=Farr|titre=Tintin : Le rêve et la réalité|sous-titre=L'histoire de la création des aventures de Tintin|lieu=Bruxelles|éditeur=[[Éditions Moulinsart]]|année=2001|passagep=183}}.</ref>. Pour Pierre Assouline, {{citation|il y a si peu à dire sur cette histoire, si conventionnelle dans sa dramaturgie, si prévisible dans son comique, si peu audacieuse dans son avancée vers la [[science-fiction]], que les amateurs se rabattront plus que jamais sur ses sources}}{{sfn|Assouline|1996|p=597}}.
 
L'album est cependant défendu par Bertrand Portevin dans son ouvrage ''Le monde inconnu d'Hergé''{{sfn|Portevin|2008|p=17}}, et par l'universitaire Maxime Prévost, qui considère cet album comme l'un des plus fascinants de la série et se demande si ses détracteurs {{citation|ne se recrutent pas principalement parmi les lecteurs qui n'ont pas eu la chance de le découvrir pendant l'enfance}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=103}}. Après l'aventure intime et intérieure que constitue ''[[Tintin au Tibet]]''{{sfn|Peeters|20062011|gr=p|p=495}} et {{citation|l'anti-aventure}} des ''[[Les Bijoux de la Castafiore|Bijoux de la Castafiore]]''<ref>{{article|auteur=Eudes Girard|titre=Les Bijoux de la Castafiore ou les échecs de la communication|périodique=[[Études (revue)|Études]]|année=2010|numéro=7-8|tome=413|pages=75-86|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-etudes-2010-7-page-75.htm}}.</ref>, Hergé, selon ses propres termes, fait son retour à {{citation|l'Aventure avec un grand A}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=103}}.
 
[[Pierre Sterckx]], critique d'art et ami de Hergé, lit cette aventure comme {{citation|une plongée dans le passé}} qui permet au dessinateur d'explorer {{citation|l'intériorité psychologique et le passé coupable}} de certains personnages, mais également de découvrir les vestiges d'une civilisation disparue. Il note d'ailleurs que {{citation|cette histoire concernée par la mémoire personnelle de ses héros se termine par une amnésie générale}}<ref name="sterckx"/>. ''Vol 714 pour Sydney'' est, avec ''[[L'Étoile mystérieuse]]'', ''[[Objectif Lune]]'', ''[[On a marché sur la Lune]]'' et ''[[L'Affaire Tournesol]]'' l'un des seuls albums de Tintin qui relèvent de la [[science-fiction]], et pour le tintinophile suisse Jean Rime, l'évocation des [[Extraterrestre dans la fiction|extraterrestres]] apparaît comme une {{citation|situation incongrue qui outrepasse les limites du réalisme souvent crédité à l'univers d'Hergé, mais qui se comprend corrélativement à la vogue contemporaine de la revue ''[[Planète (revue)|Planète]]'' dont Hergé connaissait plusieurs rédacteurs}}<ref name="2019_Jeran_RIME">{{article|auteur=Jean Rime|titre=Tintin face à l’actualité : la transposition de l’affaire Lindbergh dans Tintin en Amérique|titre numéro=Pour une médiapoétique du fait divers. Le cas de l'affaire Lindbergh|périodique=[[Contextes (revue)|Contextes]]|numéro=24|année=2019|lire en ligne=https://journals.openedition.org/contextes/8281}}.</ref>.
 
''Vol 714 pour Sydney'' se distingue des autres aventures par la courte durée de son action qui, exceptéexceptée l'intervention télévisée des héros dans les dernières pages, sur déroule sur environ {{unité|24|heures}}{{sfn|Apostolidès|2006|p=401}}.
 
==== Graphisme en déclin ====
[[Fichier:Fresque de Tintin à la gare de Bruxelles midi.jpg|vignette|redresse|gauche|Une case de ''[[Tintin en Amérique]]'' reflétant tout l'art graphique initial d'Hergé, dans les années 1930.|alt=Dessin en noir et blanc représentant Tintin accroché à une locomotive, suggérant le mouvement. ]]
[[Philippe Goddin]] salue la qualité des décors mais reproche à Hergé {{citation|les grimaces forcées dont il afflige volontiers ses personnages ainsi que l'utilisation, inhabituelle, de gros plans, particulièrement lors de la reprise du gag du sparadrap}}{{sfn|Goddin|2011|p=258|gr=c}}. [[Pierre Fresnault-Deruelle]] estime que l'équilibre entre la ligne et la couleur qui faisait la particularité du dessinateur est rompu dans cette aventure. Il pointe en particulier la chemise rose de Rastapopoulos et affirme que {{citation|pour la première fois chez Hergé, la couleur d'un vêtement jure}}{{sfn|id=image|Fresnault-Deruelle|1999|p=32}}. [[Jean-Luc Marion]] critique pour sa part le graphisme grimaçant des visages, notamment celui de Tintin qui {{citation|trahit une évolution décadente de la ligne hergéenne}}<ref name="marion">{{article|auteur=[[Jean-Luc Marion]]|titre=Tintin comme système|sous-titre=Esquisse d'une interprétation|périodique=Le Débat|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|date=mai-aôut 2017|numéro=195|titre numéro=Le sacre de la bande dessinée|pages=143-158|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-le-debat-2017-3.htm}}.</ref>. Sylvain Bouyer explique que, dans les derniers albums, le dessin a {{citation|perdu toute nervosité. La forme s'écarquille à partir des ''[[Les Bijoux de la Castafiore|Bijoux]]''. Le trait devient plus mou, il englobe plus de vide. Hergé affectionne les gros plans. Il dessine moins souvent les personnages en pied ; il s'intéresse aux grosses têtes, freinant la course du récit}}<ref>{{article|auteur=Sylvain Bouyer|titre=Tintin entre pierre et neige|périodique=[[Littérature (revue)|Littérature]]|année=1995|numéro=97|pages=87-95|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/litt_0047-4800_1995_num_97_1_2364}}.</ref>.
[[Philippe Goddin]] salue la qualité des décors mais reproche à Hergé {{citation|les grimaces forcées dont il afflige volontiers ses personnages ainsi que l'utilisation, inhabituelle, de gros plans, particulièrement lors de la reprise du gag du sparadrap}}{{sfn|Goddin|2011|p=258|gr=c}}. [[Pierre Fresnault-Deruelle]] estime que l'équilibre entre la ligne et la couleur qui faisait la particularité du dessinateur est rompu dans cette aventure. Il pointe en particulier la chemise rose de Rastapopoulos et affirme que {{citation|pour la première fois chez Hergé, la couleur d'un vêtement jure}}{{sfn|id=image|Fresnault-Deruelle|1999|p=32}}. [[Jean-Luc Marion]] critique pour sa part le graphisme grimaçant des visages, notamment celui de Tintin qui {{citation|trahit une évolution décadente de la ligne hergéenne}}<ref name="marion">{{article|auteur=[[Jean-Luc Marion]]|titre=Tintin comme système|sous-titre=Esquisse d'une interprétation|périodique=Le Débat|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|date=mai-aôut 2017|numéro=195|titre numéro=Le sacre de la bande dessinée|pages=143-158|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-le-debat-2017-3.htm}}.</ref>. Sylvain Bouyer explique que, dans les derniers albums, le dessin a {{citation|perdu toute nervosité. La forme s'écarquille à partir des ''[[Les Bijoux de la Castafiore|Bijoux]]''. Le trait devient plus mou, il englobe plus de vide. Hergé affectionne les gros plans. Il dessine moins souvent les personnages en pied ; il s'intéresse aux grosses têtes, freinant la course du récit}}<ref>{{article|auteur=Sylvain Bouyer|titre=Tintin entre pierre et neige|périodique=[[Littérature (revue)|Littérature]]|année=1995|numéro=97|pages=87-95|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/litt_0047-4800_1995_num_97_1_2364}}.</ref>. [[Michael Farr]] relève des {{citation|excès}} artistiques, absents des précédents albums, qu'il attribue à l'emprise grandissante des assistants des [[Studios Hergé]] dans le dessin de chaque case{{sfn|Farr|2001|p=183}}.
 
''Vol 714 pour Sydney'' comporte tout de même un certain nombre de réussites sur le plan graphique. Quand Allan Thompson s'amuse à enfoncer un chapeau sur la tête du capitaine Haddock qui, les mains liées, ne peut se défendre, Hergé innove pour signifier l'aveuglement soudain de ce dernier : il introduit, au sein d'une bulle entièrement noire censée traduire la {{citation|nuit mentale}} du capitaine, deux traits d'exclamation rouge dont les points représentent ses yeux abasourdis. Selon Pierre Fresnault-Deruelle, il s'agit là d'un {{citation|admirable précipité idéogrammatique}}{{sfn|id=image|Fresnault-Deruelle|1999|p=29}}. Le biographe {{Lien|langue=en|Harry Thompson}} juge Hergé {{citation|au sommet de sa forme}}, estimant qu'{{citation|artistiquement, l'album est sa plus grande réussite}}, faisant preuve d'une {{citation|ingéniosité cinématographique dans la composition}}, notamment dans les scènes du temple souterrain et lors de l'éruption volcanique<ref name="Thompson">{{Ouvrage |langue=en |titre=Tintin: Hergé and his Creation |auteur={{Lien|langue=en|Harry Thompson}} |année=1991 |éditeur=Hodder and Stoughton |lieu=London |isbn=9780340523933 |url=https://books.google.com/books?id=NDX5TmISfYUC |passage=188-191}}.</ref>. En outre, [[Philippe Goddin]] reconnaît une intéressante recherche sur les couleurs à la fin de l'album : l'obscurité du souterrain est rendue par des aplats d'encre de chine et des couleurs glauques allant du verdâtre au gris puis ce décor apparaît d'une toute autre manière lorsque la [[lave]] incandescente illumine les cases d'une couleur rouge flamboyante{{sfn|Goddin|2011|p=266|gr=c}}{{,}}{{sfn|Goddin|2011|p=271|gr=c}}.
 
==== Références aux autres albums ====
[[Fichier:Boxe-francaise.jpg|vignette|alt=Photographie en noir et blanc de deux hommes combattant en intérieur avec des mouvements de boxe française.|Tireurs de [[Savate (sport de combat)|savate]], sport que le professeur Tournesol dit avoir pratiqué dans sa jeunesse.]]
L'histoire de ''Vol 714 pour Sydney'' s'inscrit dans la continuité des précédentes. Dans cette aventure, Tintin, Milou, Haddock et le professeur Tournesol voyagent initialement vers [[Sydney]], où ils sont invités au congrès d'aéronautique en tant que premiers hommes à être allés sur la [[Lune]], dans ''[[On a marché sur la Lune]]'', ce qui témoigne du retentissement mondial de leur exploit. Cet album est l'occasion par ailleurs d'une nouvelle confrontation entre Tintin et [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]], la dernière parmi les albums achevés, Hergé ayant en effet envisagé de faire revenir le {{citation|génie du mal}} sous les traits du faux mage Endaddine Akkas, dans ''[[Tintin et l'Alph-Art]]'', aventure inachevée avant sa mort.
L'histoire de ''Vol 714 pour Sydney'' s'inscrit dans la continuité des précédentes. Dans cette aventure, Tintin, Milou, Haddock et le professeur Tournesol voyagent initialement vers [[Sydney]], où ils sont invités au congrès d'aéronautique en tant que premiers hommes à être allés sur la [[Lune]], dans ''[[On a marché sur la Lune]]'', ce qui témoigne du retentissement mondial de leur exploit{{sfn|Goddin|2007|p=760}}. Une autre référence à ''[[Objectif Lune]]'' est glissée : lorsque Tournesol se ridiculise par une démonstration de [[Savate (sport de combat)|savate]], Haddock lui lance {{citation|Quand cesserez-vous de faire le zouave ?}} et le regrette aussitôt, craignant que le professeur, en entendant cette insulte, ne se plonge à nouveau dans la folle colère qui l'avait emporté lors des préparatifs de la mission lunaire{{sfn|Farr|2001|p=184}}. La savate est également une référence à ''[[L'Île Noire]]'', dont la refonte est achevée peu avant la prépublication de ''Vol 714 pour Sydney'' : dans cette aventure, c'est par un coup de savate que Tintin répond à la technique de [[ju-jitsu]] portée contre lui par [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|Wronzoff]]{{sfn|Schuurman|2023|p=512-513}}.
 
Cet album est l'occasion par ailleurs d'une nouvelle confrontation entre le héros et [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]], la dernière parmi les albums achevés, Hergé ayant en effet envisagé de faire revenir le {{citation|génie du mal}} sous les traits du faux mage [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|Endaddine Akkas]], dans ''[[Tintin et l'Alph-Art]]'', aventure inachevée avant sa mort<ref>{{chapitre|auteur=Volker Saux|titre chapitre=L'Alph-Art en questions|titre ouvrage=Tintin : Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé|pages totales=160|passage=129-132|éditeur=[[Geo (magazine)|Geo]], [[Éditions Moulinsart]]|mois=novembre|année=2015|isbn=978-2-8104-1564-9}}.</ref>.
L'essayiste [[Jean-Marie Apostolidès]] établit un certain nombre de parallèles entre ''Vol 714 pour Sydney'' et ''[[Le Temple du Soleil]]''. L'entrée des héros dans la grotte souterrain de l'île de {{nobr|Pulau-Pulau Bompa}} rappelle en effet leur cheminement souterrain vers le Temple du Soleil tant par la couche phosphorescente qui recouvre les murs que par la présence de statues géantes. La dalle sur laquelle glisse le capitaine évoque celle qu'ils ont dû pousser pour pénétrer dans le temple inca, tandis que dans les deux albums, Tintin doit appuyer sur l'œil gauche d'une statue pour atteindre {{citation|l'enceinte sacrée}}{{sfn|Apostolidès|2006|p=401}}.
 
L'essayiste [[Jean-Marie Apostolidès]] établit un certain nombre de parallèles entre ''Vol 714 pour Sydney'' et ''[[Le Temple du Soleil]]''. L'entrée des héros dans la grotte souterraine de l'île de {{nobr|Pulau-Pulau Bompa}} rappelle en effet leur cheminement souterrain vers le Temple du Soleil tant par la couche phosphorescente qui recouvre les murs que par la présence de statues géantes. La dalle sur laquelle glisse le capitaine évoque celle qu'ils ont dû pousser pour pénétrer dans le temple inca, tandis que dans les deux albums, Tintin doit appuyer sur l'œil gauche d'une statue pour atteindre {{citation|l'enceinte sacrée}}{{sfn|Apostolidès|2006|p=401}}.
 
==== Déconstruction du monde de Tintin ====
{{Citation bloc|J'ai voulu démystifier l'aventure, en quelque sorte, à travers les « mauvais » qui ne sont pas si mauvais que ça, et les « bons » qui ne sont pas si bons… Il y a cependant beaucoup de tricheries et de trahisons, dans cette histoire : le combat naval truqué de Carreidas, la conduite du distingué Spalding{{etc}}|Hergé en 1970{{Sfn|Sadoul|1989|p=187}}.}}
Frédéric Soumois interprète les derniers albums des ''[[Les Aventures de Tintin|Aventures de Tintin]]'', dont ''Vol 714 pour Sydney'', comme œuvrant à la {{citation|déconstruction}}, au {{citation|désenchantement}} et à la {{citation|désacralisation}} de la série et de ses personnages{{sfn|Soumois|1987|p=289}}. Il voit dans ces albums finaux un {{citation|processus de dérision de l'œuvre et de la création mêmes}} par Hergé{{sfn|Soumois|1987|p=289}}. Jean Rime, professeur de littérature, estime que {{citation|l'aventure se ni[ait]}} dans l'album précédent, ''[[Les Bijoux de la Castafiore]]''<ref name="2010_Jean_RIME">{{article|auteur=Jean Rime|titre=Hergé est un personnage|sous-titre=Quelques figures de la médiation et de l’autoreprésentation dans Les aventures de Tintin|périodique=[[Études françaises]]|numéro=2|volume=46|année=2010|pages=27-46|lire en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/2010-v46-n2-etudfr3908/044533ar/}}.</ref>, tandis que Frédéric Soumois met en avant le faut que l'auteur {{citation|perverti[ssait] les structures narratives}} de son récit{{sfn|Soumois|1987|p=289}}. Dans ''Vol 714 pour Sydney'', la déconstruction porte cette fois sur les personnages de « [[Méchant (fiction)|méchant]]s » qui sont profondément ridiculisés<ref name="2010_Jean_RIME" />{{,}}{{sfn|Soumois|1987|p=289}}{{,}}<ref>{{Article|auteur1=Jean Duchesne|titre=En relisant Tintin|sous-titre=Le génie d'Hergé, entre humour et réalisme|périodique=Transversalités|année=2021/3|numéro=158|pages=9-22|doi=10.3917/trans.158.0009|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-transversalites-2021-3-page-9.htm}}.</ref>, cependant qu'Hergé fait éclater la dichotomie « bons » / « mauvais » avec le personnage de Laszlo Carreidas, placé du côté des « bons » sans en avoir les qualités{{sfn|Soumois|1987|p=289}}{{,}}{{sfn|Apostolidès|2006|p=398-400}}.
 
Frédéric Soumois interprète les derniers albums des ''[[Les Aventures de Tintin|Aventures de Tintin]]'', dont ''Vol 714 pour Sydney'', comme œuvrant à la {{citation|déconstruction}}, au {{citation|désenchantement}} et à la {{citation|désacralisation}} de la série et de ses personnages{{sfn|Soumois|1987|p=289}}. Il voit dans ces albums finaux un {{citation|processus de dérision de l'œuvre et de la création mêmes}} par Hergé{{sfn|Soumois|1987|p=289}}. Jean Rime, professeur de littérature, estime que {{citation|l'aventure se ni[ait]}} dans l'album précédent, ''[[Les Bijoux de la Castafiore]]''<ref name="2010_Jean_RIME">{{article|auteur=Jean Rime|titre=Hergé est un personnage|sous-titre=Quelques figures de la médiation et de l’autoreprésentation dans Les aventures de Tintin|périodique=[[Études françaises]]|numéro=2|volume=46|année=2010|pages=27-46|lire en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/2010-v46-n2-etudfr3908/044533ar/}}.</ref>, tandis que Frédéric Soumois met en avant le fait que l'auteur {{citation|perverti[ssait] les structures narratives}} de son récit{{sfn|Soumois|1987|p=289}}. Dans ''Vol 714 pour Sydney'', la déconstruction porte cette fois sur les personnages de « [[Méchant (fiction)|méchant]]s » qui sont profondément ridiculisés<ref name="2010_Jean_RIME" />{{,}}{{sfn|Soumois|1987|p=289}}{{,}}<ref>{{Article|auteur1=Jean Duchesne|titre=En relisant Tintin|sous-titre=Le génie d'Hergé, entre humour et réalisme|périodique=Transversalités|année=2021/3|numéro=158|pages=9-22|doi=10.3917/trans.158.0009|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-transversalites-2021-3-page-9.htm}}.</ref>, cependant qu'Hergé fait éclater la dichotomie « bons » / « mauvais » avec le personnage de Laszlo Carreidas, placé du côté des « bons » sans en avoir les qualités{{sfn|Soumois|1987|p=289}}{{,}}{{sfn|Apostolidès|2006|p=398-400}}.
[[Fichier:Portrait of a Proboscis Monkey.jpg|vignette|gauche|alt=Gros plan sur une tête de singe.|Un singe [[Nasalis larvatus|nasique]], par sa ressemblance avec [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]], participe à la ridiculisation du [[Méchant (fiction)|méchant]].]]
Hergé s'emploie particulièrement à ridiculiser [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]] et son fidèle bras droit [[Allan Thompson|Allan]], qui apparaissent l'un comme un être grotesque et immature, l'autre comme un sous-fifre peu éveillé<ref name="Morel">{{Lien web|auteur=Yves Morel|titre=''Vol 714 pour Sydney'' : des antihéros sans prise sur un monde absurde…|url=http://bdzoom.com/84568/patrimoine/vol-714-pour-sydney-des-antiheros-sans-prise-sur-un-monde-absurde%E2%80%A6/|date=10 mars 2015|site=[[BDZoom]]|consulté le=29 avril 2021}}.</ref>. Il déclare à ce sujet : {{citation|En cours de récit, je me suis rendu compte qu'en définitive, Rastapopoulos et Allan n'étaient que de pauvres types. Oui, j'ai découvert ça après avoir habillé Rastapopoulos en cow-boy de luxe : il m'est apparu tellement grotesque, accoutré de cette façon, qu'il a cessé de m'en imposer ! Les méchants ont été démystifiés : en définitive, ils sont surtout ridicules, pitoyables. (…) D'ailleurs, ainsi déboulonnés, mes affreux me paraissent un peu plus sympathiques : ce sont des forbans, mais de pauvres forbans}}{{Sfn|Sadoul|1989|p=70}}. Cette démystification se poursuit lorsque, s'étant involontairement fait injecter du sérum de vérité par le docteur Krollspell, Rastapopoulos se livre avec Carreidas à un concours ridicule pour déterminer qui des deux mérite le titre de [[génie du mal]]. Il livre alors lui aussi le récit des pires de ses crimes, révélant d'ailleurs au docteur qu'il comptait le trahir. À la fin, Tintin le retrouve même en larmes, vexé de ne pas se voir reconnaître ce titre<ref name="Morel"/>. Chaque apparition de Rastapopoulos dans l'aventure est une occasion pour Hergé de tourner son personnage en dérision : alors qu'il promet à Tintin de l'écraser comme la {{citation|misérable araignée}} qui passe à côté de lui, il ne parvient pas à écraser le petit animal, puis quelques planches plus tard, à peine s'est-il réjoui de la disparition de sa bosse au front qu'une [[stalactite]] se détache et lui en vaut une nouvelle<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur1=[[Tristan Savin]]|titre chapitre=Des gags, des quiproquos et du rire tambour battant|titre ouvrage=Le rire de Tintin|sous-titre=Les secrets du génie comique d'Hergé|éditeur=[[L'Express]], [[Beaux Arts Magazine]]|année=2014|passage=76-77|ISSN=0014-5270}}.</ref>. Il en va de même pour Allan qui, voulant chercher des renforts auprès des [[Îles de la Sonde|Sondonésiens]], se fait lyncher par eux et perd ainsi son [[Prothèse dentaire|dentier]]. Il finit l'aventure en [[wikt:zézayer|zézayant]], les vêtements en lambeaux et sans sa casquette, laissant apparaître le sommet de son crâne dégarni. Allan Thompson perd ainsi tout de la crainte qu'il inspirait lors de ses premières apparitions dans ''[[Le Crabe aux pinces d'or]]'' et ''[[Coke en stock]]''<ref name="Morel"/>.
 
[[Fichier:Portrait of a Proboscis Monkey.jpg|vignette|gauche|alt=Gros plan sur une tête de singe nasique, au long nez descendant devant la gueule.|Un singe [[Nasalis larvatus|nasique]], par sa ressemblance avec [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]], participe à la ridiculisation du [[Méchant (fiction)|méchant]].]]
Sur un autre plan, Tintin paraît {{citation|dépossédé}} d'une aventure qu'il traverse avec une remarquable passivité<ref name="Morel"/>. D'abord, celle-ci lui tombe dessus par hasard, lors du détournement d'avion qui le fait prisonnier, puis il n'en est jamais maître, du moins pas totalement<ref name="Morel"/>. Tintin et ses amis se retrouvent dans la prise d'otages de Rastapopoulos par un concours de circonstances, dans lequel le héros n'a pris aucune décision, car le stratagème ne concernait que le seul Laszlo Carreidas<ref name="Morel"/>. S'il mène l'action durant toute la séquence de l'évasion, Tintin est finalement guidé par les messages télépathiques de [[Mik Ezdanitoff]] jusqu'à la fin de l'album<ref name="Morel"/>. Dès lors, ce dernier mène l'action directement, par [[hypnose]] : il se charge de neutraliser les ennemis, de sauver les héros en leur montrant leur trajet et en les faisant monter à bord de la [[Objet volant non identifié|soucoupe volante]], puis de remettre chacun à sa place<ref name="Morel"/>. Enfin, il efface la mémoire des personnages et donc l'aventure qu'ils viennent de vivre<ref name="Morel"/>. En définitive, le journaliste Yves Morel considère que, {{citation|victime des événements, balloté par eux, manipulé par Ezdanitoff, Tintin subit cette aventure ; il n'agit pas, mais est agi, instrumentalisé}}<ref name="Morel"/>. Il y voit aussi une représentation du [[structuralisme]], courant philosophique en plein essor dans les années 1960, réductible à l'idée que l'Homme ne décide en réalité de rien, toutes ses pensées et sa destinée n'étant que le fruit du contexte dans lequel il vit (historique, scientifique, technique, culturel{{etc}})<ref name="Morel"/>.
Hergé s'emploie particulièrement à ridiculiser [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]] et son fidèle bras droit [[Allan Thompson|Allan]], qui apparaissent l'un comme un être grotesque et immature, l'autre comme un sous-fifre peu éveillé<ref name="Morel">{{Lien web|auteur=Yves Morel|titre=''Vol 714 pour Sydney'' : des antihéros sans prise sur un monde absurde…|url=http://bdzoom.com/84568/patrimoine/vol-714-pour-sydney-des-antiheros-sans-prise-sur-un-monde-absurde%E2%80%A6/|date=10 mars 2015|site=[[BDZoom]]|consulté le=29 avril 2021}}.</ref>. Il déclare à ce sujet : {{citation|En cours de récit, je me suis rendu compte qu'en définitive, Rastapopoulos et Allan n'étaient que de pauvres types. Oui, j'ai découvert ça après avoir habillé Rastapopoulos en cow-boy de luxe : il m'est apparu tellement grotesque, accoutré de cette façon, qu'il a cessé de m'en imposer ! Les méchants ont été démystifiés : en définitive, ils sont surtout ridicules, pitoyables. (…) D'ailleurs, ainsi déboulonnés, mes affreux me paraissent un peu plus sympathiques : ce sont des forbans, mais de pauvres forbans}}{{Sfn|Sadoul|1989|p=70}}. Cette démystification se poursuit lorsque, s'étant involontairement fait injecter du sérum de vérité par le docteur Krollspell, Rastapopoulos se livre avec Carreidas à un concours ridicule pour déterminer qui des deux mérite le titre de [[génie du mal]]. Il livre alors lui aussi le récit des pires de ses crimes, révélant d'ailleurs au docteur qu'il comptait le trahir. À la fin, Tintin le retrouve même en larmes, vexé de ne pas se voir reconnaître ce titre<ref name="Morel"/>.
 
[[Fichier:Patriotic Cowboy Boots.png|vignette|alt=Bottes de cow-boy décorées du drapeau américain.|Les [[santiag]]s à motif, un élément du costume de Rastapopoulos.]]
Chaque apparition de Rastapopoulos dans l'aventure est une occasion pour Hergé de tourner son personnage en dérision : alors qu'il promet à Tintin de l'écraser comme la {{citation|misérable araignée}} qui passe à côté de lui, il ne parvient pas à écraser le petit animal, puis quelques planches plus tard, à peine s'est-il réjoui de la disparition de sa bosse au front qu'une [[stalactite]] se détache et lui en vaut une nouvelle<ref>{{Chapitre|auteur1=[[Tristan Savin]]|titre chapitre=Des gags, des quiproquos et du rire tambour battant|titre ouvrage=Le rire de Tintin|sous-titre=Les secrets du génie comique d'Hergé|éditeur=[[L'Express]], [[Beaux Arts Magazine]]|année=2014|passage=76-77|ISSN=0014-5270}}.</ref>. Il en va de même pour Allan qui, voulant chercher des renforts auprès des [[Îles de la Sonde|Sondonésiens]], se fait lyncher par eux et perd ainsi son [[Prothèse dentaire|dentier]]. Il finit l'aventure en [[wikt:zézayer|zézayant]], les vêtements en lambeaux et sans sa casquette, laissant apparaître le sommet de son crâne dégarni. En définitive, Allan Thompson perd tout de la crainte qu'il inspirait lors de ses premières apparitions dans ''[[Le Crabe aux pinces d'or]]'' et ''[[Coke en stock]]''<ref name="Morel"/>. Ainsi, comme l'affirme l'historien [[Michel Porret]] : {{citation|Rastapopoulos défiguré et ses forbans d'[[opérette]] sont devenus des pantins burlesques}}{{sfn|Schuurman|2023|p=14}}.
 
Sur un autre plan, Tintin paraît {{citation|dépossédé}} d'une aventure qu'il traverse avec une remarquable passivité<ref name="Morel"/>. D'abord, celle-ci lui tombe dessus par hasard, lors du détournement d'avion qui le fait prisonnier, puis il n'en est jamais maître, du moins pas totalement<ref name="Morel"/>. Tintin et ses amis se retrouvent dans la prise d'otages de Rastapopoulos par un concours de circonstances, dans lequel le héros n'a pris aucune décision, car le stratagème ne concernait que le seul Laszlo Carreidas<ref name="Morel"/>. S'il mène l'action durant toute la séquence de l'évasion, Tintin est finalement guidé par les messages télépathiques de [[Mik Ezdanitoff]] jusqu'à la fin de l'album<ref name="Morel"/>. Dès lors, ce dernier mène l'action directement, par [[hypnose]] : il se charge de neutraliser les ennemis, de sauver les héros en leur montrant leur trajet et en les faisant monter à bord de la [[Objet volant non identifié|soucoupe volante]], puis de remettre chacun à sa place<ref name="Morel"/>. Enfin, il efface la mémoire des personnages et donc l'aventure qu'ils viennent de vivre<ref name="Morel"/>. En définitive, le journaliste Yves Morel considère que, {{citation|victime des événements, ballotté par eux, manipulé par Ezdanitoff, Tintin subit cette aventure ; il n'agit pas, mais est agi, instrumentalisé}}<ref name="Morel"/>. Il y voit aussi une représentation du [[structuralisme]], courant philosophique en plein essor dans les années 1960, réductible à l'idée que l'humain ne décide en réalité de rien, toutes ses pensées et sa destinée n'étant que le fruit du contexte dans lequel il vit (historique, scientifique, technique, culturel{{etc}})<ref name="Morel"/>.
 
Yves Morel interprète ces bouleversements comme une manière pour Hergé d'adapter son héros à l'époque qui promeut désormais les [[antihéros]] : {{citation|le héros, la morale, l'ordre traditionnel des valeurs y sont malmenés}}<ref name="Morel"/>. ''Vol 714 pour Sydney'' apparaît donc comme une parodie des précédentes aventures classiques, où tout est inversé : ici, {{citation|Tintin subit une aventure dont il est dépossédé et affronte des ennemis ridicules. Il est déchu de son statut de héros, et son univers devient dérisoire}}<ref name="Morel"/>.
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=== Style narratif ===
==== Thèmes et procédés narratifs récurrents ====
La première planche de ''Vol 714 pour Sydney'' comporte quelques similitudes avec celle des autres histoires de la série. Comme dans neuf autres albums<ref group="note">''[[Les Cigares du pharaon]]'', ''[[L'Oreille cassée]]'', ''[[L'Étoile mystérieuse]]'', ''[[Tintin au pays de l'or noir]]'', ''[[Objectif Lune]]'', ''[[L'Affaire Tournesol]]'', ''[[Coke en stock]]'', ''[[Les Bijoux de la Castafiore]]'' et ''[[Tintin et les Picaros]]''.</ref>, la dernière case de cette planche introductive offre l'illustration d'un mouvement suspendu, signe d'une tension narrative extrême qui incite le lecteur à tourner la page pour poursuivre l'aventure. La surprise des personnages, en l'occurrence Tintin et Haddock entendant l'exclamation de Tournesol derrière eux, se manifeste par l'apparition de gouttelettes de surprise autour de leur visage et par l'insertion de points d'interrogation et d'exclamation dans leur bulle respective. Pour accentuer la tension, l'élément qui déclenche cette surprise est laissé [[hors-champ]], de sorte que le lecteur, qui doit à l'origine de la publication attendre toute une semaine pour découvrir la suite de l'aventure paraissant en feuilleton, possède tout le temps nécessaire pour imaginer ce dont il est question<ref name="kovaliv">{{ouvrage|auteur=Gaëlle Kovaliv|titre=« Et désormais, il ne me faut rien d'autre que cette promenade quotidienne… »|sous-titre=Étude sur les incipits dans Les Aventures de Tintin|éditeur=[[Université de Lausanne]]|nature ouvrage=Mémoire de Maîtrise universitaire ès lettres en Français Moderne|année=2017|pages totales=115|lire en ligne=https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_S_24480.P001/REF.pdf|format électronique=pdf}}.</ref>.
Si l'œuvre d'Hergé est ponctuée de références à l'art<ref name="geo alph-art">{{chapitre|auteur=Volker Saux|titre chapitre=L'Alph-Art en questions|titre ouvrage={{harvsp|id=Geo|texte=Tintin, Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé}}|passage=128-133}}.</ref>, l'auteur en offre souvent une représentation peu flatteuse<ref name="bidaud art">{{article|auteur=Samuel Bidaud|titre=L'art dans Les Aventures de Tintin|périodique=Romanica Olomucensia|année=2017|volume=29 (2)|pages=297-302|lire en ligne=http://romanica.upol.cz/pdfs/rom/2017/02/14.pdf}}.</ref>. Dans ''Vol 714 pour Sydney'', à travers Laszlo Carreidas, il met en scène un collectionneur pour la première fois depuis ''[[Le Secret de La Licorne]]'', album dans lequel s'affrontent Ivan Sakharine, amateur de maquettes de bateaux, et les frères Loiseau, antiquaires malhonnêtes<ref name="geo alph-art"/>. Contrairement à ces derniers, Carreidas ne s'intéresse qu'à la valeur financière de l'art en tant que moyen d'affirmer sa puissance et sa domination<ref name="bidaud art"/> : il refuse dans un premier temps d'acheter les tableaux de grands maîtres qu'on lui propose avant de se raviser en apprenant qu'[[Aristote Onassis]] est lui-même acheteur<ref name="geo alph-art"/>.
 
À l'inverse, la vignette introductive de cette première planche est l'une des seules de la série qui comprenne un [[Récitatif (bande dessinée)|récitatif]], procédé que l'auteur rejette le plus souvent car il conçoit avant tout ses bandes dessinées comme des films et affirme sa volonté de donner toute l'importance à l'image. Quand il y recourt, il s'agit le plus souvent d'une indication de temps ou de durée. Le récitatif de la première vignette de ''Vol 714 pour Sydney'' diffère donc par sa longueur, exposant à la fois le lieu de l'action (l'aéroport de Djakarta), la suite supposée des évènements (l'ultime escale avant Sydney) mais également l'action illustrée par l'image, à savoir l'atterrissage de l'avion<ref name="kovaliv"/>. Dans la seconde vignette, qui montre des passagers descendant de l'avion, deux bulles rapportent les paroles de personnages qui se trouvent hors-champ, encore à l'intérieur de l'appareil. Le lecteur reconnaît pourtant immédiatement le capitaine Haddock et le professeur Tournesol, {{citation|identifiables grâce à leur idiome propre}}<ref name="kovaliv"/>.
 
[[Fichier:John Sell Cotman - Loch Ranza Castle, Isle of Arran, Scotland - Google Art Project.jpg|vignette|redresse|gauche|Le [[château de Lochranza]], l'une des inspirations de ''[[L'Île Noire]]''. Les îles sont des décors réguliers des ''[[Les Aventures de Tintin|Aventures de Tintin]]''.|alt=Dessin sur papier beige représentant une tour d'un château en ruine, à proximité d'une étendue d'eau.]]
Sur un autre plan, l'[[Liste des bateaux dans Les Aventures de Tintin#L'univers maritime dans Les Aventures de Tintin|univers maritime influence largement l'œuvre d'Hergé]], en particulier les îles qui servent de décor à de nombreux épisodes de la série. L'auteur rattache ces dernières à de grands mythes culturels et littéraires, comme celui de l'île hantée dans ''[[L'Île Noire]]'', de l'île éphémère dans ''[[L'Étoile mystérieuse]]'' et de l'île au trésor dans ''[[Le Trésor de Rackham le Rouge]]''. Dans ''Vol 714 pour Sydney'', il représente cette fois le mythe de l'île engloutie par une catastrophe naturelle<ref>{{chapitre|auteur1=[[Michel Pierre (historien)|Michel Pierre]]|titre chapitre=L'archipel des îles rêvées|auteurs ouvrage=Jacques Langlois (dir.)|titre ouvrage=Tintin et la mer|éditeur=[[Historia (revue)|Historia]], [[Ouest-France]]|année=2014|passage=122-125}}.</ref>. Comme le souligne Ludwig Schuurman, par sa topographie singulière et l'espace clos qu'elle définit, son isolement et sa relative inaccessibilité, l'île contient une certaine ambivalence sur le plan littéraire, à savoir {{citation|l'île utopique, heureuse et bienfaitrice ; et l'île fantastique, périlleuse et mortifère}}, ce qui en fait un lieu incontournable et propice à l'aventure : {{citation|Hergé subit de fait l'influence plus ou moins consciente d'une littérature foisonnante ancestrale et inscrit ainsi son œuvre dans une tradition littéraire mythique}}{{sfn|Schuurman|2023|p=26-30}}. Comme le château de {{nobr|Ben More}} dans ''L'Île Noire'' et l'aérolithe de ''L'Étoile mystérieuse'', l'île de {{nobr|Pulau-Pulau Bompa}} offre la vision d'un microcosme hostile, inaccessible et dangereux, obéissant à ses propres lois. Mais elle contient elle aussi une forme d'ambivalence : Rastapopoulos y incarne l'image rationnelle d'un tyran soutenu par une poignée de rebelles sondonésiens, mais l'intervention des extraterrestres en sa défaveur en fait, en définitive, un lieu plutôt bénéfique{{sfn|Schuurman|2023|p=34}}.
 
Les souterrains sont aussi un motif récurrent chez Hergé. La série se distingue par une abondance de grottes, de galeries et de cryptes, éléments incontournables du récit d'aventures{{sfn|Schuurman|2023|p=40-41}} dont l'universitaire Pierre Masson considère qu'ils permettent au héros d'atteindre, par l'humilité de la reptation et le déplacement contraint dans un espace exigu, {{citation|une sorte de pays de l'autre côté, zone supposée interdite}}<ref name="masson">{{Chapitre|auteur=Pierre Masson|titre chapitre=Tintin perdu et retrouvé|titre ouvrage=Écritures de l'égarement. De Thésée à Tintin|auteurs ouvrage=Marie Blain et Pierre Masson|lieu=Nantes|éditeur=Éditions Cécile Defaut|collection=Horizons comparatistes/Université de Nantes|année=2005|passage=235}}.</ref>. Ludwig Schuurman constate que ces galeries souterrains sont présentes dans la moitié des albums de la série{{sfn|Schuurman|2023|p=40-41}} : Tintin se retrouve plusieurs fois à emprunter une grotte ou un passage creusé pour se tirer d'affaire, que ce soit la caverne des indiens [[Confédération des Pieds-Noirs|Pieds-Noirs]] dans ''[[Tintin en Amérique]]'', le corridor rocheux le menant jusqu'à l'imprimerie des faux-monnayeurs dans ''[[L'Île Noire]]'', et surtout le passage secret conduisant au ''[[Le Temple du Soleil|Temple du Soleil]]'', avant ce mystérieux temple souterrain orné de sculptures et des gravures rappelant des cosmonautes ou des soucoupes volantes dans ''Vol 714 pour Sydney'' ; Haddock et Tintin mentionnent explicitement leur souvenir du temple inca lors de l'exploration de ce dernier{{sfn|Farr|2001|p=184}}.
 
[[Fichier:Aristotle Onassis 1967cr.jpg|vignette|alt=Photographie en noir et blanc d'un homme portant un costume et une cravate.|L'homme d'affaires [[Aristote Onassis]], cité dans l'album, en 1967.]]
Si l'œuvre d'Hergé est ponctuée de références à l'art<ref name="geo alph-art">{{chapitre|auteur=Volker Saux|titre chapitre=L'Alph-Art en questions|titre ouvrage={{harvsp|id=Geo|texte=Tintin, Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé}}|passage=128-133}}.</ref>, l'auteur en offre souvent une représentation peu flatteuse<ref name="bidaud art">{{article|auteur=Samuel Bidaud|titre=L'art dans Les Aventures de Tintin|périodique=Romanica Olomucensia|volume=29 (2)|pages=297-302|date=14 février 2017|lire en ligne=http://romanica.upol.cz/pdfs/rom/2017/02/14.pdf|format=pdf}}.</ref>. Dans ''Vol 714 pour Sydney'', à travers Laszlo Carreidas, il met en scène un collectionneur pour la première fois depuis ''[[Le Secret de La Licorne]]'', album dans lequel s'affrontent Ivan Sakharine, amateur de maquettes de bateaux, et les frères Loiseau, antiquaires malhonnêtes<ref name="geo alph-art"/>. Contrairement à ces derniers, Carreidas ne s'intéresse qu'à la valeur financière de l'art en tant que moyen d'affirmer sa puissance et sa domination<ref name="bidaud art"/> : il refuse dans un premier temps d'acheter les tableaux de grands maîtres qu'on lui propose avant de se raviser en apprenant qu'[[Aristote Onassis]] est lui-même acheteur<ref name="geo alph-art"/>.
 
Comme dans de précédents récits, Hergé utilise les médias pour résumer les résultats de l'enquête ou de l'aventure. Aux coupures de presse utilisées dans ''[[L'Île Noire]]'' et ''[[Coke en stock]]'' répond cette fois le reportage télévisé qui couvre les trois dernières pages de l'album. Ce principe d'économie de la narration permet au lecteur de s'inclure dans l'histoire car en plus de lire une synthèse des évènements, il partage ses impressions avec les personnages qui les commentent<ref name="Delesse">{{article |auteur=Catherine Delesse |titre=Le vrai-faux réel dans la bande dessinée |sous-titre=la presse et autres médias dans Tintin |périodique=Palimpsestes |numéro=24 |titre numéro=Le réel en traduction : greffage, traces, mémoires |e-issn=2109-943X |année=2011 |pages=103-118 |lire en ligne=https://journals.openedition.org/palimpsestes/838}}.</ref>.
L'univers maritime influence aussi largement son œuvre, en particulier les îles qui servent de décor à de nombreux épisodes de la série. L'auteur rattache ces dernières à de grands mythes culturels et littéraires, comme celui de l'île hantée dans ''[[L'Île noire]]'', de l'île éphémère dans ''[[L'Étoile mystérieuse]]'' et de l'île au trésor dans ''[[Le Trésor de Rackham le Rouge]]''. Dans ''Vol 714 pour Sydney'', il représente cette fois le mythe de l'île engloutie par une catastrophe naturelle<ref>{{chapitre|auteur1=[[Michel Pierre (historien)|Michel Pierre]]|titre chapitre=L'archipel des îles rêvées|auteurs ouvrage=Jacques Langlois (dir.)|titre ouvrage=Tintin et la mer|éditeur=[[Historia (revue)|Historia]], [[Ouest-France]]|année=2014|passage=122-125}}.</ref>.
 
Enfin, ''Vol 714 pour Sydney'' comporte une nouvelle utilisation de ce que le critique [[Benoît Mouchart]] nomme le {{citation|syndrome de Nestor}} : à travers ses personnages, Hergé semble défendre l'idée selon laquelle l'action au service d'une autorité ne signifie pas la culpabilité{{sfn|Schuurman|2023|p=439-441}}. Ludwig Schuurman relève que pour Hergé comme pour Tintin, {{citation|l'homme de main n'est qu'un exécutant, un outil manipulé, sous les ordres de têtes pensantes ; il est donc bien moins important que les chefs qui le dirigent, et on lui pardonne aisément}}{{sfn|Schuurman|2023|p=439-441}}. En cela, le {{Dr|Krollspell}} n'est que l'instrument des ambitions maléfiques de Rastapopoulos, et rejoint toute une famille de personnages dont le rôle se renverse, d'abord ennemis ou traîtres de Tintin, qui finissent par implorer son pardon avant d'établir un lien avec lui, comme Pablo dans ''[[L'Oreille cassée]]'', Ranko dans ''[[L'Île Noire]]'', [[Nestor (Tintin)|Nestor]] dans ''[[Le Secret de La Licorne]]'', [[Frank Wolff (Tintin)|Wolff]] dans ''[[On a marché sur la Lune]]'' ou encore [[Piotr Szut]] dans ''[[Coke en stock]]''{{sfn|Schuurman|2023|p=439-441}}.
Comme dans de précédents récits, Hergé utilise les médias pour résumer les résultats de l'enquête ou de l'aventure. Aux coupures de presse utilisées dans ''[[L'Île noire]]'' et ''[[Coke en stock]]'' répond cette fois le reportage télévisé qui couvre les trois dernières pages de l'album. Ce principe d'économie de la narration permet au lecteur de s'inclure dans l'histoire car en plus de lire une synthèse des évènements, il partage ses impressions avec les personnages qui les commentent<ref name="Delesse">{{article |auteur=Catherine Delesse |titre=Le vrai-faux réel dans la bande dessinée |sous-titre=la presse et autres médias dans Tintin |périodique=Palimpsestes |numéro=24 |titre numéro=Le réel en traduction : greffage, traces, mémoires |e-issn=2109-943X |année=2011 |pages=103-118 |lire en ligne=https://journals.openedition.org/palimpsestes/838}}.</ref>.
 
==== Le paranormal au cœur de l'intrigue ====
{{article détaillé|Fantastique dans Les Aventures de Tintin{{!}}Fantastique dans ''Les Aventures de Tintin''}}
[[Fichier:Bovis, A. (Vie à la campagne, 1935-08-01).jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en noir et blanc d'un homme assis à une table et utilisant un pendule.|Comme [[Alfred Bovis]], le [[professeur Tournesol]] est un adepte de la [[radiesthésie]].]]
[[Fichier:Antropomorfi detti astronauti (a) - R 1 - Area di Zurla - Nadro (ph Luca Giarelli).jpg|vignette|[[Art rupestre du Valcamonica|Peintures du Val Camonica]] ([[Italie]], [[Xe millénaire av. J.-C.|{{Xe|millénaire}} {{av JC}}]]) figurant des divinités, ou des figures mythologiques, interprétées comme visiteurs extraterrestres avec leurs casques par les tenants de la théorie des anciens astronautes.]]
''Vol 714 pour Sydney'' est l'un des albums de la série où le [[paranormal]] occupe une place essentielle{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=4}}. [[Pierre Sterckx]] met en avant le fait que le dessinateur assouvit dans cette aventure {{citation|son goût pour l'ésotérisme et le surnaturel}}<ref name="sterckx">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Pierre Sterckx]]|titre=L'art d'Hergé|sous-titre=Hergé et l'art|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]], [[Éditions Moulinsart|Moulinsart]]|année=2015|pages totales=240|isbn=9782070149544|passage=97 et 228-230}}.</ref>. Comme le souligne Vanessa Labelle, l'aspect [[fantastique]] ne se manifeste cependant que la deuxième moitié du récit : {{citation|Il n'y a pas d'insertion progressive, mais plutôt une injection en dose massive : la [[télépathie]], la [[radiesthésie]], l'[[Hypnose|hypnotisme]], les [[Vie extraterrestre|extraterrestres]] et les [[Objet volant non identifié|ovnis]] font brusquement leur entrée à mi-chemin dans l'histoire}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=102}}. Comme dans ''[[Les Cigares du pharaon]]'' et ''[[Les Sept Boules de cristal]]'', l'auteur traite en premier lieu de l'[[hypnose]]. Elle n'est pas cette fois le fait d'un [[fakir]] mais de scientifiques, d'abord à travers l'injection du [[sérum de vérité]] par le docteur Krollspell, un psychiatre à la solde de Rastapopoulos, puis à travers Mik Ezdanitoff, l'initié en liaison avec les extraterrestres. Ce dernier n'agit pas à l'aide d'un produit mais par autosuggestion : c'est ainsi qu'il persuade le milliardaire qu'il lui a rendu le chapeau qu'il avait perdu en route<ref name="hypnose">{{chapitre|auteur=Jacques Langlois|titre chapitre=Marchands de sommeil|titre ouvrage={{harvsp|id=paranormal|texte=Tintin et les forces obscures}}|passage=31-33}}.</ref>. C'est également la troisième fois dans la série que le dessinateur évoque l’existence de formes de [[vie extraterrestre]]. Après la chute d'un astéroïde contenant un métal inconnu dans ''[[L'Étoile mystérieuse]]'', puis l'hypothèse d'une vie lunaire, certes balayée sans ambiguïté par le [[professeur Tournesol]] dans ''[[On a marché sur la Lune]]'', Hergé évoque cette fois directement l'existence d'une civilisation extraterrestre dont les représentants semblent visiter régulièrement l'île du Pulau-Pulau Bompa<ref>{{chapitre|auteur=Jacques Hiron|titre chapitre=Une vie venue d'ailleurs|titre ouvrage={{harvsp|id=paranormal|texte=Tintin et les forces obscures}}|passage=71-73}}.</ref>. C'est par le biais d'une petite antenne que Mik Ezdanitoff communique avec ces interlocuteurs, comme si Hergé avait voulu {{citation|techniciser cette communication entre cerveaux éloignés}}, de sorte que la [[télépathie]], abordée dans ''[[Tintin au Tibet]]'' à travers le message de [[Tchang (Tintin)|Tchang]] révélé à Tintin dans son rêve, joue cette fois un rôle prépondérant<ref name="télépathie">{{chapitre|auteur=Frédéric Soumois|titre chapitre=Conversations secrètes|titre ouvrage={{harvsp|id=paranormal|texte=Tintin et les forces obscures}}|passage=61-63}}.</ref>.
 
[[Fichier:Antropomorfi detti astronauti (a) - R 1 - Area di Zurla - Nadro (ph Luca Giarelli).jpg|vignette|alt=Peintures rupestres représentant des hommes ornés d'un casque.|[[Art rupestre du Valcamonica|Peintures du Val Camonica]] ([[Italie]], [[Xe millénaire av. J.-C.|{{Xe|millénaire}} {{av JC}}]]) figurant des divinités, ou des figures mythologiques, interprétées comme visiteurs extraterrestres avec leurs casques par les tenants de la [[théorie des anciens astronautes]].]]
Pour Frédéric Soumois, ''Vol 714 pour Sydney'' ne représente pas un {{citation|traité de parapsychologie}} dans la mesure où les phénomènes paranormaux sont traités avec humour à travers {{citation|des gags qui mettent le récit à distance}}<ref name="télépathie"/>. Les avis opposés de Tintin et Haddock quant à ces phénomènes, l'un y accordant du crédit quand l'autre se borne à les qualifier de {{citation|contes à dormir debout}}, apparaissent comme {{citation|les deux faces d'une même interrogation}}, de sorte que l'auteur n'impose aucune opinion au lecteur<ref name="télépathie"/>. D'autre part, l'amnésie collective à la fin du récit {{citation|jette un voile de doute sur la réalité de l'aventure}} qui pourrait bien n'être qu'un rêve. Frédéric Soumois considère que {{citation|soucoupe volante, souterrains témoignant d'une visite extraterrestre pourraient donc éventuellement être nés d'une hallucination post-traumatique due à un amerrissage forcé}}<ref name="télépathie"/>. Jacques Langlois porte un jugement bien plus négatif sur l'utilisation du paranormal que fait Hergé dans cet album. Il considère notamment que l'hypnose, qui {{citation|avait été une véritable trouvaille scénaristique dans ''Les Sept Boules de cristal''}}, relève cette fois seulement du procédé : {{citation|Hergé, qui aura su faire croire si longtemps au [[chamanisme]] et autres pratiques divinatoires, trébuche sur le tard avec le charlatanisme. […] Le pouvoir d'Hergé était si fort jusque-là que nous suivions Tintin les yeux fermés (même grands ouverts…). Nous étions littéralement sous le charme. À présent, nous nous sentons presque d'accord avec ce crétin de [[Séraphin Lampion]], qui s'esclaffe en regardant le reportage télévisé qui clôt ''Vol 714''}}<ref name="hypnose"/>.
C'est également la troisième fois dans la série que le dessinateur évoque l’existence de formes de [[vie extraterrestre]]. Après la chute d'un astéroïde contenant un métal inconnu dans ''[[L'Étoile mystérieuse]]'', puis l'hypothèse d'une vie lunaire, certes balayée sans ambiguïté par le [[professeur Tournesol]] dans ''[[On a marché sur la Lune]]'', Hergé évoque cette fois directement l'existence d'une civilisation extraterrestre dont les représentants semblent visiter régulièrement l'île du Pulau-Pulau Bompa<ref>{{chapitre|auteur=Jacques Hiron|titre chapitre=Une vie venue d'ailleurs|titre ouvrage={{harvsp|id=paranormal|texte=Tintin et les forces obscures}}|passage=71-73}}.</ref>. C'est par le biais d'une petite antenne que Mik Ezdanitoff communique avec ces interlocuteurs, comme si Hergé avait voulu {{citation|techniciser cette communication entre cerveaux éloignés}}, de sorte que la [[télépathie]], abordée dans ''[[Tintin au Tibet]]'' à travers le message de [[Tchang (Tintin)|Tchang]] révélé à Tintin dans son rêve, joue cette fois un rôle prépondérant<ref name="télépathie">{{chapitre|auteur=Frédéric Soumois|titre chapitre=Conversations secrètes|titre ouvrage={{harvsp|id=paranormal|texte=Tintin et les forces obscures}}|passage=61-63}}.</ref>.
 
Pour Frédéric Soumois, ''Vol 714 pour Sydney'' ne représente pas un {{citation|traité de parapsychologie}} dans la mesure où les phénomènes paranormaux sont traités avec humour à travers {{citation|des gags qui mettent le récit à distance}}<ref name="télépathie"/>. Les avis opposés de Tintin et Haddock quant à ces phénomènes, l'un y accordant du crédit quand l'autre se borne à les qualifier de {{citation|contes à dormir debout}}, apparaissent comme {{citation|les deux faces d'une même interrogation}}, de sorte que l'auteur n'impose aucune opinion au lecteur<ref name="télépathie"/>. Vanesse Labelle note que l'attitude de chaque personnage {{citation|renvoie à la variété d'opinions des lecteurs face aux événements qui leur sont présentés : Tournesol est convaincu, Tintin est croyant, Haddock est sceptique et se laisse convaincre et, enfin, [[Séraphin Lampion|Lampion]] reste incrédule}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=114}}. D'autre part, l'amnésie collective à la fin du récit {{citation|jette un voile de doute sur la réalité de l'aventure}} qui pourrait bien n'être qu'un rêve. Frédéric Soumois considère que {{citation|soucoupe volante, souterrains témoignant d'une visite extraterrestre pourraient donc éventuellement être nés d'une hallucination post-traumatique due à un amerrissage forcé}}<ref name="télépathie"/>. Jacques Langlois porte un jugement bien plus négatif sur l'utilisation du paranormal que fait Hergé dans cet album. Il considère notamment que l'hypnose, qui {{citation|avait été une véritable trouvaille scénaristique dans ''Les Sept Boules de cristal''}}, relève cette fois seulement du procédé : {{citation|Hergé, qui aura su faire croire si longtemps au [[chamanisme]] et autres pratiques divinatoires, trébuche sur le tard avec le charlatanisme. […] Le pouvoir d'Hergé était si fort jusque-là que nous suivions Tintin les yeux fermés (même grands ouverts…). Nous étions littéralement sous le charme. À présent, nous nous sentons presque d'accord avec ce crétin de [[Séraphin Lampion]], qui s'esclaffe en regardant le reportage télévisé qui clôt ''Vol 714''}}<ref name="hypnose"/>.
 
=== Lecture politique et philosophique ===
==== Rédemption politique de l'auteur et des personnages dans une perspective intemporelle ====
[[Fichier:Page 187 (The Lost World, 1912).jpg|vignette|gauche|alt=Illustration à l'encre représentant de loin des hommes découvrant des dinosaures dans une jungle.|L'universitaire Maxime Prévost souligne l'étrangeté du passage du temps sur l'île de Pulau-Pulau Bompa, rapprochant l'endroit du ''[[Le Monde perdu (Arthur Conan Doyle)|Monde perdu]]'' d'[[Arthur Conan Doyle]].]]
Selon Maxime Prévost, il est possible de voir dans ''Vol 714 pour Sydney'' {{citation|un essai de politique intemporelle, dans lequel les événements récents perdent de leur importance}}. Les restes de bunkers japonais sur l'île de Pulau-pulau Bompa sont en effet marqués par le passage du temps et réduits à l'état de ruines malgré le peu de temps qui sépare l'action de cet album de la [[guerre du Pacifique]]{{sfn|Prévost|2010|p=113-115}}. Tout comme les statues élevées dans les souterrains de l'île, pourtant plus anciennes, ces éléments appartiennent déjà à un passé distant. Dans ''Vol 714 pour Sydney'' comme dans ''[[Le Monde perdu (Arthur Conan Doyle)|Le Monde perdu]]'' d'[[Arthur Conan Doyle]] ou sur la Skull Island de [[King Kong]], {{citation|le temps historique semble s'y dérouler selon d'autres règles que celles qui prévalent en Europe ou en Amérique}}, et c'est fort logiquement que Tintin et le capitaine Haddock rencontre un [[Varanus|varan]], {{citation|espèce de diplodocus sorti tout droit de la préhistoire}}. Dans la mesure où l'île de Pulau-pulau bompa est régulièrement visitée par les extraterrestres, les événements de l'Histoire s'effacent devant le temps et la distance planétaires, et c'est pourquoi tous les personnages, à l'exception d'Allan et de Rastapopoulos, {{citation|peuvent accéder à la rédemption}}{{sfn|Prévost|2010|p=113-115}}.
Selon Maxime Prévost, il est possible de voir dans ''Vol 714 pour Sydney'' {{citation|un essai de politique intemporelle, dans lequel les événements récents perdent de leur importance}}. Les restes de bunkers japonais sur l'île de Pulau-Pulau Bompa sont en effet marqués par le passage du temps et réduits à l'état de ruines malgré le peu de temps qui sépare l'action de cet album de la [[guerre du Pacifique]]{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=113-115}}. Tout comme les statues élevées dans les souterrains de l'île, pourtant plus anciennes, ces éléments appartiennent déjà à un passé distant. Dans ''Vol 714 pour Sydney'' comme dans ''[[Le Monde perdu (Arthur Conan Doyle)|Le Monde perdu]]'' d'[[Arthur Conan Doyle]] ou sur la Skull Island de [[King Kong]], {{citation|le temps historique semble s'y dérouler selon d'autres règles que celles qui prévalent en Europe ou en Amérique}}, et c'est fort logiquement que Tintin et le capitaine Haddock rencontre un [[Varanus|varan]], {{citation|espèce de diplodocus sorti tout droit de la préhistoire}}. Dans la mesure où l'île de Pulau-Pulau Bompa est régulièrement visitée par les extraterrestres, les événements de l'histoire s'effacent devant le temps et la distance planétaires, et c'est pourquoi tous les personnages, à l'exception d'Allan et de Rastapopoulos, {{citation|peuvent accéder à la rédemption}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=113-115}}.
 
[[Fichier:Le Soir volé.jpg|vignette|redresse|alt=Page de une d'un journal.|L'aura d'[[Hergé]] [[Hergé#Attitude sous l'Occupation|reste entâchée]] par la publication de ses histoires dans [[Le Soir volé|''Le Soir'' « ''volé'' »]] durant l'[[Occupation allemande de la Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale|Occupation]]. L'univers de ''[[Planète (revue)|Planète]]'' séduit les « [[Collaboration en Belgique|inciviques]] » comme lui, dont certains de ses amis.]]
 
Maxime Prévost se demande donc {{citation|si l'intérêt que porte Hergé aux objets volants non identifiés et aux « civilisations extraterrestres » ne procède pas en partie d'une quête de rédemption politique}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=113-115}}. Après la [[Libération de la Belgique et des Pays-Bas|Libération]], Hergé comme d'autres auteurs belges participe de {{citation|l'émergence d'une littérature anhistorique et désincarnée}}, dans la mesure où {{citation|il loge ses personnages dans un hypothétique château à la française et construit des aventures qui se déroulent en vase clos ou dans des pays imaginaires, c'est-à-dire dans un univers référentiel beaucoup moins identifiable que celui des albums des années 1930}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Benoît Denis|auteur2=[[Jean-Marie Klinkenberg]]|titre=La littérature
belge|sous-titre=Précis d'histoire sociale|lieu=Bruxelles|éditeur=Labor|collection=Espace Nord|année=2005|passage=197-198}}.</ref>. Son engouement pour la revue ''[[Planète (revue)|Planète]]'', partagé par d'autres inciviques comme lui, l'en détache, et tient à ce que {{citation|les tragédies vécues par l'Europe au cours des [précédentes] décennies soient appréhendées dans une perspective cosmique, selon laquelle les mystères de l'espace, du temps et de l'existence exigent un sain détachement des luttes politiques et nationales immédiates}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=113-115}}. Pour l'essayiste [[Jean-Marie Apostolidès]], dans aucune autre aventure, pas même le diptyque lunaire, Hergé n'a présenté aussi souvent le monde vu de haut, {{citation|comme si les humains qu'il mettait en scène s'étaient transformés en nains}}{{sfn|Apostolidès|2006|p=395}}. Comme le résume Maxime Prévost, {{citation|le graphisme même de l'album nous inviterait ainsi à adopter une perspective surplombante sur les affaires humaines, comme si ce qui se passait sur terre n'était que peu de chose à l'échelle interplanétaire}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=113-115}}.
 
Sur un autre plan, ''Vol 714 pour Sydney'' tendrait à démontrer que, si {{citation|les conflits nationaux sont inévitables}}, ils ne peuvent {{citation|compromettre définitivement leurs acteurs}}, et les diverses alliances nationales possibles n'ont aucune fixité : {{citation|en témoigne le trio des
méchants dans le cockpit de l'avion détourné : Spalding, Boehm et Colombani, à savoir un Britannique, un Allemand et un Français du midi (donc de la [[zone libre]] durant l'[[Occupation de la France par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale|Occupation]]), méchants travaillant pour le compte de Rastapopoulos (un Grec) et de son séide Allan (un Américain, vraisemblablement)}}, auquel répond {{citation|le clan des bons […] constitué (Tintin mis à part, parce qu’il échappe à toute appartenance nationale) de Haddock, Tournesol, Szut, Gino, Mik Ezdanitoff, c'est-à-dire d’une alliance franco-anglo-saxonne, estonienne, napolitaine et est-européenne}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=115-116}}.
 
Pour Maxime Prévost, ''Vol 714 pour Sydney'' peut donc être considéré comme {{citation|un testament dans lequel Hergé propose, symboliquement, les paramètres d'une forme de rédemption politique}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=101}}.
 
==== Le juste, le pardon et l'oubli ====
[[Fichier:Jean-Marie Apostolidès.jpg|vignette|gauche|redresse|alt=Photographie en couleurs d'un homme portant des lunettes.|L'universitaire [[Jean-Marie Apostolidès]] relève chez [[Hergé]] la récurrence du {{citation|juste impliqué contre son gré dans une entreprise mauvaise}}.]]
Parmi les personnages qui accèdent à la rédemption à travers cet album se détache celle du pilote estonien Piotr Szut{{sfn|Prévost|2010|p=115-116}}. Ce personnage, inspiré à Hergé lors de la création de ''[[Coke en stock]]'' par {{citation|ces anciens nazis en cavale recyclés dans les besognes mercenaires pour le compte des pays arabes}}{{sfn|Assouline|1996|p=522}} suit une trajectoire de vilain à héros qui répète celle du capitaine Haddock, entré dans la série comme un alcoolique incurable et impulsif avant de devenir l'ami intime de Tintin et d'accéder à une forme de sagesse. Le lien entre les deux personnages est d'autant plus fort que Szut est le seul personnage de la série que le capitaine tutoie régulièrement{{sfn|Prévost|2010|p=115-116}}.
Parmi les personnages qui accèdent à la rédemption à travers cet album se détache celle du pilote estonien Piotr Szut{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=115-116}}. Ce personnage, inspiré à Hergé lors de la création de ''[[Coke en stock]]'' par {{citation|ces anciens nazis en cavale recyclés dans les besognes mercenaires pour le compte des pays arabes}}{{sfn|Assouline|1996|p=522}} suit une trajectoire de vilain à héros qui répète celle du capitaine Haddock, entré dans la série comme un alcoolique incurable et impulsif avant de devenir l'ami intime de Tintin et d'accéder à une forme de sagesse. Le lien entre les deux personnages est d'autant plus fort que Szut est le seul personnage de la série que le capitaine tutoie régulièrement{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=115-116}}.
 
Pour [[Jean-Marie Apostolidès]], {{citation|le thème du juste qui se trouve impliqué contre son gré dans une entreprise mauvaise est trop récurrent chez Hergé pour ne pas indiquer un traumatisme}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Jean-Marie Apostolidès]]|titre=Tintin et le mythe du surenfant|lieu=Bruxelles|éditeur=[[Éditions Moulinsart]]|année=2003|passage=99}}.</ref>. Les dernières pages de l'album, à travers l'effacement de l'aventure de la mémoire des héros, peuvent être vues comme la mise en scène d'un {{citation|oubli libérateur}}, de même que la dernière case de l'album, qui montre le capitaine se dirigeant vers l'avion en portant à la main un exemplaire du ''[[Le Soir|Soir]]'', journal « volé » sous l'Occupation et auquel contribuait Hergé, évoque {{citation|un appel à l'oubli et au pardon}} de l'auteur{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=115-116}}.
 
==== La question du mal ====
[[Fichier:Jean-Luc Marion.png|vignette|redresse|alt=Photographie d'un homme portant une veste de costume grise, un nœud papillon rouge et des lunettes.|Le philosophe [[Jean-Luc Marion]] salue la confrontation de [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]] et [[Laszlo Carreidas]], deux crapules à travers qui Hergé aborde la question du [[mal]].]]
Pour le philosophe [[Jean-Luc Marion]], ''Vol 714 pour Sydney'' {{citation|examine (et met en question) le socle éthique de l'universelle humanité et d'abord l'instance qui a régi, en fait et en droit, toute la saga – le mal}}. [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]], véritable incarnation du mal depuis son apparition dans ''[[Les Cigares du pharaon]]'' et jusqu'à sa dernière figuration dans ''[[Coke en stock]]'', voit apparaître un rival en la personne du milliardaire Laszlo Carreidas. Jean-Luc Marion considère l'invention de ce dernier personnage comme une {{citation|trouvaille géniale}}, dans la mesure où il permet à l'auteur de {{citation|mettre en scène une rivalité de [[mimèsis]], c'est-à-dire […] une exacte description du mal selon la logique même qui le provoque}}<ref name="marion"/>. La scène du bunker, où les deux hommes, sous l'emprise d'un [[sérum de vérité]], rivalisent pour établir lequel des deux est le plus méchant, aboutit à une {{citation|compétition absurde, qui ramène le mal à sa contradiction et en dévoile le ridicule}}<ref name="marion"/>. Pour Jean-Luc Marion, l'album évoque le [[Jugement dernier]] : Rastapopoulos et Carreidas qui, sous l'effet du sérum de vérité, se disputent le titre de génie du mal, sont finalement emportés au ciel par une soucoupe volante<ref>{{Chapitre|auteur1=[[Jean-Luc Marion]]|titre chapitre=Quand Tintin arrive, le quotidien explose|titre ouvrage=Tintin et le trésor de la philosophie|éditeur=[[Philosophie Magazine]]|année=2020|volume=Hors-série|pages totales=100|ISSN=2104-9246|passage=14-19}}.</ref> lors d'une scène qui semble désigner l'[[enfer]] théologique<ref name="marion"/>.
 
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==== Initiés et récit initiatique ====
D'après l'analyse de Vanessa Labelle, auteure d'une thèse sur la représentation du paranormal dans les ''Aventures de Tintin'', le personnage de Mik Ezdanitoff incarne la figure de l'[[Initiation|initié]] tel qu'il est décrit dans les travaux de l'universitaire [[Simone Vierne]]<ref>{{Ouvrage|lang=fr|auteur1=[[Simone Vierne]]|titre=Jules Verne et le roman initiatique|lieu=Paris|éditeur=Éditions du Sirac|année=1973|pages totales=782}}.</ref>. L'initié appartient à une petite communauté d'élus qui, par des rites initiatiques, accède à des connaissances et au secret auxquels les sociétés traditionnelles ne peuvent prétendre{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=118-119}}. Vanessa Labelle affirme que, pour Hergé, l'initiation n'est pas un simple accès à la connaissance mais également une {{citation|transformation [[Ontologie (philosophie)|ontologique]]}}. De fait, Mik Ezdanitoff est capable de communiquer par [[télépathie]] et d'[[Hypnose|hypnotiser]], des aptitudes surnaturelles qui lui proviennent directement du savoir des extraterrestres{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=118-119}}. Ces capacités extraordinaires lui permettent de guider le peuple jugé aveugle, de sorte que l'initié, au sens où l'entend Simone Verne, détient également la fonction de guide{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=118-119}}.
 
Pour autant, Vanessa Labelle considère que Mik Ezdanitoff n'est pas le seul initié de l'aventure. Le [[professeur Tournesol]], fasciné par son pendule, ramasse un objet étrange et finit par s'écarter du groupe, en proie au danger de l'éruption volcanique. D'après Labelle, c'est à ce moment que se produit son initiation, dans la mesure où {{citation|la séparation du néophyte constitue la première phase de l'initiation, soit la préparation}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=119-120}}. La grotte est le lieu d'initiation par excellence et c'est dans celle-ci que le professeur doit affronter l'épreuve du feu. L'historien [[Mircea Eliade]] rappelle en effet que dans certains mythes, le héros descend aux Enfers pour {{citation|acquérir la sagesse ou obtenir des connaissances secrètes}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Mircea Eliade]]|titre=Initiation, rites, sociétés secrètes|sous-titre=Naissances mystiques|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Folio essais|année=1992|année première édition=1959|passage=380}}.</ref>. Pour Simone Vierne, le premier pas vers l'accès à la connaissance consiste justement en une {{citation|perte de connaissance, réelle ou simulée}}, et c'est bien sans connaissance que le professeur ressort de la grotte avec Tintin puisqu'il faut le ranimer. Pour Vanessa Labelle, {{citation|cette apparente mort initiatique fait renaître un Tournesol initié, détenant la preuve de l'un des plus grands mystères de l'existence}} puisqu'il retrouve, à la fin de l'aventure, l'objet d'origine extraterrestre dans la poche de sa veste{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=119-120}}.
 
Par ailleurs, elle affirme que la descente dans la grotte s'apparente à une {{citation|entrée dans le domaine de la mort}} pour tous les personnages, de sorte qu'ils subissent eux aussi une forme d'initiation. Même si Tintin ne subit pas une mort initiatique au même titre que le professeur Tournesol, cette descente fait apparaître une transformation de sa personne : capable de recevoir les messages de [[Tchang (Tintin)|Tchang]] par télépathie dans ''[[Tintin au Tibet]]'', mais ne pouvant communiquer en retour, il est cette fois capable de répondre à Mik Ezdanitoff, à la surprise de tous, dès son entrée dans la grotte{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=211-213}}. L'initiation du capitaine Haddock, {{citation|beaucoup plus vague}}, peut être vue dans l'évolution de son caractère. Pour Vanessa Labelle, ''Vol 714 pour Sydney'' peut être vu comme {{citation|une suite logique à ''Tintin au Tibet'', car Haddock met en pratique les enseignements qu'il a reçus dans son initiation tibétaine}} : bien que le capitaine fasse toujours preuve de son scepticisme habituel à l'égard des phénomènes paranormaux, {{citation|il est désormais beaucoup plus intuitif}}{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=121-123}}.
 
Vanessa Labelle relève néanmoins une incohérence dans toute cette analyse, à savoir que {{citation|toute initiation implique un changement profond et durable}}, ce qui n'est pas le cas pour les personnages de l'aventure dans la mesure où leur mémoire est effacée à la fin de l'album. Ainsi, elle conclut que le récit agit davantage sur les lecteurs que sur les personnages, les premiers étant mis en position de savoir quelque chose qui échappe aux héros{{sfn|Labelle|2014|gr=l|p=127}}.
 
==== Un antisémitisme latent ? ====
L'universitaire américain Hugo Frey livre une lecture politique de ''Vol 714 pour Sydney''. D'après son analyse, l'[[antisémitisme]] d'Hergé, notamment mis en cause dans ''[[L'Étoile mystérieuse]]'', aurait survécu à la [[Libération de la Belgique et des Pays-Bas|Libération]] pour trouver une {{citation|expression virulente}} dans ce présent album{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=107-108}}{{,}}<ref name="frey">{{Chapitre|lang=en|auteur1=Hugo Frey|titre chapitre=Trapped in the Past|sous-titre chapitre=Anti-Semitism in Hergé’s Flight 714|auteurs ouvrage=Mark McKinney (dir.)|titre ouvrage=History and Politics in French Language Comics and Graphic Novels|éditeur=Jackson, University Press of Mississippi|année=2008|passage=27-43|isbn=978-1-60473-004-3}}.</ref>. Il met en avant le personnage de [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]], qui ressemble selon lui aux caricatures de Juifs présentes dans la presse collaborationniste sous l'[[Occupation allemande de la Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale|Occupation]], et reprend les traits du financier juif Blumenstein, véritable méchant de ''L'Étoile mystérieuse'' et renommé Bohlwinkel dans une version corrigée<ref name="frey"/>. Pour Hugo Frey, Rastapopoulos incarnerait donc le Juif tout-puissant, animé de mauvaises intentions, mais il reprend par ailleurs la thèse développée par [[Maxime Benoît-Jeannin]] selon laquelle le personnage d'Hergé aurait pour référent historique le trafiquant de narcotiques Élias Eliopoulos, antisémite notoire et sympathisant [[Nazisme|nazi]]. Dans une lettre datée de 1973, le dessinateur s'était pourtant défendu de toute référence juive à l'égard de son personnage : {{citation|Rastapopoulos ne représente exactement personne en particulier. Tout est parti d’un nom, qui m'avait été suggéré par un ami ; et le personnage s'est articulé autour de ce nom. Rastapopoulos, pour moi, est plus ou moins grec louche levantin (sans plus de précision), de toute façon apatride, c'est-à-dire (de mon point de vue à l'époque) sans foi ni loi !… Un détail encore : il n’est pas juif}}{{sfn|Peeters|20062011|gr=p|p=105}}.
 
Pour Hugo Frey, tous ces éléments mêlés au fait que le personnage de [[Laszlo Carreidas]] serait inspiré de [[Marcel Dassault]], persécuté par le [[régime de Vichy]] puis déporté à [[Buchenwald]] en 1944, et que le docteur Krollspell, dont Hergé lui-même affirme qu'il a travaillé pour les Nazis, peut être vu comme une référence au docteur [[Josef Mengele]], attribuent à l'épisode de l'interrogatoire du milliardaire au centre de l'album la valeur d'une fantaisie [[Révisionnisme|révisionniste]] codée<ref name="frey"/>. Cette scène rejouerait ainsi de façon burlesque la persécution de Marcel Dassault, un homme d'affaires juif interrogé par un Rastapopoulos soit juif, soit antisémite, selon le code de lecture choisi, le tout à l'aide d'un docteur nazi qui se révèle finalement le moins mauvais des trois hommes<ref name="frey"/>{{,}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=107-108}}. Le cadre même de cette scène constitue une référence insidieuse selon Hugo Frey, puisqu'elle se déroule au sein d'un bunker japonais de la [[Seconde Guerre mondiale]], et que la fumée du cigare de Rastapopoulos pourrait évoquer celle des [[Chambre à gaz|chambres à gaz]] allemandes<ref name="frey"/>. L'universitaire Maxime Prévost juge cette analyse trop poussée et affirme que, si Hugo Frey a sans doute raison de croire que ''Vol 714 pour Sydney'' contient des références au passé trouble d'Hergé, il {{citation|interprète mal les pièces à conviction}}{{sfn|Prévost|2010|gr=a|p=107-108}}.
 
== Adaptation, mémoire et postérité ==
[[Fichier:Kemayoran ATC Old.jpg|vignette|alt=Photographie en couleurs d'une tour délabrée, avec des bâtiments en arrière-plan. |La [[Contrôle de la circulation aérienne|tour de contrôle]] abandonnée de l'ancien [[aéroport de Kemayoran]], préservée par des tintinophiles.]]
''Vol 714 pour Sydney'' est adapté à la télévision dans la [[Les Aventures de Tintin (série télévisée d'animation)|série animée de 1992]], baséetirée sur lesdes ''Aventures de Tintin'' et produite en collaboration entre le studio français [[EllipsanimeEllipse Animation|Ellipse]] et la société d'animation canadienne [[Nelvana]], tous deux spécialisés dans les programmes pour la jeunesse. L'histoire est contée en deux épisodes de {{unité|20|minutes}}, les trente-sixième et trente-septième de la série qui en compte trente-neuf<ref>{{Imdb titre|id=0179552|titre=Les aventures de Tintin}}.</ref>. Cette [[Adaptations des Aventures de Tintin à l'écran|adaptation]], réalisée par Stéphane Bernasconi, est reconnue pour être {{citation|généralement fidèle}} aux bandes dessinées originales, dans la mesure où l'animation s'appuie directement sur les planches originales d'Hergé<ref>{{Ouvrage|lang=en|titre=The Pocket Essential Tintin|nom1=Lofficier|prénom1=Jean-Marc|nom2=Lofficier|prénom2=Randy|lien auteur1=Jean-Marc Lofficier|année=2002|éditeur=Pocket Essentials|lieu=Harpenden, Hertfordshire|isbn=978-1-904048-17-6|url=https://books.google.com/books?id=kburngEACAAJ|passage=90}}.</ref>.
 
Amateur des ''Aventures de Tintin'' [[Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne|depuis les années 1980]], [[Steven Spielberg]] semble avoir été influencé par ''Vol 714 pour Sydney'' pour ''[[Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal]]'' (2008), quatrième volet d'une [[Indiana Jones (franchise)|série de films]] déjà parsemée d'éléments piochés dans l'univers d'Hergé<ref name="Présentation" />{{,}}<ref name="Lombard" />{{,}}<ref name="Pérolini">{{Chapitre |auteur=Cédric Pérolini |titre=''Le Secret de la Licorne'', de Hergé à Spielberg : Quand Indiana Jones rend hommage à Tintin… ou vice versa |titre ouvrage=Tintin aujourd'hui |auteur ouvrage=Jean-Louis Tilleuil, Michel Porret, Fabrice Preyat, Olivier Roche |éditeur=Georg |page=371-387 |année=2021 |isbn=2825712442 |collection=L'Équinoxe |lire en ligne=https://hal.science/hal-03373556/document}}.</ref>. L'intrigue repose sur la [[théorie des anciens astronautes]] et fait rencontrer au héros des êtres venus d'un autre monde<ref name="Lombard" />{{,}}<ref name="Pérolini" />. L'envol de la soucoupe volante à la fin du film a des similitudes avec la même scène de l'album<ref name="Lombard">{{Ouvrage |auteur=[[Philippe Lombard]] |titre=Tintin, Hergé et le cinéma |éditeur=Democratic Books |année=2011 |pages totales=199 |isbn=978-2361040567}}.</ref>{{,}}<ref name="Pérolini" />{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Eric Nuevo |titre=''Les Aventures de Tintin, Le Secret de la Licorne'' : Tintin le reporter, « hergérie » de Spielberg |url=https://blog.revueversus.com/2011/10/25/%C2%AB-les-aventures-de-tintin-le-secret-de-la-licorne-%C2%BB-tintin-le-reporter-%C2%AB-hergerie-%C2%BB-de-spielberg/ |année=25 octobre 2011 |site=revueversus.com |périodique=Versus |consulté le=18 janvier 2024}}.</ref>.
 
Dans les {{nobr|années 2010}}, un groupe de tintinophiles indonésiens milite pour sauvegarder la tour de contrôle de l'[[aéroport de Kemayoran]], représentée dans l'album<ref name="Courrier Inter"/>. L'aéroport étant fermé et à l'abandon depuis 1985, la ville de [[Jakarta]] s'y est étendue et les bâtiments restants, dont la tour de contrôle, sont menacés de destruction pour faire place à un quartier d'affaires<ref name="Courrier Inter">{{Lien web |auteur1=Cheta Nilawaty |titre=Indonésie.Tintin à l'aéroport de Jakarta : un patrimoine à sauver |url=https://www.courrierinternational.com/article/2013/12/25/tintin-a-l-aeroport-de-jakarta-un-patrimoine-a-sauver |site=[[Courrier international]] |périodique=''[[Tempo (magazine indonésien)|Tempo]]'' |date=décembre 2013 |consulté le=29 avril 2021}}.</ref>.
 
Les originaux d'[[Hergé]] connaissent un grand succès sur le [[Marché de l'art|marché mondial de l'art]] depuis les années 1990<ref name="sterckx" />{{,}}<ref name="RecordsEnchères">{{Lien web |auteur=Olivier Delcroix |titre=1,7 million d'euros pour la couverture de Tintin en Amérique, nouveau record pour un dessin d'Hergé en noir et blanc |date=10 février 2023 |url=https://www.lefigaro.fr/bd/1-7-million-d-euros-pour-la-couverture-de-tintin-en-amerique-nouveau-record-pour-un-dessin-d-herge-en-noir-et-blanc-20230210 |périodique=[[Le Figaro]] |site=lefigaro |consulté le=6 mars 2024}}.</ref>. Un crayonné de la page 7 de ''Vol 714 pour Sydney'' est vendu aux enchères pour {{Unité|157900|euros}} en 2012<ref>{{Lien web |titre=Bande dessinée : plus de 3 millions d'euros récoltés lors d'une vente aux enchères |date=26 novembre 2012 |url=https://photo.capital.fr/bande-dessinee-plus-de-3-millions-d-euros-recoltes-lors-d-une-vente-aux-encheres-352#herge-planche-de-l-album-de-tintin-vol-714-pour-sydney-4740 |périodique=[[Capital (magazine)|Capital]] |site=capital.fr |consulté le=6 mars 2024}}.</ref>. L'année suivante, un autre, de la page 53, offert et dédicacé par Hergé à son médecin en 1982, est adjugé à {{Unité|135000|euros}}<ref>{{Lien web |titre=Tintin : Une planche de Vol 714 pour Sydney adjugée 135.000 euros |date=28 octobre 2013|url=https://www.lanouvellerepublique.fr/france-monde/tintin-une-planche-de-vol-714-pour-sydney-adjugee-135-000-euros |site=lanouvellerepublique.fr |consulté le=6 mars 2024}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |titre=Une planche de Vol 714 pour Sydney décolle littéralement… |date=28 octobre 2013 |url=https://www.tintin.com/fr/news/4074/une-planche-de-vol-714-pour-sydney-decolle-litteralement |site=tintin.com |consulté le=8 mars 2024}}.</ref>. Encore en 2013, des crayonnés des planches 45 et 46 atteignent les {{Unité|208400|euros}}, alors un record pour ce type de dessins de l'auteur<ref>{{Lien web |titre=Bandes Dessinées : Hergé, Franquin et Uderzo restent des valeurs sûres aux enchères |auteur=Olivier Decarre |titre=21 novembre 2013 |url=https://www.boursier.com/patrimoine/passion/actualites/bandes-dessinees-herge-franquin-et-uderzo-restent-des-valeurs-sures-aux-encheres-1018.html |site=boursier.com |consulté le=8 mars 2024}}.</ref>. En 2019, une planche de crayonnés préparatoires concernant les pages 17, 22 et 23 est vendue pour {{Unité|98700|euros}} ; le dessinateur l'avait donné en 1969 au peintre abstrait espagnol [[Manuel Hernández Mompó]] après l'achat d'une de ses œuvres<ref>{{Lien web |titre=BANDE DESSINÉE & ILLUSTRATION, lot 119 : Hergé, Tintin, Vol 714 pour Sydney, Casterman 1968, Crayonné pour les planches n°17, 22 et 23 |date=octobre 2019 |url=https://www.danielmaghen-encheres.com/lot/100102/10783008-hergeherge-tintin-vol-714-poursearch=& |site=danielmaghen-encheres.com |consulté le=8 mars 2024}}.</ref>. Un crayonné de la page 4 part à {{Unité|160000|euros}} en 2023<ref name="RecordsEnchères" />.
 
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|group=note}}
 
=== Renvois à l'album ===
{{Références|taille=20|groupe=h}}
=== Principaux ouvrages ===
* Maxime Prévost, ''La rédemption par les ovnis : lectures croisées de ''Vol 714 pour Sydney'' et de la revue ''Planète, 2010.
{{Références|taille=20|groupe=a}}
 
* [[Philippe Goddin]], ''Hergé et les Bigotudos : Le roman d'une aventure'', [[Casterman]], 1990.
{{Références|taille=20|groupe=g}}
 
* [[Philippe Goddin]], ''Hergé, Chronologie d'une œuvre : 1958-1983'', {{tome|7}}, [[éditions Moulinsart]], 2011.
{{Références|taille=20|groupe=c}}
 
* Geoffroy Kursner, ''Hergé et la presse'', 2021.
{{Références|taille=20|groupe=k}}
 
* Vanessa Labelle, ''La représentation du paranormal dans les Aventures de Tintin'', 2014.
{{Références|taille=20|groupe=l}}
 
* [[Benoît Peeters]], ''Hergé, fils de Tintin'', 2006.
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=== Articles connexes ===
* [[Théorie des anciens astronautes]]
* [[Tintinologie]]
 
=== Bibliographie ===
==== Album en couleurs et ouvrages consacrés ====
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Hergé]]|titre=Vol 714 pour Sydney|lieu=Tournai|éditeur=[[Casterman]]|année=1968|pages totales=64|isbn=9782203001213|id=album|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Philippe Goddin]]|titre=Hergé et les Bigotudos|sous-titre=Le roman d'une aventure|lieu=Paris|éditeur=[[Casterman]]|collection=Bibliothèque de Moulinsart |année=1990 |réimpression=1993 |pages totales=287|isbn=2-203-01709-0 |plume=oui}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Philippe Goddin]]|titre=Comment naît une bande dessinée|sous-titre=Par-dessus l'épaule d'Hergé|lieu=Tournai|éditeur=[[Casterman]]|année=1991|pages totales=48|isbn=2-203-05101-9}}, sur la [[Élaboration d'un album de Tintin|création de l'album]].
* {{Article|langue=frArticl|auteur1=Maxime Prévost|titre=La rédemption par les ovnis : lectures croisées de ''Vol 714 pour Sydney'' et de la revue ''Planète''|périodique=[[Études françaises]]|éditeur=[[Presses de l'Université de Montréal]]|volume=46|numéro=2|titre numéro=Hergé reporter : Tintin en contexte|date=2010|page=101–117|lire en ligne=https://doi.org/10.7202/044537ar|plume=oui}}
 
==== Ouvrages sur l'œuvre de Hergé ====
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean-Marie|nom1=Apostolidès|lien auteur1=Jean-Marie Apostolidès|titre=Les métamorphoses de Tintin|lieu=Paris|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|collection=Champs|année=2006|année première édition=1984|pages totales=435|isbn=978-2-08-124907-3|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Collectif|titre=Tintin à la découverte des grandes civilisations|lieu=Paris|éditeur=[[Le Figaro]], [[Beaux Arts Magazine]]|année=2008|pages totales=128|isbn=978-2-8105-0029-1|id=civilisations|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=Collectif|titre=Les personnages de Tintin dans l'histoire|sous-titre=Les événements qui ont inspiré l'œuvre d'Hergé|volume=2|éditeur=''[[Historia (revue)|Historia]]'', hors-série / ''[[Le Point]]'' |mois=juillet|année=2012|ean=9782897051044|pages totales=130|id=historia|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur=Collectif|titre=Tintin et les forces obscures|éditeur=[[Historia (revue)|Historia]] / [[Le Point]]|année=2013|pages totales=130|isbn=978-2-89705-199-0|id=forcesparanormal|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=Collectif|titre=Tintin : Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé|pages totales=160|éditeur=[[Geo (magazine)|Geo]], [[Éditions Moulinsart]]|mois=novembre|année=2015|isbn=978-2-8104-1564-9|id=Geo|plume=oui}}.
* {{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Fresnault-Deruelle|lien auteur1=Pierre Fresnault-Deruelle|titre=Hergé, ou le secret de l'image|sous-titre=Essai sur l'univers graphique de Tintin|lieu=Bruxelles|éditeur=éditions Moulinsart|année=1999|pages totales=142|isbn=978-2-930284-18-7|oclc=42821166|id=image|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Philippe Goddin]] |titre=Hergé, Chronologie d'une œuvre |sous-titre=1958-1983 |tome=7 |éditeur=[[Éditions Moulinsart]] |année=2011 |mois=mai |lieu=Bruxelles |pages totales=375 |isbn=978-2-87424-239-7|plume=oui}}
* {{Article|prénom1=Charles|nom1=de Granrut|titre=Hergé, un mordu des avions|périodique=Sciences & Vie|lien périodique=Science et Vie|lieu=Paris|titre volume=Édition spéciale|numéro=14H|titre numéro=Tintin chez les savants, Hergé entre science et fiction|mois=mars|année=2002|pages=72-83}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Geoffroy Kursner|titre=Hergé et la presse|sous-titre=Ses bandes dessinées dans les journaux du monde entier|lieu=Bruxelles/impr. en République tchèque|éditeur=[[Les Impressions nouvelles]]|année=2021|pages totales=616|isbn=978-2-87449-921-0|plume=oui}}
* {{ouvrage|prénom1=Vanessa|nom1=Labelle|titre=La représentation du paranormal dans les Aventures de Tintin|éditeur=[[Université d'Ottawa]]|pages totales=148|année=2014|nature ouvrage=thèse|lire en ligne=https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/31864/1/Labelle_Vanessa_2014_th%C3%A8se.pdf|format=pdf|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Cyrille|nom1=Mozgovine|préface=[[Albert Algoud]]|titre=De Abdallah à Zorrino|sous-titre=Dictionnaire des noms propres de Tintin|lieu=Tournai|éditeur=[[Casterman]]|collection=Bibliothèque de Moulinsart|année=1992|pages totales=286|isbn=2-203-01711-2|plume=oui}}
* {{Ouvrage| prénom1auteur=Frédéric|Ludwig nom1=SoumoisSchuurman| titre=DossierLes Tintin|îles noires d'Hergé|sous-titre=Sources,Étude Versions,comparée Thèmes,des Structurestrois versions d'un album|préface=[[Michel Porret]]|année=2023|lieu=BruxellesChêne-Bourg| éditeur=Jacques[[Georg Antoineéditeur| année=1987Georg]]| pages totales=316544| isbn=2-87191-009-X9782825712399|plume=oui}}.
* {{Ouvrage| prénom1=Frédéric| nom1=Soumois| titre=Dossier Tintin| sous-titre=Sources, Versions, Thèmes, Structures| lieu=Bruxelles| éditeur=Jacques Antoine| année=1987| pages totales=316| isbn=2-87191-009-X|plume=oui}}
 
==== Ouvrages sur Hergé ====
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Assouline|lien auteur1=Pierre Assouline|titre=Hergé|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Folio|année=1996|pages totales=820|isbn=978-2-07-040235-9|plume=oui}}
* {{Ouvrage|prénom1=Michael|nom1=Farr|lien auteur1=Michael Farr|titre=Tintin, le rêve et la réalité|éditeur=[[Éditions Moulinsart|Moulinsart]]|collection=Fondation Hergé|année=2001|pages totales=206|isbn=978-2-930284-58-3|plume=oui}}.
* {{Ouvrage |auteur=[[Philippe Goddin]] |titre=Hergé, lignes de vie |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Tintinimaginatio|Moulinsart]] |année=2007 |pages totales=1010 |isbn=9782874240973 |plume=oui}}
* {{Ouvrage|prénom1=Benoît|nom1=Peeters|lien auteur1=Benoît Peeters|titre=Le monde d'Hergé|lieu=Tournai|éditeur=[[Casterman]]|année=1984|mois=décembre|numéro d'édition=2|année première édition=1983|pages totales=320|isbn=2-203-23124-6}}.
* {{Ouvrage|prénom1=Benoît|nom1=Peeters|lien auteur1=Benoît Peeters|titre=Hergé, fils de Tintin|lieu=Paris|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|collection=Champs biographie|année=20062011|année première édition=2002|pages totales=629642|isbn=978-20812-6789-39782081267893|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=cGLhkAMreEkC&printsecoclc=frontcover52812831|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Bertrand Portevin|titre=Le monde inconnu d'Hergé|éditeur=Éditions Dervy|année=2008|pages totales=350|isbn=978-2844545367}}.
* {{Ouvrage| langue=fr| prénom1=Numa| nom1=Sadoul| lien auteur1=Numa Sadoul| titre=[[Tintin et moi|Entretiens avec Hergé]] | sous-titre=Édition définitive| lieu=Tournai| éditeur=[[Casterman]]| collection=Bibliothèque de Moulinsart| année=1989| numéro d'édition=3| année première édition=1975| pages totales=256| isbn=2-203-01708-2|plume=oui}}.
 
=== Liens externes ===
Ligne 303 ⟶ 413 :
{{Palette|Les Aventures de Tintin}}
{{Portail|Tintin|Indonésie|science-fiction|volcanisme|bande dessinée francophone |années 1960}}
 
{{Article potentiellement de qualité|oldid=212527935|date=16 février 2024}}
 
[[Catégorie:Album de Tintin]]
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[[Catégorie:Éruption volcanique dans la fiction]]
[[Catégorie:Soucoupe volante dans la littérature]]
[[Catégorie:Roberto Rastapopoulos]]
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