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=== Les débuts des recherches eckhartiennes en France et en Allemagne ===
Le premier a avoir ouvert le "dossier Eckhart", aussi bien en France qu'en Allemagne, est <nowiki>[[Charles Schmidt]]</nowiki><ref>{{Ouvrage|auteur1=François Joseph Fuchs,|titre=« Schmidt Guillaume Adolphe Charles »,|éditeur=dans Fédération des Sociétés d'Histoire et d'Archéologie d'Alsace, Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, n 33, p. 3472.}}</ref>, qui soutien sa thèse de dotorat en théologie ''Essai sur les mystiques du quatorzième siècle à'' , Strasbourg en 1836 <ref>{{Ouvrage|auteur1=Charles Schmidt|titre=Essai sur les mystiques du quatorzième siècle [archive], Strasbourg, G. Silbermann, 1836}}</ref>. Il présentera cette thèse avec succès, dans une version légèrement différente en 1847, devant l'Académie des Sciences à Paris. Il s'appuie et cite des manuscrits qui seront détruits en 1870 dans l'incendie de la Bibliothèque de Strasbourg, lors d'un bombardement hasardeux. Devenu allemand, Charles Schmidt publiera peu après ce qui est le drame de sa vie : il était le conservateur en particulier des nombreux manuscrits strasbourgeois. Ces débuts de la recherche eckhartienne à un moment où les guerre la feront tantôt allemandes tantôt française est responsable en partie du fait que les deux pôles actuels de la recherche sont français autant qu'allemand. La dernière synthèse en date de toute l'histoire de cette recherche eckhartienne est exposée par Madame la professeure [[Marie-Anne Vannier]]<ref>{{Ouvrage|titre=[[Marie-Anne Vannier]]|lieu=Maître Eckhart prédicateur,|éditeur=Paris, Beauchesne, coll. « Mystiques chrétiens d’Orient et d’Occident » n° 4,|année=2018,|pages totales=859|isbn=978-2-701-02287-1}}</ref> dans son ouvrage de synthèse Maître Eckhart prédicateur.
 
=== Le point de vue philosophique : l'interprétation d'Henri Delacroix ===
[[Henri Delacroix]] (doyen de la Faculté des Lettres de Paris, 1928-1937) a été l'un des premiers à proposer en France une interprétation d'ensemble de l'œuvre de Maître Eckhart{{sfn|Delacroix|2022}}. Cette interprétation est caractéristique de l'orientation qui vise à réinscrire strictement cette pensée dans l'histoire de la philosophie occidentale. Vivement contestée par ceux qui l'accusent d'ignorer la spécifité religieuse de la position de Maître Eckhart (position de la foi trinitaire radicalement irréductible à l'histoire de la métaphysique occidentale), cette interprétation a le mérite de restituer avec clarté la lecture philosophique de l'eckhartisme qui fut celle de [[Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling|Schelling]], [[Johann Gottlieb Fichte|Fichte]] et [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] ; lecture peut-être contestable, mais lecture extrêmement féconde puisqu'elle a rendu conceptuellement possible l'[[idéalisme allemand]].
 
Selon Henri Delacroix, la pensée de Maître Eckart est certes un mysticisme, mais un ''mysticisme spéculatif''. En ce sens, elle ne propose aucun embrasement émotionnel à l'imagination, mais une recherche rigoureuse de la vérité dans l'ascèse de la raison.<blockquote>La philosophie d’Eckart est une construction savante et régulière ; comme telle, on l’a longtemps méconnue. Pour les premiers historiens qui n’avaient à leur disposition qu’un petit nombre des sermons ou des traités, elle se résumait en quelques formules riches et fécondes et réussissait à exprimer sous une forme à peu près intelligible quelques intuitions de grande profondeur{{sfn|Delacroix|2022|p=210, note 2}}.</blockquote>Rigoureuse, elle se déploie nécessairement en un système philosophique. Il est donc difficile de la saisir sans la situer d'abord dans l'histoire de la philosophie, en particulier dans le contexte de son [[néoplatonisme]].<blockquote>Dans la scolastique proprement dite, et surtout dans celle du <abbr>xiii<sup>e</sup></abbr> et du <abbr>xiv<sup>e</sup></abbr> siècle, c’est plutôt l’[[aristotélisme]] découvert ou restauré, exposé ou complété par les commentateurs arabes, qui sert de base rationnelle à la religion ; il déborde de toutes parts dans le système de [[Thomas d'Aquin|saint Thomas]]. Maître Eckart n’est certes pas resté étranger à cette influence ; mais la métaphysique néoplatonicienne a prévalu dans son esprit : sur tous les points essentiels il est d’accord avec [[Plotin]] et [[Proclus]]{{sfn|Delacroix|2022|p=209}}.</blockquote>Le problème central du néoplatonisme a été d’expliquer comment l’Un absolu se communique et se manifeste. Mais la prétention d’expliquer l’univers par un principe qui ne soit ni un élément de l’univers ni la totalité de ses éléments ne pouvait qu’aboutir à une série de contradictions inextricables. En effet, de l’Infini aucune détermination ne peut logiquement sortir. Et la procession néoplatonicienne n’est qu’un mot ou n’est qu’un miracle car pour redescendre par la voie dialectique de ce sommet imaginaire, il faut supposer dans l’être initial une contradiction qui détruit son unité : l’Unité est impuissante à rendre raison de la multiplicité des choses. Pour Maître Eckart la manifestation de l’Un divin n’est pas comme dans les théories néoplatoniciennes un simple accident. L’Être n’est pas par nature intelligible, mais par cela même qu’il est, il devient intelligible : l’intelligibilité résulte de sa position. L’Être ne sort pas de soi-même pour engendrer hors de soi. La nécessité qui le maintient, la contraction par laquelle il se rassemble, sa propre intériorité font justement qu’il s’extériorise : en se posant, il se pose par devers soi, c’est-à-dire qu’il s’oppose à soi-même. L’Unité n’est pas sans quelque dualité, car elle n’est pas à moins qu’elle ne s’ajoute à soi. La divinité tire de ses ténèbres quelque image d’elle-même, parce qu’elle ne peut être en soi qu’à condition d’être pour soi, c’est-à-dire de s’apparaître. L’Image, c’est-à-dire la forme intelligible suit nécessairement la Divinité. La Divinité devient Dieu par l’analyse de soi, c’est-à-dire par la constitution systématique et progressive des formes qu’elle implique.<blockquote>À la procession incompréhensible succède l’idée claire d’un développement logique : aucun moment de l’être n’est définitif ni ne peut se fixer : toute forme implique et appelle un complément que seule la forme suivante lui peut donner ; les apparitions de la divinité se succèdent dans l’ordre que la nécessité divine s’impose à soi-même : les formes de l’être sont les moments du procès par qui le fond obscur de l’être se fait Dieu{{sfn|Delacroix|2022|p=219}}.</blockquote>Par là, Maître Eckart a ouvert une voie radicalement nouvelle à la spéculation métaphysique dont les développements ultérieurs de l'[[idéalisme allemand]] devaient démontrer la fécondité{{Note|groupe=Note|texte=Il y a là comme un pressentiment de la méthode dialectique que [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] devait porter à son achèvement ; maître Eckart a senti que la déduction ne peut rien tirer de l’Être absolu, c’est-à-dire de l’Être indéterminé et qu’il faut recourir à d’autres moyens pour déterminer son mouvement. »{{sfn|Delacroix|2022|p=220}}}}.
 
==== Éditions des écrits de Me Eckhart ====
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