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{{Infobox Biographie2
| légende = Portrait probableprésumé de Dorugu. <br>Studio de Wilhelm Fechner, [[Berlin]], 1856{{Sfn|Winckler|2009|p=4}}.<br> OnCette peutidentification doutera qu'ilété s'agissemise deen Dorugudoute, parceà quecause ledu modèlejeune représentéâge peutdu paraître trop jeunemodèle{{Sfn|Winckler|2009|p=25}}.
}}
'''Dorugu''' ou '''Dyrregu''' ou '''James Henry Dorugu'''{{Note|texte=Il se nomme d'abord Dyrregu, mais il est plus connu sous celui de Dorugu, couramment employé par l'historiographie. Après son baptême, il utilise son nom chrétien et son autobiographie est publiée sous le nom de Dorugu{{Sfn|Winckler|2009|p=26}}|group=alpha}}, né vers 1839 ou 1840 dans le village de Dambanas dans la région de [[Kantché]] (actuellement au [[Niger]]) et mort le {{date de décès|29 novembre 1912}} à [[Nasarawa (Kano)|Nassarawa]] (au [[Nigeria]] actuel), est un voyageur [[Haoussas|haoussa]] auteuren d'une[[Afrique]] autobiographieet quien est[[Europe]] leet premierl'un textedes impriméauteurs endu [[Haoussa|languepremier ouvrage de littérature haoussa]] publié en Europe.
 
IlCapturé lors d'un raid esclavagiste du sultanat du [[Damagaram]], il est un jeune [[Esclavage|esclave]] quand il entre au service des explorateurs européens [[Adolf Overweg]] puis [[Heinrich Barth]]. QuandIl Heinrich Barth rentre en Europe, Dorugu l'accompagne puisce collaboredernier aveclors [[Jamesde Schön]]son dans la publicationexploration de livres sur la langue et la culturel'Afrique [[haoussaSahel|sahélienne]], dont son autobiographie. Il revient en Afrique en 1864 et s'installe comme interprète dans la région de [[KanoSoudan (Nigeriarégion)|Kanosoudanaise]] (au Nigeria actuel).
 
Quand Heinrich Barth rentre en Europe en 1855, Dorugu et son compagnon Abbega l'accompagnent. Plusieurs dessins les représentent. Lors de son séjour Dorugu se convertit au [[christianisme]]. Au cours de sa collaboration avec [[James Frederick Schön]], qui mène des recherches sur la langue et la culture [[haoussa]], il participe à la rédaction de l'ouvrage ''Magana hausa'', qui contient notamment son autobiographie. Celle-ci est le premier texte imprimé en [[Haoussa|langue haoussa]] et constitue une source d'un grand intérêt [[linguistique]] et [[sociologie|sociologique]].
 
Dorugu revient en Afrique en 1864 et s'installe comme interprète dans le nord du Nigeria actuel, à [[Kano (Nigeria)|Kano]] puis à [[Nassarawa]]. Jusqu'à sa mort en 1912, il sert à plusieurs reprises d'intermédiaire entre des Européens et des souverains africains.
 
== Biographie ==
=== Enfant esclave haoussa ===
Dorugu, né vers 1839 ou 1840{{Sfn|Winckler|2009|p=5}}, est un [[Haoussas|Haoussa]] originaire du village de Dambanas, dans la région de [[Kantché]], actuellement au [[Niger]]. Il est né dans une famille paysanne pauvre{{Sfn|Lefebvre|2023|p=406}}. Il a un frère et une sœur{{Sfn|Zehnle|2020|p=491}}. Son père cultive du blé et du coton et joue du [[Tambour (instrument)|tambour]] traditionnel{{Sfn|Winckler|2009|p=5}}{{,}}{{Sfn|Zehnle|2020|p=491}}.
 
Malgré plusieurs épisodes où la famille se cache pour éviter les raids esclavagistes [[Djihadisme|djihadiste]]s, notamment juste après la mort de sa petite sœur cadette{{Sfn|Lefebvre|2012|p=114}}{{,}}{{Sfn|Zehnle|2020|p=491}}, sa mère est capturée à la fin des années 1840, alors qu'elle va aux champs porter le repas à son mari, et réduite en esclavage{{Sfn|Lefebvre|2012|p=113}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2015|p=74}}{{,}}{{Sfn|Zehnle|2020|p=492}}. Ses ravisseurs sont des guerriers du [[Royaume du Kanem-Bornou|Kanem-Bornou]]{{Sfn|Zehnle|2020|p=492}}. Lui-même et son père sont capturés par les troupes du sultan du [[Sultanat du Damagaram|Damagaram]]{{Sfn|Lefebvre|2023|p=406}}.
 
Dorugu est victime d'un affrontement géopolitique régional. Son village, Dambanas, dépend de [[Kantché]], région qui tente de rester indépendante face à la pression des deux sultanats voisins du [[Royaume du Kanem-Bornou|Kanem-Bornou]] et du [[Sultanat du Damagaram|Damagaram]]. Les autorités de Kantché abandonnent finalement le village de Dambanas au sultanat de Damagaram. Peu après, ce sacrifice se révèle vain, puisque Kantché est obligé de se livrer au sultanat de Damagaram{{Sfn|Lefebvre|2012|p=115-116}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2015|p=105}}.
 
[[Fichier:Travels and discoveries in North and Central Africa. From the journal of an expedition undertaken under the auspices of H.B.M.'s government, in the years 1849-1855 (1859) (14594431299).jpg|vignette|gauche|Place publique à [[Kukawa]] dans les années 1850{{Sfn|Barth|1859|p=168}}.|alt=Dessin sépia d'un grand espace rectangulaire limité par des constructions avec dessus des hommes habillés à l'orientale, des chevaux, des arbres et un puits.]]
 
Arraché aux siens, Dorugu est ensuite emmené jusqu'à [[Zinder]], capitale du [[sultanat du Damagaram]], où il est enfermé et asservi{{Sfn|Winckler|2009|p=5}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2012|p=120-121}}{{,}}{{Sfn|Zehnle|2020|p=493}}. Son maître lui donne le nom de Barka Gan{{Sfn|Winckler|2009|p=5}}. Il devient ensuite esclave d'un marchand arabe de [[Kukawa]], au [[Nigeria]] actuel{{Sfn|Lefebvre|2023|p=406}}. Il y jouit d'abord d'une relative liberté de mouvement, parce que l'espace urbain est fermé par une enceinte contrôlée par des gardes, avant d'être brusquement enchaîné et vendu parce que ses maîtres craignent sa fuite{{Sfn|Lefebvre|2012|p=125-126}}. Sa réduction en servitude n'est pas du tout exceptionnelle : à cette époque, les esclaves sont nombreux dans le [[Soudan (région)|Soudan]] central, employés dans le commerce et dans l'agriculture<ref>{{Ouvrage|auteur=Paul E. Lovejoy|traducteur=Sara Dezakay, Salvatore Sagues, Pascale Mc Garry|langue originale=en|titre=Une histoire de l'esclavage en Afrique: mutations et transformations, {{Sp-|XIV|-|XX}}|lieu=Paris|éditeur=Karthala|collection=Esclavages|date=2017|pages totales=441|passage=295-303|isbn=978-2-8111-1857-0}}.</ref>. Son maître lui donne le nom de Barka Gan{{Sfn|Winckler|2009|p=5}}. Il devient ensuite esclave d'un marchand arabe de [[Kukawa]], au [[Nigeria]] actuel{{Sfn|Lefebvre|2023|p=406}}. Il y jouit d'abord d'une relative liberté de mouvement, parce que l'espace urbain est fermé par une enceinte contrôlée par des gardes, avant d'être brusquement enchaîné et vendu parce que ses maîtres craignent sa fuite{{Sfn|Lefebvre|2012|p=125-126}}.
 
=== ServiteurCompagnon d'explorateurs ===
[[Fichier:Carte d'une partie de l'Afrique centrale indiquant les routes... de MM. Richardson, Overweg et Barth pendant les années 1851 et 1852... d'après... M. Aug. Petermann... - par V. A. Malte-Brun - btv1b8468699d.jpg|vignette|redresse|Carte des voyages de Richardson, Overweg et Barth en 1851-1852, Paris, 1854. [[Bibliothèque nationale de France|BNF]]. On y retrouve notamment les villes de [[Zinder]] et [[Kukawa]] (orthographié Koukaoua).|alt=carte en français de l'Afrique centrale autour du lac Tchad, avec des territoires limités par des lignes de couleur, sur fond orange clair]]
 
C'est à Kukawa, qu'en 1851, alors qu'il est âgé d'une douzaine d'années, qu'il est loué à la journée par son maître à [[Adolf Overweg]] pour s'occuper de chameaux. Adolf Overweg est, avec [[James Richardson (explorateur)|James Richardson]] et [[Heinrich Barth]], l'un des trois explorateurs européens qui dirigent l’''African Mission'', mission d'exploration composécomposée d'une soixantaine d’hommes armés recrutés en Libye{{Sfn|Lefebvre|2023|p=406}}. Dorugu raconte plus tard que, n'ayant jamais vu de Blanc auparavant, il a peur qu'Overweg le mange{{Sfn|Kennedy|2013|p=172}}. C'est un étonnant retournement du fantasme répandu parmi les Européens, qui accusent alors certains Africains de cannibalisme{{Sfn|Kennedy|2013|p=218}}.
 
[[Fichier:Heinrich Barth's route through Africa, 1850 to 1855.jpg|vignette|redresse|gauche|Trajet de l'exploration de Barth{{Sfn|Barth|1859|p=10}}.|alt=Carte de l'Afrique en anglais sur fond orange, avec un itinéraire tracé en rouge dans sa moitié nord.]]
Adolf Overweg rachète Dorugu à son maître et l'affranchit, en le gardant comme serviteur libre{{Sfn|Winckler|2009|p=6}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=407}}. Il lui donne un nouveau nom, Adam{{Sfn|Zehnle|2020|p=490}}. À la mort d'Overweg en {{date|octobre 1852}}, [[Heinrich Barth]] garde à son service Dorugu et un autre serviteur d'Overweg, nommé Abbega. Heinrich Barth souhaite apprendre grâce à eux la [[Haoussa|langue haoussa]]. Ils voyagent avec lui pendant trois ans en Afrique avant de l'accompagner en Europe en 1855{{Sfn|Winckler|2009|p=6}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=407}}. La liberté dont jouit Dorugu semble être toute relative : jeune garçon sans réseau familial, il n'a guère d'autre choix que de rester au service de Barth, qu'il appelle son maître. Il échoue à entrer en contact avec son père{{Sfn|Kennedy|2013|p=172}}.
 
Adolf Overweg rachète Dorugu à son maître et l'affranchit, en le gardant comme serviteur libre{{Sfn|Winckler|2009|p=6}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=407}}. Il lui donne un nouveau nom, Adam{{Sfn|Zehnle|2020|p=490}}. À la mort d'Overweg en {{date|octobre 1852}}, [[Heinrich Barth]] garde à son service Dorugu et un autre serviteur d'Overweg, nommé Abbega. Heinrich Barth souhaite apprendre grâce à eux la [[Haoussa|langue haoussa]]. Ils voyagent avec lui pendant trois ans en Afrique avant de l'accompagner en Europe en 1855{{Sfn|Winckler|2009|p=6}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=407}}{{Sfn|Marx|2021|p=131}}. La liberté dont jouit Dorugu semble être toute relative : jeune garçon sans réseau familial {{incise|il échoue à entrer en contact avec son père}}, il n'a guère d'autre choix que de rester au service de Barth, qu'il appelle son maître. Il échoue à entrer en contact avec son père{{Sfn|Kennedy|2013|p=172}}.
[[Fichier:Heinrich Barth's route through Africa, 1850 to 1855.jpg|vignette|redresse|gauche|Trajet de l'exploration de Barth{{Sfn|Barth|1859|p=10}}.|alt=Carte de l'Afrique en anglais sur fond orange, avec un itinéraire tracé en rouge dans sa moitié nord.]]
 
Au service de Barth, Dorugu parcourt donc le [[Royaume du Kanem-Bornou|Kanem-Bornou]], longe le [[lac Tchad]], va à [[Tombouctou]], et traverse le [[Sahara]]. Barth, Abbega et Dorugu naviguent ensuite puissur la [[mer Méditerranée]] de [[Tripoli (Libye)|Tripoli]] à [[MalteMarseille]] eten àpassant par [[MarseilleMalte]],. avantIls traversent la France en train en passant par Paris et d'arriverarrivent à [[Londres]]{{Sfn|Winckler|2009|p=6}}{{,}}{{Sfn|Marx|2021|p=183}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=405-406}} en septembre 1855, en passant par Paris{{Sfn|Winckler|2009|p=8}}{{,}}{{Sfn|Marx|2021|p=183}}. À Tripoli, Heinrich Barth luileur achète des vêtements ottomans, que Dorugu décrit dans son autobiographie et pour lesquels il exprime sa gratitude envers Barth{{Sfn|Winckler|2009|p=7}}. SaDorugu est impressionné par sa première expérience de la mer, des bateaux et des trains l'impressionne{{Sfn|Winckler|2009|p=8}}.
 
=== JeuneVoyageur Africainafricain en Europe ===
Dans son autobiographie, Dorugu décrit la société dans laquelle il évolue en [[Angleterre]], s'étonnant notamment de la longueur des dîners et des manières de table de la classe moyenne ou supérieure. Jeune: Africain en Europe, il observe et apprend les coutumes européennes en jouant différents rôles pour répondre aux attentes de ses hôtes{{Sfn|Winckler|2009|p=9-10}}.
 
{{Citation bloc|An English dinner is pleasant. Perk up your ears and hear about the pleasantness of an English dinner. They have a large table, five feet long, four feet wide, and three feet high. The first thing they do is to set the table just right. They spread a white linen cloth on it and put knives, forks, spoons, and napkins close together all around the table. They have chairs at every place where they put the knives. A man sits at the end of the table and a woman sits at the head. The wife is seated first. Then the master of the house, on sitting down, says to the boys and girls, “Be seated.” He has a larger platter in front of him, if it is meat; but if it is something soft, it is placed in front of his wife. Men in London don’t like to see their wives hurt in any way. If one of their women hits her hand on the table, her husband will say, “Oh, my dear, what is the matter?” When you see them doing this you can’t keep from laughing, but if you laugh they say, “How rude you are!” Up to now, I’ve still not forgotten how they eat their food. They use dishes, some of which are silver, and some little things, gold. ... When they start to eat, you don’t know when there will be an end to it{{Sfn|Newman|1971|p=91-92}}{{,}}{{Sfn|Winckler|2009|p=9}}{{,}}{{Note|texte=Traduction : Tendez l'oreille et découvrez l'agrément d'un dîner anglais. Ils ont une grande table, de cinq pieds de long, quatre pieds de large et trois pieds de haut. La première chose qu'ils font est de mettre la table en ordre. Ils étendent une nappe de lin blanche sur la table et placent les couteaux, les fourchettes, les cuillères et les serviettes à proximité les uns des autres tout autour de la table. Ils placent des chaises à chaque endroit où ils mettent les couteaux. Un homme s'assoit au bout de la table et une femme s'assoit à la tête de la table. La femme est assise en premier. Le maître de maison, en s'asseyant, dit aux garçons et aux filles : "Asseyez-vous". S'il s'agit de viande, il a devant lui un plus grand plat, mais s'il s'agit de quelque chose de doux, il le place devant sa femme. Les hommes de Londres n'aiment pas voir leurs femmes blessées de quelque manière que ce soit. Si l'une d'entre elles se cogne la main sur la table, son mari dira : "Oh, ma chère, qu'est-ce qui se passe ?". Quand on les voit faire cela, on ne peut s'empêcher de rire, mais si on rit, ils disent : "Comme tu es grossier !" Jusqu'à présent, je n'ai pas oublié comment ils mangent leur nourriture. Ils utilisent des plats dont certains sont en argent et d'autres en or. ... Quand ils commencent à manger, on ne sait pas quand cela finira.|group=alpha}}.}}
Sa position est ambivalente. En {{date-|octobre 1855}}, il accompagne Heinrich Barth dans la famille de ce dernier à [[Hambourg]], où, sans être un domestique, il est traité comme une sorte de serviteur{{Sfn|Winckler|2009|p=10-11}}. La relation de Dorugu et d'Heinrich Barth n'est pas sur un pied d'égalité. Ils voyagent ensuite dans différentes villes d'[[Confédération germanique|Allemagne]]. Barth présente Dorugu aux élites sociales, notamment le roi de Prusse et futur empereur [[Guillaume Ier (empereur allemand)|Guillaume {{Ier}}]]{{Sfn|Winckler|2009|p=12}}.
 
Jeune Africain en Europe, il observe et apprend les coutumes européennes en jouant différents rôles pour répondre aux attentes de ses hôtes{{Sfn|Winckler|2009|p=9-10}}. Sa position est ambivalente. En {{date-|octobre 1855}}, il accompagne Heinrich Barth dans la famille de ce dernier à [[Hambourg]], où, sans être un domestique, il est traité comme une sorte de serviteur{{Sfn|Winckler|2009|p=10-11}}. La relation de Dorugu et d'Heinrich Barth n'est pas sur un pied d'égalité. Ils voyagent ensuite dans différentes villes d'[[Confédération germanique|Allemagne]]. Barth présente Dorugu aux élites sociales, notamment le [[Liste des monarques de Prusse|roi de Prusse]] et futur [[Empereur allemand|empereur]] [[Guillaume Ier (empereur allemand)|Guillaume {{Ier}}]]{{Sfn|Winckler|2009|p=12}}.
À Berlin, Barth fait dessiner un double portrait de Abbega et de Dorugu, en costume qui se veut ethnique, conforme à l'idée qu'on se fait de l'identité africaine{{Sfn|Winckler|2009|p=13-14}}. La légende de ce dessin utilise leurs noms africains, A’bbega et Dyrregu{{Sfn|Winckler|2009|p=20}}. Un portrait photographique, d'une rare intensité, réalisé à Berlin en 1856 par le jeune photographe et peintre [[Silésie|silésien]] Wilhelm Fechner est censé représenter Dorugu, habillé en [[costume trois pièces]], plus comme un jeune homme qu'un garçon{{Sfn|Winckler|2009|p=3-5}}. Cependant, le jeune âge du modèle peut faire douter qu'il s'agisse de Dorugu{{Sfn|Winckler|2009|p=25}}. Abbega et de Dorugu sont parfois l'objet d'une curiosité malsaine, dévisagés ou suivis par des groupes d'enfants qu'ils doivent faire fuir{{Sfn|Winckler|2009|p=14-15}}{{,}}{{Sfn|Kramer|2011|p=45}}.
 
À Berlin, Barth fait dessiner un double portrait de d'Abbega et de Dorugu, en costume qui se veut ethnique, conforme à l'idée qu'on se fait de l'identité africaine{{Sfn|Winckler|2009|p=13-14}}. La légende de ce dessin utilise leurs noms africains, A’bbega et Dyrregu{{Sfn|Winckler|2009|p=20}}. Un portrait photographique, d'une rare intensité, réalisé à Berlin en 1856 par le jeune photographe et peintre [[Silésie|silésien]] Wilhelm Fechner est censé représenter Dorugu, habillé en [[costume trois pièces]], plus comme un jeune homme qu'un garçon{{Sfn|Winckler|2009|p=3-5}}. Cependant, le jeunespécialiste âgede dula modèlelangue peuthaoussa fairePaul douterNewman qu'ila s'agisseexprimé dedes Dorugudoutes sur cette identification, à cause du jeune âge du modèle{{Sfn|Winckler|2009|p=25}}. Abbega et de Dorugu sont parfois l'objet d'une curiosité malsaine, dévisagés ou suivis par des groupes d'enfants qu'ils doivent faire fuir{{Sfn|Winckler|2009|p=14-15}}{{,}}{{Sfn|Kramer|2011|p=45}}.
Une fois que Barth, Abbega et Dorugu sont installés à Londres, Barth est accusé par l'[[Anti-Slavery Society]] d'avoir amené avec lui Abbega et Dorugu comme esclaves et de s'être livré à la [[Traites négrières|traite]] en Afrique. Ces accusations, même réfutées, blessent Barth<ref>{{Chapitre|langue=de|prénom1=Sabine|nom1=Voßkamp|titre chapitre=„Entdecker“ im Spannungsfeld (inter-) nationaler Wissenschaftsbeziehungen und Identitäten im 19. Jahrhundert – Das Beispiel Heinrich Barth|auteurs ouvrage=Michaela Bachem-Rehm, Claudia Hiepel, Henning Türk (Hrsg.)|titre ouvrage=Teilungen überwinden|sous-titre ouvrage=Europäische und Internationale Geschichte im 19. und 20. Jahrhundert Festschrift für Wilfried Loth|lieu=Munich|éditeur=OldenbourgVerlag|année=2014|pages totales=715|passage=411–422|isbn=978-3-486-85506-7|doi=10.1524/9783486855067.411|lire en ligne=https://www.degruyter.com/document/doi/10.1524/9783486855067.411/html}}.</ref>. En 1856, Abbega et Dorugu demandent à Heinrich Barth de les faire rentrer en Afrique parce qu'ils ont le mal du pays, mais ils décident au dernier moment de rester en Angleterre, auprès de [[James Schön]], ancien explorateur et missionnaire en Afrique revenu en Europe en 1847 et linguiste passionné par la langue haoussa. Ce dernier veut exploiter les compétences linguistiques de Dorugu, contre la volonté d'Heinrich Barth, qui se fâche avec Schön{{Sfn|Winckler|2009|p=15-16}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=407}}.
 
UneEn fois{{date-|novembre que1855}}, Barth, Abbegas'installe età DoruguLondres sontavec installésAbbega àet Londres,Dorugu{{Sfn|Marx|2021|p=196}}. Barth est accusé par l'[[Anti-Slavery Society]] d'avoir amené avec lui Abbega et Dorugu comme esclaves et de s'être livré à la [[Traites négrières|traite]] en Afrique. Ces accusations, même réfutées, blessentle Barthblessent<ref>{{Chapitre|langue=de|prénom1=Sabine|nom1=Voßkamp|titre chapitre=„Entdecker“ im Spannungsfeld (inter-) nationaler Wissenschaftsbeziehungen und Identitäten im 19. Jahrhundert – Das Beispiel Heinrich Barth|auteurs ouvrage=Michaela Bachem-Rehm, Claudia Hiepel, Henning Türk (Hrsg.)|titre ouvrage=Teilungen überwinden|sous-titre ouvrage=Europäische und Internationale Geschichte im 19. und 20. Jahrhundert Festschrift für Wilfried Loth|lieu=Munich|éditeur=OldenbourgVerlag|année=2014|pages totales=715|passage=411–422|isbn=978-3-486-85506-7|doi=10.1524/9783486855067.411|lire en ligne=https://www.degruyter.com/document/doi/10.1524/9783486855067.411/html}}.</ref>. En 1856, Abbega et Dorugu demandent à Heinrich Barth de les faire rentrer en Afrique parce qu'ils ont le [[mal du pays]], mais ils décident au dernier moment de rester en Angleterre, auprès de [[James Frederick Schön]], ancien explorateur et missionnaire en Afrique revenu en Europe en 1847 et linguiste passionné par la langue haoussa. Ce dernier veut exploiter les compétences linguistiques de Dorugu, contre la volonté d'Heinrich Barth, qui se fâche avec Schön{{Sfn|Winckler|2009|p=15-16}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=407}}.
<gallery caption="Trois représentations d'Abbega et Dorugu">
 
<gallery caption="TroisQuatre représentations d'Abbega et Dorugu">
Fichier:Travels and discoveries in North and Central Africa. From the journal of an expedition undertaken under the auspices of H.B.M.'s government, in the years 1849-1855 (1859) (14594469038).jpg|alt=Dessin noir et blanc représentant deux hommes africains habillés de larges vêtements blancs, l'un assis et l'autre debout légèrement derrière, la main posée sur l'épaule du premier.|A’bbega. Dyrregu (1857–1858){{Sfn|Barth|1859|p=321}}.
Fichier:Portrait de Abbega et de Dorugu.jpg|alt=Dessin noir et blanc représentant deux hommes africains habillés d'une chemise et d'une jupe et coiffés d'un fez, l'un assis et l'autre debout le coude posé l'épaule du premier.|Abbega et Dorugu en vêtements ottomans vers 1855<ref>{{Ouvrage|langue=de|auteur=Gustav von Schubert|titre=Heinrich Barth, der Bahnbrecher des deutschen Afrikaforschung|sous-titre=Ein Lebens- und Charakterbild auf Grund ungedruckter Quellen entworfen|lieu=Berlin|année=1897|éditeur=Dietrich Reimer|pages totales=284|passage=113|lire en ligne=https://archive.org/details/heinrichbarthder00schu/page/112/mode/2up}}</ref>.
Fichier:Frederick Buxton Abbega and James Henry Dorugu.jpg|alt=Dessin noir et blanc représentant deux hommes africains habillés de costumes bourgeois européens, l'un assis à côté d'une table et écrivant sur un livre et l'autre debout derrière tenant un livre.|Frederick Buxton Abbega and James Henry Dorugu. Dessin publié en 1868<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur=Thomas Frederick Ball|titre=Anecdotes of aborigines or Illustrations of the coloured races being men and brethren|lieu=Londres|éditeur=Partridge & Co|année=1868|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=SQoDAAAAQAAJ&pg=PA89&hl=fr&source=gbs_selected_pages&cad=1#v=onepage&q&f=false}}.</ref>.
Fichier:Abbega et Dorugu dans une nécrologie de Heinrich Barth.jpg|alt=Paragraphe de texte imprimé en noir sur fond blanc sur une colonne.|« Abbéga et Dorugu, deux nègres lettrés ». Nécrologie de Heinrich Barth dans le journal français ''[[La Presse (France)|La Presse]]'', {{date|14 décembre 1865}}<ref>{{Article|titre=Nouvelles du jour|périodique=[[La Presse (France)|La Presse]]|date=14 décembre 1865|passage=2|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5117271/f2.item}}.</ref>.
</gallery>
 
Dorugu reste huit ans en Europe, apprenantoù il apprend l'anglais ainsi qu'à lire et à écrire{{Sfn|Lefebvre|2023|p=407408}}. En 1857, Abbega et Dorugu, qui étaient musulmans, sont baptisés{{Sfn|Winckler|2009|p=16}}{{,}}{{Sfn|Marx|2021|p=192}} : Abbega reçoit les nom et prénom du militant antiesclavagiste chez qui il vit, Frederick Buxton, et devient donc Frederick Buxton Abbega{{Sfn|Winckler|2009|p=16}}. Dorugu voit son nom d'origine, Dyrregu, modifié en Dorugu et il reçoit les versions anglaises des prénoms de Schön et de Barth et devient donc James Henry Dorugu{{Sfn|Aliyu|2000|p=110}}{{,}}{{Sfn|Winckler|2009|p=16}}. La même année, Abbega repart en Afrique avec un groupe de missionnaires. Il devient chef du village de [[Lokoja]] (au Nigeria actuel){{Sfn|Winckler|2009|p=21}}.
 
En 1868, Thomas Frederick Ball publie dans ses ''Anecdotes of aborigines'' un dessin représentant Abbega et Dorugu en costume européen. Dans la posture des deux personnages, on voit que ce dessin est manifestement inspiré par les précédents les représentant en costumes ottomans et africains. Mais contrairement à ceux-ci, ce sont leurleurs noms européens qui sont indiqués et ils sont représentés comme de jeunes étudiants en train d'écrire{{Sfn|Winckler|2009|p=20-21}}.
 
=== Autobiographie et récitslittérature haoussashaoussa ===
Grâce à la collaboration entre Dorugu et James Frederick Schön qui dure sept ans et pour laquelle Dorugu n'est pas rémunéré{{Sfn|Winckler|2009|p=16}}, Schön publie quatre ouvrages : une traduction de la Bible, une grammaire, un dictionnaire et un recueil de récits, qui contient l'autobiographie de Dorugu, dictée par ce dernier à Schön{{Sfn|Lefebvre|2023|p=407}}.
 
L'autobiographie de Dorugu comporte une centaine de pages{{Sfn|Lefebvre|2023|p=408}}. Elle est publiée en 1885 par James Frederick Schön sous le titre de ''Magana Hausa'' (récits haoussa), dans un volume qui comprend également cinquante-deux récits haoussa dictéesdictés par Dorugu, qui impressionne Schön par toutes les histoires qu'il connaît, alors qu'il est très jeune. C'est ce que James Schön écrit dans la préface de la ''Grammar of the Hausa Language'' qu'il publie en 1862 :
 
{{citation bloc|Dorugu is a real Hausa, speaks the language fluently and beautifully. Never was there an African coming to this country that was of greater use; full of information for his age, probably not more than 16 or 17 years old, energetic and lively in his habits, always ready to speak. He
began relating stories to me, or rather dictating them, giving me a description of his own life and travels in Africa in his own language, very often dictating to me for hours together and even till late in the night; so that I had soon a Hausa literature of several hundred pages before me{{Sfn|Schön|1862|p=VIII-IX}}{{,}}{{Sfn|Aliyu|2000|p=111}}{{,}}{{Sfn|Winckler|2009|p=16}}{{,}}{{Note|texte=Traduction : Dorugu est un vrai Haoussa, il parle la langue couramment et admirablement. Jamais un Africain arrivant dans ce pays n'a été plus utile ; plein d'informations pour son âge, probablement pas plus de 16 ou 17 ans, énergique et vif dans ses habitudes, toujours prêt à parler. Il commença à me raconter des histoires, ou plutôt à me les dicter, me donnant une description de sa propre vie et de ses voyages en Afrique dans sa propre langue, me dictant très souvent pendant des heures et même jusque tard dans la nuit ; si bien que j'eus bientôt devant moi une littérature haoussa de plusieurs centaines de pages.|group=alpha}}.}}
 
Ce recueil de récits constitue une des plus anciennes traces de la culture orale haoussa{{Sfn|Lefebvre|2023|p=408}}, qui nous est parvenue grâce au croisement de la curiosité géographique et de la curiosité linguistique{{Sfn|Lefebvre|2023|p=406}}. C'est le premier texte haoussa imprimé et le premier qui aitrende pourcompte ambitiondes pratiques de créer une littérature indigèneorale auen Nigerialangue haoussa. La langue haoussade employéeDorugu dansest cesmarquée textespar estles enformes faitdialectales unede variantela dialectale,ville avecde desZinder appelées archaïsmesDamagaranci{{Sfn|Aliyu|2000|p=108}}. Malgré l'intérêt de James Frederick Schön pour la culturelangue haoussa, le texte qu'il rédige pour introduire le récit de Dorugu montre ses préjugés coloniaux et eurocentrés{{Sfn|Winckler|2009|p=18}}. PourDorugu Schönse commeplaint pourparfois Barth,de Dorugu est dl'abordinsatiable un objetcuriosité de curiositéSchön historiquepour etses culturellerécits, qui gardedans un statutpassage dequi serviteurmontre nonaussi rémunéré.une Ilsrelation s'intéressentinégale plus au savoir de Dorugu qu'à son humanité ou à son africanité{{Sfn|Aliyu|2000|p=109}} etentre les connaissancesdeux dehommes Dorugu: sont une aubaine pour Schön{{Sfn|Aliyu|2000|p=111}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=407}}.
 
{{citation bloc|Now I have told you many stories. Do you like them, you lover of the Hausa language? Have you discovered any new words? If you find a new word, you jump for joy... I am tired of talking; I am going to sleep. If I talked the whole night, you would keep on writing throughout the night ... sleep well. I cannot add another word right now{{Sfn|Newman|1971|p=93}}{{,}}{{Sfn|Aliyu|2000|p=111}}{{,}}{{Sfn|Winckler|2009|p=19}}{{,}}{{Note|texte=Traduction : Je t'ai raconté beaucoup d'histoires. Les aimes-tu, toi qui aimes la langue haoussa ? As-tu découvert de nouveaux mots ? Si tu trouves un nouveau mot, tu sautes de joie... Je suis fatigué de parler, je vais dormir. Si je parlais toute la nuit, tu continuerais à écrire toute la nuit... Dors bien. Je ne peux pas ajouter un autre mot pour l'instant|group=alpha}}.}}
 
Pour Schön comme pour Barth, Dorugu est d'abord un objet de curiosité linguistique et culturelle qui garde un statut de serviteur ou de collaborateur non rémunéré. Ils s'intéressent plus au savoir de Dorugu qu'à son individualité ou à son africanité{{Sfn|Aliyu|2000|p=109}} et les connaissances de Dorugu sont une aubaine pour Schön{{Sfn|Aliyu|2000|p=111}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=407}}.
 
[[Fichier:Première page de l'autobiographie de Dorugu.jpg|alt=Page avec un titre en anglais et un texte en haoussa imprimé en caractères latins.|vignette|redresse|Première page de l'autobiographie de Dorugu, en [[haoussa]]{{Sfn|Dorugu|1885|p=1}}.]]
 
C'est essentiellement à travers son autobiographie que la vie de Dorugu nous est connue. Alternant les descriptions et les impressions personnelles, il y raconte son asservissement{{Sfn|Winckler|2009|p=5}} puis les voyages qu'il a accomplis avec Barth, offrant ainsi un contrepoint du récit de l'explorateur, et enfin son séjour en Europe{{Sfn|Lefebvre|2023|p=408}}{{,}}{{Sfn|Kramer|2011|p=46}}{{,}}{{Sfn|Marx|2021|p=154}}. Apparaissant comme un serviteur qui accomplit les tâches qu'on lui donne{{Sfn|Kramer|2011|p=46}}, il ne fait pas de commentaire sur les événements de sa vie qu'il raconte et ne cherche pas à se mettre en scène, même s'il note ses surprises devant la neige en Allemagne ou la petitessetaille fine des Anglaises{{Sfn|Kramer|2011|p=45}}.
 
La comparaison avec le texte de Barth montre la précision factuelle des souvenirs de Dorugu{{Sfn|Winckler|2009|p=18}}, mais il existe une différence entre les deux récits : tandis que Barth ne mentionne Dorugu et Abbega qu'à deux reprises, le récit de Dorugu est majoritairement centré sur Barth et Abbega{{Sfn|Winckler|2009|p=17}}. Les descriptions de Dorugu de son propre pays sont largement négatives, évoquant surtout la guerre, la violence et l'esclavage, tandis que ce qu'il rapporte de l'Europe est beaucoup plus positif{{Sfn|Aliyu|2000|p=110}} et ne comporte pas de regard critique. Ainsi, il semble clair que ce sont les valeurs de Schön, persuadé de la supériorité des Européens, qui transparaissent ici et qu'il se pense comme un éducateur de Dorugu, dont il sauve l'âme par le baptême. Il est impossible de dissocier la forme que Schön donne au récit de la narration elle-même {{Sfn|Winckler|2009|p=20}}.
 
En 1971, le récit de Dorugu est remis en lumière grâce à la traduction anglaise annotée qu'en publie Paul Newman, spécialiste de la langue haoussa, dans ''West African travels and adventures: two autobiographical narratives from Northern Nigeria'', qui contient également une autobiographie de Mai-Mana, petit-fils d'Abbega. Paul Newman insiste sur les apports sociologiques et historiques, au-delà de l'aspect linguistique, du témoignage de Dorugu{{Sfn|Aliyu|2000|p=109}}{{,}}{{Sfn|Winckler|2009|p=17}}. Cet ouvrage est l'objet de nombreux comptes rendus, qui soulignent l'intérêt de cette publication, qui permet de disposer d'un point de vue africain à la fois sur les pratiques d'exploration scientifique et sur le Sahel de cette période<ref>{{Article|langue=en|prénom1=David E.|nom1=Allyn|titre=West African Travels and Adventures; The Occupation of Hausaland, 1900-4|périodique=African Affairs|volume=71|numéro=283|pages=208–209|date=1972|issn=0001-9909|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/720886|consulté le=2024-05-13}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Richard W.|nom1=Hull|titre=West African Travels and Adventures: Two Autobiographical Narratives from Northern Nigeria|périodique=The International Journal of African Historical Studies|volume=5|numéro=2|pages=328–331|date=1972|issn=0361-7882|doi=10.2307/217549|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/217549|consulté le=2024-05-13}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Perry E.|nom1=LeRoy|titre=West African Travels and Adventures. Two Autobiographical Narratives from Northern Nigeria|périodique=The Historian|volume=34|numéro=3|pages=517–518|date=1972|issn=0018-2370|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/24442931|consulté le=2024-05-13}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=M. Kay|nom1=Martin|titre=West African Travels and Adventures: Two Autobiographical Narratives from Northern Nigeria|périodique=American Anthropologist|volume=74|numéro=6|pages=1403–1404|date=1972|issn=0002-7294|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/672679|consulté le=2024-05-13}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Michael|nom1=Mason|titre=West African Travels and Adventures: Two Autobiographical Narratives from Northern Nigeria|périodique=Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines|volume=7|numéro=1|pages=151–152|date=1973|issn=0008-3968|doi=10.2307/483756|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/483756|consulté le=2024-05-13}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Murray|nom1=Last|titre=West African Travels and Adventures: two Autobiographical Narratives from Northern Nigeria. Trsl. by A. H. Kirk-Greene and Paul Newman. New Haven and London: Yale University Press, 1971. Pp. vi + 255, bibl., ill. §10.00. £4·75.|périodique=Africa|volume=43|numéro=4|pages=365–365|date=1973-10|issn=1750-0184|issn2=0001-9720|doi=10.2307/1159276|lire en ligne=https://www.cambridge.org/core/journals/africa/article/abs/west-african-travels-and-adventures-two-autobiographical-narratives-from-northern-nigeria-trsl-by-a-h-kirkgreene-and-paul-newman-new-haven-and-london-yale-university-press-1971-pp-vi-255-bibl-ill-1000-475/5841DBCE0D4ACA5F9B9FE9F17DEEB1EF|consulté le=2024-05-13}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Neil|nom1=Skinner|titre=West African Travels and Adventures|périodique=Research in African Literatures|volume=4|numéro=1|pages=124–127|date=1973|issn=0034-5210|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/3818628|consulté le=2024-05-13}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|auteur1=[[Yves Person]]|titre=West African Travels and Adventures. Two Autobiographical Narratives from Nigeria. Transl. and annot. by Anthony Kirk-Greene and Paul Newman|périodique=[[Outre-mers|Outre-Mers. Revue d'histoire]]|volume=61|numéro=222|pages=160–161|date=1974|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1974_num_61_222_1747_t1_0160_0000_2|consulté le=2024-05-13}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=William F.|nom1=Lye|titre=West African Travels and Adventures: Two Autobiographical Narratives from North Nigeria|périodique=Africa Today|volume=21|numéro=1|pages=97–97|date=1974|issn=0001-9887|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/4185382|consulté le=2024-05-13}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=de|prénom1=W.|nom1=Hirschberg|titre=West African travels and adventures. Two autobiographical narratives from Northern Nigeria|périodique=Anthropologischer Anzeiger|volume=35|numéro=1|pages=87–88|date=1975|issn=0003-5548|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/29538794|consulté le=2024-05-13}}.</ref>.
 
=== Retour en Afrique ===
Dorugu revient en Afrique en 1864 et rejoint Abbega à Lokoja. Il s'installe ensuite dans la région de [[Kano (Nigeria)|Kano]] (au Nigeria actuel), puis de [[Nassarawa]] où il travaille comme interprète en haoussa pour des missionnaires, explorateurs et administrateurs coloniaux{{Sfn|Winckler|2009|p=22}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=408}}. En 1865, en tant qu'interprète employé par les autorités, il accompagne l'explorateur allemand [[Friedrich Gerhard Rohlfs|Gerhard Rohlfs]], qui le décrit comme compétent parce qu'éduqué par James Frederick Schön{{Sfn|Rohlfs|1874|p=236}}{{,}}{{Sfn|Winckler|2009|p=27}}. Par prudence, il prend parfois la liberté de ne pas traduire tous les propos de Rohlfs quand ce dernier fait des reproches à un souverain africain : {{Citation|Durugu hatte aus Furcht vor dem Zorne des Despoten demselben weder meine vorwurfsvolle Rede noch die Anzeige von meiner nahen Abreise verdolmetscht{{Sfn|Rohlfs|1874|p=246}}{{,}}{{Note|texte=Traduction : Dorugu, craignant la colère du despote, ne lui avait pas traduit mon discours de reproche, ni l'annonce de mon départ imminent.|group=alpha}}.}}
 
À la fin de sa vie, il vit à [[Nasarawa (Kano)|Nassarawa]] où il enseigne l'alphabétisation occidentale à l'école{{Sfn|Winckler|2009|p=22}} et reçoit une petite pension des autorités. Isabelle Vischer, qui le rencontre, le décrit dans son ouvrage ''Croquis et souvenirs de la Nigérie du Nord'' comme très maigre et portant en permanence des lunettes, mais sur le front et pas sur le nez{{Sfn|Vischer|19121915|p=43}}, comme s'il n'en avait pas réellement besoin. Pour Julia Wincker, c'est une manière d'afficher son statut d'érudit{{Sfn|Winckler|2009|p=23}}. La femme de Dorugu s'occupe de lui jusqu'à sa mort{{Sfn|Vischer|19121915|p=44}}, qui survient le {{date de décès|29 novembre 1912}}, comme Isabelle Vischer le note :{{citation bloc|29 novembre 1912. Le vieux « Dorogu » est mort à Nassarawa ce matin. C'est une personnalité originale qui disparaît, et dont le passé n'a pas été banal. Il est heureux que le vieillard ait pu mourir à présent, car on venait de découvrir sur lui une des formes de la lèpre, qui l'eût condamné à l'isolement ; le pauvre vieux en aurait eu grand chagrin. Très âgé, il s'est éteint tout doucement. Il sera enterré au cimetière chrétien de Nassarawa{{Sfn|Vischer|19121915|p=42}}.}}
 
À sa mort, sa famille découvre qu'il a constitué une collection secrète d'objets européens : lunettes, boîtes de biscuits, vêtements brodés au nom des explorateurs européens pour qui il a travaillé et pièces d'or et d'argent{{Sfn|Vischer|19121915|p=44}}{{,}}{{Sfn|Lefebvre|2023|p=408}}.
 
Comme d'autres Africains, Dorugu réussit à mettre à profit les connaissances linguistiques, culturelles et institutionnelles qu'il a acquises dans sa jeunesse enpour opportunités ds'élévationélever socialesocialement dans le cadre de l'[[Empire britannique|empire colonial britannique]]{{Sfn|Kennedy|2013|p=174}}. Au cours de sa vie, il est défini et renommé plusieurs fois par d'autres que lui qui lui font subir différents changements majeurs. Néanmoins, à travers le récit qu'il livre de sa vie, il est lui-même actif dans ces mutations. Il s'y adapte remarquablement, sans toutefois être réellement considéré et traité comme un égal par les Européens qu'il rencontre. Il est un médiateur entre deux cultures et vit à la marge de deux mondes, africain et européen{{Sfn|Winckler|2009|p=24}}.
 
== Notes et références ==
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*[[Adolf Overweg]]
*[[Heinrich Barth]]
*[[James Frederick Schön]]
*[[Thomas Cole John]]
 
=== Bibliographie ===
==== Autobiographie de Dorugu ====
* En haoussa : {{Chapitre|langue=haoussa|auteur1=Dorugu|titre chapitre=The Life and Travels of Dorugu, as Dictated by Himself|auteur ouvrage=James Frederick Schön|titre ouvrage=Magána Hausa : Native Literature, or Proverbs, Tales, Fables and Historical Fragments in the Hausa Language, to Which Is Added a Translation in English|lieu=Londres|éditeur=Society for Promoting Christian Knowledge|année=1885|numéro d'édition=2|réimpression=1906|pages totales=256|passage=1-82|lire en ligne=https://archive.org/details/maganahausahausa00schrich/page/n5/mode/2up?view=theater}}.
* Traduction en anglais : {{Chapitre|langue=en|auteur =Paul Newman|titre chapitre=The Life and Travels of Dorugu|auteurs ouvrage=A. H. M. Kirk-Greene et Paul Newman (ed.)|titre ouvrage=West African travels and adventures: two autobiographical narratives from Northern Nigeria|passage=27-130|lieu=New Haven-Londres|éditeur=Yale University Press|date=1971|pages totales=276|isbn=978-0-300-01426-6|lire en ligne=https://archive.org/details/westafricantrave0000kirk/page/26/mode/2up}}.
 
==== Autres sources contemporaines de Dorugu ====
*{{Ouvrage|langue=en|prénom=Heinrich|nom=Barth|lien auteur=Heinrich Barth|titre=Travels and discoveries in North and Central Africa. From the journal of an expedition undertaken under the auspices of H.B.M.'s government, in the years 1849-1855|lieu=Philadelphie|éditeur=J. W. Bradley|année=1859|pages totales=558|lire en ligne=https://archive.org/details/travelsdiscoveri02bart/page/10/mode/1up?view=theater}}.
*{{Ouvrage|langue=en|prénom=James Frederick|nom=Schön|lien auteur=James Frederick Schön|titre=Grammar of the Hausa Language|lieu=Londres|éditeur=Church Missionary House|année=1862|pages totales=270|lire en ligne=https://archive.org/details/grammarofhausal00sch/page/n5/mode/2up}}.
*{{Ouvrage|langue=en|auteur=Thomas Frederick Ball|titre=Anecdotes of aborigines or Illustrations of the coloured races being men and brethren|lieu=Londres|éditeur=Partridge & Co|année=1868|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=SQoDAAAAQAAJ&pg=PA89&hl=fr&source=gbs_selected_pages&cad=1#v=onepage&q&f=false}}.
*{{Ouvrage|langue=de|prénom=Gerhard|nom=Rohlfs|lien auteur=Friedrich Gerhard Rohlfs|titre=Quer durch Afrika : Reise vom Mittelmeer nach dem Tschad-See und zum Golf von Guinea|lieu=Leipzig|éditeur=Brockhaus|année=1874|pages totales=692|lire en ligne=https://archive.org/details/querdurchafrika00rohlgoog/page/236/mode/2up}}.
Ligne 105 ⟶ 118 :
*{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Camille|nom1=Lefebvre|titre=Frontières de sable, frontières de papier|sous-titre=Histoire de territoires et de frontières, du jihad de Sokoto à la colonisation française du Niger, {{Sp-|XIX|-|XX}}|lieu=Paris|éditeur=Publications de la Sorbonne|collection=Bibliothèque historique des pays d'islam|numéro dans la collection=6|date=2015|isbn=978-2-85944-883-7|isbn2=979-10-351-0106-0|doi=10.4000/books.psorbonne.36501|lire en ligne=https://books.openedition.org/psorbonne/36501}}.
*{{Chapitre|auteur=Camille Lefebvre|titre=1856 Dorugu, un voyageur haoussa en Europe|auteur ouvrage=[[Romain Bertrand]] (dir.)|titre ouvrage=L'exploration du monde|sous-titre ouvrage=Une autre histoire des Grandes Découvertes|lieu=Paris|éditeur=Éditions du Seuil|collection=Points|numéro dans la collection=H617|date=2023|numéro d'édition=2|année première édition=2019|pages totales=536|passage=405-409|isbn=978-2-7578-9776-8|lire en ligne=https://www.cairn.info/l-exploration-du-monde--9782021406252-page-389.htm}}.
*{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Christoph|nom1=Marx|titre=Von Berlin nach Timbuktu|sous-titre=Der Afrikaforscher Heinrich Barth. Biographie|lieu=Göttingen|éditeur=Wallstein Verlag|année=2021|pages totales=381|isbn=978-3-8353-4725-0|doi=10.5771/9783835347250|lire en ligne=https://www.nomos-elibrary.de/index.php?doi=10.5771/9783835347250|accès url=limité}}.
*{{Article|langue=en|auteur1=Mohammed Bashir Salau|titre=The Sahara and North Africa in the Nineteenth Century|sous-titre=The Views of Dorugu Kwage Adamu and Nicholas Said|périodique=African Economic History|volume=49|numéro=1|pages=154-172|date=2021|lire en ligne=https://aeh.uwpress.org/content/49/1/154|accès url=limité}}.
*{{Article|langue=en-US|prénom=Julia|nom=Winckler|titre=Regards croisés: James Henry Dorugu's Nineteenth-Century European Travel Account|périodique=Journeys|volume=10|numéro=2|pages=1–30|date=2009-12-01|issn=1465-2609|issn2=1752-2358|doi=10.3167/jys.2009.100201|lire en ligne=https://www.berghahnjournals.com/view/journals/journeys/10/2/jy100201.xml|consulté le=2024-05-13}}.
*{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Stephanie|nom1=Zehnle|titre=A Geography of Jihad|sous-titre=Sokoto Jihadism and the Islamic Frontier in West Africa|lieu=Berlin - Boston|éditeur=De Gruyter|collection=Studien des Leibniz-Zentrum Moderner Orient|numéro dans la collection=37|année=2020|isbn=978-3-87997-727-7|pages totales=718|lire en ligne=https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9783110675276/html?lang=en|accès url=limité}}.
 
=== Liens externes ===
{{Liens}}
*{{Lien vidéo|titre=Freedom Narratives - Dorugu|url=https://www.youtube.com/watch?v=8rObbKU7WTM|langue=en|people=Produced by Tristan Tetteroo|date=6 novembre 2021|medium=Vidéo|éditeur=Strandlines|consulté le=22 mai 2024}}.
{{Portail|Niger|Nigeria|Esclavage|Exploration|Langues}}
 
{{Article potentiellement bon|oldid=215611914|date=8 juin 2024}}
{{Portail|Niger|Nigeria|Esclavage|Exploration|Langues}}
 
[[Catégorie:Date de naissance incertaine (XIXe siècle)]]
[[Catégorie:Décès en novembre 1912]]
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