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=== La fin du monde hellénistique (133-30) ===
 
== Les mondes hellénistiques ==
 
=== Royaume de Macédoine ===
[[Fichier:Map Macedonia 200 BC-fr.svg|thumb|Le royaume de Macédoine sous {{noble|Philippe V de Macédoine|-}}, vers [[200 av. J.-C.]]]]
 
Au début de la période, le [[royaume de Macédoine]] d'où est originaire Alexandre le Grand est dominé par plusieurs prétendants, avant que la dynastie des [[Antigonides]] (descendants d'[[Antigone le Borgne]] qui en pratique n'a jamais régné sur la Macédoine) ne s'y imposent sous [[Démétrios Poliorcète]] et surtout son fils [[Antigone II Gonatas]] (277-239). C'est une entité territoriale relativement cohérente, un ancien État fédéral qui a connu une centralisation, organisé autour de la Macédoine où se trouvent ses capitales Aigai/Vergina, Pella et Philippes, ainsi que le grand sanctuaire de [[Dion (cité)|Dion]], situé au pied du mont Olympe. Le roi et ses proches dominent l'organisation politique, mais ils doivent composer avec une assemblée des Macédoniens qui a des compétences judiciaires, et des cités qui ont une certaine autonomie tout en se voyant dicter leur politique générale par le roi et ses agents. Une armée nationale bien encadrée et recevant une formation poussée assure la puissance du royaume. Vis-à-vis des deux autres grandes puissances hellénistiques, les Séleucides et les Lagides, les relations sont peu conflictuelles. Les rois macédoniens ont à composer avec diverses entités politiques en Grèce continentale sur lesquels ils exercent une hégémonie qui est souvent mise à mal. Ces relations génèrent des conflits à répétitions : contre une coalition menées par les cités d'[[Athènes]] et de [[Sparte]], contre ses voisins directs, l'[[Épire]], les ligues d'[[Étolie]] et d'[[Achaïe]], et les [[Illyriens]]. Ces conflits, plus aigus à partir du règne de Philippe V (221-179) qui a une politique extérieure plus ambitieuse que ses prédécesseurs, attirent finalement les Romains en Grèce continentale, qui soumettent la Macédoine après plusieurs « [[guerres macédoniennes]] » et la réduisent en provinces en 167{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=70-73}}{{,}}{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=154-191}}.
 
=== Épire et Illyrie ===
 
Plus à l'ouest, l'Épire est un autre royaume de structure fédérale et à base ethnique, dirigé par des rois (dynastie des Eacides) à l'autorité limitée par les institutions fédérales. Il connaît une période faste dans le domaine militaire au début de l'ère hellénistique, sous la direction du roi Pyrrhus (297-272), qui agrandit le territoire épirote et contrôle même un temps la Macédoine. Il entreprend des expéditions en Italie et en Sicile, où il est sollicité par des cités grecques et des peuples italiques pour faire face aux Romains, puis aux Carthaginois. Il est finalement vaincu par les Romains, puis par Antigone Gonatas, et trouve la mort à Argos en 272. Son fils Alexandre II cherche à poursuivre sur la voie tracée par son père, mais les Macédoniens puis les Étoliens lui infligent des défaites. La monarchie épirote est renversée en 232 et après cela les entités qui composent la fédération sont moins soudées que par le passé. Cela n'empêche pas la région de connaître un certain développement initié par quelques cités (Apollonia, Épidamne), qui se manifeste aussi sur sa frange nord, le territoire dominé par les Illyriens, peuple non-grec mais de plus en plus hellénisé. Dans la seconde moitié du {{-s|III}}, les rois illyriens se font plus menaçants pour leurs voisins, notamment dans l'Adriatique, ce qui suscite l'intervention des Romains en 229. Rome étend son autorité sur la région à partir de cette date. L'Illyrie est soumise dans les années qui suivent, puis l’Épire est entraînée dans les guerres macédoniennes et dévastée par les légions romaines en 167, qui détruisent 70 établissements et réduisent en esclavage {{formatnum:150000}} personnes{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=84-87}}.
 
=== Grèce des cités et des fédérations ===
 
La Grèce égéenne est par excellence la région des cités, établies dans le sud de la Grèce continentale, les îles égéennes et la frange littorale occidentale de l'Asie mineure. Ces entités politiques sont certes subordonnées aux grands royaumes contre lesquels elles ne peuvent durablement s'opposer, mais elles n'en préservent pas moins une certaine marge d'autonomie et des velléités d'indépendance qui s'expriment à plusieurs reprises. Certaines s'organisent en fédérations et acquièrent ainsi une puissance qui leur fait jouer un rôle militaire important.
 
* Athènes
* Sparte
* Thèbes
* Delphes
* Etoliens
* Corinthe
* Achéens
* Rhodes
 
Seule [[Rhodes]] parvient à conserver son indépendance et une certaine puissance militaire, illustrée par sa résistance à Démétrios Poliorcète en 303, qu'elle célèbre en érigeant son fameux [[colosse de Rhodes|colosse]], une des merveilles du monde antique. C'est néanmoins une cité atypique, issue de la fusion des cités de l'île de Rhodes, dominant plusieurs îles voisines ainsi qu'une portion de l'Asie Mineure, la [[Pérée rhodienne|Pérée]], et prospérant grâce au commerce maritime{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=188-190}}.
 
 
* Délos (Nésiotes)
* Ionie
* Crète = dico sartre
 
=== Mer Noire ===
Sur la côte nord de la [[mer Noire]] un royaume grec s'est constitué depuis le milieu du {{-s|V|e}}, le [[royaume du Bosphore]], et il prospère jusqu'en 250, avant d'entamer un déclin face aux avancées des Scythes qui avaient été tenus en respect jusqu'alors, puis il devient un état-client de Rome{{sfn|id=OCD|OCD|2012|p=244}}.
 
OCD 298
 
=== Anatolie ===
[[Fichier:Asia Minor in the Greco-Roman period - general map - regions and main settlements.jpg|thumb|Localisation des principales cités et régions de l'Anatolie hellénistique.]]
[[Fichier:Royaume de Pergame à partir de 188 av. J.-C. (Paix d'apamée).jpg|thumb|L'[[Anatolie]] après la [[paix d'Apamée]] ([[188 av. J.-C.]]).]]
 
L'Anatolie (ou Asie mineure) est le principal terrain d'affrontement entre les Diadoques. Aucun royaume majeur ne s'y forme, mais la région est âprement disputée. C'est un ensemble de pays très fragmenté, comprenant d'anciennes cités grecques sur la côte orientale, des régions côtières plus ou moins hellénisées (Carie, Lycie, Cilicie), d'autres situés au nord et à l'intérieur qui préservent plus leurs traditions (Lydie, Phrygie, Paphlagonie, Bithynie, Cappadoce, etc.). Au début du {{-s|III}} la région est partagée entre un domaine lagide situé sur les côtes, et un domaine séleucide s'étendant à l'intérieur, au sud et à l'est de la péninsule. Mais la situation conflictuelle a été une opportunité pour plusieurs potentats locaux d'origine perse ou grecque qui ont constitué leurs royaumes (Bithynie, Pergame, Cappadoce), aussi pour les Galates qui ont attaqué plusieurs régions anatoliennes avant d'être cantonnés dans le centre de la péninsule, d'où ils causent régulièrement des troubles{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=40-41}}. Cette période donne aussi lieu à de grands remaniements dans le paysage civique anatolien. De nouvelles cités sont fondées par les rois, tantôt ex-nihilo, ou refondées après déplacement depuis leur site initial (Ephèse), ou encore après regroupement de communautés rurales sur un nouveau site urbain (synoecisme), et plusieurs se voient donner un nom royal. Ce mouvement de poliadisation se diffuse vers l'intérieur des terres, où il contribue à l'hellénisation des contrées. Ces nouvelles cités sont moins autonomes vis-à-vis du pouvoir royal que les anciennes cités grecques de la côte. L'Anatolie intérieure comprend également des domaines de sanctuaires qui ont une grande importance dans certaines parties de l'intérieur (on a pu parler, sans doute excessivement, d’« États sacerdotaux », notamment pour le temple de Cybèle à Pessinonte). Avec le temps les dynasties royales anatoliennes prennent plus d'autonomie et se comportent à leur échelle comme les grands royaumes, faisant passer sous leur autorité des cités et sanctuaires{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=508-516}}.
 
[[Priène]] située en Ionie dans la vallée du Méandre est un exemple de cité grecque d'Asie mineure qui reste relativement autonome mais doit composer avec le nouvel ordre politique. La ville est refondée au milieu du {{-s|IV}} sur un nouveau site, qui est occupé jusqu'à la fin de l'époque hellénistique quand un incendie le ravage, après quoi elle est peu occupée. Elle est donc un cadre avantageux pour connaître une cité hellénistique. La ville nouvelle est située au pied d'une acropole, le mont Téloneia, et son plan est organisé autour de blocs rectangulaires de taille similaire. Elle comprend un temple dédié à Athéna et un théâtre. Les nombreuses inscriptions documentent sa vie politique. Elle bénéficie d'un financement d'Alexandre pour ériger son principal sanctuaire, avant d'être impliquée dans les rivalités entre les Diadoques, passant notamment un temps sous l'autorité séleucide. Elle subit une attaque des Galates repoussée avec difficulté. Dans l'ensemble la cité reste autonome face aux rois, et développe même une politique extérieure qui lui permet de recevoir un appui des rois de Cappadoce puis de Rome. Priène dispose d'institutions démocratiques caractéristiques de la période, de charges de prêtrises qui sont mises en vente comme cela se fait en Ionie, ses besoins courants sont financés par des contributions de ses plus riches citoyens, les liturgies. L'évergétisme des riches citoyens (et parfois de leurs femmes et filles) s'affirme dans la seconde moitié de la période hellénistique et à la fin de la période leurs familles accaparent les charges civiques majeures. Les futurs citoyens sont entraînés dans le cadre de l'éphébie, et la cité dispose d'une armée, sa garnison principale étant sur son acropole. Dans les campagnes alentours la population servile est constituée des ''Pedies'', d'origine carienne, qui se rebellent de temps en temps{{sfn|Thonemann|2018|p=93-111}}.
 
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Plan of Priene, in Griechische Stadeanlagen Wellcome M0009550.jpg|Plan de [[Priène]] ([[Ionie]], actuelle Turquie).
Temple of Athena & Acropolis, Priene.jpg|Temple d'Athéna et acropole de Priène.
Priene 2013-03-24zn.jpg|Théâtre hellénistique de Priène.
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Le royaume de Pergame, dirigé par la dynastie des Attalides, est le royaume anatolien qui a rencontré le plus de succès et obtenu la plus grande renommée. Ses premiers rois profitent des affrontements entre Séleucides et Lagides pour gagner en autonomie, et la victoire d'Attale Ier (241-197) face aux Galates lui confère un grand prestige aux yeux des Grecs, lui fournissant l'occasion de se proclamer roi. Allié de Rome, son successeur Eumène II (197-158) reçoit une partie des possessions séleucides lors de la paix d'Apamée (188) et devient le roi grec le plus puissant dans la sphère égéenne-anatolienne, dominant les cités voisines. Le royaume était organisé sur le modèle de celui des Séleucides. La capitale Pergame connaît alors de grands travaux qui en font une des principales métropoles du monde hellénistique et une école d'art et d'architecture de premier plan. Son acropole comprend plusieurs sanctuaires, le Grand Autel au riche décor qui en fait un chef-d’œuvre de l'art hellénistique, un grand théâtre bâti sur les pentes abruptes du site, aussi une grande bibliothèque qui lui donne un rayonnement intellectuel. Le royaume de Pergame s'achève en 133 à la mort d'Attale III, qui le lègue à Rome. Signe du prestige de la ville, c'est dans son théâtre que Mithridate VI se fait couronner en 88{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=328-329}}{{,}}{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=48-49}}.
 
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Modell Pergamonmuseum.jpg|Maquette de [[Pergame]]. Dans la ville haute : agora, palais, arsenal, bibliothèque, théâtre, temples, Grand Autel. [[Pergamon Museum]].
Pergamonmuseum Pergamonaltar.jpg|Le [[Grand Autel de Pergame]], reconstitué au [[Pergamon Museum]] de [[Berlin]].
Acropolis theatre of Pergamon.jpg|Vestiges du théâtre de Pergame.
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Parmi les autres royaumes anatoliens, la Bithynie, située dans la zone stratégique du Bosphore, est au début de la période hellénistique aux mains d'une dynastie autonome. Son dirigeant Zipoitès survit à la période des Diadoques en dépit de pertes territoriales, et prend le titre royal. Malgré de nombreux troubles dynastiques, le royaume se maintient en changeant ses alliances. La Mysie est l'objet de ses convoitises, contrecarrées par l'expansion de Pergame, soutenue par Rome qui intervient de plus en plus dans les troubles successoraux bithyniens. Une fois le royaume de Pergame annexé par Rome, le Pont devient son principal rival, ce qui entraîne sa dévastation lors de la première guerre mithridatique. Son dernier roi lègue la Bithynie à Rome en 74{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=303-305}}. Le [[Royaume du Pont|Pont]] était quant à lui devenu indépendant au début du {{-s|III|e}} sous la direction d'une dynastie de rois d'origine perse hellénisés, et étend également son influence sur les cités grecques et régions voisines, atteignant son apogée sous [[Mithridate VI]], dernier rival de Rome en Anatolie{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=220-221}}. À l'intérieur, la Cappadoce est une région montagneuse difficile d'accès, qui est au début de la période convoitée par Eumène de Cardia, un des compagnons d'Alexandre, mais qui reste entre les mains d'une dynastie d'origine iranienne, les descendants d'Ariarathe, qui prend le titre royal après avoir repoussé les Séleucides. Son histoire est mal connue et marquée par de nombreuses vicissitudes caractéristiques de la vie politique et militaire de l'Anatolie hellénistiques. Vers la fin du {{-s|II}} Rome y installe une nouvelle dynastie, dont le premier roi est Ariobazane, pour faire face à Mithridate du Pont. Le royaume devient dès lors un client des Romains{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=303-305}}. Plus à l'est les [[Orontides]] de [[Commagène]] sont également des Perses hellénisés, profitant de la fragilisation des [[Séleucides]] pour se rendre indépendants, dont la fidélité à Rome assure une longévité inhabituelle puisqu'ils survivent jusqu'en 72 de notre ère{{sfn|Grandjean|Hoffmann|Capdetrey|Carrez-Maratray|2017|p=222-224}}. Cette dynastie hellénisée réalise une synthèse culturelle mêlant éléments grecs et iraniens, visible en particulier sur le site de [[Nemrut Dağı]] créant une identité mixte propre, servant le pouvoir royal{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=301-304}}.
 
L'Anatolie hellénistique est donc une mosaïque culturelle qui en a fait un domaine d'étude privilégié pour les questionnements liés à l'hellénisation. On y trouve des populations hellénophones, iranophones, aussi thraces, et beaucoup d'autres parlant des langues indo-européennes et implantées dans la région bien avant la période (louvite, lycien, lydien, etc.), ainsi que des communautés juives s'implantent dans des cités. La documentation épigraphique est essentiellement grecque, ce qui crée donc un biais, et certaines régions très isolées et peu hellénisées (Cilicie trachée, Galatie, Lycaonie) sont très peu connues. Les cités et les fondations de cités sont des éléments essentiels de la diffusion de la culture grecque, dont l'influence se retrouve jusque dans des endroits reculés, et dans les royaumes qui ne sont pas dirigés par des dynasties d'origine grecque comme la Bithynie, le Pont ou la Cappadoce. Mais les traditions locales sont également tenaces, ce qui est surtout attesté par l'importance des divinités anatoliennes dont certaines conservent leur nom (Cybèle, Kakasbos, Ma), tandis que d'autres reçoivent un nom grec tout en préservent leur identité propre (Zeus de Labranda). Quant à l'influence iranienne, illustrée notamment par la présence de lieux de culte à Anahita, elle semble disparaître à l'ouest après la fin de la domination achéménide, mais se maintenir au moins partiellement plus à l'est{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=241-246}}.
 
Au sud du Caucase se développent les royaumes d'[[royaume d'Arménie|Arménie]] (dirigé par les [[Orontides]] puis les [[Artaxiades]]){{sfn|id=OCD|OCD|2012|p=164}} et d'[[Atropatène]]{{sfn|id=OCD|OCD|2012|p=919}}.
 
=== Égypte lagide ===
{{Article détaillé|Royaume lagide}}
[[Fichier:Ptolemaic Kingdom III-II century BC - en.svg|thumb|Le royaume lagide aux {{-sp|III|-|II}}]]
[[Fichier:Ptolemy I Soter Louvre Ma849.jpg|thumb|left|Buste de {{monarque|Ptolémée|Ier}}, [[Musée du Louvre]].]]
 
L'[[Égypte]] est conquise par Alexandre à la fin de l'année 332, et il repart dès le printemps suivant. [[Ptolémée Ier|Ptolémée {{Ier}}]] devient satrape d’Égypte après la mort du conquérant. Il devient ensuite roi, fondateur de la dynastie des [[Lagides]] (du nom de son père Lagos). Ses successeurs portent tous le même nom (on parle aussi de « dynastie des Ptolémées »). À la tête d'un pays prospère, cohérent et bien défendu, durant les guerres des Diadoques Ptolémée Ier utilise ses moyens pour s'étendre en Cyrénaïque, au Levant, en Asie mineure et à Chypre. Grâce à leur puissance maritime (reposant en grande partie sur la possession de Chypre et de la Phénicie), ses successeurs peuvent jouer un rôle dans la vie politique de l’Égée durant le {{-s|III}}, dominant les Cyclades et plusieurs cités côtières en Asie mineure et jusqu'en Thrace{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=58-59}}.
 
Comme les autres monarchies hellénistiques c'est un royaume centralisé autour de la figure royale, avec ses proches. Les rois ont pour particularité de pratiquer l'inceste royal. L'histoire du royaume est émaillée de nombreuses rivalité, assassinats et conflits entre rois, reines, princes et princesses (qui sont souvent mari et femme). La puissance des Lagides repose avant tout sur la domination de la vallée du Nil, qui donne une cohérence territoriale à leur royaume que n'ont pas les autres grandes puissances hellénistiques. Les structures administratives égyptiennes traditionnelles, les nomes, sont reprises, la base étant constituée de villages et de villes, tandis que les sanctuaires égyptiens constituent un important pôle d'autorité avec lequel les rois doivent compter. Il n'y a guère que trois cités grecques, Alexandrie, Naucratis et Ptolémaïs, dont les institutions civiques ont sans doute peu de latitude en raison du contrôle royal. L'exercice du pouvoir est en effet très hiérarchisé et centralisé. Des garnisons, constituées en grande partie de mercenaires et de colons militaires (clérouques), assurent la sécurité et le contrôle du territoire. Le grec devient progressivement la langue de l'administration, qui est donc contrôlée par des personnes d'origine grecque ou des égyptiens hellénisés<ref name=ocd492>{{en}} D. J. Thompson, « Egypt, Ptolemaic », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=492}}.</ref>{{,}}{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=241-246}}{{,}}{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=60-61}}.
 
L'économie lagide bénéficie des riches terres agricoles de la vallée du Nil, qui en font un grenier à blé du monde méditerranéen, exportant notamment vers les cités égéennes et jusque dans le Bosphore pontique. Le [[Fayoum]], vaste oasis située à l'ouest du Nil, est aménagée et devient une autre zone de culture importante, dont l'activité est documentée par les archives de [[Zénon de Caunos]] qui en font la région la mieux connue de l’Égypte lagide. Sa mise en valeur s'accompagne de la fondation de nouveaux villages qui comprennent des Grecs, mais aussi des Thraces, des Juifs, des Syriens, se mêlant à la population égyptienne déjà présente, qui en font une région de rencontre de différentes cultures{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=546-548}}. Les domaines royaux fournissent des revenus considérables, qui sont complétés par la fiscalité, reposant sur une bureaucratie effectuant des travaux de recensement et de cadastrage, des banques royales et l'affermage de certains prélèvements. Alexandrie sert de point de collecte de ses différentes richesses, qui peuvent ensuite être redistribuées et commercialisées hors du royaume<ref name=ocd492/>{{,}}{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=62-63}}.
 
{{Article détaillé|Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique}}
 
[[Alexandrie]] bénéficie largement du développement de la monarchie lagide, qui y concentre une part substantielle des richesses qu'elle prélève sur le royaume afin d'assurer son train de vie et d'embellir la cité, qui devient un instrument du prestige royal. Un grand palais y est érigé, le culte royal y occupe une place centrale, avec la grande fête des Ptolémaia. Les fouilles apportent néanmoins peu d'informations sur l'organisation de la cité, en raison de l'occupation moderne, et sa physionomie est reconstituée par les textes : elle dispose d'un puissant rempart, de divers monuments politiques et religieux (dont le temple de [[Sérapis]], [[Sérapéum d'Alexandrie|Sérapéum]]), et du Phare d'Alexandrie, passé à la postérité comme une merveille du monde. C'est un pôle commercial de premier plan, disposant d'un port très actif, de marchés, de banques, et du seul atelier monétaire du royaume. C'est une ville cosmopolite, dominée par une élite grecque et hellénisée, ainsi que des Égyptiens et des étrangers, dont une importante communauté juive, atteignant peut-être le demi-million d'habitants. C'est enfin une capitale culturelle du monde hellénistique, attirant des artistes et des savants de renom. La Bibliothèque d'Alexandrie est un lieu d'études sans équivalent pour l'époque{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=287-301}}{{,}}{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=66-67}}.
 
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Plan Alexandrie (Ptolémées).svg|Plan d'[[Alexandrie]] à l'époque hellénistique.
PHAROS2013-3000x2250.jpg|Proposition de reconstitution du [[phare d'Alexandrie]].
The Serapeum of Alexandria (X).jpg|Vestiges du [[Sérapéum d'Alexandrie]].
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Les rois lagides se présentent à leurs sujets égyptiens comme les successeurs des pharaons se faisant représenter à leur manière dans des temples, même si personne n'est dupe sur leur origine étrangère et le fait qu'ils se considèrent fondamentalement comme gréco-macédoniens. Leur royaume préserve une partie de l'héritage pharaonique, en particulier l'importance des temples, qui sont fondamentaux pour la continuité des traditions autochthones. Dans les premiers temps de la domination lagide les sanctuaires et leur élite cléricale sont largement livrés à eux-mêmes, constituant une administration parallèle à celle du pouvoir royal. Mais ce dernier va les intégrer progressivement. Ptolémée II décide dans les années 260 de regrouper les clergés égyptiens en un seul corps politique géré par des synodes qui prennent des décrets avalisées par le roi. Les Lagides veillent à ceux que les temples aient les moyens de bien fonctionner, tout en les contrôlant par le biais de ses agents. Dans la partie nord du royaume les sanctuaires semblent perdre en influence, alors que ceux du sud se maintiennent, appuyés par un pouvoir économique encore conséquent. Sous le règne de Ptolémée V (204-181) une révolte embrase la région de Thèbes, cherchant à y rétablir un pouvoir pharaonique, mais pas forcément une lutte ethnique/culturelle entre Égyptiens et Grecs puisqu'elle est condamnée par le synode sacerdotal égyptien. Après sa répression, l'administration royale consolide son emprise sur les temples de cette région, par le biais de garnisons et l'appui d'une nouvelle élite comprenant des Égyptiens fidèles au pouvoir lagide et plus hellénisés que les autres, l'écriture du grec progressant face au démotique (alors que la population est majoritairement non hellénophone). Les sanctuaires se voient cantonnés à leurs fonctions religieuses et les charges principales y sont monopolisées par les agents royaux<ref>{{Ouvrage | langue=fr | prénom1=Damien | nom1=Agut | prénom2=Juan Carlos | nom2=Moreno-Garcia | titre=L'Égypte des pharaons | sous-titre=De Narmer à Dioclétien | lieu=Paris | éditeur=[[Belin éditeur|Belin]] | collection=Mondes anciens | année=2016 | passage=679-725}}.</ref>.
 
[[Fichier:Seraphis couronne.png|thumb|Couronne surplombée de Sérapis. Musée d'Alexandrie.]]
 
L’Égypte lagide occupe une position centrale dans les questionnements sur la nature de la domination grecque, les relations Grecs/Indigènes et l'hellénisation. Les rapports entre les deux groupes sont difficiles à cerner, même la part de la population « grecque » dans l'ensemble est impossible à évaluer avec précision : les estimations varient entre 10 et 20 %, surtout dans le Delta autour d'Alexandrie et du Fayoum, peu nombreuse ailleurs en dehors des centres administratifs, notamment en Haute Égypte ; en sachant qu'il y a aussi autour de 3 % d'individus juifs, surtout à Alexandrie. Cette société a pu être qualifiée de coloniale comme de multiculturelle. Il y a eu des mariages mixtes (attestés par les papyrus du Fayoum), des transferts culturels au moins au niveau des populations humbles, et comme ailleurs au fil du temps les limites entre Grec et Égyptien ont dû perdre en pertinence. Dans le domaine des innovations religieuses, la plus notable est la création de Sérapis, dieu gréco-égyptien créé à partir de la figure d'Osiris-Apis mais avec une apparence et un culte marqué par les traditions grecques. Se remarque aussi un attrait de certains Grecs pour les coutumes funéraires égyptiennes. Les temples égyptiens restent des conservatoires de la culture locale mais leur élite est de plus en plus hellénisée. De leur côté les élites grecques semblent avoir porté peu d'intérêt aux traditions locales, jusqu'aux rois qui n'ont probablement jamais parlé la langue égyptienne, à la possible exception de Cléopatre VII<ref>Jean-Yves Carrez-Maratray, « Grecs en Égypte », dans {{harvsp|id=Leclant|Leclant|2005|p=1005-1006}}.</ref>{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=252-258}}.
 
La [[Cyrénaïque]], région colonisée par les Grecs dès la fin du {{-s|VII}} et devenue une contrée prospère grâce à ses richesses agricoles, connaît une période trouble marquée par des coups de force et tentatives d'autonomisation au début de l'époque hellénistique, avant de passer définitivement sous le contrôle lagide. Elle se relève sous la direction de Magas, beau-fils de Ptolémée, au début du {{-s|III}}, qui se révolte à son tour sans succès. Cyrène redevient une cité prospère, qui donne notamment naissance à Callimaque et Erathostène, qui font carrière à Alexandrie. Les autres cités grecques de la région bénéficient également des générosités royales, étant refondées et renommées du nom de membres de la famille lagide : Euhesperides devient Berenice, Taucheira devient Arsinoé, Barca devient Ptolémaïs. Les relations entre cette région et l’Égypte sont marquées par des mouvements de personnes dans les deux sens, notamment des colons venus d’Égypte<ref>{{Chapitre|langue=fr|prénom1=André |nom1=Laronde|titre=Cyrénaïque | auteurs ouvrage=Jean Leclant (dir.)| titre ouvrage=Dictionnaire de l'Antiquité|éditeur=Presses universitaires de France|lieu= Paris|année=2005|passage=610-611}}</ref>{{,}}<ref>{{en}} Joyce Reynolds, « Cyrene », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=405-406}}</ref>{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=546}}.
 
Après les années 220 la puissance lagide perd de son importance à l'extérieur : les Séleucides les chassent du Levant durant les dernières guerres syriennes, ainsi que d'Asie mineure, puis ils perdent progressivement toute influence dans le monde égéen dans la première moitié du {{-s|II}} En Égypte même, des révoltes secouent le royaume, notamment dans la région de Thèbes qui résiste plus à l'autorité lagide{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=64}}. Des conflits au sein de la famille royale affaiblissent son autorité. Un cas extrême est la vie très mouvementée de Cléopatre II (v. 185-102), qui épouse son frère Ptolémée VI (v. 186-145), lui donne quatre enfants, avant d'épouser à la mort de son premier mari-frère son autre frère Ptolémée VIII (v. 182-116) qui lui donne un autre fils, Ptolémée Memphites, puis fait assassiner son fils aîné (et héritier présomptif) Ptolémée VII tout en prenant pour seconde épouse sa fille Cléopatre III (V. 160-101) ; après quelques années elle entre en conflit avec son frère, qui fait assassiner leur fils, et après plusieurs années de guerre ils se réconcilient.
 
Le royaume lagide s'affaiblit progressivement et devient un protectorat romain au début du {{-s|II}} Ptolémée XII parvient à préserver l'intégrité du royaume en corrompant les dirigeants romains, mais perd Chypre et la Cyrénaïque. Sa fille Cléopatre VII tente de tirer parti des guerres civiles romaines mais ne parvient pas à sauver le royaume. Son suicide en 30 marque la fin de sa dynastie{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=65}}.
 
Cyrène OCD 460
 
=== Royaume séleucide ===
{{Article détaillé|Séleucides}}
 
[[Fichier:Seleucid_Empire_alternative_map.jpg|thumb|Le royaume séleucide à son extension maximale vers 281 av. J.-C.]]
 
Le Levant, une partie de l'Anatolie, la Mésopotamie et l'Iran sont le domaine des [[Séleucides]], dynastie fondée par {{monarque|Séleucos|Ier}}, qui est la plus marquée par l'héritage institutionnel et politique achéménide, repose en bonne partie sur les richesses de la Babylonie, aussi sur la Syrie du nord où se trouve la « [[Tétrapole]] », cités fondées par Séleucos pour servir de centres de pouvoir, les Séleucides employant à leur tour une politique active de colonisation et de fondation de garnisons et de cités grecques. Les successeurs de Séleucos sont néanmoins rapidement confrontés au défi du maintien de l'intégrité d'un royaume extrêmement étendu et cerné de puissances rivales. Leur domination sur le Levant est menacée par les Lagides jusqu'à la fin du {{-s|III|e}} (les « guerres syriennes »). L'autonomie large acquise par certains gouverneurs éloignés du pouvoir central fragilisent encore plus l'édifice séleucide. Le royaume se morcelle sur ses extrémités dès la fin du {{-s|IV|e}} avec la perte de l'Indus au profit des rois indiens de l'[[empire Maurya]], puis après le milieu du {{-s|III|e}} c'est la [[Bactriane]] et la Parthie qui sont perdues, ainsi que l'Asie mineure où la place est laissée à des dynasties locales{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=39-40}}.
 
Comme les autres grandes monarchies hellénistiques, le royaume séleucide repose sur la personne du roi, entouré de ses fidèles, un schéma qui reprend aussi le fonctionnement de la cour achéménide. L'élite est majoritairement d'origine gréco-macédonienne, souvent des cités d'Asie mineure. Sa richesse repose sur des domaines hérités de l'empire achéménide ou acquis par droit de conquête. Le royaume reprend des Achéménides la structurations en vastes provinces, les satrapies, confiées à un satrape/stratège qui est chargé de prélever des ressources, organiser les garnisons, surveiller les communautés locales. La présence de garnisons est essentielle pour assurer l'intégrité du royaume. Les circonscriptions locales sont de nature variées : cités grecques plus ou moins autonomes, districts agricoles et/ou militaires contrôlés par l'administration royale, communautés indigènes, et il faut aussi compter sur le rôle des sanctuaires. Les relations entre les rois et les pouvoirs locaux sont marquées par la négociation, l'autorité royale cherchant à masquer ses aspects les plus contraignants tout en tenant à être incontestée{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=46-47}}. ARCHEOLOGIE
 
[[Fichier:Syria_in_124_BC.png|thumb|Le royaume séleucide vers 125.]]
 
Antiochos III (222-187) est constamment en campagne pour reprendre les territoires perdus et étendre le royaume dans toutes les directions. Malgré d'indéniables succès, il ne parvient pas à pérenniser ses acquis, et son règne s'achève peu après sa défaite face à Rome et la paix d'Apamée de 188 qui marque son renoncement à dominer l'Asie mineure{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=45}}. Après la paix d'Apamée la décomposition du royaume séleucide s'accélère. Antiochos IV (175-164) ne parvient pas à inverser la tendance en raison de l'influence croissante de Rome à l'ouest, qui lui empêche de s'emparer de l’Égypte. Après sa mort des troubles dynastiques accélèrent l'affaiblissement du royaume. En Judée, la révolte des Maccabées se solde par la perte du Levant méridional dans les années 140-130. Sur la frontière orientale, les [[Parthes]], enlèvent progressivement aux Séleucides les territoires iraniens, déjà marqués par de fortes tendances sécessionnistes, puis la Babylonie en 141 av. J.-C., initiant une série de conflits qui se concluent par la perte définitive de cette riche région au début du {{-s|I|er}} Alors que les Séleucides ne règnent plus que sur la Syrie, Tigrane d'Arménie parvient à faire passer cette région sous son contrôle. Les Romains le défont et rétablissent les Séleucides, mais il ne s'agit que d'un sursis de courte durée puisque le royaume se rétrécit peu à peu et finit annexé par Rome en 63 à la suite d'une décision de Pompée{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=50-51}}.
 
=== Chypre ===
 
Chypre est au début de la période hellénistique une île divisée en plusieurs royaumes dirigés par des dynasties grecques/hellénisées et phéniciennes. Il s'agit en effet depuis l'âge du bronze d'une terre de contacts et de métissages entre Levant, Anatolie et monde égéen, avec aussi une composante autochtone documentée par le syllabaire étéocypriote . Nicocréon le roi de Salamine se met au service d'Alexandre et joue un rôle à l'époque des Diadoques, jusqu'à sa mort en 310. Chypre est ensuite disputée entre Ptolémée et Démétrios Poliorcète. Le premier s'impose définitivement en 294, et l'île devient dès lors une possession lagide. Elle occupe une place importante dans ce royaume en raison de sa situation stratégique. Il est courant que des princes héritiers soient placés à la tête de Chypre pour apprendre à gouverner, autrement elle est sous la direction d'un stratège qui a un pouvoir politique, militaire et religieux, dont le centre du pouvoir est à [[Parc archéologique de Paphos|Néa Paphos]]. Durant les luttes dynastiques l'île sert à plusieurs reprises de refuge pour des prétendants contraints à l'exil{{sfn|Baslez et al.|id=BAS|2003|p=305-305}}{{,}}{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=545}}.
 
Chypre est aussi d'un grand intérêt stratégique pour les Lagides puisqu'elle dispose d'importantes mines de cuivre, sans doute placées sous un monopole royal, ainsi qu'une tradition dans la construction de bateaux et la navigation. La domination de l'île s'appuie sur une administration grecque qui s'efforce à effacer les divisions territoriales antérieures pour mettre en place un régime « colonial », qui s'accompagne aussi du développement d'institutions civiques démocratiques, avec leur bâtiments caractéristiques de type grec, auxquelles une certaine marge d'autonomie interne est laissée. Le gouverneur local contrôle les bases navales et une flotte puissante, des mercenaires reçoivent des terres. L'introduction de divinités gréco-égyptiennes ainsi que du culte royal viennent apporter des changements au fonds religieux bigarré de l'île, qui mêle traditions levantines et grecques. Tout cela favorise l'hellénisation et l'uniformisation culturelle de Chypre, sans besoin d'une politique volontariste. L'alphabet phénicien et le syllabaire étéocypriote disparaissent, Chypre devenant manifestement une terre exclusivement de langue grecque, certes avec des variantes dialectales<ref>{{en}} Maria Iacovou, « Greeks on the Island of Cyprus: “At home” on the Frontiers », dans {{harvsp|id=ABR|De Angelis (dir.)|2022|p=262-265}}.</ref>.
 
=== Phénicie ===
 
La Phénicie est soumise par les troupes d'Alexandre le Grand en 333-332, Tyr étant la cité qui résiste le plus, ne se rendant qu'après un siège de sept mois qui implique la construction d'une jetée qui relie le continent où se trouvent les assaillants à l'île sur laquelle est érigée la ville. Elle se relève vite de cette défaite et redevient un cité marchande dynamique. La région est ensuite disputée entre Séleucides et Lagides lors des guerres de Syrie, en raison de son emplacement stratégique et de son importance dans les échanges commerciaux, notamment maritimes.
 
Il semble indéniable que les cités phéniciennes ont été très perméables à la culture hellénistique, mais l'ampleur de l'impact de celle-ci en Phénicie est assez difficile à déterminer. Les habitants de cette région, habitués à commercer et à s'implanter au loin, sont depuis très longtemps accoutumés à s'approprier et à repenser des éléments issus de cultures voisines (notamment l’Égypte). Leurs interactions avec les Grecs ont déjà plusieurs siècles derrière elles au moment de la conquête de la Phénicie par Alexandre, donc une connaissance de la culture grecque si ce n'est des emprunts à celle-ci existent déjà. Les sources sur le sujet sont lacunaires, en particulier la littérature phénicienne qui a totalement disparu et laisse la place à la seule littérature grecque, ce qui tend à conforter l'idée d'une hellénisation profonde de la région. On connaît comme ailleurs des exemples de personnes de l'élite des cités phéniciennes adoptant des noms grecs, parlant grec, allant au gymnase, certains participant même à des concours panhelléniques, ce qui contribue manifestement à leur prestige et leur succès dans un monde dominé par des Grecs qui les associent à la gestion du pouvoir. La langue grecque supplante progressivement le phénicien dans les villes (mais sans doute moins dans les campagnes). La religion illustre la complexité du processus et la créativité à l’œuvre, qui ne voit pas la culture phénicienne se faire submerger par la culture hellénistique mais plutôt des pratiques de négociation/accommodation/métissage : les cultes de quelques divinités grecques sont implantés en Phénicie, sans pour autant supplanter les divinités locales, les Grecs « interprètent » ces dernières en leur donnant le nom de la divinité grecque qu'ils estiment la plus similaire, des éléments de l'iconographie grecque peuvent être adoptés<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Corinne|nom1= Bonnet|prénom2= Élodie|nom2 = Guillon| prénom3= Fabio|nom3= Porzia|titre= Les Phéniciens|sous-titre= Une civilisation méditerranéenne|éditeur= Taillandier| collection=Texto| lieu= Paris|année= 2021|passage=90-94}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre| langue=en|auteur=Corinne Bonnet|titre=The Hellenistic Period and Hellenization in Phoenicia|auteurs ouvrage=Brian R. Doak et Carolina López-Ruiz (dir.) |titre ouvrage=The Oxford Handbook of the Phoenician and Punic Mediterranean|lieu=Oxford|éditeur=Oxford University Press|année=2019|passage=98-110}}</ref>.
 
La Phénicie tombe sous la coupe des Romains en 64, lors de la création de la province de Syrie dans laquelle elle est intégrée, sans grande conséquence sur sa culture et sa prospérité.
 
=== Judée et Levant méridional ===
 
La [[Judée]] est soumise par Alexandre en 332 en même temps que le reste du Levant méridional, alors qu'il se rend en Égypte. Lors des conflits entre les Diadoques, elle tombe sous la coupe de Ptolémée, qui prend Jérusalem en 312 et déporte une partie de sa population ({{formatnum:100000}} personnes selon la [[Lettre d'Aristée]], chiffre probablement excessif) en Égypte et intègre des Judéens dans son armée. Ce pays est dominé par deux grandes entités : le temple de Jérusalem avec son grand prêtre et la riche et puissante famille hellénisée des [[Tobiades]], un temps associée aux Lagides et dont l'influence s'étend aussi en Transjordanie (un de leurs palais, mêlant influences grecques et perses, a été fouillé à [[Iraq al-Amir]] en Jordanie). Il est aussi marqué par ses relations plus ou moins houleuses avec le pays de [[Samarie]] au nord, très proche de lui culturellement, mais qui dispose au [[mont Gerizim]] d'un temple rival de celui de Jérusalem. La Palestine fait l'objet de nombreuses fondations de cités grecques, souvent dans des villes déjà existantes ([[Beït Shéan]] renommée Scythopolis){{sfn|Collins|2023|p=108-111}}.
 
La région est disputée entre les Lagides et Séleucides durant le {{-s|III}}, puis passe sous le contrôle des seconds en 198. En 175 [[Antiochos IV]] fait de Joshua, qui porte le nom grec de Jason, le nouveau grand prêtre, notamment en échange de la promesse de constituer une cité grecque à proximité de Jérusalem. Il entre ensuite en rivalité contre Ménélas, qui prend sa place de grand prêtre, ce qui provoque un conflit local qui motive l'intervention séleucide (par crainte d'une révolte dans un contexte de guerre contre l'Égypte) qui se solde par le sac et le pillage du grand temple, acte sacrilège aux yeux des Juifs. S'ensuit selon le [[Livre des Maccabées]] une répression et une politique de d'hellénisation forcée des Juifs (interdiction de la circoncision, suppression du sabbat et des fêtes traditionnelles juives, transformation du temple en lieu de culte pour Zeus). Cela provoque une révolte conduite par [[Judas Maccabée]], issu d'une famille sacerdotale, puis ses fils, souvent présentée comme une réponse à une persécution religieuse et une politique d'acculturation forcée. Néanmoins il est peu probable qu'Antiochos (comme les autres rois hellénistiques) ait eu de telles intentions mais que les mesures prises s'inscrivent dans un processus de poliadisation classique, qui se heurte ici au fait qu'elles sont vues comme une menace pour l'identité locale avant tout en s'attaquant à sa religion. Ce n'est pas pour autant une révolte contre l'hellénisme, puisque les Maccabées ne sont pas fermés à cette culture. La révolte se prolonge pendant plusieurs décennies, l'affaiblissement des Séleucides offrant aux Maccabées l'occasion de triompher, de prendre le titre de grand prêtre, de rendre la Judée indépendante et fonder une nouvelle dynastie royale, les Hasmonéens{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=66-68}}{{,}}<ref name=goff/>{{,}}<ref name=collins/>. La région de Samarie prend une direction opposée puisque le grand temple du mont Gerizim, détruit par les Lagides, semble bénéficier des faveurs des Séleucides qui s'en servent de relais local pour leur autorité. En tout cas il prospère sous leur règne et s'hellénise plus que celui de Jérusalem (son dieu est assimilé à Zeus), comme l'indiquent les nombreuses inscriptions en grec qui y ont été mises au jour{{sfn|id=DAN|Dana et al.|2022|p=373-374}}.
 
Les Hasmonéens prennent de nombreux aspects des monarchies hellénistiques, avec une hellénisation (le roi Aristobule se surnomme « Philhellène »), jusqu'aux conflits familiaux pour le pouvoir, tout en conservant la charge de grand prêtre et suivant les traditions religieuses juives. Ils mènent une politique militaire expansionniste, qui s'accompagne de conversions forcées au Judaïsme, avec la conquête du pays des Ituréens, de la Galilée, et des villes de la côte. Du point de vue religieux, le Judaïsme de la période est marqué par une littérature de style apocalyptique (Livre d'Hénoch, Livre de Daniel) et l'émergence de groupes religieux divergents évoqués par Flavius Josèphe, les Pharisiens, les Esséniens et les Sadducéens. Les [[Manuscrits de la mer Morte]] (probablement copiés et réunis par des Esséniens) s'inscrivent dans ce contexte intellectuel<ref name=goff>{{chapitre|langue=en |auteur= Matthew J. Goff| titre= The Hellenistic Period |auteurs ouvrage=Susan Niditch (dir.)|titre ouvrage = The Wiley Blackwell Companion to Ancient Israel| lieu = Malden, Oxford et Chichester| éditeur =Wiley Blackwell | année =2016|passage= 241-256}}</ref>{{,}}<ref name=collins>{{Chapitre|langue=en|prénom1=John J.|nom1=Collins|titre= The Hellenistic and Roman Era| auteurs ouvrage=Robert G. Hoyland et H. G. M Williamson (dir.)|titre ouvrage= The Oxford History of the Holy Land|éditeur=Oxford University Press|lieu=Oxford |année= 2023|passage=34-61| lire en ligne= https://academic.oup.com/book/45676/chapter-abstract/398059063}}.</ref>.
 
Les troubles dynastiques au sein de la famille hasmonéenne entraînent l'intervention de Pompée lorsqu'il soumet le Levant à l'autorité romaine en 66. Après un conflit sanglant, l'Hasmonéen Hyrcan II est laissé grand prêtre et dirigeant de la Judée placée sous protectorat romain, mais on lui joint l'Ituréen judaïsé Antipater, qui devient son rival pour le pouvoir. Le fils de ce dernier, Hérode, parvient à devenir roi{{sfn|Collins|2023|p=124-125}}.
 
=== Mésopotamie ===
{{Article détaillé|Babylonie tardive}}
[[Fichier:Basse Mesopotamie 1mil.png|thumb|Les principales villes de la Babylonie hellénistique.]]
 
La domination hellénistique sur la Mésopotamie voit la fondation de plusieurs cités grecques, où s'implantent des citoyens grecs (la « poliadisation »), d'abord sur des sites vierges ou peu peuplés, mais parfois aussi sur d'anciennes villes<ref>{{en}} L. Hannestad, « The Seleucid Kingdom », dans {{harvsp|Potts (dir.)|2012|p=986-987|id=ARC}}</ref>. C'est le cas à [[Séleucie du Tigre]], qui est fondée vers 300 afin de devenir la principale ville de la Babylonie et une capitale du royaume. Parmi les fondations du Nord de la Mésopotamie à cette époque se trouvent [[Jebel Khalid]] et [[Doura Europos]] (qui devient par la suite une véritable ville), situées sur l'Euphrate entre les grandes cités de [[Syrie]] (la [[Tétrapole syrienne|Tétrapole]], [[Zeugma (cité antique)|Séleucie de l'Euphrate]], [[Apamée (Mésopotamie)|Apamée de l'Euphrate]]) et la Babylonie<ref>{{en}} L. Hannestad, « The Seleucid Kingdom », dans {{harvsp|Potts (dir.)|2012|p=990-993|id=ARC}}</ref>. La situation de la [[Haute Mésopotamie|Djézireh]] et de l'ancienne [[Assyrie]] à cette époque est encore très mal connue ; ces régions restent majoritairement rurales et peu peuplées. Elles font pourtant l'objet de tentatives de mise en valeur, au moins ponctuelles, autour de certaines villes devenues des cités grecques ([[Édesse (Osroène)|Édesse]]/Antioche du Callirhoé, [[Nisibe]] qui devient Antioche de Mygdonie, et peut-être [[Ninive]]), frappant une monnaie locale, qui peuvent être vues comme une extension orientale de la Syrie hellénisée (elles reçoivent une toponymie macédonienne comme cette dernière, et à la différence de la Babylonie)<ref>{{en}} G. M. Cohen, ''The Hellenistic Settlements in the East from Armenia and Mesopotamia to Bactria and India'', Berkeley, 2013, {{p.|14}} et 17-18.</ref>.
 
La Basse Mésopotamie reste en revanche riche et peuplée, de première importance pour les Séleucides. Sa situation est bien connue grâce aux sources cunéiformes encore nombreuses à cette période, en particulier à [[Babylone]] et à [[Uruk]]. Ces villes restent dominées par leurs grands temples, qui deviennent une institution plus centrale que jamais, dirigeant leur vie politique. Au début de la période, {{souverain2|Antiochos Ier}} patronne encore la construction de temples babyloniens. Par la suite cette tâche est laissée aux élites urbaines, comme à Uruk qui voit au milieu {{-s|III}} l'érection d'un vaste complexe religieux de tradition mésopotamienne (avec la dernière [[ziggurat]] construite). Les communautés grecques implantées en Babylonie et les populations locales se mélangent manifestement dès le début, en particulier dans le milieu des élites. L'hellénisme devient une caractéristique de la culture régionale, quoi qu'il soit difficile d'estimer le degré d'hellénisation de la région. Le processus de poliadisation accélère par la suite, quand Babylone devient à son tour une cité grecque (vers le début du {{-s|II}} ; un théâtre y est construit postérieurement, notamment pour servir de lieu de réunion de la communauté civique). Les tablettes de la période concernent surtout les activités savantes, les textes de la pratique (économiques et juridiques) étant rédigés sur des supports périssables (papyrus, peaux), en grec ou en araméen. Les membres du clergé des temples de Babylone et d'Uruk préservent les anciennes traditions mésopotamiennes dans un contexte de moins en moins réceptif à celles-ci, en recopiant d'anciens textes religieux, mais produisent également de nouvelles œuvres, en particulier dans le domaine historiographique (chroniques historiques). Cette période est également celle durant laquelle l'[[astronomie mésopotamienne]] est la plus productive et novatrice, les lettrés mésopotamiens étant les plus réputés aux yeux des Grecs qui intègrent leurs découvertes à leurs savoirs. Certains savants babyloniens s'ouvrent à la culture grecque, à l'image de Bérose, prêtre qui rédige des ''Babyloniaka'' pour présenter le passé babylonien aux Séleucides<ref>{{Ouvrage| langue=fr| prénom1=Bertrand| nom1=Lafont| prénom2=Aline| nom2=Tenu| prénom3=Philippe| nom3=Clancier| prénom4=Francis| nom4=Joannès| titre=La Mésopotamie| sous-titre=De Gilgamesh à Artaban (3300-120 av. J.-C.)| lieu=Paris| éditeur=[[Belin éditeur|Belin]]| collection=Mondes anciens| année=2017| passage=924-946}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage | langue=en | prénom1=Paul-Alain | nom1=Beaulieu | titre=A History of Babylon, 2200 BC - AD 75 | lieu=Hoboken et Oxford | éditeur=[[Wiley-Blackwell]] | année=2018 | passage=256-266}}</ref>.
 
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Babylonian astronomical diary recording the death of Alexander the Great (British Museum).jpg|Rapport d'observation astronomique régulière daté de 323-322 av. J.-C., mentionnant la mort d'[[Alexandre le Grand]]. [[British Museum]].
Hellenistic King List BM 35603.jpg|Liste des rois [[séleucides]]. {{-s|II}}, [[Babylone]]. [[British Museum]].
Griechischen Theater Babylon.png|Plan du théâtre hellénistique de [[Babylone]] et du bâtiment public attenant.
Babylonian Astrology Treatise - Louvre, Near Eastern Antiquities in the Louvre, Room 3, Case 15 - AO 6540.jpg|Tablette du traité d'astrologie ''[[Enūma Anu Enlil]]'', {{56e|tablette}}. [[Uruk]], {{-s|III}} [[Musée du Louvre]].
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===Iran et golfe Persique ===
 
L'Iran est un domaine largement inconnu pour les Grecs, ce qui motive Séleucos à missionner des subordonnés afin d'acquérir des connaissances sur ces territoires pour mieux les administrer. Le principe de la division en satrapies et des routes royales reliant leurs principaux points de peuplement est repris de l'empire achéménide. La mise en place du contrôle séleucide s'appuie sur la fondation de nouvelles cités (Laodicée en Médie/Nehavend, Antioche de Margiane près de Merv, Antioche de Perside près de Bouchehr, Aï Khanoum dont le nom antique est perdu), parfois des refondations à partir d'anciens centres du pouvoir achéménide (Suse, Ecbatane, Bactres) et un ensemble de forteresses avec des garnisons. L'implantation de colons commence dès la conquête d'Alexandre et se poursuit durant le {{-s|III}} voire dans la première partie du suivant. Ces territoires sont peu urbanisés, notamment parce qu'ils sont situés en région montagneuse ou désertique, surtout constitués de villages, avec une forte composante nomade par endroits. Certains de ces peuples, notamment les Mèdes, les Perses et les Elyméens, fournissent des combattants appréciés des rois séleucides, notamment des cavaliers, des archers et des frondeurs. Le contrôle de ces vastes territoires impose une délégation forte des pouvoirs. Un général des « Hautes Satrapies » (celles situées à l'est de l'Euphrate) est institué en 294 pour mieux contrôler ces territoires, et confié à des princes ou à des proches du roi, deux d'entre eux, Molon et Timarque, tentant de faire sécession. De fait les forces centrifuges sont rapidement à l’œuvre dans les territoires iraniens, en raison de l'éloignement comme l'illustrent les pertes rapides de la Bactriane et de la Parthie, mais aussi parce que certaines régions montagnardes isolées sont difficiles à contrôler, dans de nombreuses parties du Zagros comme l'Elymaïde. Les rois séleucides sont donc contraints à de longues campagnes pour tenter de raffermir leur autorité sur les Hautes Satrapies<ref name=kosmin>{{chapitre|langue=en|prénom1=Paul J.|nom1= Kosmin|titre= Alexander the Great and the Seleucids in Iran| auteurs ouvrage=Daniel T. Potts (dir.)|titre ouvrage= The Oxford Handbook of Ancient Iran| lieu=Oxford| éditeur=Oxford University Press|année=2013|passage=678-686}}.</ref>{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=41-45}}.
 
Le contrôle de ces territoires repose sur un réseau de garnisons militaires dotées en terres agricoles, et parfois transformées en cités si leur implantation est un succès. Elle sont dominées par une élite grecque (ou du moins des personnes de nom grec) et les cités sont dotées des institutions civiques caractéristiques de la période. L'hellénisation est surtout visible en Médie (autour d'Ecbatane) et en Susiane. Suse, ancienne capitale perse devenue une cité grecque sous le nom de Séleucie de l'Eulaios, a ainsi livré diverses inscriptions documentant une présence grecque notable et vie civique active, ainsi que la présence de représentants du pouvoir royal, d'une garnison et de domaines royaux. Mais la ville comprend aussi des gens de nom iranien voire babylonien, brouillant comme ailleurs les limites ethniques. Des divinités grecques sont introduites dans ces régions, notamment Héraclès qui connaît un succès notable. Les cultes iraniens continuent de rester actifs et certains reçoivent un soutien royal à l'image du sanctuaire d'Anahita d'Ecbatane<ref name=kosmin/>{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=248}}{{,}}<ref name=rougemont/>{{,}}<ref>{{Lien web| langue=en|auteur= Laurianne Martinez-Sève| titre=Hellenism| url= https://www.iranicaonline.org/articles/hellenism|site =Encyclopaedia Iranica Online| date=2003|consulté le=29 juin 2024}}.</ref>.
 
Avec l'affaiblissement du royaume séleucide après 188, l'Iran est de moins en moins bien contrôlé et marqué par diverses poches sécessionnistes. L'Elymaïde se rend indépendante sous les Kamnaskirides, la Perse sous la Fratakasra, tandis que les Parthes progressent inexorablement depuis leur base située à l'est de la Caspienne. Les campagnes entreprises par les rois séleucides sont de moins en moins efficaces, notamment lors de leurs guerres parthiques qui ne sont marquées que par des succès sans lendemain. Après le suicide d'Antiochos VII en Médie en 129, les Parthes sont la puissance hégémonique de l'Iran{{sfn|Kosmin|2013|p=686-687}}.
 
Dans le golfe Persique, les traces d'une présence grecque à l'époque hellénistique ont longtemps été limitée, mais des découvertes ont permis de confirmer que cette région avait également été sous influence séleucide et compris des communautés grecques, sans doute attirées par les routes maritimes parcourant cet espace et permettant de rejoindre l'Inde. Les Grecs découvrent ces régions au début de la période lors de l'expédition de Néarque. Polybe évoque aussi un voyage d'Antiochos III dans la cité de Gerrha, sur la côte d'Arabie, où il reçoit un tribut, ainsi qu'à Tylos, l'actuelle île de Bahrain. Cette dernière a livré des inscriptions en grec, dont une, commémorant la construction d'un temple aux Dioscures, qui mentionne la présence d'un stratège servant le roi de Characène dans les années 120 et dont l'autorité s'étend sur d'autres îles du Golfe. Il est possible que cette île ait été dominée par les Séleucides avant de lui échapper comme d'autres régions périphériques. La présence du pouvoir séleucide est mieux attestée plus au nord, sur l'île de Failaka (dans l'actuel Koweït), que les Grecs appellent Ikaros, où une forteresse abritant une garnison grecque ainsi qu'un temple d'Artémis ont été fouillés<ref>{{Article|langue=en|auteur= Paul Kosmin|titre= Rethinking the Hellenistic Gulf: The new Greek inscription from Bahrain|périodique=The Journal of Hellenic Studies|volume= 133 |année=2013|passage= 61-79|jstor= 43285480}}</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur= Miguel Pachón Barragán|titre= Seleucid Rule over the Gulf|auteurs ouvrage= Costanza Coppini, Georg Cyrus et Hamaseh Golestaneh (dir.)|titre ouvrage= Bridging the Gap: Disciplines, Times, and Spaces in Dialogue – Volume 3: Sessions 4 and 6 from the Conference Broadening Horizons 6 Held at the Freie Universität Berlin, 24–28 June 2019|éditeur= Archeopress|année=2022|passage= 18-24|jstor= jj.15135960.6}}.</ref>.
 
=== Bactriane et Indus ===
{{Article détaillé|Royaume gréco-bactrien|Royaumes indo-grecs}}
 
[[Fichier:Bactriane.svg|thumb|Les sites urbains de [[Bactriane]] à l'époque hellénistique.]]
 
Lorsque Alexandre s'aventure en Asie centrale, il fonde plusieurs cités et laisse des garnisons qui y implantent un peuplement grec qui fait souche au milieu de populations essentiellement iranophones. Puis il soumet la vallée de l'Indus, qui est son point oriental maximal. Les Séleucides perdent cette dernière région face aux rois Maurya dès la fin du {{-s|IV}}, mais ils gardent le contrôle de la Bactriane jusqu'au milieu du {{-s|III}}, quand des généraux grecs, Diodote I puis son fils Diodote II, se proclament rois. Euthydème (v. 225-190) parvient à repousser la réplique séleucide et à conforter l'indépendance de la région. Son fils et successeur Démétrios (v. 190-180) étend le royaume vers le sud et le sud-est, vers l'Indus, mais leur dynastie est renversée par Eucratide (v. 170-145). Cette expansion militaire s'accompagne en effet d'une fragmentation politique, plusieurs généraux se proclamant rois, sans doute à la suite de succès au combat. Leur existence n'est généralement connue que par des émissions monétaires, les événements et leurs implantations territoriales nous échappent donc. On distingue en fonction de leur implantation des rois « gréco-bactriens »<ref>{{Lien web| langue=en| auteur= Pierre Leriche et Frantz Grenet| titre=Bactria|site= Encyclopaedia Iranica Online| url=//www.iranicaonline.org/articles/bactria| année=1988|consulté le= 20 janvier 2021}}.</ref>, dans l'actuel Afghanisan, et des rois « [[Royaumes indo-grecs|indo-grecs]] »<ref>{{Lien web| langue=en|auteur= Osmund Bopearachchi| titre=Indo-Greek Dynasty| url= https://iranicaonline.org/articles/indo-greek-dynasty|site =Encyclopaedia Iranica Online| date=2004|consulté le=9 janvier 2021}}.</ref> (ou ''Yawana-raja'' en sanskrit, langue dans laquelle on désignait les Grecs par le terme « Ionien », comme au Moyen-Orient) dans la vallée de l'[[Indus]], autour de [[Taxila]] au [[Pendjab]] (l'antique [[Gandhara]]). L'un d'entre eux, {{monarque|Ménandre|Ier}} (v. 165-135/0 av. J.-C.)<ref>{{en}} Frank Holt, « Menander », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=930-931}}.</ref>, s'est taillé un territoire important, puisqu'il a conduit ses troupes jusqu'à [[Pataliputra]] (Patna) sur le [[Gange]]. Les derniers rois grecs de Bactriane disparaissent avant la fin du {{-s|II|e}} face aux Parthes et aux Yuezhi/Kouchans, et ceux d'Inde au tout début de notre ère face aux Indo-scythes{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=42-43 et 52-53}}{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=en|prénom1=Rachel|nom1=Mairs|titre= Bactrian or Graeco-Bactrian Kingdom|titre ouvrage= The Encyclopedia of Empire |auteurs ouvrage= N. Dalziel et J.M. MacKenzie (dir.)|année=2016|passage=1-3|doi=10.1002/9781118455074.wbeoe089}}.</ref>.
 
La Bactriane est une région riche, disposant de vallées irriguées et traversée par des routes commerciales actives. Une partie de la population est constituée de nomades et semi-nomades parcourant les steppes{{sfn|Martinez-Sève|2017|p=43}}. La documentation sur la Bactriane grecque provient majoritairement du site archéologique d'[[Aï Khanoum]] (nom antique inconnu) situé dans le nord de l'Afghanistan près de l'Amou-Daria (l'ancien Oxus). Fondé autour de 300 av. J.-C., il a dû servir de siège à un gouverneur séleucide puis de lieu de résidence des rois gréco-bactriens puisqu'on y trouve un palais et un atelier monétaire. Il a livré quelques inscriptions en grec, des bâtiments caractéristiques de l'architecture des cités grecques hellénistiques, comme un théâtre et un gymnase, mais en revanche rien n'indique l'existence d'une vie politique civique. Les bâtiments palatiaux et sacrés ont un plan oriental (iranien et mésopotamien) mais leurs techniques de constructions et leur décor intègre de nombreux éléments grecs, témoignant de la rencontre de ces différentes cultures{{sfn|Étienne|Müller|Prost|2014|p=299-301}}{{,}}{{sfn|Thonnemann|2018|p=75-81}}. Cet hellénisme du bout du monde hellénistique et ce mélange des traditions ressort aussi d'un autre site, [[Takht-I-Sangin]], déjà employé à l'époque achéménide, mêlant traditions locales et grecques. C'est un lieu de culte du dieu de l'Oxus, très populaire dans cette région. Il y a sans doute une proportion importante d'hellénophones, le grec est manifestement la langue de l'élite et du pouvoir gréco-bactrien, qui frappe des monnaies dans un style grec, alors que les rois indo-grecs frappent des monnaies bilingues mêlant iconographie grecque et indienne{{sfn|Mairs|2016|p=3-4}}{{,}}{{sfn|Clancier|Coloru|Gorre|2017|p=196-199 et 247-249}}{{,}}<ref name=rougemont>{{Article|langue=fr|auteur= Georges Rougemont|titre= Les inscriptions grecques d’Iran et d’Asie centrale. Bilinguismes, interférences culturelles, colonisation|périodique=Journal des Savants |année =2012 |numéro=1 |passage= 3-27 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_2012_num_1_1_6292 }}.</ref>.
 
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Plan AI Khanoum-fr.svg|Plan du site d'[[Aï Khanoum]], cité grecque dans l'actuel [[Afghanistan]].
Ai Khanoum landscape.jpg|Vue du site d'[[Aï Khanoum]].
AiKhanoumPlateSharp.jpg|Plaque de [[Cybèle]], Aï Khanoum, sanctuaire du temple à niches indentées, {{-s-|III}}, argent doré, d : {{unité|25|cm}}, musée national d'Afghanistan.
Altar Atrosokes MNAT M7010.jpg|Autel dédié à l'Oxus par Atrosokès, avec [[Marsyas]] jouant de l'[[Aulos (instrument)|aulos]], {{-s|II}} Musée national des antiquités du Tadjikistan.
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Monnaie de Bactriane, Eucratide I, 2 faces.jpg|Monnaie d'or de 20 statères d'[[Eucratide Ier|Eucratide {{Ier}}]] (v. 171-139), [[Cabinet des médailles (BNF)|Cabinet des médailles]].
Drachme bilingue du royaume de Bactriane à l'effigie de Ménandre Ier.jpg|Drachme bilingue grec/[[Alphabet kharoshthi|kharosthi]] à l'effigie de Ménandre {{Ier}}, v. 160-155 av. J.-C.
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=== Italie et Méditerranée Occidentale ===
 
La [[Grande Grèce]] est un cas à part puisqu'elle reste en dehors de l'influence des grandes puissances hellénistiques. [[Syracuse]] reste la principale cité. [[Agathocle de Syracuse|Agathocle]] (304-289) y constitue un régime tyrannique puis une royauté, et tente des expéditions sur le territoire même de [[Carthage]], sans succès{{sfn|Morris|Powell|2014|p=491-493}}. Son successeur [[Hicétas]] subit une défaite contre ses derniers, puis [[Hiéron II]] (269-215) devient vassal de [[République romaine|Rome]] alors qu'elle triomphe des Carthaginois lors de la première guerre punique. La paix qui s'ensuit permet à la cité de prospérer, mais le choix de son fils [[Hiéronyme de Syracuse|Hiéronyme]] de tourner le dos à Rome durant la seconde guerre punique est fatal à Syracuse, qui est prise en 211<ref>{{en}} Arthur Geoffrey Woodhead et R. J. A. Wilson, « Syracuse », dans {{harvsp|id=OCD|OCD|2012|p=1421}}.</ref>.
 
== Expansion grecque et hellénisation ==