« Guerre des Sables » : différence entre les versions

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Alf Andrew Heggoy, ''Colonial Origins of the Algerian-Moroccan Border Conflict of October 1963'', in ''African Studies Review'', Vol. 13, No. 1, (avril 1970), pp. 17-22, [http://www.jstor.org/stable/523680 version en ligne sur JSTOR]</ref> La découverte d'importants gisements de [[pétrole]] et de minerais ([[fer]], [[manganèse]]) dans la région conduit la France à délimiter plus précisément les territoires, et en 1952 les Français décident d'intégrer aux [[Liste des départements français d'Algérie|départements français d'Algérie]] les régions de Tindouf et Colomb-Béchar.<ref>Farsoun, page 13</ref>
 
Dès son indépendance, le Maroc revendique la souveraineté sur ces territoires, ainsi que d'autres ayant fait partie du Maroc historique. Afin de mettre un terme au soutien du Maroc au [[Front de libération nationale (Algérie)|FLN]] algérien, la France propose le principe de la restitution de ces territoires contre la mise en place d'une « organisation commune des régions saharienne » (OCRS), chargée d'exploiter les gisements miniers du Sahara récemment découverts<ref>Hughes, page 133</ref> et l'interdiction d'abriter des insurgés algériens<ref>Farsoun, page 13</ref>. Le roi [[Mohammed V]] voit cette proposition comme un {{citation|coup de poignard dans le dos}} des {{citation|frères algériens}}<ref>Hughes, page 133</ref>, et parvient séparément à un accord enle 6 juillet 1961 avec le chef du [[Gouvernement provisoire de la République algérienne]], [[Ferhat Abbas]]. Selon cet accord, une fois l'indépendance algérienne acquise, le statut de Tindouf et Colomb-Béchar serait renégocié.
 
Cependant, à l'indépendance de l'Algérie, et avant que cet accord ne soit ratifié, une coalition menée par [[Ahmed Ben Bella]] et soutenue par l'[[Armée de libération nationale]] évince Ferhat Abbas du gouvernement. Un des enjeux de la guerre d'Algérie était la préservation de l'unité du territoire, il s'agissait en particulier d'empêcher la France de séparer la région du Sahara du reste de l'Algérie. Ben Bella et les dirigeants de l'ALN étaient de ce fait réticents à l'idée de rétrocéder le moindre territoire {{citation|libéré avec le sang de tant de martyrs}}<ref>Hughes, page 134</ref> au Maroc et, après l'indépendance, ils refusent de reconnaître les revendications historiques ou politiques du Maroc. Ils perçoivent en fait les exigences du Maroc comme une tentative d'ingérence et de pression, au moment où le pays sort très affaibli de sa guerre d'indépendance. Le gouvernement algérien ne contrôle pas encore fermement tout son territoire ; en particulier, un soulèvement [[berbères|berbère]] anti-FLN, conduit par [[Hocine Aït Ahmed]], se développe en [[Kabylie]]. Dans le même temps, les revendications socialistes du FLN trouvent un écho au Maroc avec l'UNFP de [[Mehdi Ben Barka]], qui exige une [[réforme agraire]], une révolution des travailleurs, et une solidarité anti-impérialiste avec la révolution algérienne<ref>Pennell, page 333</ref> ; celui-ci doit quitter le Maroc en juillet 1963 suite à l'échec du « complot de juillet » contre le roi, dans lequel une faction de l'UNFP est mêlée.
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Le parti de l'[[Istiqlal]] est particulièrement indigné de l'{{citation|ingratitude}} des Algériens, et en mars 1963 il republie une carte [[irrédentisme|irrédentiste]] du « Grand Maroc » dans son hebdomadaire, ''Al-Alam'' (''La Bannière''). Le territoire comprend un tiers de l'Algérie jusqu'à [[Ain Salah]], le [[Sahara occidental]], la [[Mauritanie]], et une partie du [[Mali]].<ref>Hughes, page 134</ref>
 
Les tensions entre le Maroc et l'Algérie montent peu à peu, et aucune des parties ne veut prendre le risque de reculer. Dès 1962, Tindouf est le siège d'incidents : lors du référendum d'indépendance, les habitants indiquent sur leur bulletin : {{citation|OUI à l indépendance, mais nous sommes marocains}}<ref>Cité par Wild, page 23</ref>. Peu après, les [[Forces armées royales (Maroc)|Forces armées royales]] tentent d'occuper la ville, mais se replient après avoir découvert que l'armée algérienne contrôle déjà la région.<ref>Wild, page 22</ref> Elles s'installent également brièvement dans la région de Colomb-Béchar.<ref>Farsoun, page 13</ref> Pendant l'été 1963, les deux pays renforcent leur dispositif militaire le long de la frontière. De chaque côté, la presse relate de exactions : les Algériens interdisent aux Marocains de [[Figuig]] de se rendre sur leurs palmeraies en territoire algérien, tandis qu'à Colomb-Béchar et à Tindouf, les habitants sont contraints à adopter la nationalité algérienne.<ref>Attilio Gaudio, ''Guerres et paix au Maroc: reportages, 1950-1990'', 1991, ISBN 2-8653-7312-6</ref> Des Marocains travaillant en Algérie sont expulsés, ainsi que des marchands algériens travaillant à [[Oujda]]<ref>Wild, page 23</ref>. L'Algérie aurait soutenu le « complot de juillet », tandis que le Maroc aurait favorisé l'arrestation de Ben Bella en 1956 et l'assassinat de [[Patrice Lumumba]] en 1961.<ref>Abdelkhaleq Berramdane, ''Le Maroc et l'Occident, 1800-1974: 1800-1974'', 1987, ISBN 2-8653-7171-9, page 240</ref> Jusqu'à septembre, les accrochages sont encore attribués à des {{citation|éléments incontrôlés}}.<ref>Wild, page 24</ref>
 
== Déclenchement ==
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Le 5 octobre, les ministres des affaires étrangères [[Ahmed Réda Guédira]] et [[Abdelaziz Bouteflika]] se rencontrent à [[Oujda]], et parviennent au principe d'un sommet entre le roi et Ben Bella, qui statuerait définitivement sur le territoire. Ce sommet n'aura jamais lieu.
 
Le 8 octobre, les forcestroupes algériennesde l'[[Armée nationale populaire (Algérie)|ANP]] reprennent Hassi Beïda et Tinjoub, et tuent dix auxiliaires marocains.<ref>Farsoun, page 13</ref> Le 9, le Maroc annonce que les garnisons de Hassi Beïda, Tinjoub et Tinfouchy ont été occupées suite à une {{citation|attaque surprise}} algérienne. L'Algérie, elle, rapporte que les forces armées marocaines avancent dans le désert depuis septembre pour établir des garnisons, et qu'elles ont attaqué Colomb-Béchar<ref>Wild, page 24</ref>.
 
Sur ordre de Hassan II, [[Abdelhadi Boutaleb]], le ministre de l'information, se rend à Alger, mais sa mission échoue, et le 15 octobre, l'Algérie décide la mobilisation générale dans l'ANP des anciens ''djounnoud'' de l'ALN, les combattants vétérans de la guerre d'indépendance.<ref>Stora, page 136 et Farsoun, page 13</ref>
 
== Opérations militaires ==
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L'armée marocaine, commandée par Driss ben Aomar, est mieux équipée et approvisionnée, tandis que l'armée algérienne, commandée par [[Houari Boumédiène]], expérimentée pour la [[guerilla]] mais mal équipée, souffre de problèmes [[logistique]]s.
 
L’Algérie se fournit en armement auprès de [[Cuba]] (dont un contingent de 686 hommes<ref>Gleijeses, page 177</ref>, avec aviation, blindés, et artillerie<ref>Hughes, page 136</ref>), de l’[[Égypte]] (1000 soldats sont envoyés en Algérie, et après l'aterrissage d'urgence d'un hélicoptère algérien derrière les frontières marocaines le 20 octobre, trois colonels égyptiens sont présentés à la presse<ref>Hughes, page 136</ref>), pendant que le Maroc ne reçoit aucun appui direct des [[États-Unis]], de l'[[Espagne]] ou de la [[France]]<ref>Gleijeses, page 180 et Wild, page 25</ref>. Le Maroc rompt ses relations diplomatiques avec Cuba le 31 octobre, et rappelle ses ambassadeurs en Égypte et en Syrie. 350 professeurs égyptiens sont expulsés.
 
La bataille la plus importante se déroule le 25 octobre, environ 200 Algériens sont capturés près de Hassi Beïda.<ref>Hughes, page 136</ref> Les Marocains parviennent jusqu'à 12 kilomètres de [[Tindouf]], le 28.<ref>Wild, page 25</ref>
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== Bilan et conséquences ==
Ben Barka, réfugié en Algérie depuis juillet 1963, dénonce vivement la {{citation|guerre d'agression}} et la {{citation|trahison}} du Maroc<ref>Pennell, page 334</ref>, et est condamné à mort par contumace le 22 novembre 1963, pour complot et tentative d'assassinat contre le roi suite au « complot de juillet ». IlLe 29 octobre 1965, il est arrêté et enlevé à Paris lepar 29des octobrepoliciers 1965français, et disparaît sans laisser de trace. Il est vraisemblablement assassiné au Maroc sur instruction du général Oufkir, avec la complicité du [[SDECE]]. La gauche marocaine, traumatisée par les dénonciations de trahison à la patrie lors du conflit, se rangera presque tout entière sans broncher du côté du roi lors du conflit au [[Sahara occidental]] à partir de 1975.<ref>Lahouari Addi, ''[http://www.monde-diplomatique.fr/1999/12/ADDI/12767 Introuvable réconciliation entre Alger et Rabat]'', [[Le Monde diplomatique]], Décembre 1999</ref>
 
En avril 1964, 379 prisonniers algériens sont échangés contre 57 marocains, ce qui conforte la thèse d'une supériorité générale des forces marocaines lors du conflit. Le Maroc annonce un bilan officiel de 39 morts, tandis que les pertes algériennes, jamais publiées, s'élèvent vraisemblablement à 300 morts.<ref>Hughes, page 137</ref> Le piètre bilan de l'armée algérienne est un des facteurs qui contribuent à la chute de Ben Bella en 1965.<ref>Farsoun, page 16</ref> Au Maroc, l'armée n'apprécie pas d'avoir été privée d'une victoire militaire claire, et la tension entre certains officiers et le roi débouche sur deux tentatives d'assassinat, en 1971 et 1972.
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