« Théorème de Cauchy-Lipschitz » : différence entre les versions

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=== Énoncés ===
[[Image:VolterraLotka.PNG|thumb|upright=1|Les graphes des fonctions d'évolution des populations pour les [[équations de Lotka-Volterra]] forment une partition de '''R'''<sub>+</sub><sup>2</sup>.]]
Dans tout le reste de l'article, ''E'' désigne un [[espace de Banach]], Ω un [[Ensemble_ouvert|ouvert]] de <math>\mathbb{'''R}''' \timesdans ''E</math>'' et ''f'' une fonction continue de Ω dans ''E''. L'objectif est d'étudier l'équation différentielle du premier ordre suivante :
<center><math>(1)\quad \frac {\mathrm d x}{\mathrm d t}(t) = f(t, x(t))</math></center>
 
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Une solution de l'équation est parfois désignée à l'aide de l'expression suivante, que l'on trouve fréquemment dans la littérature traitant du sujet de l'article :
:* Une '''courbe intégrale'''<ref>{{BergerGostiaux1}} p 40</ref> de l'équation ''(1)'' est une fonction d'un intervalle de <math> \mathbb{'''R}''' \todans ''E</math>'' dont le graphe inclus dans Ω et qui est solution de l'équation ''(1)''.
 
=== D'une équation différentielle d'ordre ''n'' (''n'' > 1) à une équation d'ordre 1===
L'équation ''(1)'' est dite du premier ordre<ref>Voir par exemple : C. Antonini, J.-F. Quint P. Borgnat, J. Bérard, E. Lebeau, E. Souche, A. Chateau, O. Teytaud, ''[http://www.les-mathematiques.net/a/a/k/node3.php3#aakb1 Équations différentielles d'ordre 1]'' Par le site mathématiques.net</ref> . Dans le cas général, une équation différentielle d'ordre ''n'' est du type<ref>{{BergerGostiaux1}} p 37</ref>, si ''g'' désigne une fonction définie sur un ouvert de <math> \mathbb{'''R}''' \timesdans ''E^''<sup>n </mathsup> :
<center><math>(2) \quad \frac {\mathrm d^n x}{\mathrm d t^n}(t) = g\left(t, x(t),\frac {\mathrm d x}{\mathrm d t}(t),\cdots, \frac {\mathrm d^{n-1} x}{\mathrm d t^{n-1}}(t)\right)</math></center>
 
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=== Équation différentielle autonome du premier ordre ===
 
Il existe un cas particulier, celui où la fonction ''f'' est définie sur un ouvert de ''E'' et non pas sur un ouvert de <math> \mathbb{'''R}''' \timesdans ''E </math>''. L'équation ''(1)'' s'écrit alors
<center><math>\dot{x}(t) = f(x(t))</math></center>
Ω désigne un ouvert de ''E'' et l'équation est dite [[équation différentielle autonome|autonome]]. Ce cas particulier est étudié pour les démonstrations.
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D'autres termes sont plus spécifiquement utilisés dans le contexte du théorème de l'article. L'équation différentielle ''(1)'' possède généralement plusieurs solutions. Pour cette raison, on ajoute parfois une condition particulière :
 
:* '''Une condition de Cauchy''' ''C'' est un couple (''t''<sub>0</sub>,&nbsp;''x''<sub>0</sub>) élément de Ω. Une fonction ''s'' définie sur un intervalle de <math>\mathbb{'''R}</math>''' et à valeurs dans ''E'' solution de l'équation ''(1)'' '''vérifie la condition de Cauchy''' ''C'' si, et seulement si, l'intervalle de définition de ''s'' contient ''t''<sub>0</sub> et ''s''(''t''<sub>0</sub>)&nbsp;=&nbsp;''x''<sub>0</sub>.
 
Résoudre le '''problème de Cauchy'''<ref>J. Mawhin, ''[http://archive.numdam.org/ARCHIVE/CSHM/CSHM_1988__9_/CSHM_1988__9__231_0/CSHM_1988__9__231_0.pdf Problème de Cauchy pour les équations différentielles et théorie de l'intégration : influences mutuelles]'', Cahier du séminaire d'histoire des mathématiques T 9, 1988, p 233</ref> consiste à trouver une solution de l'équation ''(1)'' vérifiant la condition de Cauchy ''C''. Cette définition est un peu intuitive. Si l'équation différentielle modélise un courant parcourant une étendue d'eau, c'est-à-dire qu'à l'instant ''t'' et au point ''x'' le courant est égal à ''f''(''t'',''p''), il est possible de poser dans l'eau un bouchon à l'instant ''t''<sub>0</sub> au point ''x''<sub>0</sub>, la trajectoire du bouchon est la solution de l'équation. Il existe bien une solution pour chaque couple (''t''<sub>0</sub>,&nbsp;''x''<sub>0</sub>) (qui peuvent d'ailleurs être confondues).
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=== Champ constant ===
[[File:Cauchy-Lipschitz-(4).jpg|180px|right]]
Dans cet exemple<ref>Il s'inspire du premier exemple donné par 1.2.4 : {{BergerGostiaux1}}</ref> ''E'' est égal à '''R'''<mathsup>\mathbb{R}^2</mathsup> le plan réel. L'équation différentielle est autonome, elle s'écrit ''x'&nbsp;''=&nbsp;''f''(''x)'' où ''f'' est la fonction constante de valeur le vecteur ''v'' de coordonnées (1,&nbsp;0). Le domaine Ω de la fonction ''f'' est l'ensemble des points de '''R'''<mathsup>\mathbb{R}^2</mathsup> est composé des points dont chaque coordonnée est, en valeur absolue, strictement plus petite que 3. Ce domaine est représenté par le carré bleu de la figure de droite. Une méthode de représentation de la fonction ''f'' consiste à dessiner les vecteurs ''f''(''x''), où ''x'' est un point du domaine, en plaçant leurs origines au point ''x''.
 
On recherche les solutions vérifiant la condition de Cauchy (0,&nbsp;''x''<sub>0</sub>), ici les coordonnées de ''x''<sub>0</sub> sont (-2,&nbsp;2). Une solution ''s'' est de la forme :
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=== Équation linéaire à coefficients constants ===
{{Article détaillé|Équation différentielle linéaire d'ordre deux}}
On considère encore une équation autonome, dont le domaine est cette fois <math>\mathbb{'''R}</math >''' tout entier :
<center><math>\frac {\mathrm d^2 x}{\mathrm dt^2} = x</math></center>
Une première difficulté apparaît. Le théorème de Cauchy-Lipschitz ne traite que des équations du premier ordre, c'est-à-dire ne faisant intervenir que la dérivée première et pas la dérivée seconde. En modifiant l'ensemble d'arrivée, il devient possible de transformer cette équation en équation du premier ordre. On considère maintenant l'endomorphisme ''f'' de '''R'''<mathsup>\mathbb{R}^2</mathsup>, qui à la base canonique (''e''<sub>1</sub>,&nbsp;''e''<sub>2</sub>) associe (''e''<sub>2</sub>,&nbsp;''e''<sub>1</sub>). Si ''v'' désigne la variable de la nouvelle équation différentielle, elle désigne une fonction de <math>\mathbb{'''R}</math>''' dans '''R'''<mathsup>\mathbb{R}^2</mathsup> et l'équation s'écrit :
<center><math>\frac {\mathrm d v}{\mathrm dt} = f(v)</math></center>
 
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<center><math>\begin{cases} \frac {\mathrm d x}{\mathrm dt} = y \\ \frac {\mathrm d y}{\mathrm dt} = x\end{cases}</math></center>
 
Autrement dit, la dérivée de la fonction ''x'' est égale à ''y'' et la dérivée de ''y'' est égal à ''x'', ce qui signifie que la dérivée seconde de ''x'' est égal à ''x''. La nouvelle équation est bien équivalente à l'ancienne. Sous cette nouvelle forme il est possible d'appliquer directement le théorème de l'article. Il indique que la condition de Cauchy s'exprime sous la forme de la valeur de ''x'' et de ''y'' (autrement dit la dérivée de ''x'') en un point particulier. Le théorème de Cauchy indique qu'il existe une unique solution maximale à l'équation, si l'on fixe une valeur de la fonction ''x'' ainsi que sa dérivée. Par exemple, si l'on choisit ''x''(0)&nbsp;=&nbsp;0 et ''x'&nbsp;''(0)&nbsp;=&nbsp;2, on trouve l'unique courbe intégrale maximale ''s'' définie sur <math>\mathbb{'''R}</math>''' par :
<center><math>\forall t \in \R\quad s(t) = \exp(t) - \exp(-t)</math></center>
 
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L'équation s'écrit aussi ''x'&nbsp;''= ''f''(''x'') avec ''f''(''x'')&nbsp;=&nbsp;''x''(1&nbsp;-&nbsp;''x''). Soit ''s'' la solution maximale. La fonction ''f'' est une fonction polynomiale de degré 2 (parabole) de [[zéro d'une fonction|zéros]] 0 et 1 et positive entre ses [[racine d'un polynôme|racines]]. Le théorème de l'article s'applique car ''f'' est dérivable donc localement lipschitzienne. On suppose que l'image par la fonction ''s'' n'est pas incluse dans l'intervalle ]0,&nbsp;1[. Toute fonction ayant pour image 1/2 et dépassant 1, passe nécessairement par la valeur 1, d'après le [[théorème des valeurs intermédiaires]]. Si une telle fonction était une solution, le point 1 contiendrait deux courbes intégrales : celle-là et la fonction constante égale à 1. L'unicité de la solution serait contredite. On peut appliquer le même raisonnement en 0. Le fait que ''s''(''t'') prenne ses valeurs entre 0 et 1 montre que sa dérivée est strictement positive, la solution ''s''(''t'') est strictement croissante.
 
Son domaine de définition est égale à <math>\mathbb{'''R}</math>'''. En effet, la fonction ''s'' est [[continuité uniforme|uniformément continue]] car sa dérivée est bornée, elle peut être prolongée par continuité à l'[[Adhérence (mathématiques)|adhérence]] de son domaine de définition. Cette prolongation est aussi une solution de l'équation, donc le domaine de définition est un fermé. Le théorème de l'article nous apprend qu'il contient la valeur 0 et qu'il est ouvert. Comme <math>\mathbb{'''R}</math>''' est [[connexité|connexe]] et que le seul ouvert fermé non vide d'un connexe est l'ensemble entier, le domaine de définition est égal à <math>\mathbb{'''R}</math>.'''
 
La fonction ''s'' est strictement croissante est bornée, elle admet une limite en <math>plus + \infty </math>l'infini, et donc sa dérivée aussi. La seule valeur limite possible de la dérivée est 0, ce qui montre que la seule limite possible de ''s''(''t'') est 1. Le même raisonnement montre que la limite en <math>moins - \infty </math>l'infini est 0. Enfin, on remarque que la fonction qui à ''t'' associe 1&nbsp;-&nbsp;''s''(-''t'') est une solution vérifiant la condition de Cauchy ''x''(''0'')&nbsp;=&nbsp;1/2. Le théorème de l'article permet d'en déduire que les deux fonctions sont égales, ce qui signifie que la fonction ''s''(''t'')&nbsp;-&nbsp;1/2 est impaire et que la valeur 0 est l'abscisse de l'unique [[point d'inflexion]] de la courbe. L'équation montre que la dérivée en 0 est égale à 1/4, ce qui permet d'établir son graphe, représenté à droite.
 
Dans le cas de l'exemple choisi, on peut résoudre l'équation différentielle<ref group="Note">Voir l'article détaillé</ref> et utiliser les méthodes classiques pour l'étude de la courbe intégrale, mais ce n'est pas toujours possible. Une équation différentielle n'a pas nécessairement des solutions s'exprimant sous la forme d'une expression algébrique construite à l'aide des fonctions élémentaires.
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{{Article détaillé|Théorème de Poincaré-Bendixson}}
[[File:Poincaré-Bendixon-(2).jpg|thumb|upright=1.2|Dans le plan, une [[équation différentielle autonome]] du premier ordre converge vers un point ou un cycle limite, à l'image de l'exemple illustré ici.]]
L'usage du théorème de l'article ne se limite pas à la résolution pratique des équations. Il sert aussi d'outil théorique, par exemple pour mieux comprendre le comportement quantitatif d'une équation différentielle. On peut considérer le cas d'une équation différentielle autonome dans '''R'''<mathsup>\mathbb{R}^2</mathsup> ayant une solution ''p'' périodique. La courbe intégrale est un [[lacet (mathématiques)|lacet simple]], c'est-à-dire que son graphe forme une boucle sans point double. Soit maintenant une condition de Cauchy ''C'' correspondant à un point à l'intérieur de la boucle. Le théorème de l'article indique que la courbe intégrale maximale ''s'' vérifiant ''C'' ne pourra jamais ''traverser'' la boucle, si la fonction ''f'' définissant l'équation est localement lipschitzienne. La courbe ''s'' est donc bornée et si l'on suppose que le domaine de ''f'' contient l'intérieur de la boucle, la courbe ''s'' ne s'approche jamais trop du bord du domaine. Ceci suffit à démontrer que le domaine de définition de ''s'' est <math>\mathbb{'''R}</math>''' tout entier.
 
Le théorème de Poincaré-Bendixson permet d'aller plus loin. Il indique que la courbe ''s'' est, soit convergente, soit sont comportement s'approche de plus en plus d'une fonction périodique. Cette configuration interdit la [[théorie du chaos]]<ref>S. Cantat, ''[http://math.univ-lyon1.fr/~benzoni/CantatJME3.pdf Théorème de Poincaré-Bendixson]'', École Normale Supérieure de Lyon Le journal de maths des élèves, Volume 1, 1995, No. 3</ref>.
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À la fin du {{XIXe siècle}}, [[Giuseppe Peano]], un mathématicien italien, s'interroge sur la pertinence des hypothèses du théorème de Cauchy-Lipschitz<ref>[[Giuseppe Peano|G. Peano]], ''Sull’integrabilità delle equazioni differenziali del primo ordine'', Atti Accad. Sci. Torino, 21, 1886, pp 677–685</ref> Que se passe-t-il, si la fonction ''f'', définissant l'équation ''(1)'' reste continue mais n'est pas localement-lipschitzienne par rapport à la deuxième variable ?
 
Une situation physique correspondant à cette configuration est une bille roulant sur l'arête d'un demi-cylindre, à l'image de la figure de droite. Pour obtenir des calculs plus aisés, on peut considérer un solide glissant sans frottement sur l'arête que forme le sommet d'un toit de pente constante. On obtient une équation différentielle autonome du premier ordre dans '''R'''<mathsup>\mathbb{R}^2</mathsup>, si on ne considère que les solutions qui penchent vers les valeurs positives de ''x'' :
 
<center><math>\begin{cases} \frac {\mathrm d x}{\mathrm dt} = \lambda \sqrt x \\ \frac {\mathrm d y}{\mathrm dt} = \mu\end{cases}</math></center>
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<center><math>\forall t \in \mathbb R \quad u_0(t) = \frac 12 \quad\text{et}\quad u_{n+1}(t) = \frac 12 + \int_0^t [u_n(\tau) - u_n^2(\tau)] \,\mathrm d \tau </math></center>
 
Sur l'intervalle [-5/2, 5/2], la suite (''u''<sub>n</sub>) [[Convergence uniforme|converge uniformément]]. Sa limite est un point fixe de la fonction φ qui à une fonction continue ''f'' de [-5/2,&nbsp;5/2] dans <math>\mathbb{'''R}</math>''' associe la fonction φ<sub>f</sub> :
<center><math>\varphi_f(t) = \frac 12 + \int_0^t [f(\tau) - f^2(\tau)] \,\mathrm d \tau </math></center>
 
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=== Équation différentielle non autonome ===
À l'aide d'un habile jeu d'écriture<ref>Voir : {{BergerGostiaux1}} p 49. Attention, cette référence ne traite pas le cas où ''f'' est uniquement localement lipschitzienne par rapport à la deuxième variable.</ref>, il est possible de généraliser le cas particulier précédent aux équations dépendantes du temps. On considère maintenant l'équation ''(1)'' du théorème, associée à la condition de Cauchy ''C''. Soit ''g'', la fonction de Ω dans l'[[espace de Banach]] <math>\mathbb{'''R}''' \timesdans ''E</math>'', définie par :
<center><math>\forall y \in \Omega \quad g(y) = (1, f(y))\quad\text{avec}\quad y = (t,x)</math></center>
 
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L'énoncé du théorème de l'article ne se déduit pas immédiatement de ce calcul. Le théorème général ne suppose pas que ''f'' est localement lipschitzienne, mais uniquement que ''f'' continue et localement lipschitzien par rapport à la deuxième variable<ref>On trouve l'étude du théorème à l'aide de ces hypothèses dans : D. J. Mercier, ''L'épreuve d'exposé au CAPES mathématiques, Volume II '' Publibook (2006) {{ISBN|2748330013}} p 354</ref>. En fait, pour se rendre compte que ces hypothèses suffisent, il suffit de remarquer que le caractère lipschitzien n'intervient qu'à deux endroits, dans la démonstration.
 
Dans un premier temps, il apparaît nécessaire que l'image par ''g'' de la boule ''B'' soit majorée. Remarquons tout d'abord, avec les notations des paragraphes précédents, que la fonction de [-''b'',&nbsp;''b''] dans Ω, qui à ''t'' associe ||''f''(''t'',&nbsp;''x''<sub>0</sub>)|| est continue définie sur un [[espace compact|compact]] et à valeurs dans '''R'''<mathsup>\mathbb{R}^+</mathsup>, elle est donc majorée. Soit ''m''<sub>1</sub> un tel majorant. Montrons maintenant que ''g'' est borné sur ''B''. Soit ''y'' égal à (''t'',''x'') un point de ''B'' :
<center><math>\|g(y)\| \le \|g(y_0)\| + \|g(y_0) - g(y)\| \le \|g(y_0\| + \|f(t_0, x_0) - f(t,x_0)\| + \|f(t,x_0) - f(t,x)\| \le \|g(y_0)\| + m_1 + ka</math></center>