Affaire de Jeufosse

affaire criminelle jugée dans l'Eure
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« Le 12 juin 1857, vers 10 heures du soir, un coup de feu retentissait dans le parc du château De Jeufosse »[1]. L'affaire De Jeufosse est une affaire criminelle française dans laquelle Jean Baptiste Leufroy Crépel, garde-chasse de la famille De Jeufosse a tué Émile Guillot à Saint-Aubin-sur-Gaillon dans l'Eure. Émile Guillot, poursuivant de ses assiduités la fille de la famille De Jeufosse, s'introduisait régulièrement dans la demeure familiale. La nouvelle fait grand bruit dans la région, madame De Jeufosse, ses fils et le garde Crépel sont aussitôt conduits à la prison de Louviers.

Affaire De Jeufosse
Titre Affaire De Jeufosse
Fait reproché Assassinat
Pays Drapeau de la France France
Ville Saint-Aubin-sur-Gaillon
Type d'arme Fusil de chasse
Date 12 juin 1857
Nombre de victimes 1
Jugement
Statut Affaire jugée : accusés acquittés le
Tribunal Cour d'assises de Rouen
Date du jugement
Plan consultable aux archives départementales de l'Eure à Évreux

Cette affaire sert de base au concours de plaidoirie de l'académie de Rouen « Effets de manches et fait d'archives »[2], organisé par la délégation académique à l’action culturelle, en collaboration avec les archives départementales de l'Eure et la cour d’appel de Rouen.

Les faits

Les relations entre les familles Guillot et de Jeufosse

La famille De Jeufosse et la famille Guillot étaient voisines.

Leurs rapports de voisinage commencèrent en 1855, par la visite d'un ami en commun. Ensuite cela se transformait en dîners pour, par la suite, créer une véritable relation amicale. Émile Guillot devint un bon camarade des fils De Jeufosse qui l’invitaient souvent pour des parties de chasse.

Dans le courant de l'année 1856, les deux familles s'étaient réunies pas moins de 106 fois[1].

Mais les rumeurs arrivaient vite. Ainsi entendait-on que l'institutrice de Blanche, Laurence Chouzery, aurait quelques aventures avec Guillot . Malgré cela, Mme De Jeufosse faisait bonne figure et faisait semblant de ne rien entendre, de ne rien croire.

Dans le milieu de l'année 1856, Guillot cessait de s'adresser à l'institutrice pour s'occuper de Blanche De Jeufosse, la jeune fille du château. Ils passaient des heures ensemble, faisaient de la musique. Guillot n'épargnait pas ses propos de galanterie envers cette jeune femme. Celle-ci n'en fît ni confidence à sa mère, ni à quiconque[1].

À partir de là, Blanche De Jeufosse devint rêveuse, distraite, agitée alors qu'elle était calme et réservée jusqu'à être froide.

Laurence Chouzery avait alerté madame De Jeufosse au sujet de Blanche, de son changement d'attitude ou encore de ses relations avec Guillot. Des soirs, Blanche quittait la table pour se rendre dans le parc. Cela irrita sa mère ce qui causa, au mois de janvier 1857, la fin de l'amitié de la famille De Jeufosse et la famille Guillot .

Les visites nocturnes au château

Document consultable aux archives départementales de l'Eure à Évreux

Émile Guillot, entre 21 et 22 heures, s'introduisait dans le parc pour tenter de séduire Blanche de Jeufosse. Celui-ci déposait chaque nuit, un billet doux[3] entre deux briques placées au pied d'un arbre de la propriété, destiné à Blanche de Jeufosse. Émile Guillot était loin de se faire discret de ses visites nocturnes. Partout il en parlait et se faisait presque toujours accompagner par son domestique.

Un soir, Jean Baptiste Crépel, garde particulier de Madame de Jeufosse, posté près d'un sapin garni de branches allongées et d'un feuillage épais qui permettait de voir sans être vu, avait aperçu Émile Guillot dans le parc[1]. Le 12 juin 1857, vers 22 heures, un coup de feu retentissait dans le parc du châteaux de Jeufosse à Aubevoye.

La soirée du 12 Juin 1857

Schéma de distribution des blessures consultable aux archives départementales de l'Eure à Évreux

Dans la soirée du 12 Juin 1857, un meurtre s'est produit dans la demeure de la famille De Jeufosse à Saint-Aubin-sur-Gaillon. L'assassinat a été commis par Jean Baptiste Crépel le garde chasse à l'encontre d'Émile Guillot. C'est un acte qui a été commis avec préméditation dans la cour de la propriété familiale.

Le soir du meurtre, Guillot s'est introduit dans la demeure de la famille De Jeufosse sans autorisation. Le garde de chasse Jean Baptiste Crépel, a promis aux membres de la famille de les protéger en cas de besoin. Ce soir-là, les femmes étaient seules dans la demeure. Pour cette raison, le garde de chasse devait à tout prix assurer la sécurité de la famille.

C'est à ce moment là qu'Émile Guillot intervint dans la cour de la demeure en sautant le mur de la propriété. Jean Baptiste Crépel aperçut alors Émile Guillot qui avançait vers la demeure dans la nuit. Avec peu de visibilité, Jean Baptiste Crépel a fait des sommations pour tenter de l'arrêter mais Émile Guillot ne l'écouta pas et continua d'avancer. Jean Baptiste Crépel visa et tira sur Émile Guillot avec son fusil de chasse[4]. Émile Guillot reçut 8 balles de chevrotine[5] dont une qui lui fut fatale.

Le soir du meurtre, Jean Baptiste Crépel dira avoir tiré sur Émile Guillot pour protéger la famille de Jeufosse.

Les protagonistes

Émile Guillot

Émile Guillot a été assassiné le 12 juin 1857 par Jean Baptiste Crépel, le garde-chasse de la famille De Jeufosse . Il était père de famille et habitait à Aubevoye avec ses 2 enfants et sa femme. Il fut un temps un ami proche de la famille De Jeufosse mais les relations se sont dégradées par la suite.

Il était issu d'un milieu aisé, partageant sa fortune avec bonté et bienveillance, il était apprécié des autres même s'il manquait de discrétion et avait de nombreuses aventures extra-conjugales qui nuisaient à sa réputation[1].

Jean Baptiste Crépel

Jean Baptiste Crépel avait 43 ans au moment des faits. Il était le garde particulier des propriétés de Madame de Jeufosse à Saint-Aubin-sur-Gaillon, arrondissement de Louviers.

Dans cette affaire, Jean Baptiste Crépel a suivi les ordres de Madame De Jeufosse et a tué Émile Guillot à l'aide de 8 balles de chevrotine tirées avec un fusil de chasse[4]. Il est accusé d'avoir assassiné Émile Guillot.

Élisabeth De Jeufosse

Élisabeth De Jeufosse (Elisabeth Augustine de Beauvais) est la veuve de Joseph Alexandre De Jeufosse. Elle est née le 25 janvier 1808 à Sainte Croix sur Buchy , arrondissement de Rouen. Elle est la propriétaire du château De Jeufosse à Saint Aubin sur Gaillon dans l'Eure . Elle a deux fils et une fille. Cette dernière est une des actrices principales de l'affaire car Madame De Jeufosse a remarqué que Émile Guillot, la victime, rodait autour de sa fille et cachait des billets doux sous un rocher[6]. Elle décida en premier lieu de dire à Guillot qu'il n’était plus le bienvenu et alla même prévenir sa femme qu'il y avait des rumeurs à propos de son mari. C'est pour cela qu'elle enjoignit le garde chasse Jean Baptiste Crépel pour qu'il fasse tout pour qu'Émile Guillot ne s'approche plus de la propriété et de sa progéniture. Au mois de janvier 1857 les relations qui avaient commencer entre les deux familles en 1855 cessèrent. Émile Guillot continua de venir en cachette. Madame De Jeufosse, soucieuse et angoissée du mal qui pourrait être fait à sa famille, est même allée jusqu'à mentir à Jean Baptiste Crépel en lui disant que selon les dires du Procureur Impérial ,s'il tirait il ne lui arriverait rien. Elle n’arrêta pas d'activer le zèle du garde chasse jusqu'à la nuit fatidique. Elle est accusée d'avoir le 12 juin 1857 incité Crépel à commettre volontairement un homicide sur la personne de Émile Guillot.

Ernest De Jeufosse

Ernest De Jeufosse est né le 24 Septembre 1832, à Saint Aubin sur Gaillon. Il est le premier fils de Madame De Jeufosse. Le 17 Mars 1857, il écrivait à Émile Guillot une lettre qui a été interceptée par Mme Guillot, dans laquelle on trouve ce passage : « J'apprends que il y a à Jeufosse des revenants et des loups-garous ... je vous préviens que j'ai donné des ordres pour qu'on leur tire dessus, promettant une récompense honnête à qui les toucherait. »[1] En effet, Ernest De Jeufosse avait adressé au garde Crépel une lettre qui n'a pas été conservée, « mais sur les termes et sur le sens de laquelle sont à peu près d'accord et celui qui l'a écrite et celui qui l'a reçue. »[1] « J'entends dire qu'on rôde la nuit autour du château, c'est une lâchetée de ta part de ne pas empêcher cela. Il faut tirer un coup de fusil sur celui qui fait cela, si j'y étais je le ferais, tu dois me remplacer. »[1] Enfin le 19 Mai 1856, une entrevue avait été convenue entre Émile Guillot et Ernest De Jeufosse. Elle fut fixée chez Monsieur Oscar du Bazé, parent de ce dernier, et elle devait avoir lieu en présence de Monsieur Tripet, ami commun des deux familles. Ernest De Jeufosse, avant de s'y rendre, avait déjeuné chez Monsieur Buet, ancien notaire à Gaillon, il en était sorti dans un état voisin de l'ivresse, plusieurs fois sur la route il était tombé de cheval et il arriva les vêtements en désordre.

Ernest De Jeufosse est accusé d'avoir le 12 juin 1857 incité Crépel à commettre volontairement un homicide sur la personne de Émile Guillot[1].

Albert De Jeufosse

Albert De Jeufosse est né le 6 Décembre 1835, à Saint Aubin sur Gaillon. Il est le second fils de Madame De Jeufosse. Il ne resta de son coté inactif. Ayant passé quelques jours au château dans le courant du mois d'Avril, il avait fait lui même le guet pendant plusieurs nuits, puis en partant il dit à Jean Baptiste Crépel : « Veille bien, n'ai aucun ménagement fait ce que j'aurais fait moi même, donne un coup de fusil à celui que tu verras. »[1] Au moment où Jean Baptiste Crépel se fait arrêté, Albert, ne pouvant se contenir, dit avec une grande animation: « Il reste peu de bons domestiques, voyez ce qui leur arrive quand ils font leur devoir, j'en eusse pourtant fait tout autant à sa place. »[1]

Albert De Jeufosse est accusé d'avoir le 12 juin 1857 incité Crépel à commettre volontairement un homicide sur la personne de Émile Guillot[1].

Blanche de Jeufosse

Blanche de Jeufosse est née en 1838. Dans les années 1857, elle se faisait harcelée par Monsieur Émile Guillot, qui était son voisin. Celui-ci s'est fait tué par le garde-chasse Crépel, pour avoir pénétré à plusieurs reprises la demeure de la famille De Jeufosse.

Blanche De Jeufosse était une musicienne travaillant des heures pour améliorer son niveau. C'était une personne assez calme, discrète, réservée, se rapprochant ainsi de la froideur[1].

Laurence Chouzery

Mademoiselle Laurence Chouzery âgée de 20 ans est l'institutrice de Blanche De Jeufosse depuis 1856. Elle a eu une relation amoureuse avec Émile Guillot qui était un des voisins de la famille De Jeufosse[1]. Il lui laissait des mots doux dans le parc du château. Elle a subit des harcèlements par Émile pendant près d'un an. Au milieu de l'année de 1856, Émile Guillot arrêta les harcèlements envers Laurence et se mit à faire des avances à Blanche de Jeufosse.

Désiré Gros Crépel

Désiré Gros est le domestique d’Émile Guillot. Le jour du meurtre, il a accompagné son maître dans la propriété de la famille De Jeufosse, Là, il entendit ces mots : « Halte-là tu es mort »[7], puis une détonation d'arme à feu.

Il a découvert son maître à terre, et en derniers mots il lui annonça que le tueur était le garde de chasse Jean-Baptiste Crépel.

Le procès

Le verdict est prononcé le 18 décembre 1857 par le président Bernier. Il abrégea la lecture et prononça le mot libérateur:

« Sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les Hommes, la déclaration du jury est : Non, sur toutes les questions. »[8]

Tous les accusés furent acquittés.

Notes et références

  1. a b c d e f g h i j k l m et n Acte d'accusation du 28 novembre 1857 disponible aux archives départementales de l'Eure à Évreux sous la cote 2 U 26 pièce 258
  2. Académie de Rouen, « Effets de manches et fait d'archives », Académie de Rouen,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Le billet doux du 12 juin 1857 est disponible aux archives départementales de l'Eure à Évreux sous la cote 2 U 26 pièce 122
  4. a et b Procès-verbal de l’interrogatoire de Jean-Bapstiste Crépel du 16 juin 1857 disponible aux archives départementales de l'Eure à Évreux sous la cote 2 U 26 pièces 11 et 12
  5. Distribution des blessures pour l'intelligence du rapport établit en juin 1857 consultable aux archives départementales de l'Eure à Évreux sous la référence 2U26 pièce 113.
  6. Procès-verbal de l'nterrogatoire d'Élisabeth De Jeufosse du 13 juin 1857 disponible aux archives départementales de l'Eure à Évreux sous la cote 2 U 26 pièce 15
  7. Procès-verbal de l’interrogatoire de Désiré Gros Crépel du 13 juin 1857 à quatre heures du matin disponible aux archives départementales de l'Eure à Évreux sous la cote 2 U 26 pièce 3
  8. Michel de Decker, La bête noire du château de Jeufosse, Éditions Bertout, (ISBN 2-86743-256-1)