Yves Winkin

Professeur et sociologue belge
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Yves Winkin, né le 29 janvier 1953, est un universitaire belge. Il a contribué à introduire dans le monde francophone plusieurs courants d’idées des sciences humaines et sociales américaines qu’il a intégrés dans une « anthropologie de la communication » fondée sur une démarche ethnographique[1]. Professeur à l’Université de Liège, puis à l’École normale supérieure de Lyon et enfin au Conservatoire national des arts et métiers de Paris. Il a été directeur délégué à la culture scientifique et technique, directeur du musée des Arts et Métiers de janvier 2015 à janvier 2019. Il a reçu un doctorat honoris causa de l’Université du Québec à Trois-Rivières en 2022[1].

Yves Winkin
Description de l'image Yves Winkin.jpg.

Naissance (71 ans)
Verviers (Belgique)
Nationalité Drapeau de la Belgique Belgique
Domaines Sciences de l'information et de la communication
Institutions Conservatoire national des arts et métiers
Institut français de l'Education ex-INRP
École normale supérieure de Lyon
École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud (Lyon LSH)
Diplôme Université de Liège, Université de Pennsylvanie; Distinction: Doctorat Honoris Causa, Université du Québec, proposé par l'Université du Québec à Trois-Rivières

Formation

Yves Winkin a reçu une formation en philosophie (1972-1974) et en sciences de l’Information et de la Communication (1974-1976)[2]. Il a ensuite obtenu un Master of Arts in Communication à l’Annenberg School for Communication de l’Université de Pennsylvanie (1979)[3]. En février 1982, il a reçu le premier doctorat en Information et Arts de Diffusion de l’Université de Liège pour une thèse intitulée : La communication : de l’interaction à l’institution. Approche ethnographique d’une Maison internationale d’étudiants aux États-Unis.[2]

Carrière

Durant les années 1980-1990, Yves Winkin a travaillé à l’Université de Liège[4] où il a enseigné l’anthropologie de la communication et créé un « Laboratoire d’anthropologie de la communication ».

Il a rejoint l’École normale supérieure de Lyon[2] en 1999. Il en a été directeur adjoint en charge de la recherche et des relations internationales de 2006 à 2010[5]. Puis directeur de l’Institut français de l’Éducation[6],[7], une composante de l’École Normale Supérieure de Lyon issue de l’Institut national de recherche pédagogique, entre 2011 et 2012. À l’École Normale Supérieure de Lyon, il a créé une Équipe d’accueil, « Communication, Culture et Société »[8].

En 2014, il a rejoint le Conservatoire national des arts et métiers[9].

Entre 2008 et 2018, il a enseigné à l’Université de Liège comme professeur extraordinaire avant de devenir émérite[10].

Il a par ailleurs enseigné sur invitation dans différentes universités telles que l’Université du Wisconsin-Parkside[11] , l’Université du Québec à Montréal[12] l’EHESS (à l'invitation de Pierre Bourdieu) [13],[14] ou encore à l’Université de Californie à Berkeley[12].

Sujets de recherche

L'anthropologie de la communication

Yves Winkin est d'abord connu pour sa contribution aux théories de la communication[15] et pour son élaboration d'une anthropologie de la communication[16].  Dans La Nouvelle Communication, il propose une métaphore éclairante sur ces types de communication, dans le contraste entre l’ancienne communication « télégraphique » de la transmission des signaux entre émetteur et récepteur et la nouvelle communication « orchestrale ». L’ancienne communication, dite télégraphique, est celle qui suit le « paradigme de Laswell » : « qui dit quoi, par quel canal, à qui et avec quel effet ? » La « nouvelle communication », dite orchestrale, est celle où tous sont immergés dans la communication et chacun jouant sa partition, comme membre d’un orchestre, dans une symphonie du même ton ou dans un concerto de la lutte d’un instrument contre tous les instruments de l’orchestre. À la lumière de cette métaphore, la communication non-verbale (CNV) et la communication verbale jouent la partition des instruments à corde et des instruments à vent, les uns surlignant les autres et réciproquement, comme les gestes par rapport aux paroles dans une conversation.

Erving Goffman

Yves Winkin se consacre depuis le début des années 1980 à reconstituer la trajectoire intellectuelle et sociale du sociologue américain Erving Goffman[17]. Il a séjourné dans tous les lieux qui ont compté dans la vie de Goffman, de sa ville natale aux campus des universités de Chicago, Berkeley et Pennsylvania. Il s’est rendu sur deux de ses trois grands terrains : l’île de Unst et l’hôpital St.Elizabeths à Washington ( les casinos de Las Vegas et de Reno où Goffman a réalisé son troisième grand terrain se sont avérés impossibles à identifier). Il s’est entretenu en tête à tête avec une centaine d’amis, de collègues, de connaissances de Goffman. Il en a résulté un livre en 1988 (Les Moments et leurs hommes), un livre avec Wendy Leeds-Hurwitz en 2013 (Erving Goffman: A Critical Introduction to Media and Communication Theory), ainsi que de nombreux articles. En 2022, pour célébrer le centenaire de la naissance de Goffman et le quarantenaire de sa mort, il publie D'Erving à Goffman. Une œuvre performée ?[18] Ses travaux sur Goffman sont très utilisés en Europe[19], aux États-Unis[20] et en Amérique latine[21].

L'enchantement

Yves Winkin travaille également à construire une « anthropologie de l’enchantement ». Par enchantement, il entend l’emboîtement d’un dispositif et d’une disposition résultant en une « suspension volontaire de l’incrédulité », selon la formule du poète anglais William Coleridge (1817). Le « dispositif », c’est tout lieu qui accueille des participants qui viennent avec une certaine « disposition ». L’exemple le plus frappant, c’est Disneyland. D’un côté une énorme machinerie, gérée par des « ingénieurs de l’enchantement » ; de l’autre, des visiteurs, qui sont prêts à se laisser immerger, tout en se disant : « je sais bien, mais quand même », qui est une formulation de la dénégation proposée par le psychanalyste français Octave Mannoni[22]. Cette approche de l’enchantement s’est révélée opératoire dans des domaines aussi différents que les interactions avec les dauphins[23], la marche urbaine[24], le tourisme[25],[26] ou encore l’apprentissage de l’informatique par les enfants[27]. Un colloque a été organisé au Centre culturel international de Cerisy-la-salle en juillet 2021 pour comparer les terrains, les méthodes et les variations autour du concept[28].

La marche urbaine

Le plus souvent en collaboration avec Sonia Lavadinho, Yves Winkin a proposé une série de textes programmatiques sur l’avenir de la marche urbaine dans des revues comme Urbanisme[29], des actes de colloque[30] ou dans un livre à destination des agences d’urbanisme[31]. Combinant ses intérêts pour les terrains urbains, ses recherches sur Goffman et ses élaborations de la notion d’enchantement, il a tenté d’offrir à des professionnels de la ville une vision à court et moyen termes de la marche comme mode de déplacement. Nombre des propositions énoncées par Lavadinho et Winkin dans les années 2010 sont aujourd’hui reprises dans des forums publics comme les Assises de la marche[32].

Les musées

Dans Réinventer les musées ? paru en 2020 chez MkF éditions, Yves Winkin nous rappelle qu'en apparence tout va bien : il n’y a jamais eu autant de musées en France et jamais autant de monde dans les musées. Mais le succès de quelques grands musées ne cachent-ils une réalité plus complexe ? En France, une grande hétérogénéité de petits musées sont uniquement fréquentés par des groupes scolaires ou du troisième âge, des musées sans moyens dont l'animation ne repose que sur leurs collections. En repartant des résultats de la mission du Ministère de la Culture « Musées du XXIe siècle » qui offrait de multiples pistes d’action, Yves Winkin propose au lecteur de prolonger cette réflexion en l'enrichissant de son  expérience d’anthropologue de la communication et de directeur de musée[33],[34],[35]. Il participe notamment à remettre en lumière le modèle prometteur des écomusées[36].

Publications

Livres

  • Yves Winkin et Pascal Durand, Marché éditorial et démarches d'écrivains. Un état des lieux et des forces de l'édition littéraire en Communauté française de Belgique, Bruxelles, Éditions du Ministère de la culture, .
  • Yves Winkin, E. Barchechath et R. Magli, Comment l’informatique vient aux enfants. Pour une approche anthropologique des usages de l’ordinateur à l'école, Paris, Editions des Archives Contemporaines, .
  • Yves Winkin et Sonia Lavadinho, Vers une marche plaisir en ville: boîte à outils pour augmenter le bonheur de marcher, Lyon, Editions du CERTU (Centre d’Etudes sur les Réseaux, les Transports et l’Urbanisme), .
  • Yves Winkin et Wendy Leeds-Hurwitz, Erving Goffman: A critical introduction to media and communication theory., New York, Peter Lang, .
  • Yves Winkin, Ré-inventer les musées? : [suivi d'un dialogue avec Milad Doueihi sur le musée numérique], (ISBN 979-10-92305-60-9, OCLC 1155808647, lire en ligne)
  • Yves Winkin, D'Erving à Goffman : [une œuvre performée ?], copyright 2022 (ISBN 979-10-92305-89-0, OCLC 1350349523, lire en ligne)

Liens externes

Notices

Pages personnelles

Références

  1. a et b Jean-François Hinse, « Un doctorat honoris causa pour trois hommes d’exception », sur Université du Québec à Trois-Rivières, (consulté le )
  2. a b et c (en) Joint Research Institute for Science and Society, « Yves Winkin: Curriculum Vitae November 2010 », sur Joint Research Institute for Science and Society, (consulté le )
  3. (en) University of Pennsylvania, « Commencement program May 1980 » [PDF], sur University of Pennsylvania Archives, (consulté le )
  4. Université de Liège, « WINKIN Yves », sur Université de Liège (consulté le )
  5. Fédération internationale des Ceméa, « L’institut Français de l’education [IFE] [Ex-INRP, Institut National de Recherches Pédagogiques] créé lundi 18 Avril 2011. », sur Fédération internationale des Ceméa, (consulté le )
  6. ENS de Lyon, « Agenda de l'ENS de Lyon », sur ENS de Lyon, (consulté le )
  7. Olivier Rey, « L’Institut français de l’Éducation est créé », sur Hypotheses, (consulté le )
  8. ENS de Lyon, « Communication, Culture et Société (UMR 8562) », sur ENS de Lyon, (consulté le )
  9. Conservatoire National des Arts et Métiers, « L’abbé Grégoire et la transmission des savoirs: tradition et modernité », sur Conservatoire National des Arts et Métiers, (consulté le )
  10. Université de Liège, « Yves Winkin », sur Université de Liège (consulté le )
  11. (en) Wendy Leeds-Hurwitz, Internationalizing the communication curriculum in an age of globalization, New York, P. K. Turner, S. Bardhan, T. Q. Holden & E. M. Mutua, , 11 p. (ISBN 9781032400884), « The value of a Fulbright: Internationalizing education one person at a time », p. 196
  12. a et b (en) Center for Intercultural Dialogue, « Yves Winkin Profile », sur Center for Intercultural Dialogue, (consulté le ).
  13. Yves Winkin, « Hommage à: Pierre Bourdieu (1930-2002). Fragments d'un portrait. », Hermes, vol. 32-33,‎ , p. 575-579
  14. Yves Winkin, Rencontres avec Pierre Bourdieu, Bellecombe-en-Bauges, Editions du Croquant, (ISBN 2914968132), « Bourdieu entraîneur », p. 265-269
  15. Yves Winkin, « Communication », sur Encyclopédie Universalis (consulté le )
  16. Voir l'ouvrage Anthropologie de la communication (ISBN 978-2020402842)
  17. La Grande table par Caroline Broué, « Qui était Erving Goffman ? », sur France Culture, (consulté le )
  18. Yves Winkin, D'Erving à Goffman. Une oeuvre performée ?, Paris, MkF, (ISBN 979-1092305890)
  19. Loic Wacquant, « « L’ »habitus » de Goffman. A propos de « Les Moments et leurs hommes » », Cahiers Internationaux de Sociologie, LXXXV,‎ , p. 365-370
  20. Bennetta Jules-Rosette, « Review of Les Moments et leurs hommes », Contemporary Sociology, 19-1,‎ , p. 109-110
  21. traduit en portugais dans E. Gastaldo, « Erving Goffman : what is a life ? The uneasy making of an intellectual biography. », Desbravador do Cotidiano, Porto Alegre, Tomo Editorial,‎ , p. 13-36
  22. Octave Mannoni, « Je sais bien, mais quand même », Paris, Clefs pour l’Imaginaire ou l’Autre Scène - Editions du Seuil, , p. 9-33
  23. Arnaud Halloy et Véronique Servais, « Enchanting gods and dolphins. A cross-cultural analysis of uncanny encounters », Ethos, 42-4,‎ , p. 479-504
  24. Sonia Lavadinho et Yves Winkin, « Enchantment Engineering and Pedestrian Empowerment: The Geneva Case », in Tim Ingold & Jo Lee Vergunst, eds., Ways of Walking. Ethnography and Practice on Foot, Aldershot, Ashgate,‎ , p. 155-167
  25. Bertrand Réau et Franck Poupeau, « L’enchantement du monde touristique », Actes de la recherche en sciences sociales, N°170,‎ , p. 4-13
  26. Kotsi, Filareti, La communication enchantée. Une anthropologie réflexive du tourisme religieux autour du Mont Athos (Grèce), Ecole normale supérieure de Lyon, thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication,
  27. E. Barchechath, R. Magli, Y. Winkin, Comment l’informatique vient aux enfants. Pour une approche anthropologique des usages de l’ordinateur à l'école, Paris, Editions des Archives Contemporaines,
  28. Rachel Brahy, Jean-Paul Thibaud, Nicolas Tixier, Nathalie Zaccaï-Reyniers, « L’enchantement qui revient », Colloque du CCIC, 6 au 13 juillet 2021.
  29. Sonia Lavadinho, Yves Winkin, « Du marcheur urbain », Urbanisme N° 359,‎ , p. 44-49
  30. Yves Winkin, « Les vieux qui marchent (encore). Auto-ethnographie prospective », in Sabine Chardonnet-Darmaillacq, dir.publ., Le Génie de la marche. Poétique, savoirs et politiques des corps mobiles, Paris, Hermann, 2016, p. 389-394.
  31. Sonia Lavadinho et Yves Winkin,  Vers une marche plaisir en ville: boîte à outils pour augmenter le bonheur de marcher, Lyon,  Editions du CERTU (Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports et l’Urbanisme), 2012.
  32. Premières assises de la Marche en Ville, Marseille, 17 septembre 2021.
  33. Le Temps du débat par Emmanuel Laurentin, « Faut-il en finir avec les grandes expositions ? », sur France Culture, (consulté le )
  34. Yves Winkin, « Faire sortir les musées français de leurs cadres », sur Mondes Sociaux, (consulté le )
  35. Florence Andreacola, « Réinventer les musées ? », sur Open Edition Journal (consulté le )
  36. Les musées du XXIe siècle seront des écomusées, « Diacritik », sur Diacritik, (consulté le )