Strioscopie
La strioscopie (ou méthode « schlieren »[1]) est une méthode optique de visualisation qui permet d'isoler dans une image les détails et petites variations, notamment des faibles variations d'indice de réfraction comme lors de la compression de l'air ou d'autres fluides. Elle est largement utilisée en aéronautique, bien que son rôle devienne de moins en moins important du fait du développement des simulations de mécanique des fluides par ordinateur.
On peut parfois remarquer les troubles dans l'air au-dessus des radiateurs ou du goudron chaud : la strioscopie permet de visualiser ce type de turbulences avec une bonne précision. En optique, elle donne également lieu à des expériences didactiques spectaculaires, comme la mise en relief d'empreintes sur une plaque de verre ou encore la visualisation de la dissolution du sucre dans l'eau.
D'une manière imagée, l'idée fondamentale de cette méthode est de retirer la lumière qui n'a pas été déviée par l'objet (par exemple le fluide étudié). En effet, seuls les rayons déviés par celui-ci correspondent à des turbulences (ou fréquences spatiales hautes en optique). Pour réaliser cela, il faut d'abord réaliser une image de la source de lumière à l'aide d'une lentille convergente. À l'endroit précis de l'image géométrique passent les rayons qui n'ont pas subi de déviation (fréquences spatiales nulles). On les élimine avec un filtre. Les autres rayons (qui ont été déviés) ne sont pas focalisés au même endroit et peuvent donc passer afin de former une image filtrée. En résumé, on élimine le fond continu de l'image et, conséquemment, les détails ou turbulences de l'objet, qui étaient « noyés » dans ce fond continu, ont un contraste grandement amélioré.
Dans l'exemple des turbulences d'un fluide, l'image formée est noire en absence de turbulence, et lumineuse aux endroits turbulents.
Invention
modifierLa strioscopie est inventée par les physiciens Léon Foucault en 1859[2][réf. à confirmer] et August Toepler (en) en 1864[3] pour étudier le mouvement supersonique.
Elle est parfois appelée « schlieren », de l'allemand Schliere, « traînée »[4].
Depuis, cette technique est couramment utilisée dans l'ingénierie aéronautique pour photographier les écoulements autour d'objets.
Principe
modifierLe schéma suivant résume cette méthode. Le filtre utilisé est simplement un point, un fil de fer, ou une lame ("couteau de Foucault").
La strioscopie est une application du filtrage spatial en optique de Fourier. En effet, la diffraction de Fraunhofer nous indique que la lentille crée, dans son plan focal image, la transformée de Fourier de l'objet en question. On visualise ainsi, dans ce plan, les fréquences spatiales associées à l'objet, et le filtre cité plus haut est placé dans ce même plan afin d'éliminer certaines de ces fréquences spatiales. Cette interprétation ondulatoire de la strioscopie la rend comparable à un filtrage passe-haut.
On suppose que l'objet a une transmission dans le plan de l'objet défini par les axes et . En supposant l'amplitude du front d'onde est uniformément répartie et égale à avant d'avoir traversé l'objet, par définition, l'amplitude du front d'onde après traversée de l'objet sera :
.
Donc d'après le résultat fondamental de l'optique de Fourier, l'amplitude du signal dans le plan de Fourier sera proportionnelle à
avec la distance entre l'objet et le plan de Fourier. On peut alors visualiser sur un écran ou avec une caméra (auquel cas on utilisera une lentille pour projeter l'image de l'objet sur cette caméra).
Dans le cadre de la strioscopie, les objets à étudier sont transparents et n'ont donc d'effet sur le front d'onde qu'en décalage de phase. La transmission de l'objet s'écrit ainsi :
.
Dans le cadre des petites variations de phase on peut approximer cette expression par
d'où dans le plan de Fourier l'amplitude de front d'onde :
où est la fonction de Dirac (un pic fin à ).
Le filtrage par strioscopie consiste à cacher cet ordre 0 de la figure de diffraction, soit l'image géométrique de la source par la lentille. Dans le plan de l'image de l'objet, sur l'écran, l'amplitude du front d'onde sera alors :
avec le grandissement total du système optique entre le plan objet et l'écran. L'éclairement dans le plan de l'écran, donné par le module au carré de l'amplitude, sera donc de la forme :
[5].
La strioscopie permet ainsi de visualiser une image proportionnelle au carré du déphasage. Elle met en évidence de faibles déformations de front d'onde introduites par l'objet, sans toutefois permettre de connaître leur signe.
Notes et références
modifier- Jean-Pierre Prenel et Paul Smigielski, « Strioscopie », sur Techniques de l'ingénieur, (consulté le ).
- Slangen 2013.
- Hoerner 1965, p. 1-5.
- « schlieren », sur fr.pons.com, Pons-Verlag (consulté le ).
- Hervé Sauer et Joëlle Surrel, « Description du filtrage de la strioscopie », Techniques microscopiques, sur optique-ingenieur.org (consulté le ).
Bibliographie
modifier: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) Fluid-dynamic drag : theoretical, experimental and statistical information, (OCLC 228216619, lire en ligne [PDF]). S. F. Hoerner, lui-même d’origine allemande, précise : « “Schlieren” is not the name of a man; it is the German word for “streaks” » (« Schlieren n’est pas le nom d’une personne ; c’est le mot allemand pour « traînée » »).
- Pierre Slangen, Contribution de l ’optique appliquée à la mécanique et aux sciences des risques (habilitation à diriger des recherches), (lire en ligne), p. 89, 91-94.
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier- [vidéo] Schlieren Optics, démonstration d'un système à strioscopie, Harvard Natural Sciences Lecture Demonstrations, sur YouTube.
- « Strioscopie ou comment visualiser les mouvements de l'air », sur L'orgue de barbarie de Bernard et Philippe (consulté le )