Syndrome du nez blanc

Le « syndrome du nez blanc » ou WNS (pour l'anglais : White-nose Syndrome) est une épizootie affectant les chauves-souris en Amérique du Nord, avec un risque sérieux de destruction d'espèces, notamment pour la chauve-souris de l'Indiana (Myotis sodalis), la petite chauve-souris brune, jusqu'à peu une espèce très commune, ou encore le chiroptère emblème de la Virginie, le Virginia big-eared bat (appartenant à la famille des vespertilionidae). Sur les neuf espèces de chauves-souris affectées, à ce jour, de ce syndrome, cinq ont souffert de pertes très importantes.

Une petite chauve-souris brune affectée du syndrome du nez blanc.

Épizootie contemporaine modifier

Le WNS a été qualifié d'épizootie la plus sérieuse aux États-Unis, présentant le risque le plus élevé d'extinction de masse depuis la disparition (provoquée par la chasse et des destructions massives) du pigeon migrateur au XIXe siècle. La diminution importante ou la disparition du rôle régulateur des chauves-souris dans la population des insectes ravageurs conduiraient à des pertes économiques très importantes pour les agriculteurs. Une étude publiée en 2011 dans Science faisait état de pertes pouvant aller jusqu'à 3,7 milliards de dollars par an pour les agriculteurs nord-américains[1],[2].

Le « syndrome du nez blanc », dont l'origine demeure sujette à recherches, a été détecté pour la première fois dans l'État de New York en [3] (8 000 à 11 000 chauves-souris mortes selon les estimations du gouvernement). Le WNS a tué entre 5,7 et 6,7 millions de chauves-souris de plusieurs espèces du nord-Est des États-Unis et de l'Est du Canada entre 2006 et 2011[4], L'espèce principalement touchée est la Petite chauve-souris brune. Dans les hibernacles, la mortalité est estimée à 75 % de 2006 à 2012 (évaluation du COSEPAC de )[5].

Le WNS est dû à une attaque fongique, provoquée par le champignon ascomycète Geomyces destructans, qui se manifeste par un anneau blanc autour de la bouche et du museau des animaux contaminés. Cette attaque pourrait cependant n'être que secondaire, ou accompagner une infection virale et/ou bactérienne[6]. De manière générale les champignons se développent mieux à 25 °C qu'à 37 °C [6]. La température interne des chiroptères diminue lors de l'hibernation. Ce refroidissement favorise l'infection par le champignons, que le système immunitaire de l'animal combat alors plus difficilement[6] (si la chauve-souris infectée est réveillée et que sa température remonte, elle peut facilement vaincre l'infection)[6].

En raison du rythme de reproduction très lent des chauves-souris (environ un petit par an), cette épizootie constitue une réelle menace pour les espèces endémiques ainsi que pour l'agriculture. Certains experts estiment que c'est la maladie « connue » la plus grave qui ait jamais menacé les chauves-souris[7].

Le , le service fédéral américain pour la pêche et la vie sauvage a publié une estimation selon laquelle le syndrome du nez blanc aurait provoqué en 2011 la disparition de plus de 5,5 millions de chauves-souris, toutes espèces confondues (probablement entre 5,7 et 6,7 millions). Selon ce service, la maladie est présente dans 16 états fédérés et 4 provinces canadiennes.

Éco-épidémiologie modifier

Les origines, causes, vecteurs ou éventuels facteurs aggravants de cette maladie demeurent mal cernés.

Géographie de l’épidémie :

  • Des indices isolés de présence (à confirmer) en Europe ont été signalés en 2008 en Flandre belge[8], et à Ligue Saint Sol, Quercy, dans le Lot en France[9]. En , un grand murin (myotis myotis) porteur du champignon geomyces destructans a été observé près de Périgueux, mais il semblait cependant en bonne santé[3],[10]. Ceci a amené certains scientifiques à conjecturer que le champignon en cause serait peut-être d'origine européenne, ce qui aurait conduit les colonies endémiques de chauve-souris à y développer des résistances.

Les autopsies de chauves-souris américaines révèlent des signes de congestion pulmonaire ou pneumonies. Les chauves-souris mortes étaient très amaigries[3] et ont été généralement trouvées près des sorties des grottes et non au fond où elles auraient dû s'abriter, là où la température et l’hygrométrie sont plus stables et favorables. Peut-être recherchaient-elles de la fraîcheur (consécutivement à un état fiévreux), ou la proximité de la sortie pour aller chasser en cas de redoux afin de compenser leur affaiblissement.

Précaution modifier

Aux États-Unis, depuis 2008, les sites contaminés sont surveillés[11] et les spéléologues invités à réduire leurs activités et à désinfecter leur matériel. L'accès à certaines grottes est interdit.

Actions modifier

Le , diverses ONG environnementales ont envoyé une pétition au gouvernement fédéral pour qu’il planifie des mesures d’urgence et de surveillance, l’extinction des espèces étant envisagée en raison de l'hécatombe provoquée par la maladie[12]. Ces ONG demandent le financement urgent de recherches sur cette maladie émergente et la fermeture immédiate des grottes au public, ainsi que l'arrêt de toute activité menaçant les chauves-souris ou leur habitat estival (dont l’arrêt des coupes destinées à construire de nouvelles routes dans les forêts nationales).

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Comesse, Laetitia (2017). Le syndrome du nez blanc (« white-nose syndrome ») des chauves-souris : synthèse bibliographique. Thèse de doctorat vétérinaire (École Nationale vétérinaire d’Alfort), 104 p, Lire en ligne.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Notes et références modifier

  1. (en) Justin G. Boyles, Paul M. Cryan, Gary F. McCracken et Thomas H. Kunz, « Economic Importance of Bats in Agriculture », Science, vol. 332, no 6025,‎ , p. 41-42 (DOI 10.1126/science.1201366, lire en ligne)
  2. « USA : des chauves-souris décimées » Le Figaro avec l'AFP, 31 mars 2011.
  3. a b et c Philippe Silar et Fabienne Malagnac, Les champignons redécouverts, Paris, Belin, , 232 p. (ISBN 978-2-7011-5902-7), chap. 7 (« Interactions avec les animaux »), p. 142
  4. François Prud'homme, Les chauves-souris ont-elles peur de la lumière ? : 100 clés pour comprendre les chauves-souris, Versailles, Éditions Quae, , 207 p. (ISBN 978-2-7592-1970-4, ISSN 2261-3188, lire en ligne), p. 147
  5. (fr) [PDF] Graham Forbes, « Résumé technique et données d’appui pour une évaluation d’urgence de la petite chauve-souris brune Myotis lucifugus », février 2012, consulté le 19 avril 2015, 27 pages.
  6. a b c et d « What can fungi teach us ? (voir 21:38) » (consulté le )
  7. (en) article de The daily green du 5 février 2008.
  8. Voir photo
  9. Voir photo)
  10. (en) [PDF] https://www.cdc.gov/eid/content/16/2/pdfs/09-1391.pdf
  11. (en)Site officiel du US Fish and Wildlife service (avec liens, photos, vidéo)
  12. (en)U.S. Cavers Forum Article du Times Argus Online