Dans toute la démonstration, on identifie naturellement ou à l'espace des matrices colonne réelles ou complexes.
On désigne par l'ensemble des vecteurs de non nuls et par l'ensemble de ces vecteurs (colonne) strictement positifs. On définit l'application de dans par . On voit aisément qu'on a également .
- L'application admet un point de maximum sur S
L'application est continue sur puisqu'il s'agit alors simplement du minimum d'une famille finie d'applications continues . Cependant, on ne peut affirmer la continuité sur . Par ailleurs, et ne sont pas compacts. La solution sera de montrer l'existence d'un point de maximum sur une partie compacte de et de vérifier ensuite que ce point réalise aussi le maximum sur . Il suffira pour cela de montrer que (en fait égalité, évidemment).
La première chose consiste à remarquer que est constante sur chaque demi-droite (ouverte) d'origine incluse dans . On peut par conséquent se limiter à travailler sur la partie de formée des vecteurs colonne de norme 1 (on prendra la norme ).
est compact, mais on n'a pas encore la continuité de sur . C'est maintenant qu'intervient l'irréductibilité de .
On montre que l'ensemble satisfait à notre objectif ( compact, continue sur et ).
Tout d'abord est compact comme image du compact par une application (linéaire) continue. Ensuite, on voit que est inclus dans , ce qui montrera bien la continuité de sur . En effet on sait que et il en résulte immédiatement que . Par conséquent possède un point de minimum sur . Enfin pour achever, on montre que . En effet ce qui montre que est majoré par . Ainsi on a bien
On désigne désormais par la valeur maximale de trouvée ci-dessus et par vecteur extrémal tout vecteur réalisant le maximum de sur .
- Tout vecteur extrémal est vecteur propre de associé à la valeur propre . Réciproquement tout vecteur propre positif relatif à est extrémal.
Soit un vecteur extrémal. Par définition . On pose que . On pose . Puisque et on a , soit encore , c'est-à-dire . On peut trouver tel que , ce qui contredit la maximalité de .
Réciproquement si le vecteur positif vérifie , en écrivant d’une part on voit que et d’autre part montre que . Ainsi et X est extrémal.
- Pour toute valeur propre (complexe) de est le rayon spectral de .
En effet de on tire . Donc .
- Tout vecteur extrémal est strictement positif.
En effet si est extrémal, on pose . Comme et irréductible on a . Comme est vecteur propre de relatif à (cf. ci-dessus) on a d'où on tire .
- Pour tout vecteur propre (complexe) de relatif à une valeur propre de module , le vecteur (vecteur dont les composantes sont les modules de celles de ) est un vecteur extrémal (et est donc strictement positif ). Il en résulte que chaque vecteur propre de (éventuellement complexe) relatif à vérifiant a toutes ses composantes non nulles.
En effet de on déduit immédiatement , ce qui entraîne par maximalité de , d’où le résultat.
- Le sous-espace propre de relatif à la valeur propre est une droite vectorielle.
On suppose en effet que et soient deux vecteurs propres linéairement indépendants. On sait (cf. ci-dessus) que ces 2 vecteurs ont toutes leurs composantes non nulles. Il est possible de former une combinaison linéaire non nulle ayant par exemple la première composante nulle. Cette combinaison est ainsi un vecteur propre de ayant une composante nulle, ce qui est contradictoire.
- est une valeur propre simple de .
On désigne par la comatrice transposée de . On remarque tout d'abord que le sous-espace propre relatif à étant de dimension 1 il en résulte que est de rang et que par suite il y a au moins un cofacteur non nul, ce qui montre que . De plus on sait que . En particulier , ce qui montre que les colonnes non nulles de sont des vecteurs propres de relatives à et par suite que ces colonnes non nulles sont toutes multiples de l'une d'entre elles et ont toutes leurs composantes non nulles et de même signe. Mais on a aussi , soit en transposant . Or est aussi une matrice positive irréductible puisque . Le raisonnement précédent appliqué à permet ainsi de montrer que les colonnes non nulles de et donc les lignes non nulles de ont tous leurs éléments non nuls et de même signe. Finalement on en déduit facilement que a tous ses éléments non nuls et de même signe. En effet soient et deux éléments quelconques de . Si toute sa ligne est nulle, donc , par suite toute la colonne est nulle et ainsi . Finalement on en déduit que , ce qui est exclu. D'autre part le signe de est celui de et finalement celui de . Tous les éléments de sont bien non nuls et de même signe.
On pose (polynôme caractéristique). On a . En effet, on désigne par la i_ème colonne de la matrice .
On a . Mais a tous ses éléments nuls sauf le i_ème qui est égal à 1. Le résultat s'ensuit immédiatement. On a donc puisque tous les éléments de sont non nuls et de même signe. Ceci montre bien que est valeur propre simple de [4].
- Soit un vecteur propre relatif à . On a donc . Soit l'indice d'une composante maximale. On a et en simplifiant par on obtient . La démonstration est symétrique pour en considérant cette fois l'indice d'une composante minimale.
Si alors (sinon il y aurait une ligne nulle, soit la j-ème et la matrice ne serait pas irréductible puisque dans le sommet ne pourrait être l'origine d'un chemin aboutissant à un autre sommet). Donc dans ce cas .
- Disposition des valeurs propres dans le plan complexe.
- On démontre d'abord l'équivalence entre les propositions suivantes :
- est une valeur propre de .
- Il existe une matrice vérifiant (unité) telle que .
(i) (ii). Soit un vecteur propre relatif à . On a vu ci-dessus (cf. (1)) que était un vecteur extrémal et donc un vecteur propre relatif à . On peut écrire où est une matrice diagonale dont tous les éléments diagonaux sont de module 1. Par ailleurs on peut poser . On a donc d'où . Mais l'égalité entraîne . En effet, on pose . On voit immédiatement que . En écrivant l'égalité pour la ligne et en tenant compte de et on obtient le résultat demandé.
(ii) (i). Soit un vecteur extrémal de et on pose . On a .
- Soit le nombre de valeurs propres de de module . On considère l'ensemble des nombres où est valeur propre de module et on montre que cet ensemble est un sous-groupe du groupe multiplicatif des complexes de module 1. En effet si et sont 2 éléments de , en appliquant le préliminaire ci-dessus il existe et tels que et , ce qui entraîne soit , ce qui montre que qui est bien un sous-groupe du groupe des complexes de module 1. En fait ce sous-groupe étant d'ordre et donc formé de racines h-ième de 1, il coïncide avec l'ensemble de ces racines h-ième.
Il existe donc telle que . Si désigne le polynôme caractéristique de qui est aussi celui de on peut écrire . Ceci montre bien l'invariance de l'ensemble des valeurs propres de par la rotation de centre et d'angle . En outre si est une valeur propre, la valeur propre est de même ordre de multiplicité que . En particulier toutes les valeurs propres de module sont simples.
On suppose maintenant et soit un vecteur extrémal. D'après ce qui précède il existe une matrice diagonale vérifiant telle que soit vecteur propre relatif à et est défini à un facteur près, la valeur propre étant simple et le sous-espace propre étant par conséquent une droite vectorielle. On peut donc décider de choisir de manière que sa première composante soit , ce qui assure l'unicité. Mais de la même manière est vecteur propre relatif à , ce qui implique et donc puisque et diagonale. Il en résulte que les éléments diagonaux de sont des racines h-ième de l'unité. Il existe donc une matrice de permutation telle que avec étant des matrices unités. On a évidemment .
En posant de même on trouve .
On partitionne suivant le même schéma que : .
On va montrer par récurrence que .
L'égalité est vraie pour . On suppose qu'elle le soit jusque . L'égalité donne en ce qui concerne la ligne de blocs N°. Comme les ne sont pas tous nuls puisque la matrice est irréductible , soit . Mais comme et on en déduit par élimination des cas et .
Donc . Ceci ne peut se réaliser que si est le successeur immédiat de dans la suite croissante des . Donc et , ce qui achève la récurrence.
D'autre part montre que si n'est pas congru à modulo on a .
Il reste à prouver que . Or en considérant la dernière ligne de blocs on ne peut avoir que si . En effet si on a , ce qui est impossible et si également exclu. Donc soit . Mais et donc soit . Comme on a évidemment on a , ce qui a achève la démonstration.
Le théorème de Perron Frobenius est donc complètement démontré.