Therocephalia

sous-ordre éteint de thérapsides

Thérocéphales · Thérocéphaliens

Les thérocéphales, parfois appelés thérocéphaliens, de Therocephalia en latin, forment un sous-ordre éteint de thérapsides euthériodontes ayant vécu du milieu du Permien jusqu'au milieu du Trias. Le nom du taxon dérive de deux racines grecques, θήρ / thêr (« bête sauvage » avec un sens concernant principalement les mammifères) et κεφαλή / kephalế (« tête »), signifiant par allusion « tête de mammifère sauvage », en rapport avec l'allure de leurs crânes et la structure de leurs dents. Les « thérocéphales » sont les plus proches parents des cynodontes, groupe dont sont vraisemblablement issus les mammifères. Cette parenté est illustrée par diverses caractéristiques squelettiques. Les thérapsides étaient autrefois appelés « Reptiles mammaliens », terme aujourd'hui abandonné, mais la phylogénie des thérocéphales n'est pas pour autant l'objet d'un consensus : la monophylie du groupe ainsi que les relations de parenté de ses membres ne sont pas claires.

Les fossiles de thérocéphales sont nombreux dans le supergroupe du Karoo, situé en Afrique du Sud, mais sont également connus en Russie, en Chine, en Tanzanie, en Zambie et en Antarctique. Les plus anciens thérocéphales ont été découverts dans des gisements datant du Permien moyen d'Afrique du Sud, dans ce qui était alors le Gondwana d'où ils semblent s'être propagés ensuite à travers la planète. Presque toutes les lignées de thérocéphales s'éteignent lors de l'extinction Permien-Trias, mais quelques représentants du sous-groupe appelé Eutherocephalia, figurent, avec les cynodontes et les dicynodontes (le seul groupe survivant des anomodontes), parmi les rares synapsides à survivre. Sans ces survivants, les mammifères n'existeraient pas. Hormis ces survivants et leur descendance, les thérocéphales disparaissent du registre fossile au début du Trias moyen. C'est alors que se développent les cynodontes et divers groupes de sauropsides, notamment les premiers dinosaures théropodes.

Description

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Tête de Lycosuchus vanderrieti, par le paléoartiste Dimitri Bogdanov.
Tête de Lycosuchus vanderrieti, par le paléoartiste Dimitri Bogdanov.

Comme les gorgonopsiens et de nombreux cynodontes, la plupart des thérocéphales ont vraisemblablement été carnivores, si l'on en juge par leur dentition. Leurs précurseurs sont, à bien des égards, proches des gorgonopsiens, mais ils présentent certaines caractéristiques propres : un élargissement de la fosse temporale pour une plus grande fixation du muscle adducteur de la mâchoire et une réduction des phalanges à la formule conservée par les mammifères. La présence d'un palais secondaire naissant chez les thérocéphales les plus récents est une caractéristique partagée avec les cynodontes. La découverte de crêtes maxilloturbinales chez des formes telles que le thérocéphale ancien Glanosuchus (en), suggère qu'au moins certains membres du groupe ont pu avoir le sang chaud[1].

Squelette de Cynariognathus platyrhinus exposé au musée de paléontologie de l'Université de Californie, Berkeley, États-Unis.

Les thérocéphales ultérieurs comprennent les baurioïdes avancés, qui portent certaines caractéristiques des thériodontes à un degré élevé de spécialisation. Par exemple, les petits baurioïdes et les herbivores Bauria n'ont pas de barre postorbitaire ossifiée séparant l'orbite de la fosse temporale, une condition typique des mammifères primitifs. Ces caractéristiques avancées et d'autres conduisent à l'opinion de longue date, maintenant rejetée, que les trithélodontidés et même certains premiers mammifères seraient issus d'une tige de thérocéphales baurioïdes[2]. De telles caractéristiques de mammifères semblent avoir évolué en parallèle parmi un certain nombre de groupes thérapsides différents, même au sein de Therocephalia[1].

Plusieurs modes de vie plus spécialisés sont suggérés pour certains thérocéphales. De nombreuses petites formes, comme les Ictidosuchidés (en), sont interprétées comme des animaux amphibies. Les preuves de modes de vie semi-aquatiques comprennent des anneaux sclérotiques, qui peuvent stabiliser l'œil sous la pression de l'eau, et des articulations crâniennes fortement développées, qui peuvent soutenir le crâne lors de la consommation de gros poissons et d'invertébrés aquatiques. Certains membres du groupe comme les bauriidés (en) ou les nanictidopidés ont des dents larges avec de nombreuses crêtes similaires à celles des mammifères, et peuvent être des herbivores[3].

De nombreux petits thérocéphales ont de petites fosses sur leurs museau qui supportaient peut-être des vibrisses. En 1994, le paléontologue russe Leonid Tatarinov propose que ces fosses fassent partie d'un système d'électroperception chez les thérocéphales amphibies[4]. Cependant, il est plus probable que ces fosses soient des versions agrandies de celles censées supporter des moustaches, ou des trous pour les vaisseaux sanguins dans une lèvre charnue[3]. Les genres Euchambersia, Megawhaitsia et Ichibengops, datant du Lopingien, attirent particulièrement l'attention des paléontologues, car les crânes fossiles qui leur sont attribués possèdent des structures qui laissent suggérer que ces trois animaux disposaient des organes de distribution de venin, ce qui en ferait de ces derniers, les plus vieux tétrapodes connus à disposer de telles caractéristiques[5],[6],[7].

Histoire évolutive

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Crâne fossilisé de Gorynychus, l'un des thérocéphales les plus basaux identifié à ce jour.
Crâne fossilisé de Gorynychus, l'un des thérocéphales les plus basaux identifié à ce jour.

Les thérocéphales évoluent en tant que première lignée de thérapsides euthériodontes pré-mammaliens et sont le groupe frère des cynodontes, qui comprend les mammifères et leurs ancêtres. Les thérocéphales sont au moins aussi anciens qu'une troisième grande branche de thérapsides, les gorgonopsiens, auxquels ils se ressemblent par de nombreux traits primitifs. Par exemple, de nombreux thérocéphales primitifs possèdent de longues canines semblables à celles des gorgonopsiens. Cependant, les gorgonopsiens se sont éteint lors de l'extinction du Permien, les thérocéphales persistant jusqu'au début du Trias moyen.

Alors que l'ascendance commune avec les cynodontes (et, par conséquent, les mammifères) explique de nombreuses similitudes entre ces groupes, certains scientifiques pensent que d'autres similitudes peuvent être mieux attribuées à une évolution convergente, comme la perte de la barre postorbitaire sous certaines formes, une formule phalangienne mammalienne, et une certaine forme de palais secondaire dans la plupart des taxons. Les thérocéphales et les cynodontes survivent de l'extinction Permien-Trias, mais, tandis que les thérocéphales s'éteignent rapidement, les cynodontes connaissent une rapide diversification. Les thérocéphales connaissent une diminution du taux de cladogenèse, ce qui signifie que peu de nouveaux groupes apparaissent après l'extinction. La plupart des lignées de thérocéphales du Trias sont originaires du Permien supérieur et n'existent que sur une courte période[8], s'éteignant à la fin de l'Anisien[9].

Classification

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Taxonomie

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Vue d'artiste par Dimitri Bogdanov d'un Moschorhinus kitchingi.
Restitution de Moschorhinus kitchingi par le paléoartiste Dimitri Bogdanov.
Reconstitution par Dimitri Bogdanov de la tête de Megawhaitsia patrichae, l'un des plus grands thérocéphales découverts à ce jour.
Restitution par Dimitri Bogdanov de la tête de Megawhaitsia patrichae, l'un des plus grands thérocéphales découverts à ce jour.

Certains clades de thérocéphales précédemment reconnus se révèlent aujourd'hui obsolète. Par exemple, les Scaloposauridae sont classés sur la base de fossiles avec des caractéristiques principalement juvéniles, représentent probablement des spécimens immatures provenant d'autres familles de thérocéphales connus.

D'autre part, la famille de thérocéphales de la famille des Lycosuchidae, autrefois identifiée par la présence de plusieurs dents caniniformes, est considérée comme représentant d'un groupe non naturel basé sur une étude du remplacement de canine dans ce groupe (van den Heever, ). Cependant, une analyse ultérieure révèle des synapomorphies supplémentaires soutenant la monophylie de ce groupe, et les lycosuchidés sont actuellement considérés comme l'un des taxons le plus basaux au sein des Therocephalia (van den Heever, ).

Phylogénie

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Cladogramme de 2009

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Cladogramme modifié de Sidor () et Huttenlocker ()[10],[11] :

 Therapsida 

Biarmosuchia




Dinocephalia




Anomodontia


 Theriodontia 

Gorgonopsidae



 Therocephalia 

Lycosuchidae


 Scylacosauria 

Scylacosauridae


 Eutherocephalia 

Hofmeyriidae




Akidnognathidae




Whaitsiidae


 Baurioidea 

Ictidosuchidae




Regisauridae




Ericiolacertidae



Bauriidae











Cynodontia (inclut Mammalia)







Cladogramme de 2011 dans Therapsida

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Le cladogramme ci-dessous présente la phylogénie des thérapsides selon T. S. Kemp (2011)[12] basée selon la proposition d'Hopson et Barghausen (1986)[13] :

  Therapsida 

Biarmosuchia


 Eutherapsida 

Dinocephalia


 Neotherapsida 

Anomodontia


 Theriodontia 

Gorgonopsia


 Eutheriodontia 

Therocephalia


 Cynodontia 

 Mammalia








Cladogramme Therocephalia 2016

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Ci-dessous, les résultats simplifiés de l'analyse phylogénétique des Therocephalia basée d'après Liu et Abdala (2022)[14] :

 Therocephalia

Lycosuchus




Gorynychus


Scylacosauria

Scylacosauridae


Eutherocephalia

Scylacosuchus




Whaitsioidea

Ophidostoma





Hofmeyria




Ictidostoma



Mirotenthes (en)





Whaitsiidae





Baurioidea





Chthonosauridae


Akidnognathidae

Annatherapsidus




Shiguaignathus




Jiufengia




USNM PAL 412421




Akidnognathus





Olivierosuchus



Promoschorhynchus






Moschorhinus



Cerdosuchoides




Euchambersia
















Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Therocephalia » (voir la liste des auteurs).

Références

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  1. a et b (en) B.S. Rubidge et Sidor, C.A., « Evolutionary patterns among Permo-Triassic therapsids », Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics, vol. 32,‎ , p. 449–480 (DOI 10.1146/annurev.ecolsys.32.081501.114113, lire en ligne [archive du ])
  2. Fernando Abdala, Bruce S. Rubidge et Juri van den Heever, « The oldest therocephalians (Therapsida, Eutheriodontia) and the early diversification of Therapsida », Palaeontology, vol. 51, no 4,‎ , p. 1011–1024 (ISSN 1475-4983, DOI 10.1111/j.1475-4983.2008.00784.x Accès libre, S2CID 129791548, lire en ligne)
  3. a et b (en) M.F. Ivakhnenko, « Permian and Triassic therocephals (Eutherapsida) of Eastern Europe », Paleontological Journal, vol. 45, no 9,‎ , p. 981–1144 (DOI 10.1134/S0031030111090012)
  4. (en) L.P. Tatarinov, « On the preservation of rudimentary rostral tubular complex of crossopterygians in theriodonts and on possible development of the electroreceptor systems in some members of this group », Doklady Akademii Nauk, vol. 338, no 2,‎ , p. 278–281
  5. (en) Ivakhnenko, M.F., « The first Whaitsiid (Therocephalia, Theromorpha) from the Terminal Permian of Eastern Europe », Paleontological Journal, vol. 42, no 4,‎ , p. 409–413 (DOI 10.1134/S0031030108040102, S2CID 140547244)
  6. (en) Field Museum, « Prehistoric carnivore dubbed 'scarface' discovered in Zambia », Science Daily,
  7. (en) Benoit, Norton, Manger et Rubidge, « Reappraisal of the envenoming capacity of Euchambersia mirabilis (Therapsida, Therocephalia) using μCT-scanning techniques », PLoS ONE, vol. 12, no 2,‎ , e0172047 (PMID 28187210, PMCID 5302418, DOI 10.1371/journal.pone.0172047 Accès libre, Bibcode 2017PLoSO..1272047B)
  8. (en) A.K. Huttenlocker, Sidor, C.A. et Smith, R.M.H., « A new specimen of Promoschorhynchus (Therapsida: Therocephalia: Akidnognathidae) from the Lower Triassic of South Africa and its implications for theriodont survivorship across the Permo-Triassic boundary », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 31, no 2,‎ , p. 405–421 (DOI 10.1080/02724634.2011.546720, S2CID 129242450)
  9. (en) Henrik Richard Grunert, Brocklehurst, Neil et Fröbisch, Jörg, « Diversity and Disparity of Therocephalia: Macroevolutionary Patterns through Two Mass Extinctions », Scientific Reports, vol. 9, no 5063,‎ , p. 5063 (PMID 30911058, PMCID 6433905, DOI 10.1038/s41598-019-41628-w, Bibcode 2019NatSR...9.5063G)
  10. (en) C.A. Sidor, « Simplification as a trend in synapsid cranial evolution », Evolution, vol. 55, no 7,‎ , p. 1419–1442 (PMID 11525465, DOI 10.1554/0014-3820(2001)055[1419:saatis]2.0.co;2)
  11. (en) A. Huttenlocker, « An investigation into the cladistic relationships and monophyly of therocephalian therapsids (Amniota: Synapsida) », Zoological Journal of the Linnean Society, vol. 157, no 4,‎ , p. 865–891 (DOI 10.1111/j.1096-3642.2009.00538.x Accès libre)
  12. (en) Tom S. Kemp, « The origin and radiation of therapsids », dans Anusuya Chinsamy-Turan, Forerunners of Mammals: Radiation, Histology, Biology, Bloomington, Indiana University Press, , 330 p. (ISBN 978-0-253-35697-0, lire en ligne), p. 3-30.
  13. (en) James A. Hopson et Herbert R. Barghusen, « An analysis of therapsid relationships », dans Nicholas Hotton III, Paul D. MacLean, Jan J. Roth et E. Carol Roth, The Ecology and Biology of Mammal-like Reptiles, Washington D. C., Smithsonian Institution Press, , 326 p. (ISBN 978-0-874-74519-1, JSTOR 4523181), p. 83-106
  14. (en) Jun Liu et Fernando Abdala, « The emblematic South African therocephalian Euchambersia in China: a new link in the dispersal of late Permian vertebrates across Pangea », Biology Letters, vol. 18, no 7,‎ , p. 20220222 (ISSN 1744-957X, PMID 35857894, PMCID 9278400, DOI 10.1098/rsbl.2022.0222 Accès libre)

Voir aussi

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Articles connexes

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Liens externes

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