Touby Lyfoung

homme politique laotien

Touby Lyfoung, né en 1917 à Nong Het, dans la province de Xieng Khouang au protectorat français du Laos et mort en 1979 au Laos, était un notable Hmong (appelés Méo sous l'Indochine française[1]) d'envergure nationale. Il a été un allié des Français pendant la période coloniale, et il est resté anticommuniste au cours de la guerre civile laotienne jusqu'en 1975. Il a participé au trafic français de l'opium au Laos. Interné par le nouveau pouvoir communiste à l'indépendance, en 1975, il est mort en camp de rééducation, probablement en .

Touby Lyfoung
Biographie
Naissance
Décès
Nationalités
française (jusqu'au )
Royaume du Laos ( - )
laotienne (à partir du )Voir et modifier les données sur Wikidata
Activité

Pendant le protectorat français

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Touby Lyfoung, né en 1917 à Nong Het, un gros village de la province de Xieng Khouang, près de la frontière lao-vietnamienne, était le fils de Ly Xia Foung, un membre ambitieux et capable du clan Ly qui avait un bon niveau d'éducation. Touby lui-même fut le premier Hmong à suivre des études secondaires à Vientiane[2].

Le beau-père de Ly Xia Foung était Lo Blia Yao, chef du clan Lo[3], l'exogamie étant la règle chez les Hmongs. Après la révolte commandée par Pachai, également connue sous le nom de Guerre du Fou et qui s'était déroulée en 1919-1921, les autorités coloniales françaises avaient décidé de nommer Tasseng, c'est-à-dire responsable d'un groupe de villages, un certain nombre de kiatong (chefs de clans locaux) Hmong. Le tasseng le plus important était celui de Nong Het et les Français avaient nommé Lo Blia Yao tasseng de Nong Het sur recommandation de Phetsarath[4]. Lo Blia Yao avait pris comme secrétaire son gendre Ly Xia Foung, mais en 1938, les Français décident de remplacer Lo Blia Yao par Ly Xia Foung[2]. À la mort de ce dernier, en 1939, les Français organisent des élections pour faire le choix entre deux jeunes Hmongs d'un rang élevé : Faydang Lobliayao, le second fils de Lo Blia Yao, et Touby, qui l'emporta peut-être à cause de son niveau d'éducation supérieur, mais aussi parce que le père de Faydang s'était aliéné une partie des Hmongs par ses méthodes autoritaires. Cette élection devait produire une rancœur durable chez Faydang[2],[3].

L'année suivante, seul Hmong à la Régie de l'Opium du service des Douanes, Touby supervise la mise en place d'une nouvelle taxe payable en opium pour les paysans qui ne pouvaient payer en liquide[5]. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'administration française du régime de Vichy met en place un programme assez ambitieux concernant notamment la construction d'écoles et de routes. Les ventes d'opium sur lequel l'administration avait établi un monopole servent à financer ces projets, et les Hmongs sont les principaux pourvoyeurs de l'administration. L'ensemble de ce trafic profite largement au clan Lyfoung[6].

En , avant même le coup de force japonais du 8 mars, Touby fait bon accueil aux commandos français parachutés depuis Calcutta[7] et participe à la guérilla anti-japonaise après le [8]. C'est à cette époque que d'autres Hmongs, sous la conduite de Faydang, se rangent aux côtés du Việt Minh[9].

Après la Seconde Guerre mondiale

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Après la Seconde Guerre mondiale, les Français donnent à Touby le titre de Chao-Muang, c'est-à-dire sous-préfet, ce qui donne pour la première fois aux Hmongs une représentation au niveau national[10]. Pendant la première guerre d'Indochine, les clans Hmongs proches de Touby servent aux côtés des Français, que ce soit dans les opérations de commandos ou dans les troupes régulières[11]. Aux côtés de Roger Trinquier, il participe à l'opération X durant la guerre d'Indochine, consistant à faire financer les actions spéciales par l'argent issu du trafic de l'opium[12].

Tout au long des années 1950, le rôle de Touby a été primordial dans la formation du nouveau Royaume du Laos indépendant, un pays qui devait construire son unité tout en reconnaissant la diversité de 63 minorités ethniques. Touby Lyfoung a été le premier membre d'une minorité ethnique honoré par le roi du titre de « ministre du Roi » et appelé Phagna Touby Lyfoung. Dans les années 1960 et 1970, Touby continue à combattre pour la dignité des Hmongs et la liberté du Laos, ce qui veut dire pour lui le soutien au gouvernement royal et la lutte contre le Pathet Lao communiste[13].

En , alors qu'il est officiellement dans le cabinet de Souvanna Phouma, Touby noue une alliance avec le chef de l'aile droite laotienne Phoumi Nosavan. C'est à cette époque que sont entraînés par la CIA les premiers groupes de Hmongs[11]. En devenant le chef de ces groupes, Vang Pao prendra en quelque sorte la succession de Touby.

L'internement et la mort

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Après la prise du pouvoir par les communistes du Pathet Lao en 1974, Touby décide de rester au Laos. Il est d'abord nommé ministre des Télécommunications dans le nouveau gouvernement, mais il est ensuite arrêté et envoyé au camp de rééducation « numéro un » dans la Province de Houaphan, près de la frontière vietnamienne. Dans le même camp sont internés les membres de la famille royale, y compris le roi Savang Vatthana. Touby aurait passé les derniers mois de sa vie enchaîné. Il aurait été abattu par un gardien en [14].

Articles connexes

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Annexes

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Notes et références

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  1. Bruneau 126.
  2. a b et c Martin Stuart-Fox, A history of Laos, Cambridge university press, 1997, p.39-41
  3. a et b Sucheng Chan, Hmong means free, Life in Laos and America, Temple university press, 1994, (ISBN 1566391628), p.9-11
  4. Alfred W.McCoy, "French Colonialism in Laos, 1893-1945, dans Laos: war and revolution. New York, Harper & Row, 1970, p.97-98.
  5. Alfred W. McCoy, "The Politics of Heroin in Southeast Asia", Harper & Row, 1972 (Chapter 3: 'The Meo of Laos')
  6. Stuart-Fox, p.55-56
  7. Jean Deuve, Guérilla au Laos, L'Harmattan, 1997 (1ère édition en 1966, sous le nom de Michel Caply), pp.82-83.
  8. Deuve, pp.116-118.
  9. Stuart-Fox, p.71
  10. Geoffrey C. Gunn, Political struggles in Laos, 1930-1954: Vietnamese communist power and the struggle for national independence. Bangkok: Editions Duang Kamol, 1988, p.227.
  11. a et b D.Gareth Porter, "After Geneva: Subverting Laotian neutrality, dans Laos: war and revolution. New York, Harper & Row, 1970, p.182-183.
  12. Roger Trinquier, Les maquis d'Indochine : 1952-1954 : Les missions spéciales du Service Action, Albatros, (lire en ligne)
  13. http://www.north-by-north-east.com/articles/05_04_2.asp « Copie archivée » (version du sur Internet Archive)
  14. C. Kremmer, "Bamboo Palace: Discovering the lost dynasty of Laos", Silkworm Books, 2003

Bibliographie

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  • Michel Bruneau, « La drogue en Asie du Sud-Est : Une analyse géographique du Triangle d'Or », Hérodote, Paris, F. Maspero, La Découverte, nos 21/35 F — Asie du Sud-Est,‎ , p. 116-145 (BNF 34377152, lire en ligne)

Liens externes

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