Tubifex

espèce de vers

Les tubifex (genre Tubifex) sont de petits vers oligochètes fins, rougeâtres, qui vivent en colonie sur le fond des mares, étangs, cours d'eau lents. Ils constituent des colonies très denses, en taches. En zone tempérée, ils peuvent littéralement tapisser certaines parties des fonds de cours d'eau pollués où on les trouve généralement avec des larves de chironomes et une espèce de sangsue, qui sont les seuls à également supporter des taux d'oxygène très bas et un haut niveau de pollution organique[1],[2].

Description, mode de vie modifier

Colonie de tubifex, sur sédiments vaseux noirs et odorants de l'Aa (Aa, dans une zone polluée et anoxique, vers 1990) ; les points blancs sont des billes de polystyrène expansé
Détail de l'image ci-dessus
Vue au microscope optique d'un tubifex

Les tubifex mesurent quelques centimètres de long pour environ 1 mm de diamètre, leur corps est rose clair. Les colonies (de la taille d'une assiette) sont constituées de centaines d'individus relativement peu espacés les uns des autres. Chacun a une partie de son corps plongée dans le substrat (vase), où ils puisent leur nourriture (débris végétaux en décomposition) et ce qui leur permet de s'enfouir totalement à la moindre alerte (la colonie disparaissant brutalement… pour réapparaître quelques minutes plus tard). La partie enfoncée correspond à la « tête » tandis que la partie terminale qui ondule, chargée en hémoglobine, fixe et sert de réserve en oxygène[3].

Ces vers peuvent vivre pendant des mois presque sans oxygène et résistent à des records de pollution organique, là où la plupart des autres espèces disparaissent. En cas d'assèchement de leur milieu, ils s'enkystent et peuvent survivre plusieurs semaines, en attendant que les conditions s'améliorent.

Ils jouent un rôle pionnier[4] de dépollueur primaire dans les sédiments très pollués en matière organique, mais ils peuvent aussi bioaccumuler certains polluants et contribuer à les (re-)disperser (bioturbation). Les tubifex peuvent avoir concentré (bioconcentration) des polluants de la vase (« métaux lourds » notamment) et transporter des microbes pathogènes comme Myxobolus cerebralis ou Mycobacterium qui provoque des maladies intestinales aux poissons[5],[6]. Une population dense de tubifex est un indicateur de dystrophisation du milieu, ou au moins de forte pollution organique (par exemple en aval de rejets insuffisamment traités de papeteries ou d'abattoirs).

Aquariophilie modifier

En raison de leur taille, les tubifex constituent une nourriture vivante appréciée des petits poissons d'aquarium avec toutefois le risque inhérent aux parasites qu'ils peuvent véhiculer, à divers microbes (streptocoques, staphylocoques fécaux, et toxiques (botulique…) et aux polluants (métaux lourds notamment) qu'ils ont pu absorber et bioaccumuler dans les sédiments (le tubifex est typique des milieux les plus pollués et est à ce titre un des bioindicateurs utilisés par les écotoxicologues[7]). Leur récolte est interdite par les particuliers dans certains pays, ils peuvent être vendus pour l'aquariophilie ou la pêche, frais ou congelés en magasin spécialisé. Il est nécessaire de les faire dégorger plusieurs jours dans de l'eau courante avant de les utiliser comme nourriture pour poisson[8].

Toxicologie modifier

Ils servent de bioindicateurs et sont parfois utilisés (avec un autre oligochète d'eau douce (Lumbriculus variegatus) pour évaluer la toxicité in vitro de certains produits ou métaux lourds dans un sédiment[9]

Liste d'espèces modifier

Selon NCBI (25 janvier 2021)[10] :

Selon ITIS (25 janvier 2021)[11] :

Notes et références modifier

  1. (en)Maurice Burton, Robert Burton, International Wildlife Encyclopedia: Tree squirrel - water spider, vol. 2, Marshall Cavendish, (ISBN 9780761472865, lire en ligne), p. 2769
  2. (en) Dr. J. L. Cloudsley-Thompson, « Eaters of Mud », New Scientist, vol. 7, no 186,‎ (ISSN 0262-4079, lire en ligne)
  3. « Tubifex : le petit ver rouge des fonds vaseux », (consulté le )
  4. Mermillod-Blondin F., Lemoine D., 2010 - Ecosystem engineering by tubificid worms stimulates macrophyte growth in poorly oxygenated wetland sediments. Functional Ecology, 24 : 444-453. Cote bibliothèque 10.5
  5. Tubifex tubifex sur Aquaportail.com
  6. (en) Jindrich Kazda, Ivo Pavlik, Joseph O. Falkinham III, Karel Hruska, The Ecology of Mycobacteria : Impact on Animal's and Human's Health, Dordrecht, Springer Science & Business Media, (ISBN 978-1-4020-9413-2, lire en ligne), p. 207
  7. A Bubinas, I Jagminienė (2001), Bioindication of ecotoxicity according to community structure of macrozoobenthic fauna ; Acta Zoologica Lituanica. Vol.11. no 1 (ISSN 1392-1657) ; Ed : Taylor & Francis
  8. Hervé Chaumeton, Les Poissons d'aquarium, Solar, (ISBN 2-263-01056-4 et 978-2-263-01056-9, OCLC 30674605, lire en ligne)
  9. KK Chapman, MJ Benton, RO Brinkhurst… (1999), Use of the aquatic oligochaetes Lumbriculus variegatus and Tubifex tubifex for assessing the toxicity of copper and cadmium in a spiked‐artificial‐sediment toxicity Environmental ; Ed: Wiley Online Library
  10. NCBI, consulté le 25 janvier 2021
  11. Integrated Taxonomic Information System (ITIS), www.itis.gov, CC0 https://doi.org/10.5066/F7KH0KBK, consulté le 25 janvier 2021

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

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Bibliographie modifier

  • Anlauf, A., & Neumann, D. (1997). The genetic variability of Tubifex tubifex (Müller) in 20 populations and its relation to habitat type. Archiv für Hydrobiologie, 139(2), 145-162 (résumé).
  • Anlauf, A. (1994). Some characteristics of genetic variants of Tubifex tubifex (Müller, 1774)(Oligochaeta: Tubificidae) in laboratory cultures. In Aquatic Oligochaete Biology V (pp. 1-6). Springer Netherlands (résumé).
  • Beauchamp, K. A., Kathman, R. D., McDowell, T. S., & Hedrick, R. P. (2001) Molecular Phylogeny of Tubificid Oligochaetes with Special Emphasis on Tubifex tubifex (Tubificidae). Molecular Phylogenetics and Evolution, 19(2), 216-224 (résumé).
  • Beauchamp, K. A., Gay, M., Kelley, G. O., El-Matbouli, M., Kathman, R. D., Nehring, R. B., & Hedrick, R. P. (2002). Prevalence and susceptibility of infection to Myxobolus cerebralis, and genetic differences among populations of Tubifex tubifex. Diseases of Aquatic Organisms, 51(2), 113-121.
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  • Wolf, K., Markiw, M. E., & Hiltunen, J. K. (1986) Salmonid whirling disease : Tubifex tubifex (Müller) identified as the essential oligochaete in the protozoan life cycle. Journal of Fish Diseases, 9(1), 83-85 (résumé).
  • Zendt, J. S., & Bergersen, E. P. (2000) Distribution and abundance of the aquatic oligochaete host Tubifex tubifex for the salmonid whirling disease parasite Myxobolus cerebralis in the upper Colorado River basin. North American Journal of Fisheries Management, 20(2), 502-512 (résumé).