Type Mouchon
10 centimes rouge Mouchon au type II (la base du « 1 » est incurvée), émis en 1900.
Pays
Année d'émission
1900
Valeur faciale
10 à 30 centimes
Dimensions
18 × 22 mm
Impression
typographie en feuilles à plat
Dentelure
14 x 13½

Le type Mouchon est une série de timbres-poste d'usage courant émis en France du à . Ils servent de valeurs intermédiaires entre les timbres au type Blanc portant de petits faciales et ceux au type Merson pour les plus fortes.

Cependant, fortement critiqué, et malgré des retouches apportées en 1902, le dessin de Louis-Eugène Mouchon est finalement abandonné entre avril et au profit du type Semeuse qui va servir jusqu'en 1940.

Entre 1902 et 1931, le dessin retouché de 1902 sert également pour fabriquer des timbres en usage dans les bureaux français à l'étranger.

Genèse modifier

En 1894, le député de la Seine Gustave Mesureur lance un concours qui a pour but de remplacer le type Sage (ou Paix et Commerce)[1], utilisé depuis 1876, par un timbre qui représenterait mieux les valeurs républicaines de la France. Parmi les 700 projets présentés, dont celui de Louis-Eugène Mouchon, le jury d'artistes ne décerne finalement aucun prix, mais des mentions honorables pour cinq œuvres[N 1]. L'administration des Postes, peu favorable à ce changement de timbres, se satisfait de l'échec du concours[3].

En , le Comité technique postal décide de répartir les valeurs faciales entre trois nouveaux types de timbres, avec désormais le soutien de l'administration des Postes décidée à renouveler ses méthodes d'impression pour en faire baisser les coûts. Le ministre du Commerce Alexandre Millerand et son sous-secrétaire d'État aux Postes Léon Mougeot consulte les projets du concours de 1894 et décide d'utiliser la proposition de Mouchon qui ne faisait pas partie des cinq projets distingués — par rapport au timbre de 1900, l'allégorie originelle porte un casque et la valeur faciale est inscrite dans un blason proche de la version retouchée de 1902 — avec quelques retouches[4]. Mouchon assure lui-même la gravure d'après ses dessins.

Contrairement aux deux autres types de timbres dont il faut créer le dessin et pour lesquels des retards ont lieu, le type Mouchon est prêt à être émis dès , pour l'Exposition universelle à Paris[5]. Millerand veut toutefois une émission simultanée : elle a finalement lieu le [6]. Avec les types Blanc (petites valeurs faciales) et Merson (faciales élevées), le type Mouchon connaît la première mise en vente anticipée de timbres de France, qui a lieu au palais Bourbon et au palais du Luxembourg[7].

Émissions de 1900 modifier

Description modifier

L'illustration est une allégorie féminine de la République portant un bonnet phrygien et une couronne de lauriers, signe de paix, même si elle est vêtue d'une cuirasse défensive[N 2]. Assise, elle tient avec sa main gauche une table de pierre sur laquelle est gravée « DROITS DE L'HOMME » et une main de justice dans l'autre. Une tête de lion sur la cuirasse signale le courage de la République[8].

Mouchon 20 c type I. Valeur faciale mal centrée verticalement et encres de couleurs différentes.

La mention du pays « REPVBLIQVE FRANÇAISE » se trouve en bas d'un cadre orné. En haut à droite, un cartouche blanc permet d'imprimer la valeur faciale sous le mot « POSTES ».

Cinq valeurs sont émises le . Le 10 centimes rouge et le 25 centimes bleu existent sous deux types, I et II, le 15 centimes orange sous le type II, le 20 centimes brun-lilas et le 30 centimes lilas uniquement sous le type I[9].

Les timbres au type I sont imprimés en typographie en deux presses : la première pour l'illustration (le même galvanotype sert pour toutes les valeurs dans le but de réduire les coûts de fabrication), la seconde pour la valeur faciale. Cette manière d'opérer est la cause de mauvais centrages fréquents de la valeur faciale à l'intérieur de son cartouche ainsi que des variations de nuance d'une presse à l'autre : la technique se révèle rapidement désastreuse sur le plan financier en raison du grand nombre de feuilles imprimées devant être mises au rebut et elle est vite abandonnée[6]. Chaque feuille, imprimée à plat, comporte 300 timbres[10].

Pour le type II, l'impression, toujours en typographie, est réalisée en une seule fois ; les chiffres de la valeur faciale sont fixés dans le cartouche de chaque poinçon mais peuvent être changés selon les besoins[11]. Des différences dans le dessin permettent de distinguer types I et II pour les deux valeurs concernées. Pour le 10 centimes, la base du « 1 » est plate sur le type I et incurvée vers l'intérieur du chiffre pour le type II. Pour le 25 centimes, le cadre intérieur du cartouche est un trait continu sur le type 1, mais discontinu sur le type II. En outre, en raison du changement de mode d'impression, la couleur du timbre est toujours homogène et la valeur faciale bien centrée dans son cartouche[12].

Le nombre des timbres émis s'élève à[13] :

  • 10 centimes, rouge : 13 350 000 (type I) et 85 000 000 (type II) exemplaires ;
  • 15 centimes, orange : 1 400 000 000 exemplaires (type II) ;
  • 20 centimes, brun-lilas : 5 100 000 exemplaires (type I) ;
  • 25 centimes, bleu : 25 000 000 (type I) et 71 000 000 (type II) exemplaires ;
  • 30 centimes, lilas : 11 000 000 exemplaires (type I).

Accueil modifier

Mouchon et vignette féministe.

Le dessin est très mal accueilli par la presse, philatélique ou non, et par une partie du public, le timbre étant qualifié de « moche, flou et froid »[6].

Le philatéliste Arthur Maury critique les « V » à la place des « U » dans la mention du pays, ainsi que la présence de la main de justice, un symbole de la monarchie[14].

Le , Alfred Jarry donne son avis sur le type Mouchon, qu'il raconte avoir découvert lors d'un achat dans un marchand de tabac. Il trouve que l'allégorie de la République est représentée en prostituée : « la vignette représente une scène plutôt regrettable : une dame, aveugle et le bras en écharpe, assise sur un pliant, apitoie les passants au moyen d'une pancarte qui promet à l'homme, sur sa personne, tous les droits ; au-dessus de sa tête se balance une lanterne avec le numéro de sa maison. Le prix s'élève, pour les étrangers, jusqu'à vingt-cinq centimes[N 3],[16].

Des ligues féministes collent des vignettes « Droits de la femme » à côté de ces timbres sur leur courrier[17].

À la Chambre des députés même, Léon Mirman, député de la Marne, obtient l'organisation d'un vote sur le retrait du type Mouchon. 250 voix votent le maintien contre 243[18].

En dehors de ces considérations, le public est désorienté par le changement des couleurs : l'usage le plus courant (lettre simple intérieure) passe du bleu à l'orange sur recommandation de l'Union postale universelle[6].

Type Mouchon retouché de 1902 modifier

Type Mouchon retouché
20 centimes brun-lilas au type Mouchon retouché de 1902.
Pays
Année d'émission
1902
Valeur faciale
10 à 30 centimes
Dimensions
18 × 22 mm
Impression
typographie en feuilles à plat
Dentelure
14 x 13½

Des modifications visibles modifier

Pour répondre aux critiques sur le timbre lui-même et pour résoudre les difficultés techniques de sa fabrication, le dessin est retouché pour des émissions étalées tout au long de l'année 1902 pour chacune des cinq valeurs précédentes. Le cartouche de la valeur faciale est désormais un écu couronné de laurier. Le mot « POSTES » est centré dans la ligne de décoration en haut du timbre. Le dessin général du timbre est également revu dans les moindres détails. Illustration du timbre et valeur faciale sont imprimés en une seule passe comme pour les Mouchon non retouchés au type II. La couleur du 15 centimes passe de l'orange au vermillon[12].

Le nombre de timbres émis n'est pas connu[19].

Des timbres toujours décriés modifier

Malgré ces retouches, la popularité de ces timbres d'usage courant ne s'accroît pas. En Georges Trouillot, ministre du Commerce, et Alexandre Bérard, sous-secrétaire d'État chargé des Postes, décident de son remplacement par la Semeuse d'Oscar Roty qui est déjà utilisée sur les pièces de monnaie depuis 1897[20] et c'est Mouchon lui-même qui est désigné pour en graver les poinçons. Le remplacement s'effectue entre avril et [12].

Autres utilisations modifier

Franchise militaire modifier

Timbres de franchise militaire.

Depuis la la loi du , les militaires doivent désormais utiliser un timbre surchargé « F.M. » pour « franchise militaire » sur les deux lettres mensuelles qu'ils ont le droit d'envoyer en franchise, c'est-à-dire gratuitement, et c'est le préposé lui-même qui est chargé d'apposer le timbre sur l'enveloppe[6].

Le premier timbre de franchise militaire est le 15 centimes au type Mouchon qui est émis en . Le second est un 15 centimes dans la version retouchée ; il est émis en [6].

Comme pour les autres timbres Mouchon, le 15 centimes « Franchise militaire » est finalement remplacé par une Semeuse lignée, le 15 centimes vert, en [21].

Outre-mer modifier

Type Mouchon du Levant.

Entre 1902 et 1931, le type Mouchon retouché est adapté pour imprimer des timbres qui servent dans de nombreux bureaux français à l'étranger[22].

Ce sont les inscriptions qui sont modifiées. La mention « POSTE FRANÇAISE » prend place en haut et le nom du pays en bas, en blanc sur fond uni de couleur. Plusieurs de ces séries sont surchargées d'une valeur en monnaie locale[23].

Timbres commémoratifs modifier

Malgré cet accueil et cette courte carrière, le type Mouchon connaît deux émissions commémoratives.

Une reproduction du 25 centimes bleu de 1900 par Jules Piel figure en timbre sur timbre dans la bande émise à l'occasion de Philatec, exposition philatélique internationale de Paris en 1964, aux côtés du type Blanc et de deux timbres sur les activités des PTT.

Dans l'hommage aux anciennes séries d'usage courant lors des émissions Journée du timbre de 1994 à 1998, le type Mouchon est honoré en  : l'allégorie gravée par Charles Bridoux est imprimée en bleu et en taille-douce sur un fond violet.

Variétés et intérêt philatélique modifier

Les Mouchon au type I, imprimés en 1900 et sans défaut sont rares. Outre les problèmes liés à la double impression (mauvais placement de la valeur dans le cartouche et différence de teinte), les timbres sont souvent décentrés quand les peignes de perforation sont mal positionnés, défaut également retrouvé sur les Mouchon de type II. La valeur faciale peut faire l'objet d'une double impression ou, au contraire, être absente[13].

Les Mouchon au type II et les timbres au type retouchés, s'ils sont exempts des problèmes d'impression, peuvent aussi être mal centrés par rapport aux perforations[24].

Sur les 15 centimes « franchise militaire », la surcharge peut être renversée ou se trouver à cheval sur deux timbres[6].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Les journaux publièrent en tout une trentaine de ces projets. Les cinq « mentions honorables » eurent l'honneur d'être représentées sur les boîtes d'alumettes-bougies de 1894 de l'administration des contributions indirectes[2].
  2. Il s'agit de la première représentation sur un timbre d'une femme coiffée du bonnet phrygien, attribut qui devient par la suite une des caractéristiques des figurations philatéliques de Marianne.
  3. 25 centimes est l'affranchissement nécessaire pour une lettre simple pour l'étranger depuis les tarifs postaux du [15].

Références modifier

  1. Storch et Françon 1988, p. 7.
  2. Storch et Françon 1988, p. 8.
  3. Singeot 2012, p. 74.
  4. Storch et Françon 1988, p. 9.
  5. Storch et Françon 1988, p. 11.
  6. a b c d e f et g Singeot 2012, p. 75.
  7. Storch et Françon 1988, p. 12.
  8. Storch et Françon 1988, p. 14-15.
  9. Singeot 2012, p. 75-77.
  10. « Mouchon : le 10 c et le 25 c », Timbroloisirs, no 44 (Timbrofiche),‎ s.d., p. 1.
  11. Singeot 2012, p. 76-77.
  12. a b et c Singeot 2012, p. 76.
  13. a et b Singeot 2012, p. 75-76.
  14. Cité dans le dossier sur la genèse et l'histoire du type Mouchon par Jean-Luc Trassaert, « Moderne et républicaine », paru dans l'Écho de la timbrologie n°1694, février 1997.
  15. Collectif 2005-2006, p. 121.
  16. Alfred Jarry, « Les nouveaux timbres », La Revue blanche, t. XXIV,‎ , p. 141 (lire en ligne).
  17. Jean-François Brun (dir.) et Annette Apaire, Le Patrimoine du timbre-poste français, vol. I, Flohic, , 928 p. (ISBN 978-28423-4035-3), p. 142
  18. Storch et Françon 1988, p. 12-13.
  19. « Les Mouchon retouchés », Timbroloisirs, no 50 (Timbrofiche),‎ s.d., p. 2.
  20. D'après « L'étonnante carrière de la Semeuse d'Oscar Roty », dans Chronique du timbre-poste français, Éditions Chronique-La Poste, 2005, page 79.
  21. « Mouchon : les 15, 20 et 30 c », Timbroloisirs, no 45 (Timbrofiche),‎ s.d., p. 3.
  22. Storch et Françon 1988, p. 61.
  23. « Les Mouchon retouchés », Timbroloisirs, no 50 (Timbrofiche),‎ s.d., p. 4.
  24. Singeot 2012, p. 77.

Voir aussi modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie modifier

  • Matthieu Singeot, « Le type Mouchon : condamné à être mal aimé », Timbres magazine, no 132,‎ , p. 74-77.
  • Jean Storch et Robert Françon, Les types Droits de l'Homme de J.-E. Mouchon, Timbroscopie, , 119 p. (ISBN 2-9071-2401-3).
  • Collectif, Catalogue de cotations de timbres de France, Dallay, 2005-2006, 832 p. (ISBN 978-2-9516-6898-0), p. 123-127 et 663.

Article connexe modifier

Lien externe modifier