Makhnovchtchina
Makhnovchtchina[1] (en cyrillique Махновщина), ou l’Ukraine libertaire, est un mouvement révolutionnaire paysan d'inspiration anarchiste visant à l'établissement d'une société sans État sur un territoire situé dans le sud de l'Ukraine actuelle, entre 1917 et 1921 pendant la guerre civile russe. Des communes administrées selon les principes de la démocratie directe se forment à Gouliaï Polie et ailleurs sous la protection de l'Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne organisée par Nestor Makhno. Elle lutta d’abord contre les troupes d'occupation austro-hongroises, après la signature du traité de Brest-Litovsk, puis contre les blancs. En 1920 elle fut déclarée hors-la-loi et éliminée par les bolcheviks, avec lesquels elle s'était précédemment alliée contre les Blancs. Les derniers combattants cessent le combat l'année suivante, marquant la fin de l'organisation libertaire de l'Ukraine.
(uk) Махновщина
1918–1921
Capitale | Houliaïpole |
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Langue(s) |
Ukrainien Russe |
Monnaie | Rouble Makhno (en) |
Population | 7 millions |
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Nestor Makhno |
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Raisons de cette révolte
modifierL’histoire de l’indépendance ukrainienne est étroitement associée à celle de la révolution russe et de la Makhnovchtchina. La déclaration d’indépendance ukrainienne intervient en effet alors que la Première Guerre mondiale et la Révolution russe détruisent les Empires russe et autrichien. Cependant, l’offensive des Bolchéviks contraint le gouvernement à quitter Kiev en février 1918. En mars 1918, par l’armistice de Brest-Litovsk, Lénine livre l’Ukraine aux occupants allemands, qui permettent le retour du gouvernement à Kiev. Corps francs allemands, troupes russes débandées, anarchistes de Nestor Makhno, différentes factions ukrainiennes (pro-alliées, pro-allemandes ou pro-bolchéviques) s’affrontent alors. De plus l’Ukraine est extrêmement intéressante pour les pays voisins, étant principalement composée de région fertile.
En 1917, alors que Kérensky prenait le pouvoir en Russie, l’Ukraine a vu s’installer un pouvoir dirigé par la petite bourgeoisie nationaliste réunie dans la Rada centrale qui était désireuse de devenir indépendante. Ce mouvement occupant principalement le nord de l’Ukraine et mené par Vinitcheuko et Petlioura, constitue l'Etat de la République nationale Ukrainienne. Dans le sud, les masses paysannes commençaient à se former, soutenues par des groupes anarchistes. Ce mouvement de paysans devint rapidement un mouvement révolutionnaire qui renversa le régime bourgeois entre décembre 1917 et janvier 1918. Rapidement le mouvement met en commun les terres et les usines.
En mars 1918, Lénine signa le traité de Brest-Litovsk qui permettait aux armées austro-allemandes d’entrer en Ukraine. Celles-ci rétablirent aussitôt les nobles et les propriétaires fonciers dans leurs privilèges afin de s’assurer la neutralité de la région. La nomination de l’hetman Skoropadsky à la tête de la Rada centrale[2] marqua le retour au tsarisme. Les propriétaires chassés peu de temps auparavant répriment ceux qui les avaient chassés et avaient mis en place des systèmes coopératifs. la population subit de plus le brigandage de ces nouvelles troupes d’occupation. Devant cette répression impitoyable, le pays tout entier va se dresser et le mouvement insurrectionnel des paysans et des ouvriers va se déclarer pour la révolution intégrale, c’est-à-dire ayant comme but la complète émancipation du travail. On assiste alors à une organisation simultanée de corps de francs-tireurs par les paysans eux-mêmes, cela sans aucun mot d’ordre venu d’un quelconque parti politique. Mais les représailles de la Rada ukrainienne, appuyée par les troupes austro-allemandes, vont être sanglantes (juin-juillet-août 1918). La nécessité d’une certaine unification face à la répression se faisant sentir, ce sera le groupe anarchiste de Goulaï-Polé qui en prendra l’initiative, duquel va se détacher un animateur très doué, Nestor Makhno.
Politique
modifierLa Makhnovchtchina était une société égalitaire où travailleurs et paysans étaient organisés en des communautés anarchistes avec un processus de démocratie directe. Lorsque l'armée révolutionnaire libérait une ville, elle proclamait ses principes anarchistes pour clarifier la situation et ne voulait pas imposer son autorité dans la ville.
Économie
modifierAgriculture
modifierLes paysans qui vivaient dans le Makhnovchtchina s'organisent en communes agricoles. La première, appelée « Rosa Luxembourg » a été très réussie[réf. nécessaire]. Dans ces communes, les terres sont tenues en commun, les cuisines et les salles à manger également. Bien que seulement quelques membres se considéraient comme anarchistes, les paysans ont exploité les communes sur la base d'une pleine égalité (« de chacun selon sa capacité, à chacun selon son besoin ») et accepté le principe d'aide mutuelle, théorisé par Kropotkine, comme leur principe fondamental.
Industrie
modifierL'Ukraine est peu industrialisée au début du XXe siècle, cependant les quelques concentrations d'ouvrier participent au mouvement révolutionnaire.
Les travailleurs du chemin de fer d'Aleksandrovsk ont fait les premiers pas en 1919 pour organiser une économie autogérée[réf. nécessaire]. Ils forment un comité chargé d'organiser le réseau ferroviaire de la région, d'établir un plan détaillé pour le mouvement des trains, le transport des passagers, etc. Des Soviets furent bientôt formés pour coordonner les usines et d'autres entreprises dans toute l'Ukraine[réf. nécessaire].
Art et divertissement
modifierLes Makhnovistes ont accordé une grande attention au théâtre, et les soldats de l'Armée noire pratiquaient souvent le théâtre pour se divertir et maintenir le moral[réf. nécessaire]. À Houliaïpole, de nombreux ouvriers et étudiants commencent à écrire et à jouer des pièces.
De l'argent
modifierL'économie de l'Ukraine libre était un mélange d'anarcho-communisme et de socialisme de marché, avec des usines, des fermes et des chemins de fer gérés en coopératives et la création de nombreuses communautés sans argent[réf. nécessaire]. La majorité des territoires continuent d'utiliser de l'argent mais prévoyaient devenir des territoires anarcho-communistes après la guerre civile russe[réf. nécessaire]. En 1920, l'Armée révolutionnaire insurrectionnelle déclare que tous les types de monnaies doivent être acceptés sur les territoires.
Drapeau
modifierPendant un certain nombre d'années, on a attribué le drapeau à tête de mort associé au texte écrit en ukrainien « Mort aux ennemis des travailleurs libres » à la Machnovtchina.
Un travail a été fait sur l'historiographie de cette attribution, qui semble finalement inexacte. Elle est probablement le fruit d'erreurs de classements et/ou d'un travail de dénigrement de l'URSS[3].
Notes et références
modifier- Il est à noter que le suffixe -chtchina (-щина) — désignant un groupe, mouvement ou une idéologie — a une connotation péjorative. Cette formulation dépréciative est issue de l'historiographie soviétique et notamment utilisée par Trotski pour titre de l'article de du journal officiel Izvestia[réf. souhaitée] dénigrant cette armée comme « un ramassis de bandits, assassins, pillards, petits propriétaires, contre-révolutionnaires ». Ce terme désigne avant tout le mouvement insurrectionnel ukrainien dans son ensemble.
- Patrick Granet, « Ukraine libertaire (1918-1921) - SERPENT - LIBERTAIRE », sur SERPENT - LIBERTAIRE (consulté le )
- (en) Sean Patterson, « “Death to All Those who Stand in the Way of Freedom for the Working People” Anarchy's false flag », sur The Anarchist Library
Bibliographie
modifier- Nestor Makhno, Mémoires et écrits, éditions Ivrea, 2009
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier- Archives sur Makhno et le makhnovisme
- La révolution inconnue (1 Mo) de Voline (histoire de la révolution russe et dont une grande partie sur l'expérience makhnoviste en Ukraine)
- Kommuna : Utopie et Révolution au pays des soviets de Eric Aunoble (histoire du mouvement des communes en Ukraine soviétique 1919-1920)]
- Makhno, l’Ukraine libertaire (Tome 1 : 1918-1921, 72 p. ; Tome 2 : 1920-1934, 72 p.) est une bande dessinée de François Homburger parue en 2003 aux Éditions Libertaires et Éditions du Monde Libertaire.