Union républicaine lorraine

parti politique

L'Union républicaine lorraine (URL) est un ancien parti politique français fondé en 1919, dont le champ d'action se limite au département de la Moselle.

Un parti de droite mosellan

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Créée pour rassembler la sensibilité démocrate-chrétienne dans le département de la Moselle après son retour à la France en 1918, l'URL regroupe les membres du Bloc lorrain et d'anciens membres du Zentrum allemand. Se présentant aux élections législatives de 1919 en coalition avec le Bloc national sur un programme de maintien de la spécificité de cette partie de la Lorraine, notamment en matière de cultes, d'enseignement et de langues, et de souplesse dans l'application de la législation française, l'URL obtient 65 % des voix et fait élire tous ses candidats, parmi lesquels le jeune Robert Schuman.

L'URL se rattache en 1923 à la Fédération républicaine, quoique par des liens assez lâches d'abord, et se transforme en Union républicaine démocratique (URD) en 1929[1]. Elle est alors une nébuleuse de comités électoraux sans engagement militant et laisse toute latitude à ses dirigeants locaux et aux élus, afin de se concilier aussi bien les républicains nationaux francophones que les populations germanophones. Elle est plus un cartel électoral qu'un véritable parti politique organisé. Sa puissance repose sur la fidélité des réseaux de notables - curés, maires et industriels - et sur le soutien des nombreux périodiques locaux, et d'abord les quotidiens francophones messins Le Lorrain — quotidien catholique dirigé par le chanoine Ritz[2], partisan du rattachement à la Fédération républicaine[3] et l'un des principaux piliers du parti — et Le Messin.

Ses députés siègent tout d'abord dans des groupes parlementaires proches de la Fédération républicaine, avant de constituer, en 1932, le groupe des Républicains du centre puis, en 1936, celui des Indépendants d'action populaire, avec les députés de l'Union populaire républicaine, pendant alsacien de l'URL.

Déclin relatif et extinction de l'étiquette URD

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L'URL dispose du monopole des mandats législatifs en 1919 et en 1924. Elle perd ce monopole en 1928 mais demeure la force politique prépondérante en Moselle : elle dispose de 5 députés sur 9. Ce sont Robert Sérot (élu depuis 1919) et Édouard Moncelle (élu depuis 1924) à Metz, Robert Schuman (depuis 1919) à Thionville, Jules Wolff à Château-Salins et Henri Nominé à Sarreguemines, élus en 1928. Les 5 sénateurs mosellans appartiennent tous en revanche à l'URL : Guy de Wendel, le général Jean Stuhl (1862-1942), le général Auguste Edouard Hirschauer, le marquis Henri de Marguerie (1868-1947), sénateur de 1920 à 1933 et Maurice Bompard (1854-1942), sénateur de 1920 à 1932. De même, le conseil général est acquis à l'URL depuis 1919. Guy de Wendel le préside de 1924 à 1936. En 1932, l'URD maintient ses positions électorales lors des législatives mais est incapable de reprendre les circonscriptions perdues en 1928.

Au début des années 1930, l'URD de Moselle est une structure inactive, surtout dans la partie francophone du département, au grand dam de certains notables comme le maire de Metz et conseiller général Paul Vautrin. Le parti est divisé et peine à départager les notables qui réclament son investiture. C'est par exemple le cas lors d'une élection législative partielle en 1933 à Château-Salins. La question des divisions historiques et linguistiques mosellanes aggrave les divisions.

Un parti opposé aux autonomistes mosellans

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L'URL/URD est un parti proche de l'Église catholique, très influente en Moselle grâce à un clergé paroissial nombreux et écouté, une presse confessionnelle puissante et un réseau dense d'associations confessionnelles et de congrégations. Mais le monde catholique mosellan est divisé, sur des enjeux spécifiques, qu'on retrouve en Alsace. Aux clivages entre républicains nationaux - représentés notamment par Guy de Wendel ou l'abbé Charles Ritz - et démocrates-chrétiens, tel Robert Schuman, s'ajoutent des clivages entre patriotes défenseurs de la langue et de la culture françaises et catholiques davantage tournés vers l'Alsace et l'Allemagne, défenseurs de leurs spécificités germanophones et très critiques à l'égard du poids des industriels comme la famille de Wendel en Moselle. C'est ainsi que l'URL s'oppose à un parti autonomiste issu d'une scission de l'URL en 1927, le parti chrétien-social, dirigé par Victor Antoni[4]. Le conflit entre les deux partis connaît son apogée entre 1928 et 1931.

Un rapprochement s'est ensuite esquissé, culminant dans la formation en 1936 du Front lorrain dans le contexte de la lutte contre le Front populaire, et notamment contre sa politique scolaire visant à prolonger l'obligation scolaire jusqu'à 14 ans et jusqu'à 15 ans en Alsace-Moselle[5]. Ce conflit scolaire de 1936-37 s'est joué sur un terrain religieux; les catholiques alsaciens et mosellans étant persuadés que Léon Blum entendait remettre en cause le statut scolaire de l'Alsace-Moselle.

En Moselle, les principaux opposants au projet sont d'abord les conseillers généraux de droite, et surtout le chanoine Ritz, rapporteur et rédacteur d'une motion de protestation du conseil général le , Victor Antoni, Eugène Foulé[6], l'abbé Weber et Kirsch. L'Action catholique du diocèse de Nancy, lors de son assemblée générale du , hésite à procéder à une protestation par voie de pétition[7]. Une pétition est finalement mise en place et ses résultats sont dévoilés le  : 228 066 hommes et femmes de Moselle ont signé la pétition pour le maintien d'une école confessionnelle et bilingue[8]. Une série de réunions de protestation a aussi lieu le dans une trentaine de localités. Les orateurs sont des élus — parlementaires[9] ou conseillers généraux[10] — ou des militants catholiques laïcs[11].

Sources

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  • Jean-François Colas, Les droites nationales en Lorraine dans les années 1930 : acteurs, organisations, réseaux, Thèse de doctorat, Université de Paris X-Nanterre, 2002
  • Jean-Claude Delbreil, Les parlementaires et les forces politiques en Moselle dans l'entre-deux-guerres, in Jean El Gammal (dir.), Dictionaire des parlementaires lorrains de la IIIe République, Metz, Ed. Serpenoise, 2006, p; 87-129
  • François Roth, La Lorraine annexée : Étude sur la Présidence de Lorraine dans l'Empire allemand (1870-1918), Thèse de doctorat, Université de Nancy II, 1976, p. 671-674
  • François Roth, La vie politique en Lorraine au XXe siècle, Metz-Nancy, Ed. Serpenoise-P.U.N., 1985
  • Jean-Marie Mayeur, Une bataille scolaire : les catholiques alsaciens et la politique scolaire du gouvernement du Front populaire, Cahiers de l'asociation interuniversitaire de l'Est, Strasbourg, 1962, p. 85-101[12]

Notes et références

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  1. Son siège est au 8, rue Dupont-des-Loges à Metz, au domicile de son secrétaire général Joseph Paté, avocat à Metz. l'appellation officielle est désormais Fédération républicaine démocratique de la Moselle.
  2. L'abbé Charles Ritz (1880 - 22 février 1939) est issu d'une famille paysanne de la Seille de langue et de culture françaises. Après des études ecclésiastiques à Metz et à Paris, il est ordonné prêtre en 1905. Curé de Moyeuvre-Grande, il est détaché au Lorrain en 1909. Il est arrêté par le Allemands en 1914 et est emprisonné en Allemagne orientale durant toute la guerre. Il est conseiller général du canton de Verny depuis 1922 et vice-président du conseil général en 1937. Son influence n'a cessé de grandir au sein de l'URL.
  3. Il est présent au banquet de clôture du congrès de la Fédération à Paris en février 1932.
  4. Victor Antoni (1882 - 1966) est un militant catholique avant 1914 et un membre de l'URL dès 1919. Exclu de l'URL et des associations catholiques, il fonde l'Union chrétienne-sociale, qui devient le parti chrétien-social populaire. Conseiller d'arrondissement de Fénétrange, conseiller général de Phalsbourg en 1928, il devient conseiller général de Fénétrange de 1934 à 1939. Il est candidat aux législatives en 1936 à Boulay. Arrêté en 1939 en tant qu'autonomiste lorrain, puis interné, il est remis aux autorités allemandes en juillet 1940. Il est alors nommé par les Allemands maire de Fénétrange. Il reprend la nationalité allemande en 1942 et adhère au NSDAP en 1943. Arrêté en 1945, il est condamné à une peine de prison, puis libéré en 1949 et amnistié en 1954. Le secrétaire général du parti chrétien-social était Antoine Joseph Straub, né en 1897, contrôleur adjoint des PTT à Metz, conseiller général de Sarralbe de 1928 à 1940, candidat aux législatives en 1932. Durant l'occupation, il est chef du personnel et de l'organisation de la "Communauté du peuple allemand" (DVG) et maire de Hombourg. En 1947, il est condamné à 15 ans de prison mais libéré en 1951.
  5. Lois des 9 et 11 août 1936 et décret du 10 octobre 1936 précisant les conditions d'application dans les départements recouvrés. Le gouvernement Chautemps a transmis le dossier au Conseil d'État : un arrêt du Conseil a annulé les décrets le 3 décembre 1937.
  6. Cadre du Bauernbund et président du Front national du travail de Moselle, l'organisation de l'alsacien Joseph Bilger, conseiller général de grostenquin depuis février 1936
  7. les élus lorrains, députés et sénateurs, sont divisés sur cette question. Ils assistent presque tous à l'assemblée générale; Robert Schuman est l'orateur principal, qui expose le conflit.
  8. le total des signatures masculines, 100 975, représente 61,9 % des électeurs de 1936 et 73,71 % des votants des législatives de 1936. 204 738 hommes et femmes ont signé une pétition semblable dans le Haut-Rhin et 247622 dans le Bas-Rhin.
  9. Robert Schuman à Thionville, François Beaudouin à Château-Salins et à Boulay le 2 mars, Émile Peter à Sarrebourg et à Lorquin, Robert Sérot à Vigy et à Béchy
  10. Ainsi le chanoine Ritz à Verny, Straub à Sarralbe, secrétaire général du parti chrérien-social, Foulé à Grostenquin.
  11. Emile Boiteux, président de l'Action catholique, à Delme et Ars-sur-Moselle, l'avocat Paul Walter à Cattenom, par ailleurs membre de l'UNC, vice-président de la relève de Thionville en 1935, officier de réserve, membre et orateur du Parti social français, futur candidat aux cantonales en 1937 à Cattenom.
  12. Il évoque peu les Mosellans dans cet article, hormis les éditoriaux du chanoine Ritz et l'action modératrice de Robert Schuman.