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Cependant ce sont quatre romans, parus entre 1994 et 1996, qui vont contribuer à la naissance d’un nouveau genre : le premier, Les chapacans de Michèle Courbou, est publié en février 1994 dans la Série noire ; le second, Trois jours d’engatse de Philippe Carrese, est édité à la fin de la même année, à Ajaccio, par Meditorial ; le troisième, Total Khéops de Jean-Claude Izzo, paraît en janvier 1995 chez Gallimard dans la Série noire ; le quatrième, La faute à degun de François Thomazeau, publié un peu plus tard, en juillet 1996

D’une part, qu’ils soient nés à Marseille ou qu’ils l’aient choisie par élection, qu’ils y résident ou s’en soient éloignés, ils revendiquent une identité marseillaise qui se traduit par l’affirmation d’un fort attachement à une ville injustement calomniée. D’autre part, inscrits ou non dans des réseaux militants, ils rejettent violemment l’extrême droite.

Le début des années 90 est marqué par un virage à droite de la vie politique française. En mars 1993, l’opposition de droite gagne les élections législatives, Édouard Balladur devient premier ministre avec Charles Pasqua au Ministère de l’intérieur. En juin est adopté un Code de la nationalité particulièrement restrictif, suivi le 10 juillet du vote à l’Assemblée nationale d’un Projet de loi sur le contrôle d’identité qui renforce les pouvoirs de police en ce domaine. En mai 1995, Jacques Chirac devient président de la République ; Jean-Claude Gaudin s’empare de la mairie de Marseille un mois plus tard. Ce retour de la droite s’accompagne d’une montée de l’extrême droite. Phénomène qui se traduit localement par les succès du Front national à Toulon, Marignane, Orange et l’élection à Nice de Jacques Peyrat, ex-membre du FN. Ces victoires sont précédées, le 21 févier 1995, d’un événement local de portée nationale : l’assassinat à Marseille d’un jeune Comorien, Ibrahim Ali, par des colleurs d’affiches du Front national.

D’autre part, et ce depuis la fin des années 80, l’image de Marseille ne cesse de se dégrader dans les médias sur fond de déclin économique, de trafic de drogue et de « guerre des cliniques ». Au point que, en réponse à un article du journal Paris-Normandie du 27 juin 1990 qui titre « Marseille, Conseil municipal des voyous », les élites marseillaises se mobilisent. Le 6 juillet, Robert Vigouroux, maire de Marseille, engage des poursuites contre le journal et lance un appel « Trop c’est trop », dont les signataires sont présentés comme « les forces vives de la ville ». Cette image négative de la cité phocéenne culmine, à l’automne 90, avec le reportage télévisé de Christine Ockrent, Carnet de route, qui met en scène une ville de Marseille mafieuse, ruinée et crépusculaire. Les émissions des chaînes nationales vont continuer dans cette voie : en février 1992, La marche du siècle (FR 3) sur la corruption ; en 1994, Envoyé spécial (FR 2) sur la drogue ; en 1995, encore sur FR 2, une émission sur le quartier du Panier, au titre évocateur, Faut pas rêver

En effet, une série d’événements continuent à entretenir la dégradation de l’image de la ville. En 1993, celle-ci est secouée par le grave conflit des dockers et une série d’affaires de drogue. Surtout cette année voit se développer l’affaire de l’OM. 

De manière plus ou moins consciente, c’est pour une part cette montée de la droite et de l’extrême droite et cette dégradation de l’image de Marseille qui vont pousser Michèle Courbou, Philippe Carrese, Jean-Claude Izzo et François Thomazeau à se lancer dans l’écriture de romans noirs. Ce refus de l’extrême droite et cette volonté de défense de Marseille sont suffisamment explicites, comme nous le verrons, dans la trame des œuvres, mais certains auteurs s’expriment ouvertement sur ces points.