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Search and destroy: the Knowledge Engine and the undoing of Lila Tretikov
Rechercher et détruire : le Knowledge Engine et le retrait de Lila Tretikov
By William Beutler — 17 février 2016
Cet article a été publié à l'origine sur le blog de l'auteur et est republié ici avec sa permission. Le point de vue exprimé dans cet article est le sien et ne reflète aucune opinion officielle du Signpost.
La Fondation Wikimédia est en révolte ouverte. Tandis que les efforts quotidiens bénévoles d'édition de pages Wikipédia continuent comme toujours, la WMF, fondation à but non lucratif, est au milieu d'une crise encore jamais vue auparavant. Ces dernières semaines, le départ de personnel de la WMF s'est accéléré. Juste au cours des dernières 48 heures, des employés ont commencé à évoquer ouvertement sur le Web leur manque de confiance dans le leadership de la directrice exécutive Lila Tretikov.
Sur tous les domaines, 2016 a commencé sur un terrible, horrible, très mauvais départ sans rien de bon. La controverse des premières semaines de l'année s'est concentrée sur le congédiement inexpliqué du conseil d'administration de la WMF de James Heilman, un représentant populaire issu des volontaires de Wikipédia, avant de se tourner vers l'impopulaire nomination au conseil de la WMF de Arnnon Geshuri, dont l'engagement sur un plan anti-concurrentiel en tant que cadre de Google l'a conduit à quitter son poste au milieu du tollé du personnel de la WMF et de la communauté (voir le reportage d'un précédent Signpost).
Mais d'autres problèmes restent non résolus : le fait que les employés de la WMF étaient insatisfait de Tretikov se faisait de plus en plus savoir en dehors des murs de son quartier général à San Francisco, tandis que des questions se multipliaient concernant l'origine, le statut et le but d'une initiative peu connue officiellement appelée Discovery, mais qui était auparavant (et de façon plus notoire) connu sous le nom « Knowledge Engine ». De quoi s'agissait-il ? Comment toutes ces choses étaient-elles liées. Mais que diable se passe-t-il donc ?
Grande inspiration.
Une chose étrange concernant le Knowledge Engine est que, jusqu'à très récemment, pratiquement personne n'en savait quoi que ce soit — y compris une grande majorité du personnel de la WMF. Ce n'est que lorsque Heilman l'a identifié comme étant la question centrale entourant son départ du conseil qu'un public extérieur au personnel de la WMF a commencé à en entendre parler — en mai 2015 seulement, Risker a remarqué qu'une équipe appelée « Search and Discovery (Recherche et Découverte) » était « extraordinairement bien pourvue en personnel avec un nombre disproportionné d'ingénieurs alors que dans le même moment d'autres équipes avaient l'air d'en avoir besoin ». Et ce, en dépit du fait que, à partir de ce que nous savons désormais, la WMF a cherché des financements de plusieurs millions de dollars auprès de la en:Knight Foundation, recevant près de 250 000 dollars dans une subvention qui n'a été révélée que plusieurs mois plus tard. Tout récemment ce mois-ci, un article du Signpost raisonnable mais pourtant encore dans l'ombre posait la question suivant : « Après tout, qu'est-ce qu'un moteur de connaissance (knowledge engine) ? »
Après plusieurs mois sans savoir ce qui n'allait pas, suivis par des semaines de douloureuse amertume, nous pensons avoir la réponse : à partir de ce que nous savons en ce mois de février 2016, le mystérieux projet serait en fait un projet de la WMF d'amélioration du moteur de recherche de Wikipédia à partir de quelques financements extérieurs et modestes, ce qui semble une bonne idée ; bien sûr, le moteur de recherche de Wikipédia n'est peut être pas le meilleur, mais nous savons aussi qu'à un certain moment, il s'agissait d'un ambitieux projet de création d'un tout nouveau moteur de recherche pouvant constituer une alternative à Google. À un certain moment de l'année 2015, la WMF a soumis une proposition à la Knight Foundation demandant un montant considérable d'argent pour financer ce projet. Il était décrit dans des documents qui viennent de paraître concernant cette subvention comme un « moteur de recherche », et plusieurs maquettes initiales semblaient suggérer que c'était bien l'idée du projet, comme on peut le voir sur des documents internes révélés pour la première fois par le Signpost de la semaine dernière.
Pourquoi Wikipédia envisagerait-il de créer un moteur de recherche, par ailleurs ? La réponse la plus probable est la peur d'être trop dépendant de Google qui envoie à Wikipédia au moins un tiers de son trafic total de visiteurs. Au cours des dernières années, Google a commencé à apporter des réponses aux requêtes directement dans la page de résultat de son moteur de recherche (SERP, acronyme anglais), souvent alimenté par Wikipédia, court-circuitant ainsi les visites sur ce dernier. Tretikov elle-même, dans un commentaire décousu du 29 janvier sur la page de son compte utilisateur Meta-Wiki, identifiait « le déclin du lectorat » comme le défi le plus récent de Wikipédia.[1]
C'est une position compréhensible : si vous êtes le chef d'une organisation dont le succès a été largement caractérisé par son trafic total, tout déclin du trafic peut être assimilé au déclin de la capacité de Wikimédia à remplir sa mission. J'admets que c'est une vision de court-terme : que Wikipédia a une mission éducative dont l'impact ne peut être mesuré seulement qu'en terme de trafic. Que Google emprunte de l'information de Wikipédia — bien qu'ils ne soient pas le seul — de manière à répondre aux questions avant qu'ils n'aient effectivement besoin de cliquer sur le lien vers en.wikipedia.org est déjà une victoire pour Wikipédia en soi, même si ce la réduit la probabilité (déjà basse) qu'un lecteur devienne un contributeur de Wikipédia.[2]
La logique est tordue, mais vous pouvez la suivre : la plupart des lecteurs accèdent à Wikipédia grâce à un moteur de recherche, donc si le moteur de recherche qui a aidé à faire de Wikipédia le succès qu'il est aujourd'hui change d'avis et commence à pointer ailleurs, il est préférable de prendre les devants et créer une nouvelle alternative que les gens utiliseront. J'imagine ? Si nous acceptons ce raisonnement, nous devons encore nous confronter à d'autres questions telles que : Est-ce réellement quelque chose que la WMF peut accomplir ? Est-ce à la portée de la WMF ? Est-ce quelque chose qui aidera Wikipédia a accomplir sa mission ? Ces questions sont beaucoup plus épineuses pour la WMF — parce que d'une part les réponses sont « non », « non » et « non » — et d'autre part elles devraient absolument être partagées avec le conseil d'administration de Wikimédia en avance et, pour des raisons politiques, être l'objet d'échange au sein de la communauté de Wikipédia. L'incident autour du départ de Heilman suggère que les discussions avec le conseil d'administration ont été un problème et la frénésie en cours que les échanges avec la communauté n'ont manifestement pas eu lieu.
En même temps, le refus drastique de Lila Tretikov et même de Jimmy Wales d'en parler est, en fait, en train de déchirer la Fondation Wikimédia. Tretikov a aussi perdu toute la crédibilité qui lui restait auprès du personnel de Wikimédia et des observateurs proches de la communauté, bien qu'elle n'en disposait pas de beaucoup au départ. Alors que cette semaine s'achève, davantage de membres du personnel ont démissionné, ceux qui restent se plaignant en public, et il semble impossible d'imaginer que Lila Tretikov reste en charge plus longtemps.
Si vous avez besoin d'une chronologie des évènements pour comprendre comment nous en sommes arrivés à cela, je suis ravi de vous annoncer que vous trouverez justement ce que vous cherchez ci-dessous, bien que je craigne que l'affaire entière soit bien trop grande et dispose de bien trop de facettes pour lui rendre correctement justice dans l'espace assigné à cet article déjà très long. Un recueil complet pourrait très bien commencer dans le milieu des années 2000, lorsque Jimmy Wales avait l'ambition de créer son propre moteur de recherche —Wikiasari en 2006 et Wikia Search en 2008. Il inclurait certainement un bilan complet des nombreux membres de la WMF à haut profil qui ont quitté le projet depuis fin 2014 et le rôle que Tretikov a joué pour chacun d'entre eux. Il inclurait un examen méticuleux de ce que la WMF peut et devrait faire au nom de Wikipédia, et une évaluation des questions posées à Wikipédia sur son propre futur par l'évolution d'un internet mettant l'accent sur les applications (apps).
Je pense que cela dépasse ce que je pourrais accomplir ici.
À la place, je voudrais me concentrer sur ce qu'il s'est passé cette semaine. Mais d'abord, nous devons combler quelques lacunes. Pour ce faire, vous voudrez remonter dans le temps de quelques semaines :
- Commençons le 25 janvier, quand Jimmy Wales a qualifié les allégations d'Heilman affirmant que les problèmes de transparence étaient au cœur de son licenciement de « putain de connerie absolue ». Jimmy Wales est connu pour fustiger les contributeurs de Wikipédia qui l'importunent sur sa page de discussion, et il semble que cela soit un de ces emportements.
- Le 29 janvier Tretikov a fait sa première déclaration publique face à la communauté à propos de la subvention de la Knight Foundation, déclaration qui fut la bienvenue car elle démontrait une réflexion introspective mais qui amenait beaucoup plus de questions qu'elle n'en résolvait.
- Le 1er février, Frances Hocutt, développeur de la WMF, déclara sur pas moins que la page de discussion de Tretikov que les employés étaient « censurés pour s'être exprimé en des termes qu'il avait trouvé nettement critiques mais aussi fondamentalement honnêtes et polis ».
- Ne manquez pas le susmentionné « Après tout, qu'est qu'un moteur de connaissance ? », une enquête de Andreas Kolbe pour The Signpost, publié le 8 février, et qui reste encore l'évaluation la plus détaillée de cette controverse aux multifacettes.
- On saute ensuite directement au 11 février, quand Wales poursuivait sa campagne de désinformation tel un « Bagdad Bob », insistant publiquement auprès des contributeurs de Wikipédia que tout suggestion que la WMF ait jamais entrepris la création d'un moteur de recherche était un « mensonge total ». [3]
- Juste quelques heures plus tard, WMF Communications a mis en ligne l'accord de subvention de la Knight Foundation lui-même sur le wiki propre de la WMF, confirmant pour la première fois, en public, que la WMF décrivait le projet comme « le premier moteur de recherche transparent d'Internet ». The Signpost a procédé à l'examen le plus en détail non seulement de l'accord de subvention, mais aussi de trois documents complémentaires qui ont été divulgués au Signpost mais n'ont pas été rendus public à ce jour.
- Lisez aussi cet powerfully-argued article de blog du vétéran de Wikipédia Liam Wyatt (Wittylama) à propos de la piètre prise de décision stratégique qui a conduit à la controverse actuelle.[4]
- Vous pourriez ensuite jetez un œil au Registre, toujours grinçant, mais avec un résumé satisfaisant de la situation de la semaine dernière, juste avant qu'elle ne devienne médiatique. Je recommande absolument ce récit du 15 février de Vice’s Motherboard à propos du fiasco (et sa suite) mais oubliez cette nouvelle de Newsweek sauf pour constater comment ce média mal informé a, pour un bref instant, rapporté que Wikipédia s'attaquait à Google.
- Bien qu'incomplète, je pense que cette conclusion du The Verge est un assez bon résumé, au moins à destination du grand public :
Il est difficile de dire si les plans de Wikimédia se sont juste spontanément éloignés du projet de moteur de recherche ou bien si c'était une réponse à la réaction de la communauté, mais l'organisation est désormais, au moins, en train d'affirmer qu'elle ne souhaite pas faire face à Google, mais seulement améliorer son propre produit.
- Alors que tout ceci était révélé, l'exode de membres clef de la WMF s'accélérait. Le 8 février, Tretikov annonçait sur Wikimedia-l que Luis Villa, à la tête du département d'Engagement Communautaire et précédemment membre de l'équipe juridique de la WMF, allait s'en aller.
- Au moins Tretikov semblait maîtriser ce départ. En effet, le jour suivant, Anna Koval, une gestionnaire du programme éducatif, annonçait son propre départ à la liste de diffusion.
- Puis, le vendredi 12 février, une très grande lettre de démission a été lâchée sur la liste diffusion Wikimedia-l : celle de Siko Bouterse, une autre leader vétéran qui a pendant longtemps constitué un lien crucial entre la communauté des bénévoles de Wikipédia et le personnel pro de la WMF. Choisissant bien ses mots, Bouterse écrivit :
Transparence, intégrité, communauté et savoir libre restent profondément importants pour moi et je crois que je sera mieux placée pour représenter ces valeurs en tant que bénévole, en ce moment.
- Mettant un petit peu en désordre cette chronologie, mais remarquable : Hocutt, le développeur qui a rendu public les inquiétudes internes concernant la dissidence passée sous silence, annonça son propre départ (quoique temporaire) dans encore un autre message Wikimedia-l le 17 février, faisant remarquer que son départ était « dû en partie au stress causé par les récentes incertitudes et les départs de l'organisation ».
Finalement, le 16 février, Lila Tretikov publia une lettre ouverte (co-écrite par le Vice Président du Produit, Wes Moran) dans un article du blog Wikimédia intitulé « Clarification sur le futur de l'outil de recherche Wikimédia ». Hélas, cela n'a pas été très clair : cet article semblait destiné à des journalistes grand-public mal informés comme ceux de Newsweek, et non à la communauté de Wikipédia qui savait précisément quelles informations manquaient pour compléter le tableau. En voici le début :
Au cours des quelques semaines passées, la communauté Wikimédia a engagé la discussion au sein des projets Wikimédia sur les plans de la Fondation Wikimédia pour la recherche et la découverte.
Certes, c'est certainement une manière de voir les choses ! En d'autres termes, vous avez été acculés, contraints de défendre la position intenable selon laquelle Wikipédia n'a jamais envisagé de créer un moteur de recherche, et maintenant que la presse grand-public rapporte, à partir de vos propres documents, que vous « êtes effectivement » en train de créer un moteur de recherche, vous devez réagir à cela.
Après beaucoup d'illustrations de la croissance de Wikipédia et ses nombreux succès, Tretikov et Moran ont finalement abordé le sujet :
Qu'est-ce qu'on ne fait pas ? Nous ne sommes pas en train de créer un moteur de recherche global. Nous ne sommes pas en train de créer un autre projet Wikimédia distinct... En dépit des gros titres, nous n'essayons pas de concurrencer d'autres plateformes, y compris Google.
Cela semblait vraisemblable, dans la mesure où il n'y aucun projet d'outil de recherche actuellement. Toutefois, Wales s'est auparavant enfermé lui même dans un discours selon lequel il n'y a jamais eu de projet d'outil de recherche émanant de la WMF, et nous savons désormais que cela est manifestement faux. Sans aucun aveu dans cette note, c'est inutile. Mais pire encore que cela :
Il était prévu que les retours de la communauté fasse partie de la subvention du Knowledge Engine, et ces retours sont essentiels pour identifier les possibilités d'amélioration de nos outils de recherche existant.
Nous sommes à dix mois après les plans initiaux de ce projet d'une grande portée, bouleversant son cahier des charges, six mois après l'attribution d'une subvention pour poursuivre cet effort chimérique, et pas encore deux mois passés après la violente expulsion d'un administrateur du conseil sur cette affaire... et tout ce que vous pouvez dire, c'est que « les retours étaient prévus » ?
Finalement, ce qui s'apparente le plus à un aveu concernant le fait que le Knowledge Engine a été effectivement, sur certains aspects, un moteur de recherche :
Il est vrai que notre parcours jusqu'ici n'a pas toujours été paisible, en particulier au cours de la phase de conceptualisation.
Et rien de plus.
Le premier commentaire sur cet article fut brutal, frôlant l'incivilité, émanant d'un ancien contributeur à la retraite. Il concluait ainsi :
Soit vous :
a. Êtes en train de mentir ouvertement, et vous espérez que nous n'avons en fait pas lu la demande de subvention,
b. Avez induit en erreur la Knight Foundation sur vos intentions quant à l'argent de la subvention, ou
c. Êtes sérieusement incompétente et ne devriez jamais être chargée d'écrire une demande de subvention
Aucune de ces options ne semble judicieuse pour la WMF.
Quelques heures plus tard, un membre de l'équipe Discovery de la WMF s'avança vaillamment et tenta de proposer une explication plausible concernant le fait que la demande de subvention ne signifiait pas forcément un projet de moteur de recherche pouvant concurrencer Google — de la réparation des dégâts, pour l'essentiel — mais dû néanmoins concéder que la formulation de la demande ne donnait pas une bonne image de Tretikov ou de la WMF : « C'est ambiguë. Je ne peux évoquer les intentions des auteurs et bien que des membres actuels de la WMF soient mentionnés, ils ne sont pas les seuls auteurs du document. »
Finalement, le jour suivant, un véritable héros a surgi en la personne de Max Semenik, un autre ingénieur de l'équipe Discovery, en grande partie inconnu de la communauté, et qui était prêt à retirer sa casquette de chargé des relations publiques pour dire ce que tout le monde savait déjà à peu près :
Oui, il y a eu des projets pour faire un moteur de recherche pour internet. Je ne comprends pas pourquoi nous essayons encore d'éviter de donner une réponse directe à ce sujet...
Le projet dans sa totalité n'a pas fait long feu et a été abandonné peu après que l'équipe Search a été créée, après que le budget au titre de 2015-2016 a été finalisé, et il n'a pas reçu l'argent nécessaire pour un tel travail...
Toutefois, les idées et la formulation de ce projet de moteur de recherche se sont frayés un chemin dans de nombreux documents de l'équipe de découverte et n'ont jamais été totalement éliminés...
Avec le recul, je pense que notre utilisation continue du nom Knowledge Engine a induit en erreur et aurait dû s'arrêter quand le projet de moteur de recherche de internet a été abandonné. Non, nous ne sommes vraiment pas en train de travailler sur un moteur de recherche internet.
Ça, ça sonne comme une vraie réponse ! Qui plus est, cela esquisse un récit crédible expliquant pourquoi la demande de subvention de la Knight Foundation parlait d'un moteur de recherche, même si ce n'était pas l'objectif. C'est une forme de transparence, en quelque sorte ! Mais une transparence du dernier recours. Que cela doive émaner d'un ingénieur de bas niveau indique qu'il y a un problème majeur, et reflète le fait que la WMF ne peut simplement pas aller dans cette direction.
À un moment où Wikipédia fait déjà face à des problèmes existants, la WMF demandait de l'argent pour essentiellement créer un tout nouvel ensemble de problèmes. C'est le signe d'une organisation, si ce n'est d'un mouvement, à la dérive. Clairement, ils ont fait l'ébauche d'un moteur de recherche à Knight, et ils ont demandé des millions — j'ai entendu parlé de 100 millions de dollars sur 5 ans — réduits ensuite à 12 millions de dollars, dont Knight a apporté 250 000 dollars pour dresser un plan — essentiellement une tape sur l'épaule : « puisqu'on vous aime bien, voici quelques dollars pour aboutir à une meilleure idée ».
Des mystères demeurent : d'où vient cette idée, qui l'a soutenue, quand s'est-elle éteinte — ou bien quand a-t-elle reculé et que s'est-il passé par la suite ? Une réponse a été apportée dans un autre commentaire de ce fil de discussion public (!) encore un autre membre d'une équipe de la WMF (!) pointant du doigt un ancien vice président du groupe de l'ingénierie, Damon Sicore, qui aurait « secrètement fait son marché avec des idées grandioses à propos d'un moteur de recherche de savoir, qui a finalement évolué en une restructuration aboutissant à la formation de l'équipe Discovery ». Sicore est parti en juillet 2015. Une grande question reste sur le tapis pour laquelle il n'y a pas encore de réponse : quand la demande actuelle de subvention a-t-elle été soumise à la Knight Foundation ?
Un argument que j'ai entendu ces derniers jours affirme qu'il est courant dans les demandes de subvention de proposer tout un tas de choses avant de voir ce qui peut effectivement coller. C'est peut-être vrai, mais si c'est le cas, cela ne semble pas avoir porté ses fruits. Que le leadership de la WMF ait éprouvé le besoin de cacher cette affaire par la suite met en évidence le fait qu'ils savaient qu'ils étaient dans l'erreur.
Une autre grande question : comment cela a-t-il affecté la réputation de Wikipédia auprès du public, en particulier auprès des donateurs, surtout auprès des fondations ? Vous pensez sans doute que cela a eu un grand effet. La WMF fait penser aux Keystone Cops. Pourquoi lui donneriez-vous de l'argent ? Et actuellement, la Knight Foundation en particulier doit se demander où elle a mis les pieds.
Au cours des dernières 24 heures, le flot de critiques publiques à l'égard de Tretikov s'est accru. Une partie a lieu sur le fil de discussion mentionné ci-dessus, pas mal directement sur Wikimedia-l, mais beaucoup ont lieu dans un groupe Facebook semi-privé appelé Wikipedia Weekly, où des membres du personnel, connus auparavant pour ne pas exprimer leur désaccord en interne, ont discuté assez franchement des problèmes qui ont lieu au 149 New Montgomery Street.
Hier après-midi, sur la liste de diffusion, un développeur, Ori Livneh, a répondu à un appel au calme de en:Dariusz Jemielniak, administrateur de la communauté, en expliquant pourquoi ils ne pouvaient plus garder le silence :
Mes confrères au département Technologie travaillent incroyablement dur pour créer de la valeur ajoutée pour les lecteurs et les contributeurs, et nous disposons de très bons résultats pour le prouver. Il y a moins de deux ans, cela prenait en moyenne six secondes pour enregistrer une modification d'un article ; nous en sommes actuelllement à une seconde. (les déploiements de MediaWiki induisent une interruption de 200-300 ms !). Le temps de chargement des pages s'est amélioré de 30-40 % au cours de l'année passée, ce qui nous a valu les applaudissements de la presse et des cercles professionnels.
…
Tout cela a lieu malgré — et non grâce à — les dysfonctionnements au plus haut niveau hiérarchique. Si vous ne me croyez pas, tout ce que vous avez à faire, c'est d'attendre : il ne faudra pas longtemps pour assister à un exode du personnel de l'Ingénierie. Notre étonnement initial vis-à-vis du manque de volonté du Conseil d'admettre qu'il y a un dysfonctionnement et de le régler s'estompe. Les dérapages et les échecs ne sont pas généralisés et diffus. Ils sont localisés et spécifiques et leur emplacement vous a été indiqué à répétition.
Peu après, Asaf Bartov — un des membres de la WMF les plus ouverts, bien avant ces dernières 48 heures — a fait savoir son approbation et a fait parvenir son commentaire à Jemielniak :
Merci, Ori. +1 à tout ce que tu as pu dire. Nous avons trimé malgré d'importants dysfonctionnement depuis plus d'un an maintenant, et nous sommes désormais en crise. Nous perdons de précieux collègues, du temps, de l'argent, *et même* la confiance de la communauté que nous avons gâchée auparavant, et notre santé (littéralement ; le conseil du comité des ressources humaines a reçu quelques détails à ce sujet). Agissez. Si pour quelques raisons que ce soit le conseil ne peut agir, veuillez en exposer les raisons. Signalez-nous, à la communauté et au personnel, par des termes concrets si ce n'est par des déclarations, que vous comprenez l'amplitude du problème.
Et puis, 10 minutes plus tard, Lila Tretikov a répondu à ce fil de conversation précisément, et voici tout ce qu'elle avait à dire :
Pour quelques réalisation de l'année 2015 des équipes produit/technique, vous pouvez en voir l'inventaire ici :
https://meta.wikimedia.org/wiki/2015_Wikimedia_Foundation_Product_and_Technology_Highlights
C'est le texte complet de son message. C'est tout ce qu'elle avait à dire, sur un fil de discussion public critiquant en particulier son leadership et tout le reste sans explicitement demander son retrait. On peut avoir l'impression, à ce moment, que même Lila Tretikov veut juste que tout soit fini.
Dans les premières heures du 19 février, Kunal Mehta, un ingénieur Software de la WMF, écrivit un message passionné, plutôt triste sur son blog personnel, intitulé : « Qu'est ce que je fais encore là ? » :
Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi le commandement actuel n'est pas encore parti. Pourquoi voudriez-vous travailler dans un lieu où 93 % de vos employés ne croient pas que vous fassiez du bon travail, et les autres vous ont qualifié de menteur (avec une preuve pour le justifier) ouvertement, devant le personnel au complet ? Je ne sais pas ce qui se passe actuellement, mais nous sommes épuisés maintenant et nous avons désespérément besoin de tourner la page. ...
J'adore et j'adorerai toujours Wikimédia, mais je ne peux pas en dire autant à propos de l'état actuel de la Fondation Wikimédia. Je suis dans le coin depuis près de neuf ans maintenant (quasiment la moitié de ma vie) et j'ai comme l'impression que le monde est lentement en train de s'écrouler et que je suis impuissant.
Et c'est pourquoi il n'y a vraiment juste aucun moyen pour Lila Tretikov de continuer à diriger la WMF. Il y a une semaine, on pensait que : le Conseil d'Administration l'avait choisie en écartant James Heilman, qu'ils embrassaient son point de vue. À ce moment-là, le Knowledge Engine semblait aussi être un souci actuel, et leur soutien être dû à leur insistance à faire passer le projet au-dessus des objections de la communauté et du personnel. Sachant ce que nous savons désormais, c'est inexplicable. On pense désormais que : elle doit manifestement partir, et que la seule raison que le Conseil ait pour ne pas agir consisterait en des considérations juridiques.
Pour l'avenir de Wikipédia, la Fondation Wikimédia a besoin d'un nouveau leadership. Lila Tretikov doit démissionner ou elle doit être remplacée. C'est le plus délicat article que je n'ai jamais eu à écrire. Le prochain sera, je l'espère, à propos du redressement.
- Notes
- « Notre objectif est de commencer à explorer de nouvelles initiatives qui pourraient nous aider à répondre aux défis auxquels Wikipédia doit faire face, en particulier alors que d'autres sources et d'autres méthodes permettant l'accès au savoir émergent. Si vous ne l'avez pas encore faire, jetez un œil aux récentes données et statistiques qui illustrent la trajectoire en déclin que notre mouvement suit avec un déclin du nombre de lecteurs (depuis 2013), du nombre de contributeurs (depuis 2007, que nous avons stabilisé pour Wikipédia en anglais en 2015) et notre longue lutte pour inciter les lecteurs à devenir contributeur. Ces dangers sont en tête de liste de mes priorités car elles menacent le cœur de notre mission. »
- Voir ce commentaire de Dario Taraborelli de la WMF, qui objecte : « Le trafic en soi n'est pas l'objectif, la question devrait être de savoir comment attirer l'attention humaine sur la source. »
- Citation complète : « Pour bien éclaircir cela : personne occupant un poste supérieur n'a proposé ou est en train de proposer que la WMF doive s'impliquer dans un « outil de recherche » généraliste ou bien essayer « d'être Google ». C'est une hypothèse intéressante qui n'a ni fait partie d'une proposition de stratégie sérieuse, ni même discutée au niveau du conseil, ni proposée au conseil par le personnel, ni été l'objet d'une bourse, etc. C'est un mensonge total. »
- « Il me semble extrêment préjudiciable que Lila ait approché une organisation externe pour financer un nouveau moteur de recherche (quelque soit la manière dont vous le définissiez), sans avoir d'abord mis en place un plan stratégique. Soit le Conseil savait et ne voyait pas où était le problème, ou bien ils n'étaient pas correctement informés de l'objet de la subvention. Les deux situations n'annoncent rien de bon. »