Le PC Bruno, poste de commandement Bruno, est le nom de code du site d'implantation d'une cellule de déchiffrement franco-hispano-polonaise, sous contrôle des services de renseignements français (SR-Guerre), pendant la Seconde Guerre mondiale.

Historique modifier

Basé au château de Vignolles, près de Gretz-Armainvilliers, 40 km au sud-est de Paris, PC Bruno compte 70 personnes. Constitué de cryptologues et de militaires français, il recueille, début , quatorze cryptanalystes polonais, dont des spécialistes de la machine Enigma (anciens du bureau du chiffre du renseignement militaire polonais Biuro Szyfrów), commandés par le lieutenant-colonel Langer. Sept Espagnols travaillent aux codes italiens et franquistes. Dirigée par le commandant Gustave Bertrand, l'équipe coopère avec le GC&CS de Bletchley Park (BP).

Effectifs modifier

Les Polonais sont des soldats de métier, des universitaires mathématiciens ou des ingénieurs de la Société Radio AVA. Sur ordre, ils ont abandonné leur famille à Brest-Litovsk. Chez eux, ils sont recherchés par les services allemands. Ils sont en France parce que l'ambassade de France à Bucarest a réagi plus vite que l'ambassade de Grande-Bretagne. À leurs yeux, cette intégration est un pis-aller, faute des moyens de constituer une antenne polonaise autonome. De plus, ils ont perdu en chemin tout le matériel évacué de Varsovie, bomby, cyclomètre, feuilles de Zygalski, et toutes leurs répliques d'Enigma, sauf deux. Sans feuilles de Zygalski, pas de décryptage.

Dix officiers français occupent au PC Bruno les postes dominants. Toutefois, d’après Langer, ces officiers français ne jouent pas de rôle important dans le travail cryptologique. La situation que trouve Langer à son arrivée n'est pas brillante. Les cryptologues français n’utilisent pas leur réplique d’Enigma pour effectuer de nouvelles études ; ils se préoccupent seulement de la tenir en bon état de fonctionnement, alors que la situation est différente du côté britannique. Bertrand en veut aux Polonais de ne pas lui avoir fait confiance avant-guerre, ne révélant qu'en qu'ils lisent certains trafics Enigma, par intermittences, depuis six ans[1].

Coopération avec le GC&CS modifier

Du 3 au , Langer et Henri Braquenié (de) (armée de l'air) vont à Londres et à BP. Le GC&CS réclame les Polonais, mais Langer répond que les cryptanalystes resteront en France, avec les unités de combat polonaises en formation. On convient du partage des tâches et des procédures de transmissions. Chiffrés au moyen des Enigmas polonaises, les messages seront transmis par téléscripteurs. Le , des cryptanalystes britanniques, dont Alan Turing, sont reçus à PC Bruno où ils passent plusieurs jours. Turing apporte un premier jeu de feuilles de Zygalski fabriquées à BP par John Jeffreys sur les indications polonaises. Le , il revient avec le second jeu.

Décryptages modifier

Le , les Polonais déchiffrent les premiers trafics Enigma du temps de guerre, à partir des messages du [2]. Mais l'effectif de PC Bruno est maigre. Celui qui a trouvé la clef décrypte tous les messages du réseau ce jour-là. Ça n'avance pas vite[3].

Le PC Bruno est actif jusqu’au . Les messages chiffrés lus couvrent la période du au . Les messages relatifs à 110 jours de cette période sont décryptés ; ceci signifie que 126 clefs journalières doivent être découvertes. La différence entre le nombre de jours et le nombre de clefs s’explique du fait que, pour certains jours, les messages de réseaux utilisant des clefs différentes sont interceptés et lus. La participation britannique à la découverte des clefs représente 83 %. La cause, l'accord de division du travail, aux termes duquel le PC Bruno se concentre sur les recherches, tandis que les Britanniques assurent les travaux techniques et l’exploitation journalière des messages interceptés. D’autre part, les Britanniques sont mieux préparés à l’interception des messages radio allemands et leur décryptage, car ils disposent de plus de matériel. Il arrive que le PC Bruno reçoive des Britanniques les clefs de jours pour lesquels le PC Bruno ne dispose pas encore de messages interceptés. Le nombre total de radiogrammes lus, du au , par l’équipe polonaise est de 8 440. Sur ce total, 1 151 messages ont trait à la campagne de Norvège, 5 084 à la campagne de Belgique et de France, 287 concernent les liaisons clandestines des Allemands avec leurs agents et 1 085 sont des messages du secteur russe. Les 833 messages restants proviennent de sources variées (Suisse). Parmi les messages concernant la Belgique et la France, certains, qui fournissent des renseignements sur les mouvements des unités allemandes, sont disponibles à temps pour la prise de contre-mesures[1].

Évacuation modifier

Le , PC Bruno ferme devant l'invasion allemande. Le , jour d'entrée en vigueur de l'armistice, les quinze Polonais et les sept Espagnols sont expédiés par avion à Oran, puis à Alger. Les Polonais insistent pour passer en Grande-Bretagne, afin de rejoindre les unités polonaises. Bertrand refuse.

Matériel modifier

En , Langer apprend à Londres qu’une somme de 12 000 livres est allouée à la construction de répliques d’Enigma. Le PC Bruno dispose de trois copies polonaises d’Enigma. L’une est la copie donnée à Bertrand en  ; les deux autres, apportées par Langer et Ciężki, proviennent du stock détruit par les Polonais. L’une de ces machines est démontée par Palluth afin d’établir les dessins techniques destinés à permettre la production d’autres répliques. Malheureusement, les copies commandées par Bertrand ne sont pas livrées avant , c’est-à-dire trop tard. Ainsi, au PC Bruno, deux machines seulement sont disponibles[1].

Personnel modifier

Marian Rejewski en 1932

PC Bruno comprend plusieurs sections, dont les membres sont français ou polonais, plus un officier de liaison britannique.

  • Commandement
  • Section allemande
  • Section russe
    • Commandement
      • Capitaine Couey (F)
      • Major M. Chasles (F)
    • Interception radio
      • Lieutenant Antoni Palluth (P)
      • Capitaine Mariele (F)
      • Capitaine Chadapaux (F)
      • Sergent Eclancher (F)
    • Cryptanalyse mécanique
      • Capitaine Jan Gralinski (P)
      • Stanislaw Szachno (P)
      • Piotr Smolenski (P)

Anecdote modifier

Les cryptologues britanniques, français et polonais échangeaient des transmissions par téléscripteur chiffrées au moyen de copies d'Enigma. Le capitaine Henri Braquenié (armée de l'air) terminait chacun de ses messages aux Britanniques par un « Heil Hitler! »

Notes et références modifier

  1. a b et c Paillole, Notre espion chez Hitler
  2. Kozaczuk 1984, p. 84; 94, note 8
  3. Rejewski (1982) p. 81–82

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

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