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Ivan le Terrible et son fils Ivan le 16 novembre 1581 (russe : Иван Грозный и сын его Иван 16 ноября 1581 года), également connu sous le nom d'Ivan le Terrible tue son fils (russe : Иван Грозный убивает своего сына) est un tableau peint par Ilia Répine entre 1883 et 1885.

L'œuvre représente un épisode de la vie d'Ivan le Terrible, après que, sous l'emprise de la colère, il a porté un coup mortel à son fils le tsarévitch Ivan Ivanovitch. La toile montre le visage fou et torturé par le remords du tsar et la douceur du tsarévitch mourant, pardonnant de ses larmes son père.

Bouleversante, suscitant, au-delà de son intensité tragique, un rejet de la violence, la peinture fait suite à des attentats terroristes commis par les narodniki, à leur répression par les autorités impériales et à des exécutions. La représentation d'un tsar meurtrier et infanticide, juste après l'assassinat d'Alexandre II, est dans ce contexte plus qu'une peinture historique. Elle est à l'origine d'une controverse qui conduira à la lacération de la toile en 1913, et se poursuit.

Le tableau, restauré à l'identique, est conservé à la galerie Tretiakov à Moscou.

Accueil et censure impériale modifier

La toile est montrée pour la première fois en 1885 à des amis peintres, parmi lesquels Ivan Kramskoï, Ivan Chichkine, Nikolaï Yarochenko, Pavel Brioullov et d'autres ; selon Répine, ses hôtes sont stupéfaits et se taisent longtemps, attendant que ce dirait Kramskoï[1].

« Je fus pris d'un sentiment de complète satisfaction pour Répine. La voilà, la chose, quel niveau de talent ... Et comme c'est peint, mon Dieu, comme c'est peint ! ... Et qu'est-ce que c'est que ce meurtre, accompli par une bête sauvage et un psychopathe ? ... Un père frappe son fils de son sceptre à la tempe ? Un instant ... Il pousse un cri d'effroi ... Il le saisit, il l'assoit sur le sol, il le relève ... Il appuie d'une de ses mains sur la blessure à la tempe (et le sang jaillit ainsi des fentes entre les doigts) ... et comme il braille ... C'est une bête, hurlant d'effroi ... Quelle affaire, on y voit sur la peinture toute une flaque de sang au sol, à l'endroit même que le fils a marqué de sa tempe ... Vraiment, cette scène nous noie de pénombre et d'une sorte de tragique naturel ... [texte en russe 1]. »

— Ivan Kramskoï, Lettre à A. S. Souvorine du 21 janvier 1881

Portrait d'homme à l'aspect cadavérique
Portrait de Constantin Pobiedonostsev par Ilia Répine (1903)

Plus généralement, l'accueil fait à Ivan le Terrible et son fils Ivan le 16 novembre 1581 n'est pas indifférent :

Огромное впечатление производила и производит эта картина на зрителей. 

Иван Грозный, в порыве гнева, ударил жезлом в висок и убил своего сына. Ручьем льется кровь из головы царевича. Кровь и на полу, и на кафтане, в крови руки царя. Он судорожно обхватил сына, зажимает его рану, а кровь все продолжает течь, бледнеет лицо царевича. Страшные глаза у отца, понявшего, что он сделал, страшное горе человеческое в них. И прекрасное лицо царевича, с доброй улыбкой, словно прощающего отцу это кровавое дело. 

Великолепна эта картина по мастерству исполнения, по мощи, по силе психологического раскрытия характеров людей, по гармонии красок, по отделке деталей. «Иван Грозный» одно из лучших полотен Репина, в этом сходились почти все, даже некоторые реакционные газеты отдали дань талантливости художника[2]

« On ne peut qualifier cette peinture de peinture d'histoire. C'est de la pure fantaisie ! »

— Constantin Pobiedonostsev

« Le peintre est tombé dans la caricature et dans une absence de goût inadmissible, — il dit ouvertement (et il faut déjà pour cela, enseignant à l'Académie, un courage qui fera date), avoir présenté, à la place des traits du tsar, une sorte de physionomie simiesque. Dans la conscience de chacun d'entre nous, sur le fondement des impressions retirées de la lecture des récits historiques ou des reproductions des arts plastiques ou scéniques du personnage de Ioann le Terrible, s'est constituée une image type de ce tsar, celle de tous, qui n'a rien à voir avec ce qui est présenté dans la peinture de M. Répine. »

— F. P. Landtsert, Professeur d'anatomie à l'Académie impériale des Beaux-Arts

« Bravo Répine, vraiment bravo. Il y a là quelque chose d'alerte, de fort, d'audacieux, et qui atteint sa cible ... Nous avons la vieille parasite hémorroïdale, et encore le père Karamazov. Votre Ioann réunit pour cette parasite et Karamazov. Il est lui-même un meurtrier chétif et pitoyable, comme ils doivent l'être, - et la beauté mourante du fils est belle. Bien, très bien[texte en russe 2]. »

— Léon Tolstoï, (ru) Толстой Л. Н. (L. N. Tolstoï), « Избранные письма 1882-1899 годы » [« Lettres choisies (1882-1889) »], sur www.croquis.ru (consulté le ), p. 9.

Le très conservateur procureur général du Saint-Synode, Constantin Pobedonostsev, fait part à Alexandre III de sa « répulsion » et de sa perplexité[3]. La toile ne plait pas à l'empereur et à son entourage, et il est interdit de la montrer le 1er avril 1885. C'est la première peinture censurée dans l'Empire russe[1], et Pavel Tretiakov, qui l'a achetée, s'engage « à ne pas l'exposer, et plus généralement à ne pas permettre qu'elle soit portée à la connaissance du public par tout autre moyen ». L'interdiction est levée au bout de trois mois, le 11 juillet 1885, après l'intervention du peintre Alexeï Bogolioubov, proche de la cour[4],[1].

Vandalisme et controverses modifier

Photographie des traces des trois coups de couteaux sur la toile.
Ivan le Terrible tue son fils après lacération (1913).

Le 16 janvier 1913, Ivan le Terrible et son fils Ivan le 16 novembre 1581 est lacéré de trois coups de couteau, portés par un iconoclaste de 29 ans, fils du grand fabricant de meuble Abram Balachov. Le visage est cependant pratiquement restauré dans son état originel, avec le concours d'Ilia Répine[1]. Le conservateur de la galerie Tretiakov, Gueorgui Khrouslov, apprenant la détérioration de la toile, s'est jeté sous un train[5].

Приехав в Москву 17 января, Репин немедленно пошел в Третьяковскую галерею и сам заново переписал Голову Ивана Грозного. Об этом так рассказывает Игорь Грабарь, назначенный в это время попечителем Третьяковской галереи: «Когда приехал Репин, я, не извещенный им заранее, случайно был за городом и попал в галерею только к концу дня. Каково же было мое удивление, когда мой помощник по галерее Н. Н. Черногубов сказал мне спокойным голосом: «Илья Ефимович был сегодня, реставрировал «Ивана Грозного» и очень жалел, что вас не застал, так как он сегодня же уезжает». Я света не взвидел, ибо надо было сперва условиться о наиболее безболезненном способе восстановления утраченных частей и о чисто технической стороне реставрации: производить ли ее масляными, лаковыми или акварельными красками и т. п. Хорошо зная страсть Репина к переписыванию своих картин он как раз в это время переписывал к худшему свою прекрасную вещь «Явленная икона», - я имел все основания опасаться за целость обоих голов израненной картины, все еще прекрасных, несмотря на зиявшие белой меловой подготовкой месте ранения. Когда я вошел в комнату, где была заперта картина, и увидел ее, я глазам своим не поверил: голова Грозного была совершенно новая, только что свеже написанная сверху донизу в какой-то неприятной лиловой гамме, до ужаса не вязавшейся с остальной гаммой картины. Медлить было нельзя - краски могли к утру значительно затвердеть. Узнав, что Репин писал на керосине - он давно уже заменил им скипидар прежнего времени, - я тут же сначала насухо, потом с керосином протер ватой все прописанные места, пока от утренней живописи не осталось и следа и полностью засияла живопись 1884 года... Мы с Д. Ф. Богословским остановились... именно на восстановлении при посредстве акварельных красок, что и произвели в течение недели. На самом опасном месте - на голове царевича, я работал сам, остальное сделал Богословский. Великое счастье, что на них вовсе не пострадали глаза и рот. Самое опасное и сложное место реставраций был нос царевича, по контуру совсем отсутствовавший. Восстановить его удалось только благодаря наличию превосходных фотографий с деталей, снятых до поранения и увеличенных до размеров оригинала[2]

http://www.baget1.ru/conservation-restoration/direktor-tretjakovki-smyl-chast-kartiny-repina.php

http://e-belov.livejournal.com/186422.html

En octobre 2013, un groupe d'historiens et d'activistes orthodoxes, menés par l'apologiste et partisan de la canonisation du tsar Ivan, Vassili Boïko-Veliki, s'adresse au ministre de la culture de la Fédération de Russie, Vladimir Medinski pour lui demander de retirer la toile de la galerie Tretiakov, au motif qu'elle offenserait les sentiments patriotiques des Russes[6]. La directrice de la galerie Tretiakov, Irina Lebedeva, s'y oppose formellement[7].

Le groupe artistique Mitki, pour tourner en ridicule cette pétition, peint une toile, Mitki donne à Ivan le Terrible un nouveau fils, qui puisse remplacer celle de Répine en cas de nécessité[8].

Postérité modifier

Une reproduction du tableau est accrochée dans l'appartement de Timofeïev dans le film Ivan Vassilievitch change de profession de Leonid Gaïdaï.

Le poète et barde soviétique soviétique Aleksandr Gorodnitski (ru) lui a consacré une chanson[9] :

Я вижу старинный московский дворец 

И кровь на подушках дивана. 

Там сына родной убивает отец, 

Иван убивает Ивана. 

Убийца, себя истребляющий сам, 

Его обвинять не рискую, - 

Виною всему праотец Авраам, 

Замысливший жертву такую, 

Который, не в силах любовь побороть, 

Готов на посмертную муку, 

Не зная о том, что удержит Господь 

Его занесённую руку. 

Я слышал однажды: как нерв напряжён, 

Безлюдной вечерней порою, 

Безумец ударил картину ножом 

И крикнул: "Достаточно крови!". 

И там, где отметина эта видна. 

Где лезвие холст разрезало, 

Всё капает, капает кровь с полотна 

На плинтус музейного зала!

Je vois un vieux palais à Moscou

et du sang sur l'oreiller du divan

C'est là que le père tue son rejeton

Ivan tue Ivan

Un meurtre, perpétré sur soi-même

On ne risque pas de l'accuser

L'aïeul Abraham, coupable pour tous,

Ayant projeté de faire une telle victime

Qui, sans vaincre l'amour de force

Ne sachant pas, que le seigneur retient

Sa main prête à frapper.

J'ai entendu dire une fois

Notes et références modifier

Notes modifier


Texte russe de citations modifier

  1. (ru) Меня охватило чувство совершенного удовлетворения за Репина. Вот она, вещь, в уровень таланту… И как написано, боже, как написано!… Что такое убийство, совершенное зверем и психопатом?.. Отец ударил своего сына жезлом в висок! Минута… В ужасе закричал… схватил его, присел на пол, приподнял его… зажал одной рукою рану на виске (а кровь так и хлещет между щелей пальцев)… а сам орет… Этот зверь, воющий от ужаса… Что за дело, что в картине на полу уже целая лужа крови на том месте, куда упал на пол сын виском… Эта сцена действительно полна сумрака и какого-то натурального трагизма…
  2. (ru) Молодец Репин, именно молодец. Тут что-то бодрое, сильное, смелое и попавшее в цель... У нас была геморроидальная, полоумная приживалка-старуха, и еще есть Карамазов-отец. Иоанн Ваш для меня соединение этой приживалки и Карамазова. Он самый плюгавый и жалкий убийца, какими они должны быть, - и красивая смертная красота сына. Хорошо, очень хорошо.

Références modifier

  1. a b c et d (ru) « Илья Репин. Иван Грозный и сын его Иван 16 ноября 1581 » [« Ilia Répine. Ivan le Terrible et son fils Ivan le 16 novembre 1581 »], tanais.info,‎ Из воспоминаний Репина «Далёкое - близкое» (extrait des mémoires de répine «loin - proche»). (lire en ligne)
  2. a et b http://i-repin.ru/books/item/f00/s00/z0000003/st012.shtml
  3. Pierre Gonneau, « Comment s’est forgée l’image d’Ivan le Terrible », sur CNRS Le journal, (consulté le )
  4. (ru) « Илья Репин. » [« Ilia Répine. Galerie de peintures et de dessins du peintre — Ivan le Terrible et son fils Ivan le 16 novembre 1581 »], ilya-repin.ru
  5. (ru) Николай Троицкий (Nikolaï Troïtski), « Культура: Искусство // Россия в XIX веке: Курс лекций » [« Culture : l'art // La Russie au XIXe siècle : leçons de cours »], sur scepsis.net (consulté le )
  6. (ru) « Православные активисты требуют убрать из Третьяковки картину Репина » [« Des activistes orthodoxes exigent le retrait d'une toile de Résine de la galerie Tretiakov »], sur Эхо Москвы (consulté le )
  7. (ru) « Директор Третьяковки встала на защиту «Ивана Грозного» » [« Le directeur de la Tretiakov prend la défense d' «Ivan le Terrible» »], Lenta,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. (ru) « «Митьки» подарят Ивану Грозному нового сына » [« «Mitki» offre à Ivan le Terrible un nouveau fils »], Lenta,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. (ru) « История в художественных образах (Сыноубийца) », sur www.runivers.ru (consulté le )

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • Besançon, Alain., Le Tsarévitch immolé : la symbolique de la loi dans la culture russe, Payot, (ISBN 9782228884372, OCLC 25518506, lire en ligne) ;
  • Pierre Gonneau, Ivan le Terrible ou le métier de tyran, Tallandier, , 560 p. (ISBN 979-10-210-0275-3, présentation en ligne, lire en ligne),
    • Chapitre XIV. La mort du fils et la réconciliation avec les élites (1581-1584), (lire en ligne), p. 20 ;
  • Henri Troyat, Ivan le Terrible, Flammarion, (ISBN 2253052361, OCLC 22408525, lire en ligne) ;
  • (en) Elizabeth Kridl Valkenier, « The Writer as Artist's Model: Repin's Portrait of Garshin », Metropolitan Museum Journal, vol. 28,‎ , p. 207-216 (lire en ligne [PDF]) ;
  • (ru) Репин И. Е. (I. I. Répine), Из воспоминаний [« Tiré des souvenirs »], Moscou, Советская Россия,‎ , 174 p. ;
  • (ru) Репин И. Е. (I. I. Répine) et Чуковский К. И (I. K Tchoukovski) (Editeur), Далёкое близкое [« Loin et proche »], Moscou, Искусство,‎ , 516 p. ;
  • (ru) Пророкова С. А. (A. S. Prorokova), Репин [« Répine »], Moscou, Молодая гвардия, coll. « Жизнь замечательных людей »,‎ , 416 p. ;
  • (ru) Фёдоров-Давыдов А. А. (A. A. Fiodorov-Davydov), Илья Ефимович Репин [« Ilia Iefimovitch Répine »], Moscou, Искусство,‎ (ISBN 5-210-00014-1).