– Comment cette fatigue se manifeste t'elle ?
- Cela pourrait s'apparenter à un épuisement d'altitude en haute montagne où les minutes semblent devenir des heures. La cohérence tend à se dégrader, la lucidité perd sa raison, en insistant dans la durée, des défauts apparaissent dans la synchronicité des gestes anodins puis avec les minutes s'égrainant les yeux chavirent en arrière, on est prêt à dormir à même le sol, le rythme cardiaque devient aléatoire et chaotique. On se situe entre cauchemar et impuissance dans une notion de lâcher prise dont on a pas la mesure du temps mais le réveil est très agréable.
- Il y a t'il d'autres manifestations ?
- Énormément ! L'ensemble des voyants, s'ils existaient, seraient dans le rouge (pas la teinte écarlate dans l'échelle des graduations) tant le corps est en alerte sur les essentiels qui nous compose. Sans les citer dans l'ordre, ni de tous les énumérer, il faut reprendre un historique, comme pour chacun, pour lequel durant trente années, sans avoir de médecin traitant, je ne prenais qu'un aspirine par an en guise de placebo pour un petit coup de froid passager en hiver.
- Et le moral dans tout cela ?
- Lorsque je me suis réveillé après cette opération, un cardiologue m'a rendu visite. Après un timide bonjour du bout des lèvres, sa première question a été de me demander si je me rasais avec un rasoir électrique ou à main. Devant mon regard hagard, il a continué son court laïus en m'indiquant que la levée des bras pour atteindre le visage risquait d'être une situation difficile, rajoutant d'un air soucieux « je ne suis pas sûr de l'avenir ». Quelques... moments plus tard, le chirurgien est venu m’ausculter en soulignant qu' « à une poignée de minutes, on ne pouvait plus rien faire... que je les avais bien fait rire de mes notes d'humour avant d'être anesthésié... Ce qui était rare dans leurs métiers... et qu'ils m'ont opérés dans la bonne humeur ». En valeurs chiffrées, j'indiquerai que le moral est à 80% haut et 20% bas avec une fréquence médiane stable. En fait, la composition thermoplastique du cerveau compense le déséquilibre physiologique par des levées de sécurités et me place dans un état de « non conscience »... un peu comme un adolescent qui n'a pas nécessairement la connaissance ou la reconnaissance du ou des dangers.