Utilisateur:Dja-stéo/Raymond Gurême

Raymond Gurême, né en 1925 à Meigneux et mort le 24 mai 2020, est un résistant et un militant contre l'antitsiganisme[1],[2].

Biographie

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Il naît dans une famille manouche de forains circassien. Sa mère Mélanie Gurême, dont il prend le nom, est issue d'une famille de vanniers[3]. Son père Hubert Leroux, est forain, ancien combattant de la guerre de 1914-1918, il possède un cirque ainsi qu'un cinéma ambulant. Raymond Gurême est le troisième d'une fratrie de 9. Il passe son enfance sur les routes de France et de Belgique. Dès deux ans il participe à des spectacles au sein du cirque familial en tant que clown acrobate, il aide aussi son père lors des projections de films et s'occupe des animaux[4],[5].

Internement et évasion

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Depuis la loi du du 16 juillet 1912, les populations itinérantes sont fichées en France. Trois catégories sont mises en place : les commerçants ambulants, les forains et les "nomades", ces derniers ont l'obligation d'avoir un Carnet anthropométrique. La famille de Raymond Gurême acquiert le statut de forain. Le 6 avril 1940, un décret est signé par le président Albert Lebrun, il interdit la libre circulation des nomades en les assignant à résidence[6]. En octobre de la même année, l’administration allemande décrète l'internement des Tsiganes en zone occupée dans des camps placés sous la responsabilité de policiers et gendarmes français. Ces internements ne devaient concerner que les personnes nomades et non foraines[6].

Le 4 octobre 1940, Raymond Gurême et toute sa famille sont cependant arrêtés par la gendarmerie française et conduit à Darnétal avec leur caravane, près de Rouen, ils sont confinés dans une ancienne usine désaffectée[7],[8]. Le 27 novembre 1940, ils sont transférés, dans des wagons à bestiaux et sans aucune de leurs affaires, au camp d'internement de Linas-Montlhéry, dans l'Essonne[2].

Pendant l'été 1941, Raymond Gurême et son frère réussissent à s'évader. Ils sont repris, suite à la dénonciation par le maire de leur village d'origine[2] auprès duquel ils avaient demandé des extraits de naissance afin de bénéficier de cartes d'alimentation pendant qu'ils étaient cachés chez un de leurs cousins. Raymond Gurême s'évade à nouveau en octobre 1941 et rejoint la Bretagne pour travailler dans des fermes. Ses sœurs composent alors une chanson vantant son courage[9]. Il retourne à plusieurs reprises à Linas pour amener de la nourriture et des vêtements à sa famille, toujours internée[3]. Parfois il y passe la nuit avec les siens et repart au petit matin sans se faire remarquer par les gardes.

En avril 1942, le camp est démantelé et les personnes internées sont transférés au camp de Montreuil-Bellay, le plus grand camp de nomades de la zone occupée. Raymond Gurême continue d'amener de la nourriture à sa famille.

Arrêté à nouveau lors d'un contrôle de police, il est enfermé dans une maison de redressement à Angers. Il commence alors à travailler dans un hôpital où il s'occupe de changer les draps des malades et blessés. C'est là que, à la demande d'un résistant hospitalisé, il détourne pour la résistance un camion allemand de ravitaillement. Ayant appris qu'il avait été repéré dans cette action, il fuit à nouveau, avant d'être encore arrêté en août 1943 et déporté à Heddernheim à Hessen dans un camp de travail forcé. Après plusieurs tentatives, il s'évade, à l'aide de cheminots français, en juin 1944 caché dans le charbon d'une locomotive et rejoint la France. Il rejoint la résistance, à la FFI, et participe à la libération de Paris[1],[5].

Le dernier camp français d'internement des personnes nomades ne fermera qu'en 1946[7].

Après guerre

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Après plusieurs années de recherche, il retrouve sa famille en 1950 en Belgique. En 1951, il s'installe avec sa femme Pauline, elle aussi ancienne internée. Ils auront 15 enfants[4].

Dans les années 70, il s'installe avec sa famille à Saint-Germain-lès-Arpajon à quelques kilomètres du camp d'internement de Linas-Montlhéry[10],[11].

En 1983, il demande sa carte d'interné politique mais ne la reçoit qu'en 2009[12], quelques années après s'être publiquement engagé pour la mémoire et la reconnaissance de l'internement et du génocide.

Témoignages et militantisme contre l'antitsiganisme:

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Après un long silence sur son passé douloureux, à partir de 2004 Raymond Gurême décide de témoigner de l'internement des nomades en France[13] et de lutter non seulement pour les droits des Voyageurs[14],[15] mais plus généralement pour l'égalité et la justice.

  • En 2010, il rejoint le collectif Collectif pour la commémoration de l'internement des Tsiganes et gens du voyage au camp de Linas-Montlhéry pour témoigner et réclamer la reconnaissance officielle de l'internement des nomades par l'État Français[16].
  • La même année, il devient président d'honneur de l'association "La voix des Rroms"[17].
  • Il publie en 2011 avec Isabelle Ligner le livre « Interdit aux nomades » ed. Calmann Lévy 2011[18].
  • En 2013, il témoigne dans un film documentaire "Ils ont eu la graisse, ils n’auront pas la peau" de Jean-Baptiste Pellerin de sa vie et de son internement[19].
  • En 2014, il participe pour la première fois aux rencontres européennes de jeunesse rromani "Dikh he na bistar" à Cracovie, où aux côtés de 4 autres survivants du génocide des tsiganes[1], il témoigne de son combat. Depuis, il participera régulièrement à cet événement annuel et à bien d'autres partout en Europe, devenant un symbole et une source d'inspiration pour des milliers de jeunes.
  • En 2015, invité au Parlement européen[20], il lance un appel à combattre efficacement l'antitsiganisme qui se développe en Europe.
  • Il participe au film Rencontres en Nomadie.

Il intervient à plusieurs reprises dans des collèges pour transmettre sa mémoire[21].

Distinctions et reconnaissances des internements

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Le 18 juillet 2010, Hubert Falco, secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens Combattants, reconnaît dans un discours « que des nomades avaient été internés pour des motifs raciaux sur le territoire français, grâce au concours des autorités françaises ».

Raymond Gurême est décoré en 2012 par François Mitterrand, ministre de la culture, chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres pour pour « contribuer à lutter contre les discriminations que subissent encore les Tsiganes dans notre pays, implantés pourtant sur ce territoire depuis le XVème siècle, et citoyens français à part entière ».

C'est entre autres en sa présence que, en octobre 2016, dans un discours sur le site du camp de Montreuil-Bellay dans le département de Maine-et-Loire, le président François Hollande admettra enfin la responsabilité de la république française[22] dans l'internement des nomades[7].

Voir aussi :

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  • Résistances tsiganes (2 épisodes) : Raymond Gurême par France Culture.
  • "Un chemin de liberté", film documentaire de Fabienne Henry (20 min) sur les commémorations de novembre 2010, en mémoire des familles victimes de l'internement au camp de Linas-Montlhéry (27 novembre 1940-21 avril 1942).
  • Emmanuel Filhol et Marie-Christine Hubert, "Les Tsiganes en France : un sort à part, 1939-1946", Perrin, 2009.

Notes et références :

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  1. a b et c (hu) « Meghalt Raymond Gureme, a roma holokauszt legidősebb túlélője – képekkel emlékezünk », sur nlc, (consulté le )
  2. a b et c « Raymond Gurême - Ép. 1/2 - Résistances tsiganes », sur France Culture (consulté le )
  3. a et b « Raymond Gurême, l'homme révolté », sur Club de Mediapart (consulté le )
  4. a et b Gurême, Raymond., Interdit aux nomades, Calmann-Lévy, (ISBN 978-2-7021-4221-9, 2-7021-4221-4 et 2011466832[à vérifier : ISBN invalide], OCLC 721821241, lire en ligne)
  5. a et b Gaël HAUTEMULLE, « Raymond Gurême, 88 ans, nomade et survivant », sur Ouest-France.fr, (consulté le )
  6. a et b « Internement des nomades entre 1940 et 1946 et politique nationale de la mémoire - Sénat », sur www.senat.fr (consulté le )
  7. a b et c « Mémorial de la Shoah : une exposition ravive la mémoire des "nomades" internés pendant la guerre », sur TV5MONDE, (consulté le )
  8. « L’internement Tsigane de 1939 à 1946 », sur SeineMaritime.tv (consulté le )
  9. « Raymond Gurême chante sa chanson » (consulté le )
  10. « Raymond Gurême : "les mots seront toujours plus forts que les coups" », sur L'Humanité, (consulté le )
  11. « Raymond Gurême ou le voyage en héritage », sur Place Gre'net, (consulté le )
  12. « Raymond Gurême : la mémoire et la révolte | Lutopik », sur www.lutopik.com (consulté le )
  13. Institut National de l’Audiovisuel- Ina.fr, « Raymond Gurême témoigne sur les camps de tziganes français », sur Ina.fr (consulté le )
  14. « Roms, Voyageurs, violences policières et devoir de mémoire », sur Centre Avec (consulté le )
  15. Le 11 juin 2012 à 07h00, « L'émouvant récit du dernier témoin de la tragédie tsigane », sur leparisien.fr, (consulté le )
  16. Le 28 novembre 2011 à 07h00, « Enfin une stèle pour les nomades internés durant la guerre », sur leparisien.fr, (consulté le )
  17. « Accueil », sur lavoixdesrroms (consulté le )
  18. « Mémoires d'un Tzigane de France », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. « film-documentaire.fr - Portail du film documentaire », sur www.film-documentaire.fr (consulté le )
  20. « Le Groupe S&D lance une campagne contre le racisme antigitan et pour la reconnaissance du génocide des Roms pendant la Seconde Guerre mondiale », sur Socialists & Democrats (consulté le )
  21. Par Cécile ChevallierLe 13 mai 2019 à 17h34, « Lilian Thuram parle racisme au collège de Viry-Châtillon », sur leparisien.fr, (consulté le )
  22. France2, « Tsiganes internés sous Vichy: Hollande reconnait la responsabilité de la France » (consulté le )