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Figures de style et sciences humaines modifier

Autres théories linguistiques des figures de style modifier

Théorie de la pragmatique lexicale modifier

La théorie de la pragmatique lexicale veut que le sens de presque tous les mots soit ajusté selon le contexte d’utilisation[1]. Ceci serait entre autres dû au fait qu’il existerait moins de mots dans la langue qu’il existe de concepts, et que les concepts n’ont pas besoin d’être lexicalisés pour être communiqués[2]. Par exemple, le russe a un mot, pochemuchka, pour désigner une personne posant trop de questions[3]. Le français n’en a pas, ce qui ne signifie pas que les francophones n’en possèdent pas le concept, au contraire.

Le concept est une représentation mentale dont le revers lexicalisé est le mot. Il contient toutes les informations génériques d’un mot en particulier[1]. Lorsque le sens d'un mot est ajusté dans un contexte particulier, un concept ad hoc est créé[1]. Ceux-ci sont différents des concepts encodés linguistiquement parce qu’ils sont créés sur le moment pour que la communication entre locuteurs soit réussie[1]. On note les concepts en majuscules (GLAÇON), et les concepts ad hoc en majuscules avec une astérisque (GLAÇON*) pour ne pas les confondre avec les concepts encodés linguistiquement (c'est-à-dire les mots).

Quand le contexte fait en sorte que le sens d’un mot est plus spécifique et restreint, il s’agit d’un processus de spécification. Au contraire, si le sens d’un mot devient plus général et plus large, il s’agit plutôt d’un processus d’élargissement.

La particularité de cette théorie est qu'elle ne considère par les figures de style comme une « anomalie » du langage, ni comme un usage qui s'écarte du sens « véritable » des mots. Au contraire, l'approximation, l'hyperbole et la métaphore résulteraient plutôt du phénomène courant de l'élargissement de sens. Cette théorie est étayée par de récentes études en psycholinguistique qui ont trouvé que la métaphore n'est pas plus complexe ni moins rapide à décoder au niveau cérébral qu'une expression littérale[4].

Formation des concepts ad hoc modifier
Théorie de la pertinence modifier

Selon la théorie de la pertinence, les concepts ad hoc seraient formés par notre recherche de pertinence[1]. Cette théorie stipule que tout locuteur aura tendance à sélectionner le sens le plus pertinent d’un énoncé avec un minimum d’effort cognitif. La pertinence implique deux paramètres : les couts et les bénéfices. Les bénéfices sont des effets cognitifs positifs qui permettent au locuteur d’interpréter correctement un énoncé[5]. Les couts représentent l’effort de traitement qui est demandé pour atteindre les effets positifs des bénéfices[5]. Ainsi, plus un énoncé demande d’effort cognitif, moins il sera jugé pertinent. C’est pourquoi la théorie de la pertinence suit la loi du moindre effort. En conséquence, un concept encodé linguistiquement qui n’est pas enrichi dans une situation de spécification ou d’élargissement sera jugé non pertinent[5]. Les concepts ad hoc permettent donc de pallier au manque de pertinence des concepts encodés linguistiquement qui sont spécifiés ou élargis dans certains contextes.

Relations entre mots et concepts modifier

Diverses écoles de pensée ont émis différentes hypothèses quant aux relations qu’entretiennent les mots et les concepts. Selon la sémantique conceptuelle, il existe plus de mots que de concepts; certains mots peuvent être la combinaison de plusieurs concepts basiques[1]. Selon Fodor, la relation entre les mots et les concepts est biunivoque, c’est-à-dire qu’un mot représente un concept et inversement[1]. Enfin, selon Sperber & Wilson, le nombre de concepts est plus grand que le nombre de mots dans une langue[1]. Cette dernière hypothèse est celle qui est retenue par la pragmatique lexicale parce qu'il s'agit de la plus intéressante pour expliquer la formation des concepts ad hoc. En effet, si le nombre de concepts d’une langue est supérieur au nombre de mots, certains concepts ne sont même pas lexicalisés, mais peuvent tout de même être communiqués à l’aide des concepts ad hoc[1]. Ces concepts sont donc formés pendant l’interaction et sont flexibles vu qu’il est possible de communiquer des concepts qui ne sont pas lexicalisés.

Spécification modifier

La spécification se caractérise par le fait qu’elle met en évidence un sous-ensemble ou une sous-catégorie des référents d’un concept encodé linguistiquement[1]. L’exemple suivant illustre un processus de spécification :

(1) Tous les linguistes adorent boire.

Dans l’exemple (1), le verbe boire n’est pas utilisé pour communiquer le fait que les linguistes aiment boire n’importe quel breuvage. Le verbe ne fait référence qu'aux boissons alcoolisées. Le sens de boire est ainsi plus spécifique: les linguistes adorent boire de l’alcool et non pas n’importe quelle boisson. Le concept ad hoc BOIRE* ainsi créé est plus restreint que le concept encodé linguistiquement BOIRE. Le nombre de référents que l'on peut BOIRE* est ainsi diminué.

Élargissement modifier

Un cas d’élargissement se produit quand le sens d’un mot est plus général que celui encodé linguistiquement[1]. Le nombre de référents du concept est alors augmenté. Voici un exemple du phénomène :

(2) L’eau du lac est glacée.

Dans l’exemple (2), il s’agit d’un élargissement si l’eau du lac n’est pas proche de zéro degrés Celsius. Admettons que la température de l’eau soit de 10 degrés. L’eau n’est pas glacée, mais elle est tout de même trop froide pour qu’on puisse se baigner dans le lac. Le sens de glacée est donc élargi; le concept ad hoc créé inclut davantage de référents pour ce mot.

Wilson, une pragmaticienne, classe les processus d’élargissement en deux catégories distinctes : les approximations et les extensions catégorielles[5]. L'approximation est une variété d’élargissement où un mot ayant un sens spécifique est utilisé dans un cas qui ne correspond pas nécessairement parfaitement à ses référents, comme dans l’exemple (3)[5].

(3) Le visage de Pierre est rond.

Il s’agit d’une approximation parce que le visage de Pierre n’est pas parfaitement rond comme la forme géométrique. Son visage a une certaine rondeur sans pour autant correspondre à un rond parfait. L’exemple (2) serait aussi une approximation.

L’extension catégorielle est aussi une variété d’élargissement. Elle se définit par l’utilisation de noms communs, de noms propres ou encore de marques connues pour indiquer des catégories plus larges[5]. Voici quelques exemples d’extension catégorielle :

(4) Le nouveau frigidaire de Marie est flamboyant.
(5) Smith est la nouvelle Chomsky.

En (4), frigidaire est utilisé comme un nom commun même s’il s’agit d’une marque connue. Dans l’usage courant, en français québécois, on utilise frigidaire pour désigner n’importe quel réfrigérateur, peu importe s’il est de la marque Frigidaire ou pas.

En (5), le nom propre Chomsky fait référence à un linguiste talentueux qui a révolutionné la linguistique. On comprend donc que Smith est aussi une linguiste talentueuse. Le concept ad hoc CHOMSKY* peut alors faire référence à d’autres personnes qui ont du talent en linguistique.

Approximation, hyperbole et métaphore modifier
Schéma du continuum de l'élargissement lexical. Une flèche pointe vers la droite. À gauche, il y a une mention "approximation"; vers le cenre, il y a "l'hyperbole". La droite de la flèche est nommée "Métaphore".
Continuum de l'élargissement lexical selon la pragmatique lexicale

Zufferey et Moeschler proposent que l’approximation, l’hyperbole et la métaphore se différencient selon l’application du processus d’élargissement, l’approximation ayant un élargissement minimal, l’hyperbole un élargissement considérable, et la métaphore un élargissement maximal[1]. Les trois phénomènes se trouveraient sur un continuum[1].

Approximation modifier

L'approximation est le type d'élargissement lexical le plus discret. Ainsi que Wilson la définit, une approximation se produit quand un mot est employé dans un contexte qui ne correspond pas exactement à sa définition littérale.

Supposons qu’on serve une tasse de thé à Marie, qu’il soit tiède, et que Marie se plaigne avec la phrase (6).

(6) Mon thé est froid! 

Il s’agirait d’élargissement du sens du mot « froid », parce que son thé n’est pas littéralement froid : il est simplement plus froid qu’elle voudrait. Les exemples (2) et (3) plus haut constituent également des approximations.

Hyperbole modifier

Les hyperboles sont considérées comme un élargissement lexical plus grand que l’approximation[1].

Si, dans la même situation que dans l'exemple (6), Marie disait plutôt (7), il s’agirait d’une hyperbole : son thé est loin d’être littéralement glacé, puisqu’il est tiède.

(7) Mon thé est glacé!
Métaphore modifier

La pragmatique lexicale définit les métaphores comme étant le résultat d’un élargissement lexical porté à l’extrême. En effet, seule la propriété du concept linguistique la plus saillante selon le contexte sera retenue, ce qui constituera un concept ad hoc très large, qui englobera tout ce qui partage cette seule propriété[1].

Par exemple, Louis a été entrainé dans un vol à l’étalage par ses amis. Un professeur énoncé (8) dans ce contexte.

(8) Louis est vraiment un lemming. 

Pour interpréter cette phrase, on extrait la propriété du lemming la plus saillante en contexte, soit le fait que cet animal suivra le troupeau jusqu’à la mort, puis on l’applique à Louis. On en tire le sens que Louis suit le groupe, sans réfléchir par lui-même.

Enfin, il peut y avoir à la fois spécification et élargissement lexicaux dans une seule métaphore[1]. L'énoncé (9) en constitue un exemple.

(9) Alice sifflote tout le temps. C’est un vrai oiseau! 

Il y a élargissement du terme « oiseau », duquel on extrait la propriété « qui gazouille d’un chant caractéristique », comme dans n’importe quelle métaphore. Il y a cependant aussi spécification, parce que ce ne sont pas tous les oiseaux qui gazouillent. Pensons aux aigles qui trompètent. On spécifie donc le terme « oiseau » pour exclure les référents qui ne partagent pas la propriété qu’on a déjà extraite.

Théorie de l'argumentation dans la langue modifier

Il existe une autre théorie linguistique sur la construction des métaphores, basée sur la théorie de l’argumentation dans la langue (ADL)[6]. Cette dernière suppose que les mots possèdent une « orientation » inhérente, qui aurait pour effet d’orienter l’interlocuteur vers une certaine conclusion. Par exemple, l’expression « beau temps » orienterait fondamentalement l’interlocuteur vers l’idée d’aller dehors, puisque le concept d’être « favorable à la sortie » serait associée à cette expression[6]. Cette orientation serait inhérente aux mots, et non liée au contexte, puisqu’on peut la percevoir même hors contexte.

La métaphore, dans le cadre de cette théorie, n’existerait pas. En effet, la séparation des sens littéral et métaphorique qui caractérise cette figure de style n’a pas lieu d’être : ces deux emplois réaliseraient simplement la même orientation profonde liée au mot[6]. Ainsi, dire que son poisson est mort ou dire qu’une langue est morte convoquerait le même sens profond, soit quelque chose s’apparentant à « cesser d’exister, d’évoluer » et équivaudrait donc à un seul emploi d’une seule sémantique profonde du mot. Pour un autre exemple, cette théorie supposerait que l’idiotisme Il pleut des cordes réalise simplement le sens profond de l’expression : pleuvoir prend son sens littéral, tandis que cordes contient l’idée de longueur effilée. Pleuvoir des cordes signifie donc « pleuvoir de longues gouttes d’eau » et, par extension, « pleuvoir fort », puisque la quantité d’eau qui tombe est augmentée.

Dans le cadre des maximes de Grice modifier

Selon Grice, la métaphore ainsi que l’ironie transgressent la maxime de qualité[1], qui demande premièrement de ne pas mentir, et deuxièmement de ne pas avancer quelque chose si on ne peut en faire la preuve. La transgression de maximes provoque le calcul d'implicatures conversationnelles[1].

Par exemple :

(10) Sophie est un chat.
(11) Jacob est une souris.
(12) Comme tu es habile, tu as réussi à faire tout tomber!
(13) Olivier est très intelligent, il a branché les fils à l’envers.

Dans les exemples métaphoriques en (10) et (11), la maxime de qualité est violée, car Sophie et Jacob ne sont clairement pas des animaux. La transfression de cette maxime provoque une implicature chez l'auditeur, qui, supposant que le locuteur essayait de contribuer une information pertinente à la conversation, calculera un autre sens à cet énoncé. Dans le cas présent, en associant une caractéristique saillante en contexte des animaux correspondant aux personnes, l'auditeur pourrait supposer qu'en (10), Sophie dort tout le temps, et qu'en (11), Jacob ne fait pas de bruit quand il se déplace.

Les phrases ironiques en (12) et (13), elles aussi, ne respectent pas la maxime de qualité. En (12), lorsque le locuteur dit à son interlocuteur qu’il est habile, c’est le contraire qu’il veut signifier, soit qu’il est malhabile. En (13), le locuteur ne semble pas trouver qu'Olivier est très intelligent s’il a branché les fils à l’envers.

Références modifier

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r Sandrine Zufferey et Jacques Moeschler, Initiation à l'étude du sens: sémantique et pragmatique, Auxerres, Éditions Sciences humaines,
  2. (en) Dan Sperber et Dierdre Wilson, « The mapping between the mental and the public lexion », dans Peter Carruthers et Jill Boucher, Language and Thought: Interdisciplinary Themes, Cambridge University Press, (ISBN 0521637589), p. 184-200
  3. « Translation of Pochemuchka in English », sur translation.babylon.com (consulté le )
  4. (en) Sam Glucksberg, « The Psycholinguistics of Metaphor », Trends in Cognitive Sciences,‎ , p. 92-96
  5. a b c d e et f (en) Dierdre Wilson, « Relevance and lexical pragmatics », UCL Working Papers in Linguistics, no 16,‎ , p. 343-360
  6. a b et c Patricia Schulz, « Le caractère relatif et ambigu du concept traditionnel de métaphore et la construction du sens lexical », Semen,‎ , p. 59-70 (lire en ligne)