Utilisateur:EliottHDI2.2023/Brouillon Circulaire du gouverneur général du 15 juillet 1898 relative aux circonscriptions administratives

Circulaire du gouverneur général du 15 juillet 1898 relative aux circonscriptions administratives modifier

Contexte de 1898 modifier

En 1898, le Congo est une entité territoriale d’Afrique centrale. Il est indépendant depuis 1885. On parle même de l’État indépendant du Congo (EIC). Il est une propriété du roi belge, Léopold II (roi des Belges), qui y exerce une souveraineté de fait depuis 1885[1]. Ce dernier est le souverain à titre personnel de cet état africain. L’EIC est donc "lié à la Belgique par une union personnelle"[2]. Le roi belge a acquis le contrôle de la région du Congo par des traités avec des chefs locaux. La circulaire est née dans un contexte particulier de l'histoire précoloniale du Congo. Dès l’arrivée de Léopold II, la région est directement assujettie à une exploitation économique brutale. L’ivoire et le caoutchouc, les ressources naturelles du Congo, sont exploitées par des sociétés commerciales qui établissent des comptoirs le long des rivières navigables[3].

Il était d'usage d’avoir recours à la violence pour réprimer les populations locales et les forcer à travailler. Ces dernières sont contraintes à travailler de longues heures dans des conditions pénibles. C’est dans ces circonstances qu’ont eu lieu plusieurs enquêtes dans les années 1890. Elles ont conduit, d’une part, à une prise de conscience internationale de la situation de l’EIC, et d’autre part, à des protestations contre le régime de Léopold II. C’est pourquoi, afin de discuter des conditions de travail au Congo, une conférence internationale a eu lieu à Bruxelles en 1898. Quoique, celle-ci n'ait pas réussi à mettre fin à l'exploitation économique de la région, c'était la première étape vers une réglementation plus stricte du travail et de l'exploitation des ressources naturelles.

De plus, la société secrète Omuamua se révolte. Fondée par Batetera de la région de Stanley-Falls en 1895, le groupe de résistance s'est rebellé contre les autorités coloniales. L’émeute est rapidement réprimée par les forces coloniales. Elle a également mis en évidence les limites de l’administration coloniale dans la région. Ensuite, l'État indépendant du Congo était avant tout un projet économique de Léopold II. Il a cherché à exploiter les ressources naturelles de la région, notamment le caoutchouc. Pour ce faire, les autorités coloniales avaient besoin d'une administration efficace pour contrôler le territoire et percevoir les impôts. C’est pourquoi, dans les années qui ont suivi l'établissement de cet État indépendant, les autorités coloniales ont cherché à renforcer le contrôle de leur territoire, notamment en mettant en place des structures administratives plus efficaces. Enfin, vers la fin du 19ème siècle, les grandes puissances européennes se disputaient la colonisation de l'Afrique. Le Congo était convoité par plusieurs puissances, dont la France et la Grande-Bretagne, qui cherchaient à s'emparer du territoire ou en tout cas, limiter l'influence belge.

Elaboration de la circulaire modifier

La circulaire du 15 juillet 1898 relative aux circonscriptions administratives a été élaborée par l'administration précoloniale de l'État indépendant du Congo. Elle a été rédigée par le gouverneur de l'époque, Théophile Wahis, en consultation avec d'autres responsables de l'administration, en particulier les chefs des districts et les agents locaux. Elle faisait partie d'une série de mesures visant à réorganiser et à accroître l’efficacité de l'administration afin d’assurer un meilleur contrôle du territoire par les autorités coloniales. Il fallait donc créer des circonscriptions administratives plus petites. Sa publication a eu lieu en 1898. C’est au fur et à mesure que des nouvelles circonscriptions administratives apparaissent qu’elle s’est progressivement mise en œuvre sur le terrain. Plusieurs facteurs ont influencé sa rédaction, notamment les contraintes logistiques de l'administration coloniale, les exigences de l'exploitation économique de la région, ainsi que les tensions croissantes entre les différentes communautés du Congo.[4] Toutefois, les populations locales congolaises n’ont pas été consultées concernant l'élaboration de la circulaire relative aux nouvelles circonscriptions administratives et ont donc été confrontées à des divisions artificielles qui ont nui à leur vie quotidienne.

Contenu de la circulaire modifier

La circulaire avait comme objectif principal le renforcement du contrôle précolonial sur le territoire de l’EIC. Elle crée des structures administratives plus petites mais plus efficaces et mieux adaptées aux besoins de l'administration coloniale. La circulaire dispose[5]: “J'ai l’honneur de porter à la connaissance du personnel de l’État et du public:

1° Que le district de Stanley-Falls sera désormais désigné sous le nom de Province orientale;

2° Que le chef-lieu de la zone de Stanley-Falls et de la Province orientale s'appellera Stanleyville”.

La circulaire a mandaté la création de nouvelles circonscriptions administratives plus petites, appelées "zones"[6]. Ces zones ont été créées pour faciliter le contrôle du territoire par les autorités coloniales. Elles sont élaborées à partir des anciens districts, qui étaient beaucoup plus grands. Ensuite, il y a eu le redécoupage des districts. Les anciens districts ont été redécoupés en plusieurs zones encore plus petites. Chacune était gouvernée par un "chef de zone". Plusieurs domaines relevaient de la responsabilité des chefs de zone notamment la collecte des taxes, le maintien de l'ordre et la coopération avec les autorités coloniales.

Enfin, il y a l’émergence de nouvelles catégories de zones. La circulaire a créé deux nouvelles catégories de zones dont les "zones économiques" afin de promouvoir l'activité économique locale et les "zones de police", pour maintenir l'ordre et lutter contre la criminalité.

Conséquences de la circulaire modifier

La circulaire du gouverneur général du 15 juillet 1898 relative aux circonscriptions administratives engendre de nombreuses conséquences, souvent négatives pour la population, sur les plans politiques, fiscaux, judiciaires et administratifs. D’abord, elle a provoqué une modification profonde de l’organisation administrative de l’Etat indépendant du Congo, introduisant une extrême rigidité et brutalité.

Avant l’apparition de la circulaire, l’administration de l’EIC était organisée en zones territoriales confiées et contrôlées par des compagnies concessionnaires. Cela avait entraîné, non seulement une importante anarchie mais également, des abus de pouvoir.

L’apparition de cette norme juridique a mis en place une organisation administrative centralisée, plus efficace. Désormais, ce sont des nouvelles circonscriptions administratives plus petites, divisées en zones et en districts[7], avec à leur tête, un agent responsable de l’administration civile et de la sécurité, qui couvrent le territoire. La mise en place d’une structure hiérarchisée de commandement et de contrôle a permis de renforcer le pouvoir et la domination des forces précoloniales sur l’ensemble du territoire de l’EIC.

Dans un second temps, cette réorganisation territoriale a favorisé une meilleure collecte des taxes, une augmentation accrue des travaux publics, et un meilleur suivi de la main-d’œuvre indigène.

De plus, la circulaire a massivement réorganisé le système judiciaire. D’abord, elle introduit une fragmentation des circonscriptions administratives en zones et districts où chacun d’eux est dirigé par un administrateur ainsi qu’un personnel judiciaire. Ils possèdent, en plus, leurs propres tribunaux de première instance, malgré que le fonctionnement de ceux-ci soit fortement entravé par la corruption et le manque de ressources financières. Cette nouvelle structure judiciaire a pour but de rapprocher la justice de la population en rendant les tribunaux plus proches d’elle. Cependant, elle est caractérisée par son manque d’indépendance et son inefficacité. En effet, les juges sont, la plupart du temps, des administrateurs coloniaux dépourvus de toute formation juridique. Ce sont donc les autorités précoloniales qui contrôlent cette nouvelle organisation de la justice, ce qui limite l’indépendance et l’impartialité des tribunaux.

Par ailleurs, la circulaire du 15 juillet 1898 n’est pas sans conséquence pour la population. D’abord, beaucoup de conflits sont nés entre les différentes communautés tribales car les nouvelles circonscriptions ont été créées sans tenir compte des frontières existantes. En outre, la création de circonscriptions administratives réduites a engendré une fragmentation des régimes traditionnels de pouvoir des communautés locales ainsi que des entités politiques existantes. Le pouvoir s’est retrouvé aux mains de l’administration coloniale qui menait une politique de grande domination, une mainmise sur le peuple local. De plus, cette nouvelle forme de gouvernance faisait preuve de beaucoup de négligence dans la prise de décision et avait fréquemment recours à la corruption. Les locaux faisaient donc face à de nombreux abus de pouvoir et à une injustice grandissante.

Enfin, l’apparition de la circulaire a provoqué une nette détérioration des conditions de vie des populations locales. De fait, une taxe est prélevée afin de financer le récent système administratif ainsi que les fonctionnaires coloniaux. Mais, pour parvenir à la payer, les habitants doivent travailler plus dur, aux dépens de leur bien-être et de leurs moyens de subsistance.

Critiques émises à l'encontre de la circulaire modifier

La circulaire a suscité de nombreuses critiques tant au Congo qu’en Belgique. D’une part, au Congo, les objections proviennent des populations locales. Celles-ci condamnent l’augmentation de l’imposition, l’exploitation exponentielle de la main-d'œuvre, ainsi que la perte du contrôle de leurs ressources naturelles. Elles désapprouvent également l’arbitraire des administrateurs coloniaux et de leurs pouvoirs étendus dans le maintien de l’ordre et dans la lutte contre toute forme de résistance.

D’autre part, en Belgique, des mouvements politiques et intellectuels dénoncent la circulaire pour le pouvoir considérable qu’elle attribue aux administrateurs belges, principalement s’agissant de la justice. Ils critiquent, en outre, son manque de clarté et son information assez vague auprès des populations locales. Enfin, beaucoup réprouvent, de manière plus générale, la politique autoritaire et paternaliste de l’action belge sur le territoire de l’EIC.

Références bibliographiques modifier

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HOCHSCHILD, A., King Leopold's Ghost: A Story of Greed, Terror, and Heroism in Colonial Africa, Houghton Mifflin Harcourt, 1998.

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WILLAME, J.-C., Les provinces du Congo. Structure et fonctionnement, Léopoldville, Université Lovanium, 1965.

  1. GOCHET, A.-M., Le Congo belge illustré ou L'État indépendant du Congo (Afrique centrale) sous la souveraineté de S. M. Léopold II, Roi des Belges, Liège, 1888 (lire en ligne)
  2. NEVEN, E.-T, L’organisation politique et administrative de l’Etat indépendant du Congo 1885-1908. Le pouvoir législatif du représentant du souverain., Kinshasa, Université Lovanium,
  3. Etat indépendant du Congo, Bulletin officiel de l’année 1898, (lire en ligne)
  4. J.-CWILLAME, Les provinces du Congo. Structure et fonctionnement, Léopoldville, Université Lovanium,
  5. « Circulaire du gouverneur du 15 juillet 1898 relative aux circonscriptions administratives »
  6. Jean Omasombo Tshonda, BAS-UELE, Pouvoirs locaux et économie agricole : héritages d’un passé brouillé, Koninklijk museum voor Midden-Afrika,
  7. I NDAYWEL E NZIEM, Histoire générale du Congo, de l’héritage ancien à la république démocratique, Paris/Bruxelles, De Boeck/Larcier,