Utilisateur:Filyna/brouillon
Lors de la Première Guerre mondiale, les États belligérants ont eu recours à la propagande, afin d'influencer et de conditionner l'opinion publique.
Origine et évolution de la propagande
modifierLa propagande avant la guerre
modifierLa propagande de la Première Guerre mondiale s'appuie sur des pratiques antérieures. Expérimentée par les socialistes[1] dans le but d'éduquer les individus à leur doctrine, la propagande se développe dans les pays de l'Est et en Italie, à la fin du XIXe siècle. Diffusée à l'origine par l'image, car le prolétariat est peu alphabétisé, elle reçoit par la suite le soutien d'artistes sympathisants qui mettent leur art au service du pouvoir, en réalisant des affiches, des cartes postales ou des tableaux de propagande.
Le contrôle de l'information par la censure
modifierDès le début des hostilités, les gouvernements mettent en place des structures chargées de censurer et de contrôler l'information afin d'occulter les réalités du conflit. En France, cette fonction revient au Ministère de la Guerre qui gère des commissions de censure de la presse dans tout le pays[2] ; il instaure également un contrôle postal aux armées (ouverture des correspondances...) s'informant ainsi de l'opinion des soldats et favorisant la surveillance des esprits[3]. Cette censure, synonyme d'informations absentes ou tronquées, facilite la mise en place d'un nouveau système de communication : la propagande, qui deviendra propagande de masse vu la multiplicité des engagements militaires et la durée du conflit. Initiée par les gouvernements, elle diffuse une information unifiée aux couleurs patriotiques[4].
Mise en place de la propagande
modifierDès 1915, du fait de la carence du pouvoir civil, la propagande est instaurée par les autorités militaires dans un premier temps, puis relayée par les gouvernements. Fabriquée par des journalistes en uniforme[5] et servie par les administrations qui aident à la surveillance des citoyens (arrachage d'affiches défaitistes, contrôles d'identité...), par les banques qui accordent des emprunts aux États pour financer l'effort de guerre, par des entreprises commerciales dont la survie dépend de leur adaptation aux règles du marché d'une société en guerre, la propagande se développe et quadrille rapidement tout le territoire ; elle est aidée en cela par des moyens de communication variés (presse écrite, chansons, transports...).
But de la propagande
modifierCelle-ci est élaborée en secret et a plusieurs objectifs.
Mobiliser l'intérieur et les alliés
modifierEn désinformant l'opinion nationale, la propagande encadre les esprits et fait passer son message. Elle cherche à entraîner la conviction et l'adhésion des citoyens aux idées diffusées, à créer une solidarité entre les troupes au front, fières d'appartenir à une nation, et la population restée à l'arrière, animée par ce même sentiment patriote.
En présentant une image rassurante des soldats, elle veut encourager les hommes à s'engager, engendrer des dons pour financer les grands emprunts de guerre[6] et légitimer les troupes coloniales qu'elle désire faire connaître et rendre plus amicales : c'est à cette époque d'ailleurs qu'apparaît le logo du chocolat en poudre Banania, arborant un visage noir et chaleureux.
Le but ultime de la propagande est donc d'empêcher le découragement des populations, des soldats et des alliés en mobilisant constamment leurs esprits.
Mobiliser les pays neutres
modifierLa propagande a pour but de déréaliser la guerre, en minimisant les pertes et en prônant une idéologie nationale combattante afin d'inciter les pays neutres tels que la Suisse[7], le Danemark ou la Norvège, à prendre part au conflit mondial. De plus, elle justifie la guerre en démontrant la barbarie de l'ennemi par des représentations caricaturales et excessives.
Démoraliser l'adversaire
modifierEn effet, en calomniant[8] et en trompant ainsi l'adversaire, un pays tente, par la propagande, d'affirmer la supériorité de ses troupes, de son peuple, et contrecarre ainsi les informations adverses diffusées. Cette manipulation engendre un affaiblissement et un découragement des populations qui les rendent moins unies et entraînent le doute dans les esprits.
Les différents supports de propagande
modifierDe tout temps, les informations ont circulé grâce aux orateurs, aux conteurs, aux poètes, mais aussi aux vraies ou fausses rumeurs. Lors de la Première Guerre mondiale, ces moyens de communication sont moins utilisés car avec le développement de l'image, la propagande devient une véritable lutte iconographique entre les différents pays en conflit. Elle utilise un grand nombre de supports de diffusion permettant un large contrôle et un embrigadement certain de la population : elle devient communication de masse.
Les journaux
modifierElle se sert de journaux, de tracts, produits en grand tirage et distribués dans tout le pays : on y trouve les informations officielles enrichies par exemple d'images propagandistes (remises de distinctions militaires, publicités...), ou de poèmes à la gloire des poilus.
L'image comme support de propagande
modifierA l'époque, l'affiche est le support le plus fréquent : qu'elle soit à texte, illustrée ou caricaturale, elle est très répandue. La publicité utilise notamment le militaire pour vanter des produits de consommation courante (boissons, aliments,...) afin d'encourager l'achat et la production[9], c'est à dire soutenir l'économie, et donner ainsi l'impression aux populations d'oeuvrer pour les soldats et la patrie.
Des artistes sont même envoyés au front afin de dépeindre, pensent les états majors, l'exaltation militaire des combats. Mais face aux illustrations envahies par l'ambiance douloureuse des tranchées, les autorités ne poursuivent pas cette expérience.
Le gouvernement utilise également les cartes postales, dont la fonction épistolaire permet une diffusion très large jusque dans les petits villages. Il a même inventé des cartes postales pré-remplies alliant censure et propagande, composées d'un recto arborant une image méliorative des combattants et d'un verso proposant un choix de réponses à l'émetteur.
Les nouveaux supports de la propagande
modifierA la fin du XIXème siècle, naît la photographie et le cinéma ; lors du conflit de 1914-1918, les gouvernements des principaux belligérants en voient rapidement l'utilité. Pour nourrir la propagande, ils créent des sections photographiques et cinématographiques gérées par le Ministère des armées et chargées de réunir des archives sous forme de clichés et de films montrant l'enthousiasme et les actions héroïques des troupes. Le gouvernement organise d'ailleurs des "tournées cinématographiques" afin de toucher un plus large public car les salles de cinéma sont à l'époque encore peu développées[10].
Parallèlement, mais de façon indirecte, la chanson aide également à la propagande : des chansonniers créent des textes humoristiques ou graves, parlant des batailles ou des états d'âmes du soldat, qu'ils chantent dans les salles de music hall et de théâtres, afin de distraire et de soutenir le moral de la population et des troupes. Les enfants ne sont pas oubliés non plus : pour parfaire l'embrigadement, leurs chansons traditionnelles sont modifiées pour devenir de véritables chants patriotiques[11].
Thèmes abordés par la propagande
modifierPour parvenir à ses fins, c'est à dire conditionner la population, la propagande utilise des thèmes simples et récurrents, diffusés de manière répétitive conduisant ainsi à un véritable "bourrage de crâne".
L'un des thèmes le plus couramment employé est l'image héroïque du combattant : qu'il soit victime ou vainqueur, il est présenté comme un homme valeureux et fier d'aider sa patrie. Les batailles de Verdun et de la Somme ont d'ailleurs engendré bon nombre d'images glorifiant ce soldat.
Tous les belligérants fabriquent également des affiches arborant un slogan à l'impératif et un personnage déterminé, qui interpellent le passant, l'incitant aux dons ou à l'engagement[12] ; le citoyen doit en effet comprendre son rôle primordial puisque sa participation à l'effort de guerre se révèle décisive.
A partir de 1917, afin de donner un nouveau souffle aux dons financiers et insuffler du courage aux populations, les gouvernements imaginent le retour du soldat dans son foyer. Ils conçoivent donc des affiches montrant des hommes heureux et toujours patriotes malgré les blessures.[13] D'autres affiches présentent une personne victime[14], civile ou militaire : en s'identifiant à elle, la population éprouve compassion ou culpabilité, sentiments incitateurs de dons.
La propagande oppose aussi le patriote à l'ennemi, héroïsant l'un et diabolisant[15] l'autre. On ridiculise l'adversaire en utilisant des stéréotypes[16] basiques en utilisant des symboles nationaux (aigle, coq...,drapeaux ; la Marianne...) ou mythiques[17] (archange, dragon...) transformant ainsi la guerre en un combat animal[18] ou mythique.
De façon similaire, l'interdépendance entre civil-militaire, homme-femme et front-arrière, est mise en scène, démontrant ainsi l'étroite et indispensable relation entre les membres d'un même pays.
La contestation de la propagande
modifierAvec l'allongement de la guerre, les populations se méfient de plus en plus de l'information officielle. Bien que le nombre de journaux apolitiques[19] augmente, les organes de presse devenant plus nombreux, rendent difficile l'uniformisation de la communication et facilitent l'apparition de stratégies de contournement.
En France, dès 1915, la population, lucide et suspicieuse, conteste la propagande officielle[20], même si celle-ci conserve une certaine influence sur les graphistes, journalistes ou banquiers par exemple, qui par crainte de mesure de rétorsion, restent soumis.
On voit apparaître alors une information plus réaliste, avec un respect des consignes gouvernementales moins prononcé : les journaux évoquent les blessures, la dureté de la vie quotidienne des soldats, publient des gravures, des dessins de poilus ou des extraits de journaux des tranchées. La réalité est également montrée à travers l'image satirique très répandue qui met en lumière l'univers sordide de la guerre, ses excès et ses drames.
La propagande disparaît avec la fin du conflit, alors que la censure demeure active jusqu'en 1919 afin d'éviter une contagion de la révolution russe.
La Première Guerre mondiale, à l'origine d'une véritable fabrique d'images et de slogans, malgré un nombre restreint de thèmes et de techniques iconographiques, a donné naissance à une pratique primaire de propagande, appelée "bourrage de crâne". Cette méthode particulière de communication continuera d'être utilisée dans le monde entier, par les états soucieux d'asservir leur peuple ou asseoir leur pouvoir.
Notes et références
modifier- Images et propagande de Fabrice D'Almeida, p.13 à 15
- Censure et Propagande par Olivier Forcade, extrait "Inventaire de la Grande Guerre" sous François Lagrange (direction), p.347
- Censure et Propagande par Olivier Forcade, extrait "Inventaire de la Grande Guerre" sous François Lagrange (direction), p.347
- Censure et Propagande par Olivier Forcade, extrait "Inventaire de la Grande Guerre" sous François Lagrange (direction), p.347
- Olivier FORCADE "Information ,censure et propagande" sous Stéphane AUDOIN-ROUZEAU et Jean-Jacques BECKER (direction), Encyclopédie de la Grande guerre 1914-1918, p.453
- " Guerres, paix et sociétés, 1911-1946" sous Frédéric ROUSSEAU (direction), p.577 "convaincre de jeunes hommes, qui ne l'ont pas encore fait de s'engager ; persuader les possédants de l'arrière qu'ils doivent donner, à défaut de leur sang, leur or à la patrie"
- Représentation humoristique de la situation de la Suisse pendant la Première Guerre mondiale[1]
- Caricature allemande représentant des soldats français prisonniers : ils sont montrés comme une armée dispersée, sans uniforme, représentation appuyée par des stéréotypes mais aussi par l'opposition du soldat allemand et des français [2]
- Fabrice D'ALMEIDA "Images et propagande", p.24
- Cinéma et Première Guerre mondiale [3]
- Les chansons pour enfants[4]
- " Guerres, paix et sociétés, 1911-1946" sous Frédéric ROUSSEAU (direction), p.577 "[Les pays] diffusent des affiches au style didactique qui s'adressent directement, index tendu, regard imépérieux, au spectateur pour le prendre à témoin, le responsabiliser et, au besoin, le culpabiliser" [5][6]
- Affiche de propagande "Hâtez son retour en souscrivant à l'emprunt de la victoire" [7]
- Affiche de propagande française "Pour l'orphelin de la guerre, souscrivons à l'emprunt", complétée par une illustration et une histoire vécue[8]
- Olivier FORCADE "Information ,censure et propagande" sous Stéphane AUDOIN-ROUZEAU et Jean-Jacques BECKER (direction), Encyclopédie de la Grande guerre 1914-1918, p.463 "Dans chaque pays, la société compose une peinture originale de l'adversaire par des regards et des représentations qui sont le fruit de son histoire, de ses peurs, de ses rêves"
- Définition de stéréotypes : traits culturels connus de tous mais pas forcément véridiques et souvent exagérés, amplifiés
- Affiche " Souscrivez pour hâter la paix par la victoire" [9] extraite de Fabrice D'ALMEIDA "Images et propagande", p.28
- Affiche de propagande américaine arborant un combat d'aigles afin de mobiliser l'engagement (l'aigle noir représente l'Allemagne et le pyrague, les Etats-Unis)[10]
- c'est à dire "neutres". Censure et Propagande par Olivier Forcade, extrait "Inventaire de la Grande Guerre" sous François Lagrange (direction), p.348
- Olivier FORCADE "Information ,censure et propagande" sous Stéphane AUDOIN-ROUZEAU et Jean-Jacques BECKER (direction), Encyclopédie de la Grande guerre 1914-1918, p.463 "La force des propagandes n'a-t-elle pas, en définitive, trébuché sur la résistance des sociétés ?"
Annexes
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifierBibliographie
modifier- Olivier FORCADE "Censure et propagande" sous François LAGRANGE (direction), Inventaire de la Grande guerre
- Anne RASMUSSEN et Christophe PROCHASSON "Vrai et faux dans la Grande guerre"
- Fabrice D'ALMEIDA "Images et propagande"
- Olivier FORCADE "Information ,censure et propagande" sous Stéphane AUDOIN-ROUZEAU et Jean-Jacques BECKER (direction), Encyclopédie de la Grande guerre 1914-1918
- " Guerres, paix et sociétés, 1911-1946" sous Frédéric ROUSSEAU (direction), Edition Atlande 2004