Utilisateur:Gerard-emile/Brouillon Etre et Temps

Être et Temps (en allemand : Sein und Zeit) est une œuvre du philosophe allemand Martin Heidegger publiée en 1927 dans les Annales de philosophie et de recherche phénoménologique éditées par Edmund Husserl. Bien qu'écrit rapidement, et jamais terminé, ce livre eu égard aux ambitions de son introduction, est le livre qui a le plus influencé la pensée du XXe siècle. Il reste aussi l'ouvrage majeur parmi tous les ouvrages de ce philosophe (environ 110 dans l'édition intégrale).

Cette influence s'est exercée dans des domaines trés différents, qui débordent trés largement le champ proprement philosophique : ainsi, avec l'existentialisme, la littérature et la sensibilité furent bouleversées, les sciences humaines, la psychiatrie, la théologie elle-même furent ébranlées; l'herméneutique , la logique , le langage, la critique littéraire renouvelées et enfin la phénoménologie contrainte de revenir à son possible[1].

Les lecteurs francophones disposent de deux traductions, aprés celle partielle en 1964 de Rudolf Boehm et Alphonse de Waelhens, celle de Emmanuel Martineau accessible en ligne[2] et celle de François Vezin, complète et enrichie de notes du traducteur. Ces traductions ont dû faire face à d'innombrables difficultés face à la nouveauté des thèmes étudiés comme de l'inventivité conceptuelle et sémantique de l'auteur.

Cet ouvrage a fait l'objet d'innombrables commentaires, en toutes les langues. Il est difficile d'en avoir une vue d'ensemble en raison de la multiplicité des courants de pensée divers qu'elle ressaisit la (Phénoménologie, le néo-kantisme, l'Existence, la philosophie dela vie, l'historicisme), révolutionnaire par les pistes nouvelles qu'elle ouvre et aussi l'influence qu'elle a eu sur toute la pensée philosophique ultérieure du XXe siècle, y compris chez ceux qui la rejettent, c'est pourquoi l'article présent renverra souvent à d'autres articles plus détaillés le développement des grands concepts qu'il aborde, sans pour autant prétendre à l'exhaustivité .

Être et Temps
Image illustrative de l’article Gerard-emile/Brouillon Etre et Temps

Auteur Martin Heidegger
Pays Drapeau de l'Allemagne Allemagne
Genre Essai philosophique
Version originale
Langue Allemand
Titre Sein und Zeit
Éditeur Max Niemeyer
Lieu de parution Halle
Date de parution 1927
Version française
Traducteur François Vezin
Éditeur Gallimard
Collection Bibliothèque de philosophie
Lieu de parution Paris
Date de parution 1990
Nombre de pages 589
ISBN 978-2-07-070739-3

Deux références majeures, correspondant à deux ouvrages récents, seront le plus souvent appelées pour la rédaction de cet article, à savoir les commentaires de Jean Greisch[3] et de Marlène Zarader[4],[N 1].

Problématique d'ensemble et thèmes fondamentaux modifier

Prise de contact modifier

Edmund Husserl 1900

Tel que publié en 1927, en vue de l'obtention d'une chaire professorale à Marbourg, « Être et Temps », dédicacé à son professeur Edmund Husserl porte sur la page de titre la mention « Première partie », comme en attente d'un achèvement qui ne viendra jamais, sinon dans des travaux dispersés [5]. Deux sections seulement de cette première partie furent publiées. Il faudra attendre 1962, et la conférence intitulée « Temps et être », pour connaître le titre et le résumé de ce qui aurait pu correspondre à la troisième section de cette première partie; quant à la deuxième partie de l'œuvre, il ne fut plus jamais question[6].

Ce livre complexe reste tendu par une unique question ou plutôt la recherche du sol qui permette de la poser à savoir : la question du « sens de l' être » [7].

Comme le titre l'annonce, le thème central de cette œuvre est le lien supposé entre « l'Être et le Temps »; thème nouveau pour la pensée philosophique, cette problématique traverse, comme le signale Jean Greisch[8] déjà, tous les cours antérieurs du jeune Heidegger, délivrés à Marbourg (1923-1928). Sur ce rapprochement inédit, entre être et temps, Françoise Dastur renchérit  « La nouveauté de Être et Temps, consiste à avoir fait de ces deux problèmes traditionnels une unique question, celle de la Temporalité de l'Être »[9].

Avec cette œuvre, une floraison de concepts nouveaux a fait irruption sur la scène philosophique tels que, Dasein ou (être-là), Être-au-monde, Être-pour-la-mort, Être-en-faute, Être-avec, d'autres ont pris une tournure inédite tels que : Phénoménologie,Existence, Temps, Monde, Vérité, Histoire. De tous ces concepts, c'est celui de Dasein qui a le plus marqué les esprits et renouvelé dans l'histoire de la philosophie du XXe siècle, l'approche du « sujet », approche demeurée inchangée depuis Descartes, et qui sur la base de la distinction entre le sujet et l'objet, fonde tous les débats de la métaphysique, qui ont conduit, selon Heidegger, la philosophie à devenir une annexe des sciences positives par le biais des problématiques de la théorie de la connaissance[10].

La problématique centrale modifier

Exergue : « Car manifestement vous êtes déjà depuis longtemps tout à fait familiarisés avec ce que vous voulez dire au juste quand vous vous servez de l'expression « étant », or nous avions bien cru l'entendre une fois pour toutes mais nous voici à présent dans l'aporie »Platon, Le Sophiste, 244a

la question fondamentale modifier

En rappelant dés le début, en introduction, la question de l'« étranger », sur le sens de l'étant, dans le Sophiste de Platon, interrogation bien oubliée depuis, Heidegger tente de réveiller la perplexité qui devrait être la nôtre quant au sens du mot « être ». Ce thème de l' « oubli de l'être »[N 2]va s'avérer absolument directeur pour toute la pensée du philosophe [11].

Sein-und-Zeit-Hauptbegriffe

Après avoir assimilé l'« être » à la substance, et à ses diverses catégories, la question du sens de « être » avait, historiquement, en tant que telle, rapidement cessé de se poser pour Aristote[12], pour céder la place au questionnement de l' « étant ». L'attitude de désintérêt, vis-à-vis de la question de l'être (au sens verbal), sera poursuivie par la Scolastique du Moyen Age et par la suite par toute la philosophie occidentale. L'« être » est, depuis lors, perçu comme un concept indéfinissable, universel, évident en lui-même, ne méritant aucune attention particulière,( un mot, une vapeur ira jusqu'à dire Nietzsche), par laquelle on justifie son oubli[13].

Heidegger souhaite réveiller cette question depuis sa lecture de la dissertation de Franz Brentano[14], De la signification multiple de l'étant chez Aristote, et retrouver le sens unitaire des différentes acceptions du mot « être » qui lui permettra de bâtir une ontologie générale[15].

la structure de la question modifier

C'est grâce à la méthode phénoménologique décrite in extenso dans l'introduction, que Heidegger pense pouvoir exposer dans sa structure complexe la question du « sens de l'être » en en distinguant trois moments, le « questionné » ce qui est recherché, l'« interrogé », celui qui visé peut répondre en l'occurence l'étant et enfin 3 eme moment, le « demandé »,c'est-à-dire, le résultat[16],[17], méthode que nous ne pouvons que résumer.

Comme l'être au « sens verbal », concerne tous les étants, et que de ce fait l'être qui questionne, l'homme, est aussi inclus et présupposé dans la question, on ne peut rien avancer de l'extérieur quant à son sens sans risquer de tomber dans un cercle vicieux ; le seul recours consiste à demander à celui qui questionne, que l'on va appeler Dasein et qui « entend » - comprend - l'être par définition, de s'auto-interpréter lui-même, dans son être[18],[19], car si théoriquement nous pouvons interroger n'importe quel étant dans son être en fait nous ne pouvons questionner que l'étant qui a une certaine compréhension spontanée de l' être. Cette auto-interprétation a pour nom l'Herméneutique , à laquelle Heidegger s'est précisément consacré dans ses recherches sur la vie facticielle dans la période antérieure avant Être et Temps.

Le déploiement de la question modifier

Comment dévoiler le phénomène « être » et l'atteindre à travers l'étant ? modifier

Tous les étants sont et sont quelque chose sans doute, mais un seul a la parole, l'homme. De plus de ce que le verbe « être » est devenu si banal, au point de ne plus apparaître comme question, Heidegger en déduit que l'homme en existant, et en ayant commerce avec les étants, en a nécessairement une pré-compréhension spontanée et naturelle. Il faut donc partir de l'« existence » et de son interprétation pour trouver l'« être », ce qui suppose non plus une simple Phénoménologie, mais une Herméneutique, autrement dit, une auto-interprétation de l'existant par lui-même. C'est la tournure que Heidegger a fait prendre précédemment à la phénoménologie husserlienne[12] qui deviendra, avec lui, essentiellement une « phénoménologie herméneutique ». Il dénomme Dasein cet homme, ce pur concept, dont l' « être » consiste, par construction, contrairement aux autres étants, à en avoir une entente (une pré-compréhension d'être) dans son double sens nominatif et verbal, et qu'au long du livre il va questionner à travers l'« analytique existentiale »[N 3].

« En fin de compte « la question du sens de l'être », va se confondre dans Être et Temps, avec celle du sens d'être du Dasein » [20]

Comment lier l'existant au Monde ? modifier

L'homme considéré sous l'angle du Dasein est celui qui a une pré-compréhension naturelle de l'être et donc du fait qu'un étant, Soit. Cette compréhension ouvre au Dasein comme un monde de significativités qui se distribue en monde ambiant (Umwelt), monde du Soi (Selbstwelt), monde commun (Mitwelt). Á chaque fois doit être mis en évidence les modes de liaison, qui sont des comportements ou des affects, entre le « Soi » et ces « mondes » Sauf à rester dans le dualisme métaphysique du sujet et de l'objet avec la perpétuation des apories des théories de la connaissance il restait à envisager le Monde ( voir Monde et mondéité) comme un mode d'être fondamental de l'existant, hypothèse riche, qui donnera naissance au concept d'Être-au-monde et fera l'objet dans la suite de son œuvre des plus grands développements comme le souligne Marlène Zarader[21].

Comment lier être et temporalité ? modifier

Dès le (§5), Heidegger avance la thèse à démontrer, que le Dasein comprend l'être dans l'horizon du temps, sur le fondement de sa propre temporalité, remarque Christian Dubois[22]. Cette prise en vue aurait dû être développée en tant qu'interprétation temporale de l'être dans une troisième section qui ne verra jamais le jour et par la suite, encore amplifiée dans la deuxième partie de l' œuvre .

Une question préalable de méthode modifier

Aborder phénoménologiquement ces questions pose enfin, une question préalable de méthode

  • Il ne peut être question d'utiliser les méthodes et les conclusions des sciences de la nature ou des sciences humaines (anthropologie, biologie, psychologie, sociologie) ou politiques car toutes ont pour fondement une conception de l'être de l'homme qui ferme le chemin d'accès à ce Dasein, chacune de ces sciences n'ont qu'un domaine d'étude qui sont pour Heidegger autant d'« ontologies régionales »[23], alors qu'il entreprend de construire une « ontologie fondamentale » dans laquelle toutes les « ontologies régionales » devront être fondées comme le souligne Jean Greisch[N 4].
  • Impossible aussi de lui appliquer de l'extérieur et comme en surplomb des catégories abstraitement déduites d'une idée préconçue de la nature humaine. C'est l'idée même d'une nature humaine que va contester Heidegger.
  • Dans la compréhension de l' être de l'homme, de ce Dasein qui par définition comprend l'être est donc impliquée quelque chose comme la compréhension d'un « monde » et aussi la compréhension de l'être des étants qui ne sont justement pas des Dasein .
  • Les théories de la connaissance traditionnelles deviennent sans objet du fait même de la structure du Dasein, compris lui-même d'entrée de jeu comme indissolublement « être-au-monde ».

La visée d'Être et Temps modifier

Aprés une introduction consacrée à exposer la structure formelle de la question, l'œuvre concrète s'ordonne autour de deux sections, alors que selon le projet initial, cette première partie livrée, aurait dû en comporter trois, dont la dernière qui a été retenue, aurait pu s'intituler, renversant le titre du livre, « Être et Temps » en « Temps et Être »[N 5],[N 6] . Les deux premières comprennent en section I, l'analyse préparatoire du Dasein et dans la section II l'exposé du rapport entre le Dasein et la temporalité en vue de son interprétation dans l'horizon du Temps.

Dans les tout premiers paragraphes sont exposés la nécessité de reprendre la question de l' être, la voie que le chercheur entend suivre, la primauté ontologique du Dasein, qu'il s'agit de comprendre en son être[24].

De cette œuvre amputée qui reste extrêment complexe[N 7], il est impossible de présenter un résumé, on ne peut qu'en dessiner le projet, en examiner les conditions préalables et en détailler les thèmes et concepts importants qui sont mis en route.

Le projet modifier

Dès l'Introduction, Heidegger expose le programme qu'il compte aborder :

D'abord réveiller une question oubliée

L'être est considéré comme le concept le plus général à la fois le plus vide et le plus évident pour tous, il serait inutile de s'interroger à son propos. En effet dans les années 1920 dominées par le néo-kantisme, le néo-positivisme, la philosophie de la vie et la phénoménologie on tient toute ontologie comme impossible[25]

Élaborer concrètement cette question

D'abord, sur quel étant la lire ? Heidegger interroge le Dasein, c'est-à-dire l'homme qui pose la question et qui s'expose dans ses modes d'être, c'est l'« analytique existentiale » qui réalisant ce programme, dévoilera la primauté de la quotidienneté.

Le but poursuivi

La recherche du sens de l'être. Cette recherche du sens de l'être en général passe par l'entente de l'être du Dasein comme tel dont le privilège est justement, par définition principielle, de comprendre, et lui seul le peut, l'être en général.

La raison de cette recherche

Construire une « Ontologie fondamentale » à travers l'interprétation du temps comme horizon de l'entente de l'être en ligne de mire.
Le Dasein naturellement comprend l'être, au moins le sien, dans l'horizon du temps, (voir Heidegger et la question du Temps, la « Temporalité » du Dasein)[26]. À partir de cet acquis « établir une connexion forte entre la question du sens de l'être d'une part et le temps comme horizon de compréhension de l'être d'autre part »[27].

En retour l'être sera compris à partir du Temps

Ce qui signifie qu'il sera rendu visible en son caractère « temporal »[28]. Pour atteindre la temporalité propre du Dasein, il s'avèrera nécessaire de dépasser le concept habituel chronologique du temps au profit d'un temps plus originaire[29].

Les conditions préalables modifier

La démarche de Heidegger implique:

la Destruction de l'histoire de l'ontologie[30]. modifier

Heidegger entreprend de réveiller la question en démontrant le ratage de cette question chez tous ses prédécesseurs par une critique de la tradition et notamment du schématisme kantien, du cogito cartésien et de la métaphysique aristotélicienne.

la Refondation de l'ontologie et de la phénoménologie[31],[32] modifier

Heidegger s'emploie à clarifier les concepts de « phénomène » et de « logos » pour asseoir sa propre vision de la phénoménologie. Il puise chez l'Husserl des Recherches logiques, le concept d'intentionnalité qui est l'être des vécus [33], et surtout celui d' « Intuition catégoriale », sans lequel, nous dit Jean Greisch il n'eut pas pu déployer sur de nouvelles bases, la question de l'être. Il n'y a que dans cette « Intuition » que l'être phénoménalement apparaît[34] sous les réserves d'éviter le piège d'une subjectivité qui prendrait notamment appui sur la conscience, piège que n'a pas su éviter Husserl selon Heidegger. Celui-ci va s'attacher à laisser ouverte la question de l'être de l'homme et de l'être en général lui-même. C'est le Souci qui va apparaître comme la radicalisation et la vérité de ce que la phénoménologie conçoit par intentionnalité[35].

la Justification du privilège ontologique du Dasein[36] modifier

En raison des quatre déterminations suivantes que nous ne pouvons développer

  • le Dasein est un étant pour lequel « il y va en son être de cet être »
  • la constitution même de cet être implique un « rapport à l'être », son être (du Dasein) est ce rapport.
  • Le Dasein véhicule une « compréhension d'être » qui lui est propre.
  • En raison de cette compréhension l'être de par son être lui est ouvert.

l'Introduction de l'herméneutique dans l'ontologie fondamentale[37] modifier

La compréhension de l'être en général va donc passer par une compréhension de l'être de l'homme. Il en découle que la philosophie (l'ontologie fondamentale) va dorénavant se construire comme une forme d'explicitation de l'être de l'homme par lui-même, une « phénoménologie herméneutique », d'où il s'ensuit un risque d'enfermement dans un cercle herméneutique (la compréhension de l'être supposant déjà sa précompréhension), qui va nécessiter une démarche progressive et répétitive.

Genèse de Être et Temps modifier

C'est dans l'introduction du livre de Jean Greisch[38], que l'on trouve la présentation la plus complète de la genèse de Être et Temps , et de toutes les avancées et recherches antérieures que la rédaction de cet ouvrage implique, voir aussi les articles :

Jean Greisch parle à propos de ce livre d'un chantier de travail inauguré en 1919. La publication récente des enseignements donnés à Fribourg puis à Marbourg de 1919 à 1928 (voir biographie Heidegger) permet d'en préciser la genèse. Pour un résumé historique de la marche et des étapes vers Être et Temps, voir la contribution de Christoph Jamme[39].

Aprés avoir examiné le cadre philosphique dans lequel s'inscrit Être et temps nous verrons avec Jean Greisch, les thèmes majeurs qui ont muri au fil des recherches antérieures et dominent cette œuvre.

Le cadre de Être et Temps modifier

Trois chemins menèrent Heidegger à Être et temps :

  • Tout d'abord, « la pensée aristotélicienne » où Heidegger découvre dans la Métaphysique la question du « sens de l'être » mais aussi à celle de l'âme et du comportement humain dans le Traité de l'âme et l'Éthique à Nicomaque. Il lit dès 1907 le commentaire de Franz Brentano, De la signification multiple de l'étant chez Aristote (1862). Dans les années 1920, il consacre quelques cours à l'interprétation phénoménologique des textes d'Aristote.
  • Ensuite, « la phénoménologie husserlienne ». Heidegger lit les Recherches logiques dès 1909. Il devient l'assistant de Husserl à Fribourg et anime des séminaires d'introduction aux Recherches logiques. En 1925, dans son cours sur Les Prolégomènes à l'histoire du concept de temps, il rend une nouvelle fois hommage à la percée que constitue à ses yeux l'ouvrage de 1901 et ses trois découvertes fondamentales (l'intentionnalité, le sens phénoménologique de l'a priori et l'intuition catégoriale)[40] mais prend ses distances à l'égard du tournant transcendantal de la phénoménologie husserlienne des Idées directrices (1913). Sein und Zeit est dédié à Edmund Husserl, « en témoignage de vénération et d'amitié ». Heidegger lui succède à Fribourg en 1929.
  • Enfin, « la source théologique ». « Sans cette provenance théologique, je ne serais jamais parvenu sur mon chemin de pensée », écrit Heidegger dans son « Entretien sur la parole avec un Japonais » (in Acheminement vers la parole).

Être et Temps (1927), qui apparaît dans la carrière du philosophe comme un premier aboutissement, est aussi une de ces œuvres majeures de la philosophie que certains ont pu comparer à la Métaphysique (Aristote). Il s'agissait au départ de développer une intuition majeure de Heidegger quant au sens temporel de l'« Être ». Au moment de la rédaction , Heidegger n'a pas encore totalement rompu avec la Métaphysique et c'est à cette dépendance que Heidegger attibuera plus tard l'échec relatif de Être et Temps [41]. L'interprétation de l'« être-là » par rapport à la temporalité et l'explicitation de temps comme horizon transcendantal de la question de l'être est à lui seul révélateur. Heidegger aborde la « question de l'être » dans une perspective transcendantale qui relève de la Métaphysique et plus précisément de la métaphysique de la subjectivité un peu comme Kant[42].

Il s'agissait de parvenir à assurer à la « question de l'être » un fondement solide par l'exploration du « sens unitaire de l'être » qu'Aristote avait raté en concluant, trop rapidement, à la polysémie incontournable de ce concept. Heidegger entreprend de dévoiler ce sens unitaire en partant de la temporalité de l'étant concerné, le Dasein que les premières études avaient mis au jour dans son exploration de la phénoménologie de la vie[43] ; l'homme lui-même n'est plus défini comme une nature, une essence invariable et universelle, mais comme un « pouvoir-être ». L'existence prend le pas sur l'essence avec la célèbre formule qui donnera naissance à l'existentialisme :

« L'essence du Dasein réside dans son existence » Être et Temps, § 9

De l’aveu même de son auteur, cette tentative aboutit à un échec[44]. De cet échec, Heidegger retire la conviction que la Métaphysique est définitivement dans l'incapacité d'atteindre sa propre vérité à savoir la différence de l'être et de l'étant[N 8].

« La question du sens de l'être reste à l'issue de ce livre inachevé en attente de sa réponse. Elle demandera alors à la pensée le courage et la puissance pour se frayer de nouveaux chemins »[46].

Telle qu'elle fut livrée, cette œuvre avec celles qui la précisent[47],[48],[49], marque néanmoins, par sa nouveauté, un tournant important dans la philosophie occidentale, note un de ses critiques les plus sévères (Levinas). On y trouve, dans une floraison extraordinaire, l'apparition de nouveaux concepts appelés à faire carrière dans toute la philosophie et au-delà, tels que Dasein, Monde et mondéité, Être-au-monde, Être-pour-la-mort, Être-avec, Être-en-faute.

Une nouvelle approche du phénomène de la vie modifier

Heidegger confirme dans ses premières recherches le primat de l'expérience concrète sur la théorie. Appliqué à la question de la Vie, mise au goût du jour au début XXe siècle, par la « philosophie de la vie », ce principe débouche sur le concept de « vie facticielle», vie à la fois historique et historiale, c'est-à-dire, se donnant exclusivement à comprendre, à travers le temps avec le privilège accordé au sens de l' « effectuation » Vollzugssinn[39].

Avec Wilhelm Dilthey, le XXe siècle commence une philosophie centrée sur la vie. En phénoménologue Heidegger s'attache dans ses cours de 1920 à exposer le phénomène de la vie détaché de tous les a priori, à le saisir tel qu'il se donne. Cela suppose de comprendre la 'Vie' telle qu'elle se comprend elle-même, comme un phénomène «UN» et «auto-suffisant»[50].

Il s'agit donc de refuser toute catégorisation a priori ou typification de ses données avec lesquels on risque de s'éloigner de la réalité concrète au profit d'une essence intemporelle, (voir préface Alain Boutot)[51]. Heidegger dégage trois couches de significations concrètes qui seront un acquis sous-jacent permanent jusqu'à Être et Temps :

  • La vie signifie d'abord une unité de succession et de temporalisation à travers des comportements infiniment divergents.
  • La vie contient en elle des possibilités latentes, imprévisibles.
  • La vie se contraint elle-même, elle est un fardeau pour elle-même.

Des travaux sur la philosophie religieuse et des sources neo-testamentaires et patristiques viendront ultérieurement compléter et aiguiser ces premières analyses (voir article Phénoménologie de l'existence).

Ce qui échappe aux analystes précédents du phénomène de la vie y compris Husserl ainsi que Bergson, c'est « qu'ils ne la saisissent pas dans son être-à-chaque-fois, dans sa temporalité propre »[52].

Heidegger verra dans cette cécité, « un exemple révélateur d'une certaine propension du Dasein à fuir son « être-Là », pour trouver refuge dans l'objectivité (à voir préface Alain Boutot).

Cependant « Heidegger n'est pas pleinement un philosophe de la vie », car, trés rapidement, il abandonne cette thématique dans Être et Temps, en l'intégrant à la problématique de l'existence, qui seule concerne le Dasein [53]. Il y a dans l'«être-au-monde », le Dasein, une altérité constitutive qui interdit de prendre la vie comme base de compréhension de l'homme à savoir l'ouverture à ce qui est autre qu'elle-même.

Ces travaux débouchent sur une « herméneutique » de la factivité et la mise en évidence de structures qui prépareront la future « analytique existentiale » du Dasein, à savoir :

  • La domination de la préoccupation soucieuse qui se transformera en « Souci ».
  • Un monde de la vie qui donnera naissance au ternaire Umwelt, Mitwelt, Selbstwelt de l'analytique ainsi qu'au syntagme fondamental d'« être-au-monde » pour signifier l'étroite coappartenance des deux termes pour former une structure unitaire indifféremment Dasein ou « être-au-monde ».
  • Des comportements de tentation, de fuite, d'étourdissement et de regrets qui seront ontologisés sous les termes de déchéance, de négation, de verrouillement et de faute.
  • Les sentiments d'ennui, d'étrangeté ou d'angoisse qui prépareront avec la mort toute l'analyse du Soi et du propre, ainsi que le concept absolument essentiel dans l'analyse de la temporalité d'être-vers-la-mort.

Une nouvelle interprétation du Temps modifier

À début du XXe siècle, Heidegger découvre une tradition philosophique où domine sans partage la conception aristotélicienne du Temps comme phénomène lié au mouvement. Quelques auteurs comme Husserl avec la phénoménologie et Bergson avec sa prédilection pour la durée et le vécu[54], commencent à ébranler l'évidence de ces certitudes sans toutefois réussir à les entamer profondément. L'aporie qui veut que le temps n'est en rien un étant et qu'il n'y a pas, au même titre que pour l'être, de lieu en surplomb qui nous permettrait de l'examiner, que nous y baignons dedans, que nous l'expérimentons dans notre propre existence, n'a pu être levée. « Toute pensée du Temps est temporelle » [55].

Pour Jean Greisch, il faut donc tenter de comprendre le temps à partir de lui-même, ce qu'il est pour nous et non plus à l'aide de métaphores empruntées à l'espace. Autrement dit, il y a nécessité d'un usage de l'herméneutique ce qui implique travailler à une dissociation du temps entre celui des horloges et le nôtre, qu'Heidegger appellera « temporalité originaire » et d'où par dérivation serait issu le premier[56].

Lévinas, en préface du livre de Marlène Zarader[57] s'interroge : « les extases de la temporalité heideggerienne auraient-elles été possibles sans Bergson ? ».

Heidegger relève dans ses cours de 1920 que Bergson avec Husserl, mais différemment de lui, conteste le caractère absolu du temps tel que le définit la tradition philosophique[58].

Le Temps ne s'impose plus d'en haut, il a quelque chose à voir avec la nature humaine. À sa suite, Heidegger relègue le temps physique, celui des horloges dans un statut dérivé par rapport à un temps présupposé "originaire" à rechercher, mais qu'il ne situera pas, comme Bergson, dans le vécu de la conscience.

C'est enfin Bergson qui en liant les trois moments du temps, le présent, le passé et l'avenir, dans une unité cooriginaire, a mis Heidegger sur la voie de la temporalité ekstatique qui sera dans Être et Temps, l'autre nom de la temporalité originaire[59]. La démarche n'en reste pas moins tout autre. La temporalité ekstatique du Dasein exposé au §65 d'Être et Temps n'a rien à voir avec la durée pure de Bergson[60].

C'est dans Les Prolégomènes à l'histoire du concept du Temps (1925) que se réalise l'intégration de toutes les analyses phénoménologiques disparates dans les recherches de 1919-1924 en un tout unitaire et systématique qui préludera à la rédaction définitive d'Être et Temps[61].

Structure générale d'Être et Temps modifier

Face à la complexité de ce livre multiforme nous choisirons comme axe privilégié la notion d'« existence ».

L'analyse préparatoire du Dasein modifier

le cheminement de Heidegger dans Être et Temps modifier

Conformément au projet initial il s'agit de manifester le « sens de l' être » en général, en analysant au préalable l'être insigne qui comprend l'être, c'est-à-dire, l'étant que nous sommes, nous mêmes[62]. Pourquoi l'étant que nous sommes ? Parce que cette compréhension est constitutive de son être. Cette analyse préliminaire Heidegger l'appelle analytique existentiale.

l'analytique existentiale modifier

  1. -Quel est l'objet de l'analytique existentiale ?S'enquérir des structures qui rendent possible, à priori, l'existence et donc le 'Dasein qui se signale comme ayant un rapport insigne à l' être c'est cela l' « analytique existentiale »[63].
  2. -Pourquoi une analytique existentiale ? Dans Être et Temps l'analytique existentiale intervient comme projet d'« ontologie fondamentale » c'est-à-dire comme tentative de clarification du « sens de l'être » en général[64]. Les sciences qui se partagent le domaine de l'étant en ont besoin[N 9].
  3. -l'analytique existentiale ignore les choix existentiels de la vie concrète, son rôle consiste à mettre en évidence la structure essentielle de l'existence , c'est-à-dire les différents modes d' être du Dasein que Heidegger va décrire sous le nom d 'existentiaux afin de les distinguer des catégories ontologiques traditionnelles[65]

l'existence modifier

L'idée phénoménologique sous-jacente de l'existence appliquée à l'homme c'est l'idée d'un être, toujours décalé par rapport à lui-même, qui a « à être », d'un Dasein qui se rapporte à son être, à son pouvoir être, à ses possibilités, comme ayant à être[66]. Le concept de Dasein exprime un décentrement de la position métaphysique traditionnelle de l'homme. Ce décentrement implique, sortie hors de soi, et donc « la compréhension originaire et spontanée du monde ».

l'être-au-monde modifier

C'est pourquoi dès le départ de l'analyse, est avancé la caractéristique fondamentale d' « être-au-monde » qui nous est primitivement donnée pour qualifier le Dasein. Comme le note Marlène Zarader, le rapport à une extériorité, à une totalité est ce qui se donne en toute priorité lorsque l'on cherche à caractériser l'homme en son être[67]. Toute le première section est consacrée à cette découverte qualifiée de phénoménologiquement « géniale » par Christian Dubois [68]. Les trois questions générées par cette qualification d' « être-au-monde » qu'est-ce que le monde? qui est cet étant et que veut-dire « être-à » vont constituer la trame de cette première section.

Comprise de prime abord comme « appartenance au monde », l'étude de la constitution et de la mobilité du Dasein met à jour une structure duale, comme quoi le Dasein « appartient » et en même temps « n'appartient pas » au-monde et c'est la « Unheimlichkeit ».

On apprend que « appartennant au monde » le Dasein vit la plupart du temps sur le mode de la quotidienneté, banalement, au milieu des autres dont il ne se distingue le plus souvent pas, en tombant avec eux sous la dictature du « ON »[69],[70]. Comme de son être propre, avec lequel en quelque sorte il se confond ,ce monde, son monde fait l'objet de sa préoccupation, il en a le « Souci ». Heidegger va faire par ailleurs du « Souci » élargi à l'avoir à être une structure fondamentale du Dasein.

Dans existence il y a l'idée de la vie, mais aussi celle d'un mouvement d'un « avoir-à-être »[N 10], ou de « faire place à être » ( entendu comme exposition à l'être) qui ne concerne que le Dasein[71], être qui est à chaque fois le « sien ». Le Dasein se comprend à partir de son existence, soit à partir d'une possibilité de lui-même, d'être lui-même ou de ne pas être lui-même[72].

La « mienneté »[73] - ou le retour sur soi - est le phénomène principal : le Dasein, se rapporte constamment à lui-même, comme à son pouvoir-être, d'où il ressort toujours en avance sur lui-même, deux directions de mouvements sont possibles, la fuite dans l'affairement auprès du monde et la dispersion[74], ou, a contrario, le retour sur son pouvoir-être le plus propre (caractère de ce qui est propre), l'« authenticité », ou la perte dans l'« inauthenticité »[75].

Être sans essence le Dasein développe une dynamique propre.

dynamique de l'existence,(voir Dasein) modifier

Mienneté, Être-jeté, possibilité, projet, « avoir-à-être », préoccupation, Souci et angoisse autant de termes qui signent la constante mobilité du Dasein.

les modes d'être modifier

Dans la section les différentes figures de l'existence de l'article Dasein sont recensés les modes d'être principaux que dégage l'analytique existentiale.

Dasein et temporalité modifier

L'analyse menée tout au long de la première section conduisait à faire du  « Souci »  le phénomène originaire qui semblait constituer l'être même du Dasein, mais avec l'approfondissement qu'apporte l'analyse de la deuxième section [76] un phénomène plus fondamental encore va apparaître, la «temporalité ». Deux phénomènes fondamentaux, ignorés jusque là, vont intervenir à l'occasion d'une reprise approfondie de l'analytique, l' être-pour-la-mort et l'« appel de la conscience et faire apparaître une nouvelle dynamique à l'œuvre dans la mobilité intrinsèque du Dasein [N 11].

note sur le vocabulaire modifier

Deux termes allemands sont simultanément utilisés et distingués : Zeitlichkeit pour temporalité ou temporellité (traduction François Vezin) - comme temps constitutif de l'être même du Dasein - et Temporalität, le temps « comme horizon possible de toute entente de l'être en général » (Alain Boutot préface à Prolégomènes à l'histoire du concept du temps).
Cette distinction est doublée d'une autre, Temporel et Temporal : le Temporel est le temps de l'histoire et des sciences, le Temporal le temps de l'être à rapprocher d'Historial, l'histoire de l'Être. Le Dasein est à la fois temporel en prenant place dans le temps historique et Temporal (taduit par temporellité par Vezin) en ce que temps est constitutif de son être.

ce dont il s'agit modifier

Dans l'article Dasein sont exposés les concepts de base  : le « Souci » Sorge, la « Voix de la Conscience » Gewissen, l'« Être-vers-la-mort » Sein zum Tode, l'« être-jeté » Geworfenheit, la « Résolution anticipante », qui permettront d'articuler « l'être-temps » du Dasein, autrement dit son essence temporelle[77]. C'est dans l'analytique du Dasein que Heidegger expose le caractère temporal du Dasein et donc de l'être humain, à travers la mise à jour de divers moteurs de sa mobilité comme l'anticipation de la mort, son « avoir-à-être » à partir de son « être-jeté », son exposition au monde, et sa résistance décidée à la dispersion du Soi[78], qui interviennent conjointement dans ce que Heidegger appelle sa triple extase temporelle ou temporalité « ek-statique » ou originaire ; originaire au sens où le temps physique ne serait qu'un dérivé. Cette triple extase ouvre l'« être-Là » , le Dasein, aux trois dimensions du Temps, l'à-venir, l'avoir été, le présent. C'est Françoise Dastur qui présente le commentaire le plus approfondi sur ce phénomène de la temporalité dans son livre[79].

les diverses approches modifier

Des analyses denses et complexes développées par Heidegger concernant la temporalité du Dasein, Jean Greisch retient quant à lui quatre types d'approche:

  1. la temporalité extatique ( voir temporalité extatique) dans laquelle le présent apparaît comme la dernière des extases temporelles. Dans les trois autres approches au contraire le présent occupe le devant de la scène remarque Jean Greisch [80]. Il s'agit de:
  2. l'approche de la temporalité par le phénomène de la « databilité », qui est le processus de présentification empirique ( du temps de mon grand père) qui précède et soutient silencieusement la possibilité d'une databilité calendaire.
  3. la question de l'étendue et de l'étirement du temps qui sont sous-entendus dans les expressions triviales « tandis que », « pendant que », « entre-temps » qui ne sont pas essentiellement un phénomène quantitatif ( à comparer temps des vacances, et temps d'attente à un guichet).
  4. la temporalité qui privilégie l'instance de la « « Lexique Heidegger#Résolution anticipante|Résolution » ». Jacques Rivelaygue note que la temporalité horizontale (Ek-statique) serait à elle seule insuffisante pour assurer l'unité du Soi dans le temps, il y faut l'approche historiale comprenant à la fois l'implication réciproque de la Résolution anticipante et de la reprise de l'héritage, constitutive de l'Être-jeté[81].

Les acquis d'Être et Temps modifier

Nouvelle conception de l'homme modifier

Critique de l'anthropologie moderne modifier

René Descartes

Heidegger pense qu'en ayant manqué la question du sens de l'être du Dasein, les sciences de l'homme s'enracinent sur des fondements contestables[82].

Descartes aurait exploré, le « cogito », le « je pense », mais non le « je suis », il l'a pré-supposé. Descartes dit textuellement « je suis une chose pensante », Heidegger adresse la même critique à Husserl.

De façon manifeste, Heidegger rejette aussi l’inconscient freudien et son lien avec la causalité psychique, qui ne partage d’ailleurs avec la causalité de la science que l’exigence d’obéir à une loi – celle du désir. Freud aurait inventé l’inconscient pour suppléer aux solutions de continuité dans la chaine causale et dans celle des explications des phénomènes humains conscients [83].


Le sujet moderne dérive de l'upokeimenon grec qui signifie, l'en dessous, le sol, le substrat, autrement dit, le sujet est aussi ce qui subsiste, une substance. À partir de ces pré-supposés il devient impossible de détacher le sujet de l'idée de chose et il ne suffit pas d'honorer subsidiairement la « personne humaine » en l'homme, pour lui conférer un statut ontologique éminent. Heidegger s'y attelle[84]. On perçoit déjà pourquoi la pensée de Heidegger a été qualifiée d'anti-humaniste.

L'homme en tant qu'être au monde modifier

Heidegger pense qu'on ne peut définir l'homme à partir de lui-même, qu'il est toujours dans un rapport à une totalité, à une extériorité, à un autre que lui-même, que ce « rapport à » est essentiel, qu'il appartient à son être, d'où l'introduction du concept fondamental d' « Être-au-monde »[85].

  • Être-au-monde n'est pas « être dans le monde ». Le Dasein n'est pas comme les choses dans le monde, le monde est son affaire, il n'y est pas indifférent.
  • Les caractères d'être du Dasein ne sont pas ceux des choses (les catégories). On les distingue par l'appellation « existentiaux ».
  • Le plus souvent le Dasein vit en familiarité avec son monde. Il y établit son « séjour » ou il y « habite », il y « travaille ».
  • Cette familiarité est néanmoins trompeuse , le Dasein est essentiellement toujours, étranger à son propre monde, Unheimlichkeit, sans abri, exposé à la violence de l' être[86]
  • Ce monde dans lequel il cherche refuge , le préoccupe, il n'y est pas indifférent. Cette préoccupation (Besorgen) est la forme première « du Souci ». Jamais l'homme ne porte un pur regard de spectateur sur le monde, même pas théoriquement.
  • Ce phénomène d'« Être-au-monde » est toujours mésinterpété, car le Dasein s'identifie aux choses et ainsi se condamne à ne pas voir la spécificité de son essence et à croire pouvoir s'interpréter lui-même par la connaissance objective réduite à la seule relation sujet/objet.
  • Or la connaissance elle-même n'est qu'une modalité de l'« être-au-monde ». Elle dérive de l'ouverture du monde, elle n'en est ni le préalable ni la condition. Il n'y a donc pas une intériorité d'un sujet à transcender, une autonomie d'un objet et pas de problème de connaissance direct entre le sujet et l'objet. Le problème de la connaissance n'est pas fondé sur le phénomène du connaître.

L'homme en tant qu'existant modifier

Après avoir dégagé les structures formelles de « l'être-Là », Heidegger s'attache à cerner la mobilité du vivant en prenant appui sur la conceptualité aristotélicienne ( Rhétorique II, 2-20 et II, 5). Il en dégage des concepts oubliés qui seront enrichis de motifs néo-testamentaires [87].

La phénoménologie des affects modifier

L'affection se dit d'un être qui peut être altéré, c'est le pathos d'Aristote :

  1. le « pâtir » vise l'étant qui a la possibilité d'être affecté et concerné par quelque chose ;
  2. il fait signe aussi vers l'état de mouvement, le fait que quelque chose m'arrive ;
  3. c'est aussi les altérations déjà accomplies ;
  4. le plus souvent il s'agit d'altérations nocives, mais pas toujours, je suis un être affecté[88].

Seul l'être du vivant est susceptible de « pathos ». Heidegger note que pour Aristote, c'est bien « l'être intégral » qui est altéré, et non simplement une partie, affecté par le monde dans lequel baigne le Dasein. « c'est l’intégralité du vivant comme « être-au-monde » charnel qui se trouve emporté »[89]. Le pathos implique un changement brusque, un saut d'humeur de « l'être-emporté ». À partir de ces éléments Heidegger forge son concept de Befindlichkeit, disposibilité. Pour résumer, une disposition, affectée se transporte dans une nouvelle disposition, celle-là même dans laquelle on est porté ainsi « c'est en se réjouissant qu'il se transporte dans la joie comme telle ».

Heidegger retiendra d'Aristote que l'état affectif (le pathos du vivant), la Befindlichkeit est aussi une inclination clivée qui s'accompagne de plaisir ou de peine, de légèreté ou de pesanteur.
La Befindlichkeit devient une disposition duale comme être dans la disposition d'être affecté et le mouvement comme « être-emporté » dans une autre disposition. Les motifs néo-testamentaires et augustiniens radicaliseront ces différences[90]. La triple concupiscence de la chair, des yeux et de l'ambition structurent la vie facticielle dans « un être qui sait toujours où il en est avec lui-même »[91].

L'affectivité dans Être et Temps modifier

La Befindlichkeit révèle :

  1. « l'être-jeté » et livré à lui-même ;
  2. « l'être-Là » de la vie en charge de lui-même ;
  3. sa nudité comme « être-exposé » au monde dans ce qu'il est, comme dans ce qu'il a « à être » ;
  4. de sa naissance à sa mort, l'être-Là est aussi l'esclave de sa nature, il est toujours pour son devenir asservi aux contraintes physiques et à la situation existentielle dans laquelle il se trouve jeté'[92].

Quoi qu'il en soit, c'est la Befindlichkeit, la disposibilité qui ouvre toujours l'intégralité de « l'être-au-monde » à son monde[93]. Précisément, « l'état affectif a toujours déjà ouvert le monde dans sa totalité »[94]. La Befindlichkeit implique préoccupation soucieuse ainsi qu'un double mouvement, poursuite en cas de désir ou fuite en cas de déplaisir.
Heidegger produit une analyse fouillée de la mobilité du Dasein voir résumé dans articles Dasein, phénoménologie de l'existence et Être-vers-la-mort.

  • le tourbillon du monde et l'égarement ;
  • l'évitement de soi-même et le verrouillement ;
  • la crainte ;
  • l'angoisse.
La nihilité du vivant humain modifier

Un des traits les plus caractéristiques du traitement qu'inflige Heidegger au statut de l'homme à travers le Dasein est son dépouillement absolu.

  • L'homme devient un être sans fondement : l'être-jeté signifie que le Dasein ne s'est pas posé lui-même, il a « à être » et à « être lui-même ». C'est à lui-même qu'il est remis, il a donc à être son propre fondement[95].
    On peut parler d'une double négativité la première c'est la négativité correspondant à son origine, en tant qu'« être jeté », il n'est pas maître de son origine, il n'existe qu'à partir d'elle. La négativité est constitutive de son tout premier « être-là » facticiel, et aussi d'une seconde négativité, celle relative à son existence. Le Dasein est ainsi toujours être-jeté-se-projetant (toujours en avance de lui-même) et doit se comprendre dans tel ou tel projet de soi en renonçant à d'autres. C'est cette double négativité qui est reprise par Heidegger dans le concept d'« Être-en-faute » ou « en dette » qui exempt de touteconnatation morale ou juridique révèle seulement un état de fait existentiel incontournable(voir § 58 Être et Temps ).
  • L'homme est au monde sans abri : l'Unheimlichkeit l'homme littéralement « sans chez Soi ». C'est dans cette situation d'errance dans le vide, cette situation de nudité, que le Dasein angoissé se trouve transporté, éjecté qu'il est, de la quiétude de son monde (Umwelt), caractérisé par la plénitude de sens, l'habitabilité et la familiarité. Or la constitution fondamentale du Dasein, son mode d'être fondamental, a été donnée, dés l'origine, par Heidegger, comme « être-au-monde » ; que devient alors cette constitution si ce monde tombe brusquement dans le néant ? C'est la question que se pose en conclusion Marlène Zarader[96]. Peut-on se contenter de répondre avec Heidegger que l'Unheimlichkeit est aussi par opposition, un mode essentiel de son rapport au monde, comme le type de présence que représente l'ami absent ?.

Bien que les développements directement axés sur le Dasein dominent largement le livre, ce sont ceux ayant trait au Monde et à la Mondanéité qui vont représenter, selon Marlène Zarader, la base la plus riche pour les développements ultérieurs de l'œuvre du philosophe[97].

Nouvelle conception du Monde modifier

Pour Heidegger le concept de Monde n'a de sens qu'à travers et pour le Dasein, toute autre approche interdit de saisir le phénomène en tant que tel. C'est pourquoi la notion dynamique de mondéité ou mondanéité l'emporte dans Être et temps sur toute description statique. C'est à travers les manières d'être du Dasein que le phénomène du monde va apparaître et non à travers les propriétés objectives des choses[98].

Le Monde comme phénomène modifier

Le Dasein n'existe que pour autant :

  • qu'il est au monde, qu'un monde soit déjà ouvert pour lui,
  • et il n'est au monde que pour autant qu'il est préoccupé, c'est-à-dire en commerce avec les choses du monde.
Récusation du concept cartésien modifier

L'ontologie cartésienne est dominée par la notion de substance héritée de la scolastique qui à aucun moment ne s'interroge sur les conditions originaires de la donation des phénomènes ; Descartes prescrit souverainement au monde son être véritable, une chose étendue dans un espace mathématique. Le monde pour Descartes est une sommation de choses, il impose sa distinction « substance pensante/chose corporelle », qui masque le rapport originel d'où dérive la conception traditionnelle et qui selon Heidegger se situe au niveau de « l'être au »… de « l'Être-au-monde »[99].

le monde comme ouverture modifier

La révélation de tout étant, quel qu'il soit, présuppose qu'un monde soit au préalablement ouvert. L'ouverture ( Ershlosssenheit ) a toujours déjà eu lieu. Toutefois le monde, n'étant pas un étant mais un existential, ne peut jamais en tant que tel, être découvert[100]. la traduction littérale de Erschlossenheit par ouverture néglige en fait, la nature existentiale du concept, c'est pourquoi Vezin préfère utiliser dans sa traduction d' Etre et Temps le terme étrange de Ouvertude « Le Dasein est son ouvertude » dit-il[101].

C'est parce que le Dasein a une compréhension pré-ontologique, naturelle, immédiate et générale que quelque chose, aussi bien que lui-même, peut lui apparaître.Deux traits sous-tendent cette pré-compréhension, la familiarité, et la significativité.

le monde comme préoccupation modifier

Au quotidien, l’étant se donne au Dasein dans la préoccupation (Besorgen), et non dans la visée théorétique d'un objet de connaissance. L'intentionnalité husserlienne est réinterprétée comme un se-soucier-de l'étant, dont la visée d'un objet de connaissance dérivera. Le Dasein utilise l’étant qui se donne à lui comme « util » (Zeug). Cette relation, est dominée par « l'en vue de…, » on se saisit d'un étant à-portée-de-la-main Zuhandenheit pour réaliser quelque chose. La préoccupation englobe les activités les plus diverses. Dans l'optique d'Être et Temps, la distinction qui importe n'est plus celle entre la pratique et le théorique mais entre la préoccupation qui discerne et le dévoilement théorique de l'étant[102].

les structures du Monde modifier

Il s'agit de mettre à jour les modes par lesquels le monde se donne à voir. Heidegger y distingue les structures de renvoi et les tournures :

  • structures de renvois et signes(§17).De même qu'il n' y a pas d'outil isolé, il n'y a pas d'outil qui serve à personne. C'est dans l'action entreprise en vue de… que l'outil dévoile son être, il est donc en son être renvoyé à autre chose qu'à lui-même. Pour distinguer l'outil de la chose indifférente, simplement là, Heidegger utilise le terme de Zuhandenheit, que l'on traduit par « disponibilité » ou mieux « maniabilité ». Ce qui m'est primitivement donné c'est l'étant-disponible, donc un en tant que… le pour-quoi qui commande.
    De proche en proche, toute la nature dans son caractère disponible, peut être découverte (la forêt réserve de bois, la carrière réserve de pierres pour la construction)[N 12]
  • tournures et conjointures(§18) Il n'y a d'ustensiles que dans la mesure où le monde qui les justifie est déjà compris..Heidegger prend l'exemple de la moissoneuse batteuse qui ne prend de signification qu'à l'intérieur de la ferme et de l'exploitation agricole C'est cet enchassement qu'Heidegger dénomme Bewandtnis, traduction Martineau « tournure » qui de proche en proche mettent en découvert, le monde. D'autre part, dans chaque monde (la ferme, l'atelier, la salle de bains, l'église…) les choses y destinées sont à leur place, c'est ce que traduit le terme de conjointure. Tout monde est une entièreté de conjointures dont le point d'attache se trouve dans un « à dessein de quelque chose » pour le Dasein[103] C'est pourquoi l'on peut dire que la découverte, du, ou des mondes, précèdent celle des choses dans les tournures et les conjointures qui leur sont propres[104]. Le Dasein quotidien appartient essentiellement à un monde avec lequel il est étroitement relié.
le problème de l'intramondanéité modifier

La maniabilité doit s'accompagner de proximité (§22). Le marteau doit être à sa place sur l'établi à peine de perdre son statut d'ustensile. La place va de pair avec la tournure[105]. Chaque objet a sa place et les places sont regroupées en contrées correspondant à des tournures. Ici l'espace est phénoménologique en rapport avec la préoccupation soucieuse du Dasein, pour qui la spatialisation est un existential.

y a-t-il un monde comme tel? modifier

La question de savoir s'il peut être parlé d'un monde comme tel, c'est-à-dire d'un monde qui ne serait pas le monde ambiant du Dasein ne trouve pas de solution explicite dans Être et Temps, ou plutôt les deux positions peuvent y être soutenues, remarque Marlène Zarader [106].

La mondéité modifier

Le terme de mondéité Weltlichkeit suggère un lien essentiel entre le monde découvert et les manières d'être du Dasein, lien que l'ontologie classique a systématiquement négligé[98]. Heidegger distingue du sens « ontico-existentiel » de monde dans lequel tel ou tel Dasein vit, par exemple le monde mondain de Proust, le monde religieux du croyant [107] etc., le sens « ontologico-existential », la mondanéité de ces mondes, c'est-à-dire leur sens d'être ou l'à-priori qui structure tout monde. Rappelons la mondéité est dans Être et Temps,un existential qui appartient à la structure d'être du Dasein
Heidegger débute son analyse à partir du monde ambiant quotidien (Umwelt). Familier de ce monde le Dasein circonspect s'y meut librement, sans nécessairement en avoir conscience. L'être du monde sous-jacent peut soudain se dévoiler :

  1. suite à un mode déficient de la préoccupation (§16) Soit que l'outil s'avère inutilisable dans sa fonction, soit qu'il fasse simplement défaut, là ou au momemt, où il était recherché, soit qu'il fasse obstacle à l'utilisation d'un autre outil, interrompt la suite des renvois et révèle du même coup le complexe d'outils en vue de… Ce qui était implicite devient manifeste ( pensons perte d'une clef de voiture et à toutes ces conséquences possibles), tout le réseau de nos habitudes journalières se trouve bloqué
  2. suite à un renvoi qui fait signe L'idée est que nous pouvons nous diriger, nous orienter dans un monde complexe par des signes composés de flèches, de panneaux, d'enseignes, d'insignes, d'uniformes, de bannières qui me disent ce que j'ai à faire, en me révélant ce qu'il en est du monde ambiant dans lequel je me trouve et, comment je dois m'y comporter. Non seulement le signe montre le monde ambiant mais en plus il nous montre comment il fonctionne (l'uniforme, les insignes, le drapeau dans une caserne)[108]
  3. suite à un effondrement de la familiarité dû à l'ennui ou à l'angoisse. L'angoisse détruit progressivement toutes les déterminations (familiarité, significativité, habitation) qui faisaient du monde un Monde pour le Dasein. Les structures, les réseaux et les finalités, d'abord absurdes finissent par disparaître, il ne reste que l'idée d'une perte, d'une absence qui jette le Dasein face à la pure nudité de son existence. Mais le Dasein pourrait-il continuer à satisfaire à sa propre essence « d'être-au-monde » si quelque chose comme une pure mondanéité ne se survivait pas? C'est la question que se pose Marlène Zarader[109]. Pour certains critiques l'angoisse ne dévoile que le caractère purement ex, istential de la mondéité et non le monde en soi.
  4. conséquence positive, en interdisant tout refuge dans le « On », l'angoisse a pour conséquence de singulariser le Dasein autrement dit autorise l'émergence d'un Soi singulier [N 13]
  5. La question du monde va dans une ultime étape déborder la question d'origine du sens de l'être[110],[111] .

Nouvelle conception de l'Histoire modifier

Au paragraphe (73) de Être et Temps Heidegger détaille phénoménologiquement en quatre points pour la critiquer ce qu'il appelle l'entente courante de l'Histoire. Heidegger remarque que ces quatre types de significations (réalité historique, provenance, science historique, passé ) prises ensemble, ont à voir, dans une manière à préciser, avec l'existence temporelle du Dasein à travers laquelle l'histoire peut seulement prendre Sens et Cohérence. En étant historial le Dasein montre comment l'histoire, sous forme de reprise des possibilités facticielles délivrées par la tradition intervient pour compléter sa contingence initiale à laquelle il serait, sans elle, condamné dans son « Être-jeté »[112]

L'échec d'Être et Temps modifier

Échec tout relatif, compte tenu de la dimension dans laquelle évoluent les deux seules sections écrites, on devrait plutôt parler de non aboutissement par rapport aux intentions de l'œuvre[113]. Il s'agissait d'élaborer la question du sens de l'Être en général et non pas seulement la signification temporelle du Dasein. La troisième section devait effectuer ce passage et établir le temps en tant qu'horizon de compréhension. Cette troisième section n'a jamais reçu une rédaction définitive.

Heidegger reconnaît qu'Être et Temps est resté prisonnier de la langue de la métaphysique et qu'elle ne pouvait en conséquence exprimer cela qui tente de la dépasser[114]. Toute l'analyse existentiale par exemple est restée très proche du schéma du sujet transcendant dont elle voulait absolument se distinguer. Le traitement du concept d'ouverture, par exemple, fait appel au schème platonicien de la lumière avec les idées d'horizon et de clairière. Il n'en sera plus de même après ce que l'on appellera le « tournant » dans la pensée d'Heidegger, où l'homme n'apparaîtra plus comme configurateur de monde, mais comme le « berger de l'être, c'est une autre histoire de la pensée qui commence avec comme œuvre majeure les Beiträge zur Philosophie (Vom Ereignis).

Les percées d'Être et Temps modifier

La plupart des sciences humaines contemporaines ont puisé, à un moment ou à un autre, dans l'œuvre de Heidegger et particulièrement dans Être et Temps.
Sur un plan purement théorique trois autres percées méritent d'être soulignées.

  1. La nature quadrimensionnelle du Temps véritable :
    « Les choses futures ou passées font à leur manière mouvement dans le présent. Dans chacune des trois dimensions de la temporalité joue donc un mouvement d'entrée en présence ou de présentation que Heidegger considère comme une quatrième dimension du temps (l'Anwesen)[115] ». De ces quatre dimensions cette dimension extatique, de l'Anwesen, de l'entrée en présence, est la principale.
  2. L'intentionnalité spécifique de la vie et son sens d'accomplissement. La mobilité de la vie n'est pas une somme de mouvements dispersés; elle a un sens, le sens d'accomplissement[116]. Heidegger a mis à jour la structure intentionnelle de la vie facticielle à travers le ternaire suivant ; Gehaltsinn (teneur de sens), Bezugsinn (sens référentiel), Vollzugsinn (sens de l'effectuation). Le Gehaltsinn correspond à la catégorie phénoménologique de Monde. Le Bezugsinn au Souci qui découvre le monde comme signifiant. Le Vollzugsinn correspond à la mobilité de la vie, attirance, répulsion, foi, extase, amour etc. Pour une analyse approfondie de ces concepts se référer à Jean Greisch[8]; accomplir, est appropriation des phénomènes dans à chaque fois une situation concrète ainsi de Proust qui goûtant sa madeleine est immédiatement transporté de tout son être sensible dans son enfance auprès de sa tante. La vie surgit ici dans sa pure facticité.
  3. Une nouvelle conceptualité pour l'interprétation de la foi chrétienne en collaboration avec le théologien Rudolf Bultmann C'est autour de leur commune conception de la structure ontologique de l'homme et de son historicité que le rapprochement a eu lieu au point que l'on a pu dire que l'analytique existentiale pourrait paraître calquée sur la représentation néo-testamentaire du Dasein[117]. Le Dasein jeté et exposé, en souci de lui-même, est « à chaque fois » dans l'instant de la décision, dans son kairos, éclairé par sa conscience offre un modèle plus apte pour expliciter le comment de ses choix que l'animal raisonnable ou le sujet cartésien de la tradition. Les bases de ces analyses qui s'appuient sur les textes religieux du premier christianisme ont été posées dans les cours du début des années 1920 et repris dans Phénoménologie de la vie religieuse. Comme l'homme du Nouveau Testament, attentif à la grâce, le Dasein est invité à exercer pleinement sa liberté vis-à-vis du monde mais aussi vis-à-vis de lui-même.

Commentaires sur Sein und Zeit modifier

  • De Maurice Blanchot ,« Grâce à Emmanuel Levinas, sans qui, dès 1927 ou 1928, je n'aurais pu commencer à entendre Sein und Zeit, c'est un véritable choc intellectuel que ce livre provoqua en moi. Un événement de première grandeur venait de se produire : impossible de l'atténuer, même aujourd'hui, même dans mon souvenir »[118]

Références modifier

  1. Être et Temps de Martin Heidegger collectif Questions de méthode et voies de recherche SUD 1989 Avant propos page 8
  2. Être et Temps traduction Emmanuel Martineau http://t.m.p.free.fr/textes/Heidegger_etre_et_temps.pdf
  3. Jean Greisch, Ontologie et temporalité : Esquisse systématique d'une interprétation intégrale de Sein und Zeit, Paris, PUF, 1994
  4. Marlène Zarader Lire Être et Temps de Heidegger Histoire de la philosophie VRIN 2012
  5. voir article Être et Temps dans Dictionnaire Martin Heidegger sous la direction de Philippe Arjakosky-François Fédier-Hadrien France-Lanord Cerf 2013 page 446
  6. Christian Dubois Heidegger , Introduction à une lecture, SEUIL,coll points Essais ,2000 page 17
  7. Christian Dubois op cité 2000 page 18
  8. a et b Greisch 1994
  9. Françoise Dastur, Heidegger et question du temps, Philosophies Pluriel, PUF 1990 page 28
  10. Heidegger par Alain Boutot Que sais-je? PUF 1989 page18
  11. Marlène Zarader op cité 2012 page 35
  12. a et b Greisch 1994, p. 75 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Greisch1994p25 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  13. Marlène Zarader op cité 2012 page 37
  14. Françoise Dastur Heidegger Bibliothèque des Philosophies VRIN 2007 page 127
  15. Corvez 1961, p. 2
  16. Alexander Schnell De l'existence ouverte au monde fini Heidegger 1925-1930 bibliothèque d'histoire de la philosophie VRIN 2005 page 37-38
  17. Marlène Zarader op cité 2012 page 40-41
  18. Heidegger par Alain Boutot Que sais-je? PUF 1989 page 23 
  19. Christian Dubois Heidegger , Introduction à une lecture, SEUIL, coll points Essais, 2000 page 22-23
  20. Alexander Schnell De l'existence ouverte au monde fini Heidegger 1925-1930 bibliothèque d'histoire de la philosophie VRIN 2005 page 11
  21. Marlène Zarader op cité 2012 quatrième de couverture
  22. Dubois 2000, p. 28
  23. Greisch 1994, p. 83
  24. Christian Dubois Heidegger , Introduction à une lecture, SEUIL,coll points Essais ,2000 pages 21à 28
  25. Françoise Dastur ,Heidegger et question du temps Philosophies Pluriel PUF 1990 page 32
  26. Greisch 1994, p. 93
  27. Greisch 1994, p. 73
  28. Françoise Dastur ibid page 33
  29. Greisch 1994, p. 92
  30. Marlène Zarader op cité 2012 page 72
  31. Marlène Zarader ibid VRIN 2012 page 78
  32. Jean Greisch ibid PUF 1994 page 101
  33. Greisch 1994, p. 48
  34. Alain Boutot, dans la préface de Heidegger 2006, p. 13.
  35. Alain Boutot, dans la préface de Heidegger 2006, p. 17-18
  36. Greisch 1994, p. 85
  37. Greisch 1994, p. 4-64
  38. Jean Greisch op cité 1994 pages 1 à 64
  39. a et b Jamme 1996, p. 221-236 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Jamme1996 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  40. Boutot 1989, p. 19.
  41. Boutot 1989, p. 39.
  42. Boutot 1989, p. 39.
  43. Heidegger 2012.
  44. Lettre sur l'humanisme, trad. franç par Roger Munier, Paris, Éditions Montaigne, 1957, 189 p.69
  45. Beaufret 1973, p. 211.
  46. Dubois 2000, Page de garde.
  47. Les Problèmes fondamentaux de la phénoménologie 1927.
  48. Les concepts fondamentaux de la Métaphysique Monde-finitude-solitude 1929-1930.
  49. Prolégomènes à l'histoire du concept du temps 1925.
  50. Greisch 1994, p. 30
  51. Heidegger 2012, p. 10
  52. Voir la préface Alain Boutot dans Heidegger 2012, p. 11
  53. Dastur 2011, p. 130
  54. Bergson 1990
  55. Écouter à ce sujet : Raphaël Enthoven (anim.) ; Philippe Chevallier, Catherine Malabou et Philippe Cabestan (invités), « Etre et temps 3/5 : La temporalité », sur Les Nouveaux chemins de la connaissance, France Culture, (consulté le ).
  56. Greisch 1994, p. 264
  57. Zarader 1990
  58. Camille Riquier, dans Jollivet et Romano 2009
  59. Camille Riquier 2009, p. 49
  60. Voir La temporalité du Dasein dans l'article Dasein.
  61. Cristian Ciocan, dans Arrien et Camilleri 2011, p. 232
  62. Alain Boutot Heidegger Que sais-je? PUF 1989 page24
  63. Christian Dubois op cité 2000 page 25
  64. Christian Dubois op cité 2000 page 25
  65. Alain Boutot Heidegger Que sais-je? PUF 1989 page25
  66. Christian Dubois op cité 2000 page 34
  67. Marlène Zarader op cité 2012 page 102
  68. Christian Dubois op cité 2000 page 36
  69. Alain Boutot op cité 1989 page 29
  70. Christian Dubois op cité 2000 page 35
  71. Christian Dubois op cité 2000 page 34
  72. Alexander Schnell op cité 2005 page 59
  73. Franck 1986, p. 31
  74. Larivée et Leduc 2001, p. 30-50
  75. Greisch 1994, p. 114
  76. Jean Greisch, Ontologie et temporalité. Esquisse systématique d'une interprétation intégrale de Sein und Zeit, PUF, 1994 page 263
  77. Heidegger 1989, p. 319-323
  78. Annie Larivée,Alexandra Leduc, Saint Paul, Augustin et Aristote comme sources..Revue Philosophie n 69 Ed de Minuit page 37
  79. Françoise Dastur, Heidegger et la question du temps, PUF, coll. « Philosophies », 1990
  80. Jean Greisch op cité 1994 page 388
  81. Jacques Rivelaygue op cité page 264
  82. Zarader 2012, p. 95
  83. Martin Heidegger : Séminaires de Zurich Actu philosophia http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article245
  84. Zarader 2012, p. 95-96
  85. Zarader 2012, p. 100-113
  86. Gerard Guest Séminaire Paroles des Jours Conférence 31 eme 05/2013 vidéo 5 L'être humain comme deinotaton, violence et contre-violencehttp://parolesdesjours.free.fr/seminaire.htm
  87. Sommer 2005, p. 121-232
  88. Sommer 2005, p. 125
  89. Sommer 2005, p. 127
  90. Sommer 2005, p. 137
  91. Voir phénoménologie de l'existence
  92. Sommer 2005, p. 140
  93. Sommer 2005, p. 143
  94. Heidegger 1986, p. 181
  95. Dubois 2000, p. 79
  96. Zarader 2012, p. 407
  97. Zarader 2012, p. 405-412 : conclusion
  98. a et b Greisch 1994, p. 129
  99. Greisch 1994, p. 143-147
  100. Zarader 2012, p. 156
  101. Heidegger 1986, p. 177
  102. François Vezin, dans Heidegger 1986, note p. 544
  103. François Vezin, dans Heidegger 1986, note p. 551
  104. Greisch 1994, p. 140-141
  105. Greisch 1994, p. 149
  106. Marlène Zarader Lire Etre et Temps de Heidegger Histoire de la philosophie VRIN 2012 page 327
  107. Dubois 2000
  108. Zarader 2012, p. 143
  109. Zarader 2012, p. 407-408
  110. par Jean Beaufret dans En chemin avec Heidegger Cahier de l'Herne biblio essai page 220
  111. Marlène Zarader ibid2012 page de garde
  112. Jacques Rivelaygue Le Problème de l'Histoire dans Être et Temps, Être et Temps de Martin Heidegger collectif Questions de méthode et voies de recherche SUD 1989 pages 263-264-265
  113. Boutot 1989, p. 38
  114. Gerard Guest p13 03/2005 Ligne de Risques voir:http://parolesdesjours.free.fr/evenement.pdf
  115. Boutot 1989, p. 57-58
  116. Dewalque 2011, p. 64-65
  117. Malet 1962
  118. Christophe Bident, Maurice Blanchot. Partenaire Invisible, Seyssel, Champ Vallon, 1998 page 44

Notes modifier

  1. A noter que le livre de Marlène Zarader, contrairement à celui de Jean Greisch, est un commentaire qui ne concerne que la première section de Être et Temps, les paragraphes 1 à 44 c'est-à-dire l'analyse préparatoire du Dasein
  2. Comme le souligne Marlène Zarader ce thème de l'oubli se verra remplacé trés rapidement aprés Être et Temps par celui du retrait de l'être
  3. L'entrée du concept de Dasein à l'orée d' Être et Temps n'implique pas sa définition immédiate car tout [Être et Temps] est nécessaire précisément à cette analyse remarque Christian Dubois 2000 ibid page 23
  4. « Auucune ontologie régionale, quelque puissante et utile qu'elle soit face aux questionnements simplement ontique des sciences, ne saurait se suffire à elle-même. Pour pouvoir déterminer l'être de l'étant etudié, chacune a besoin de l'éclairage préalable du « sens de l'être » dont l'élucidation relève de l'« ontologie fondamentale » » Greisch 1994 page 83
  5. Le cours intitulé Les problèmes fondamentaux de la phénoménologie comme le souligne son traducteur Jean-François Courtine dans l'avertissement introductif se présentent comme une nouvelle élaboration de cette troisième section qui n'a jamais été publiée Martin Heidegger Gallimard 1989
  6. « Temps et Être », c'est le titre attribué à une conférence de 1962 publiée dans Question IV Tel Gallimard
  7. « Livre fourmillant, pluriforme, Être et Temps est pourtant tendu par une unique question, ou mieux, par l'essai de trouver un sol qui permette de la poser » Christian Dubois Heidegger , Introduction à une lecture, SEUIL, coll points Essais, 2000 page 17
  8. La Métaphysique pense l'étant comme tel et dans son tout à partir du retrait en lui de l'être et de sa vérité[45].
  9. Les sciences ont besoin, même si elles ne l'expérimentent pas, d'une fondation philosophique de leur domaine qui en son essence est une fondation autre que l'auto-fondation scientifique, d'un systèmes d'ontologies régionales ouvert par la philosophie-Christian Dubois op cité 2000 page 25
  10. Alexander Schnell souligne en note bas de page 59 : le fait d'avoir « à être », ne signifie pas une sorte de devoir moral, car sinon on confèrerait à l'être-là une essence qu'on lui demanderait de réaliser ; l' « à-être » exprime simplement l'idée que l'être spécifique de l'être-là consiste pour celui-ci non pas à correspondre à son essence mais à se donner les possibilités d'être
  11. Plusieurs contributions sur le site développent l'un ou l'autre des points soulevés:

    Dans l'article Dasein on trouvera une section consacrée à la temporalité du Dasein et une section consacrée à la dynamique du Dasein dans l'article Être-en-faute une section consacrée à la Voix de la Conscience

  12. L'être des ustensiles c'est leur maniabilité Zuhandenheit .Et c'est précisément parce que le bmaniement n'est pas consécutif à une représentation, que la maniabilité n'est pas une simple présence Vorhandenheit sur laquelle se grefferait une nouvelle propriété Emmanuel Levinas En découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger VRIN 1988 page 63
  13. « L'angoisse qui oppresse révèle l'« être-au » comme constitution fondamentale du Dasein, une constitution qu'elle permet de ressaisir dans son unité et sa simplicité » Marlène Zarader Lire Etre et Temps de Heidegger Histoire de la philosophie VRIN 2012 page 331-332

Bibliographie modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier