Utilisateur:Ronaldo Bergamote/Irène Frachon
Nom de naissance |
Irène Allier |
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Irène Frachon, née Irène Allier, est une pneumologue française, née le à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).
En poste au centre hospitalier universitaire de Brest, elle joue un rôle décisif dans l'affaire du Mediator (benfluorex), médicament utilisé comme coupe-faim, commercialisé en France par les laboratoires Servier de 1976 à 2009, et ayant provoqué la mort de nombreux patients jusqu'à son retrait en 2009.
Biographie
modifierFamille
modifierIrène Allier est issue d’une famille protestante des Charentes et revendique l'influence d’Albert Schweitzer[1].
Ses parents sont ingénieurs[1]. Son grand-père maternel, l’amiral Hubert Meyer, est chargé en 1944 de négocier la reddition du commandant allemand des poches de La Rochelle et de Rochefort[2]. Son grand-père paternel est le banquier Jacques Allier[3], chargé en 1940 de sécuriser l'eau lourde dans le cadre de ses fonctions d'attaché au cabinet du ministre Raoul Dautry[1]. Elle est l'arrière-petite-fille de Raoul Allier, doyen de la faculté de théologie protestante de Paris et dreyfusard[4].
Irène Allier est mariée à Bruno Frachon, polytechnicien et ingénieur général de l'armement[5], spécialiste en hydrographie maritime : celui-ci a notamment été directeur général du service hydrographique et océanographique de la Marine de 2010 à 2019 et a été nommé, en août 2020, conseiller « industrie et relance » de la ministre de la Mer Annick Girardin[6]. Ils sont parents de quatre enfants[7].
Carrière
modifierElle obtient son diplôme de docteur en médecine en 1988. Elle se spécialise en pneumologie à l’hôpital Antoine-Béclère à Clamart où elle est interne en 1990[8], puis exerce à l’hôpital Foch de Suresnes. En 1996, son mari est muté en Bretagne et elle prend un poste au centre hospitalier universitaire de Brest[9]. Elle y crée un centre spécialisé dans la prise en charge de l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP).
Affaire du Mediator
modifierEn 2007, Irène Frachon constate un cas d'HTAP chez une patiente traitée par le benfluorex (principe actif du Mediator), un médicament commercialisé en France depuis 1976 par les laboratoires Servier comme traitement du diabète et de l'hypertriglycéridémie. Précédemment alertée sur des problèmes similaires dus à une molécule de la même famille également commercialisée par les laboratoires Servier, la dexfenfluramine (de nom commercial « Isoméride »), interdite en 1997 pour toxicité cardio-pulmonaire, elle débute une enquête. Elle s'aperçoit que le benfluorex est une molécule coupe-faim dont les propriétés anorexigènes sont niées par les laboratoires Servier et que son métabolite principal, la norfenfluramine, est connu depuis au moins 2000 pour être toxique sur les valves cardiaques et les vaisseaux pulmonaires. Elle réalise plusieurs études scientifiques (études de cas[10] et étude épidémiologique cas-témoins[11]) qui confirment ses inquiétudes (cas d'HTAP et de valvulopathies chez des patients exposés au benfluorex) aboutissent au retrait du médicament en par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Le nombre de morts est estimé entre cinq cents[12] et plusieurs milliers[13].
Quelques mois plus tôt, en , Irène Frachon avait publié Mediator 150 mg : combien de morts ?, livre relatant tout son combat pour faire interdire le benfluorex. Le sous-titre Combien de morts ? fait l'objet d'un procès en référé à Brest, intenté par les laboratoires Servier, lesquels ont estimé cette mention « accusatoire grave, inexacte et dénigrante[14] ». Le jugement, en faveur du laboratoire, est annulé en par la cour d'appel de Rennes[15]. Elle reçoit le , le prix « Éthique », catégorie « lanceur d’alerte citoyen », lors des prix « Éthiques et Casseroles 2011 » de l’association Anticor.
En 2015, elle proteste publiquement contre la promotion au grade de commandeur de la Légion d'honneur de Henri Nallet, qui était conseiller spécial et personnel de Jacques Servier entre 1997 et 2008, à l'époque où l'attitude des laboratoires Servier a été la plus critiquable[16]. La remise de sa distinction est, en conséquence, mise en suspens[17]. Elle-même refuse la Légion d'honneur[18].
Le biopic La Fille de Brest en 2016 présente son rôle dans la mise en évidence de la responsabilité du Mediator dans la survenue de valvulopathies chez les utilisateurs du produit[19].
Le 21 mars 2021, l'ANSM est condamnée par le tribunal correctionnel de Paris pour blessures et homicides involontaires par négligence, jugement dont elle ne fait pas appel. Les laboratoires Servier sont reconnus coupables de tromperie aggravée et blessures et homicides involontaires mais relaxés du délit d'escroquerie et d'obtention indue d'autorisation de mise sur le marché. Ils sont condamnés à 2,7 millons d'euros d'amende[20]. Irène Frachon déclare dans une interview au journal Le Monde que ce procès est « une occasion ratée » car « bien que la tromperie soit reconnue, le signal envoyé est anormalement faible » et dit espérer un appel du Parquet[21]. Le parquet de Paris fait appel des relaxes prononcées et les laboratoires Servier font appel de leurs condamnations.
Le 20 décembre 2023, la Cour d'appel de Paris confirme la condamnation des laboratoires Servier pour tromperie aggravée et blessures et homicides involontaires. Elle les condamne également pour escroquerie et obtention frauduleuse d'autorisation de commercialisation, infirmant les relaxes prononcées en première instance. Les laboratoires Servier sont condamnés à une amende de 9,73 millions d'euros ainsi qu'au remboursement du montant de l'escroquerie estimé à plus de 415 millions d'euros[22]. Irène Frachon salue « un jugement à la hauteur », « c'est-à-dire une analyse extrêmement rigoureuse, impressionnante techniquement, belle humainement et juridiquement »[23].
Pandémie de Covid-19
modifierEn , Irène Frachon appelle les individus hésitants, notamment ceux qui invoquent le scandale du Mediator pour justifier leur méfiance, à se faire vacciner contre la Covid-19[24].
Publications
modifier- Ouvrages
- Mediator 150 mg : combien de morts ? (postface Rony Brauman), Brest, éd. Dialogues, coll. « Ouvertures », , 148 p., 21 cm (ISBN 978-2-918135-14-2).
- Mediator 150 mg : sous-titre censuré (postface Rony Brauman), Brest, éd. Dialogues, coll. « Ouvertures », , 148 p., 21 cm (ISBN 978-2-918135-17-3).
- Marc Dantan et Irène Frachon, Visages du Mediator, Paris, Prescrire, , 208 p.
- Irène Frachon, Eric Giacometti et François Duprat (dessin), Médiator, un crime chimiquement pur, Delcourt, , 200 p. (ISBN 9782413039396).
- Articles
- « Mediator, Passer le relais », in Esprit, , [lire en ligne]
Notes et références
modifierNotes
modifier
Références
modifier- Krémer 2016.
- Estelle Saget, « Irène Frachon: "Je suis devenue, sans le vouloir, Mediatorologue" », sur LExpress.fr, (consulté le )
- Cabanel et Encrevé 2020, entrée « Allier, Jacques ».
- Émeline Cazi, « Irène Frachon, vigie de la santé », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- De la promotion X1976, cf. « Fiche de Bruno Frachon », sur le site de l’association des anciens élèves et diplômés de l'École polytechnique (l’AX), Paris (consulté le ) ; y est notamment indiqué le grade de Bruno Frachon dans la fonction publique : « ingénieur général de l'armement ».
- Arrêté du 19 août 2020 portant nomination au cabinet de la ministre de la mer
- Eric Favereau, « Du cœur au ventre », sur Libération.fr, (consulté le )
- Pierre Bienvault 2010.
- Eric Favereau, « Irène Frachon, au nom des victimes », sur liberation.fr, (consulté le ).
- (en) K. Boutet, I. Frachon, Y. Jobic et C. Gut-Gobert, « Fenfluramine-like cardiovascular side-effects of benfluorex », European Respiratory Journal, vol. 33, no 3, , p. 684–688 (ISSN 0903-1936 et 1399-3003, DOI 10.1183/09031936.00086308, lire en ligne, consulté le )
- (en) Irène Frachon, Yves Etienne, Yannick Jobic et Grégoire Le Gal, « Benfluorex and Unexplained Valvular Heart Disease: A Case-Control Study », PLoS ONE, vol. 5, no 4, , e10128 (ISSN 1932-6203, PMID 20405030, PMCID PMC2853566, DOI 10.1371/journal.pone.0010128, lire en ligne, consulté le )
- Catherine Hill, « Mortalité attribuable au benfluorex (Mediator®) », La Presse Médicale, vol. 40, no 5, , p. 462–469 (DOI 10.1016/j.lpm.2011.03.001, lire en ligne, consulté le )
- (en) Agnès Fournier et Mahmoud Zureik, « Estimate of deaths due to valvular insufficiency attributable to the use of benfluorex in France », Pharmacoepidemiology and Drug Safety, vol. 21, no 4, , p. 343–351 (ISSN 1053-8569 et 1099-1557, DOI 10.1002/pds.3213, lire en ligne, consulté le )
- « Le livre "Mediator, combien de morts ?" attaqué en justice. Décision le 7 juin », sur letelegramme.fr, (consulté le )
- Anne Jouan 2011.
- « Légion d'honneur d'Henri Nallet : La lettre au président d'Irène Frachon », sur Libération.fr, (consulté le )
- Anne Jouan, « Mediator : la Légion d'honneur d'Henri Nallet en suspens », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le )
- Cabanel et Encrevé 2020, entrée « Frachon, Irène ».
- « Mediator : Irène Frachon "très heureuse" que le scandale soit porté au cinéma », sur leparisien.fr, (consulté le )
- « Procès du Médiator : chronologie d’un scandale sanitaire », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
- « Irène Frachon : « Ce procès Mediator est une occasion ratée » », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- Communiqué de presse du 20 décembre 2023 de la Cour d'appel de Paris, disponible ici.
- « Mediator : pour la lanceuse d'alerte Irène Frachon,"la décision est magnifique, cette fois, le jugement est à la hauteur" », sur midilibre.fr (consulté le )
- Elsa Mari, « “Les études sont sérieuses, faites-moi confiance, allez vous faire vacciner” : l’appel d’Irène Frachon aux récalcitrants », sur leparisien.fr, (consulté le ).
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Pierre Bienvault, « Le long combat d'Irène Frachon contre le Mediator », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
- Patrick Cabanel et André Encrevé (dir.), Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours, Paris, Les Éditions de Paris Max Chaleil, (ISBN 978-2-84621-288-5).
- Anne Jouan, « Mediator : Irène Frachon gagne la bataille de la censure », sur LeFigaro.fr, (consulté le ).
- Pascale Krémer, « Irène Frachon : “Avec le Mediator, j’ai déterré un charnier”, entretien avec Pascale Krémer », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- Catherine Le Guen, « Mediator. La révolte du Dr Irène Frachon », sur Le Télégramme.com, (consulté le ).
Articles connexes
modifier- Lanceur d'alerte
- Affaire du Mediator - Benfluorex - Servier
- La Fille de Brest, film (2016) d'Emmanuelle Bercot
Liens externes
modifier- « Conférence d'Irène Frachon "Mediator, combien de morts ?" à Toulouse », GREP, (consulté le )
- « Conférence d'Irène Frachon - Le Mediator », sur espace-sciences.org, Espace des sciences, (consulté le )
- « Formadoct - Sociologues et lanceurs d'alerte face au catastrophisme », conférence-Débat avec Irène Frachon, Francis Chateauraynaud et Josquin Debaz à Brest, université Bretagne-Loire, (consulté le )